🡺Essor des modes alternatifs de règlement des conflits
Lorsque survient un différend entre justiciables, la saisine du juge constitue toujours un échec pour ces derniers.
Car en effet, porter son litige devant une juridiction c’est renoncer à son pouvoir de décision à la faveur d’une tierce personne.
Plus précisément, c’est accepter de faire dépendre son sort d’un aléa judiciaire, lequel est susceptible de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.
Certes, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction des éléments de preuve produits par les parties. Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera, en définitive, selon son intime conviction.
Or cette intime conviction du juge est difficilement sondable. Il y a donc bien un aléa qui est inhérent à toute action en justice, ce qui est de nature à placer les parties dans une situation précaire dont elles n’ont pas la maîtrise.
Au surplus, quelle que soit la décision entreprise par le juge – le plus souvent après plusieurs années de procédure – il est un risque qu’elle ne satisfasse aucune des parties pour la raison simple que cette décision n’aura, par hypothèse, pas été voulue par ces dernières.
Est-ce à dire que la survenance d’un litige condamne nécessairement les parties à une relégation au rang de spectateur, compte tenu de ce qu’elles n’auraient d’autre choix que de subir une solution qui leur aura été imposée ?
À l’analyse, la conduite d’un procès n’est pas la seule solution qui existe pour éteindre un litige ; il est une autre voie susceptible d’être empruntée.
Cette voie réside dans le choix de ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des conflits désignés couramment sous l’appellation générique de MARC.
Les MARC désignent tous les modes de règlement des conflits autres que le mode contentieux judiciaire traditionnel. Ils offrent la possibilité aux parties, seules ou avec l’aide d’un tiers, assistées ou non d’un avocat, d’être acteurs de leur propre litige.
Depuis le milieu des années 1990, les MARC connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.
Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…
Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :
- La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
- La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur
Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.
Dans sa décision rendue le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a affirmé que la démarche du législateur visant à réduire le nombre des litiges soumis au juge participe de la poursuite de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.
Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits, qui constituent autant d’alternatives au procès, il en est trois qui ont été particulièrement mis en avant à l’occasion des dernières réformes entreprises par le législateur : il s’agit de la conciliation, de la médiation et de la procédure participative.
Nous nous focaliserons ici sur la conciliation.
🡺Évolution
La conciliation est apparue en France dès l’époque révolutionnaire. Elle a été instituée, pour la première fois, par la loi des 16 et 24 août 1790, qui conférait aux juges de paix le pouvoir de statuer en équité pour les affaires dont ils étaient saisis.
Très vite ce pouvoir dont ils étaient investis a été regardé comme une mission consistant à inviter les parties à tenter une conciliation préalablement à l’introduction d’une instance.
Puis, cette mission de conciliation implicitement dévolue aux juges de paix a été consacrée par la loi du 25 mai 1838. Facultative dans un premier temps, la tentative de conciliation des parties est devenue un préalable obligatoire à l’instance contentieuse par la loi du 2 mai 1855.
Par suite, le législateur a fait franchir à la conciliation les portes de l’instance, en conférant au juge le pouvoir de convoquer les parties au cours du procès afin de tenter une nouvelle conciliation.
L’adoption du nouveau Code de procédure civile a marqué une étape décisive dans le développement de la conciliation en la généralisant à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, mais également en l’élevant au rang de principe directeur du procès civil.
Issu du décret n°75-1123 du 5 décembre 1975, l’article 21 du Code de procédure civile, toujours en vigueur aujourd’hui, dispose que « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »
Il ressort de cette disposition que la mission confiée au juge est désormais double :
- Trancher le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit applicables (art. 12, al. 1er CPC) ;
- Tenter de concilier les parties au lieu et au moment qu’il estime favorables (art. 21 CPC)
Dans les deux cas, l’objectif poursuivi est le même : la résolution du litige. Seule la voie empruntée diffère.
À cet égard, il peut être observé que le domaine de la conciliation déborde désormais le cadre de l’instance judiciaire, et ce à plusieurs titres :
En premier lieu, la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a, en effet, admis que le juge puisse déléguer la mission de conciliation, en cours d’instance, à une tierce personne.
L’article 129 du CPC prévoit en ce sens que « le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation ».
En second lieu, les parties ont dorénavant la faculté de solliciter l’intervention d’un conciliateur de justice en dehors de toute instance judiciaire.
L’article 1536 du CPC prévoit, en effet, que, en cas de survenance d’un litige, un conciliateur de justice « peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. »
Aussi, la conciliation ne relève plus du monopole du juge ; elle est devenue un mode de résolution amiable des différends autonome.
🡺Notion
Classiquement, la conciliation peut être définie comme le processus par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends.
Bien que très proche de la médiation, la conciliation s’en distingue sur plusieurs points :
- L’intervention d’une tierce personne
- À la différence de la médiation, la conciliation ne requiert pas nécessairement l’intervention d’un tiers.
- Ainsi, l’article 128 du CPC prévoit-il que « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance. »
- La médiation quant à elle ne se conçoit que lorsque, dans leur recherche d’accord, les parties sont assistées par une tierce personne : le médiateur.
- L’implication de la tierce personne désignée
- Lorsque la conciliation est conduite par une tierce personne, le conciliateur a pour mission de proposer une solution aux parties, alors que le médiateur est chargé de conduire les parties à trouver une solution d’elles-mêmes.
- Le tiers n’est ainsi pas impliqué de la même manière dans la conciliation et dans la médiation.
- Le coût du mode alternatif de résolution du litige
- Lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un conciliateur de justice, le service fourni est gratuit, le conciliateur étant un auxiliaire de justice bénévole.
- L’article R. 131-12 du Code de l’organisation judiciaire prévoit en ce sens que les conciliateurs de justice ont « pour mission, à titre bénévole, de rechercher le règlement amiable d’un différend ».
- Tel n’est pas le cas lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un médiateur, lequel exerce une profession libérale et qui, à ce titre, fournit son service aux parties moyennant le paiement d’honoraires.
🡺Domaine
Le domaine de la conciliation est des plus étendu. En effet, ce mode alternatif de règlement des litiges est abordé dans un titre qui relève du Livre 1er du Code de procédure civile.
Or ce livre s’intitule : « dispositions communes à toutes les juridictions ». Il s’en déduit que la conciliation est susceptible d’intervenir devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.
A cet égard, le domaine de la conciliation ne se limite pas au cadre judiciaire, puisqu’il peut y être recouru en dehors de l’instance. La conciliation peut, en effet, être conventionnelle. Elle sera alors régie par les dispositions qui relèvent du livre V du Code de procédure civile consacré à la résolution amiable des différends.
S’agissant de l’objet de la conciliation son domaine est, quant à lui, plus limité. En effet, bien qu’aucun texte ne l’énonce expressément, il est admis que la conciliation ne peut porter, à l’instar de la composition amiable ou de la transaction, que sur les seuls droits disponibles.
Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer et plus précisément un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.
Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.
Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.
Ainsi, selon cette distinction, une conciliation ne pourrait porter que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :
- Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
- Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)
Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :
- Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
- Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
- Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)
🡺Règles applicables
Si le recours à la conciliation a, dans un premier temps, été circonscrit au seul périmètre de l’instance, sous l’impulsion d’un législateur désireux de désengorger les juridictions et de favoriser la recherche d’accords amiables, elle s’est par suite développée en dehors du palais de justice, à telle enseigne que l’on identifie aujourd’hui deux sortes de conciliation :
- La conciliation judiciaire
- Il s’agit de celle qui relève de l’office du juge, lequel a notamment pour mission de concilier les parties
- Cette forme de conciliation est régie par :
- Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 127 à 131 du CPC
- Par des règles spéciales propres à chaque procédure applicable devant les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.
- La conciliation extrajudiciaire
- Il s’agit de la conciliation qui intervient en dehors de toute instance.
- Cette forme de conciliation relève de la catégorie des modes de résolution amiable des différends
- Elle est régie aux articles 1536 à 1541 du CPC
Dans cette étude, nous nous focaliserons, dans un premier temps, sur la conciliation judiciaire puis, dans un second temps, sur la conciliation extrajudiciaire.
I) La conciliation judiciaire
L’article 21 du CPC prévoit que « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »
Il ressort de cette disposition que la conciliation n’est pas un simple accessoire à l’instance. Elle fait partie intégrante de l’office du juge, de telle sorte qu’elle a été érigée par le législateur comme un principe directeur du procès civil.
Il en résulte que la mission de conciliation du juge n’est plus circonscrite au seul domaine des petits contentieux, comme cela était le cas lorsqu’elle était l’apanage des juges de paix ; la conciliation joue désormais en toutes matières et peut être exercée devant n’importe quelle juridiction relevant de l’ordre judiciaire.
A) Initiative de la conciliation
La conciliation peut être tantôt imposée par la loi, tantôt à l’initiative du juge ou des parties.
1. La conciliation imposée par la loi
Il est des cas où la loi impose aux parties de tenter de se concilier préalablement à la prise en charge de l’affaire par le juge auquel il reviendra, faute d’accord amiable trouvé entre ces dernières, de trancher leur différend.
La phase de conciliation est obligatoire notamment devant la juridiction prud’homale et devant le Tribunal paritaire des baux ruraux.
- La tentative de conciliation devant la juridiction prud’homale
- L’article R. 1454-10 du Code du travail prévoit que, après avoir été saisi, le bureau de conciliation et d’orientation doit entendre les explications des parties, mais également s’efforcer de les concilier.
- Ce n’est qu’en l’absence de conciliation ou en cas de conciliation partielle poursuit l’article R. 1454-18 que l’affaire est orientée vers le bureau de jugement approprié au règlement de l’affaire.
- La tentative de conciliation devant le Tribunal paritaire des baux ruraux
- L’article 887 du Code de procédure civile prévoit que « au jour indiqué, il est procédé, devant le tribunal, à une tentative de conciliation dont il est dressé procès-verbal »
- Ainsi, devant le Tribunal paritaire des baux ruraux la tentative de conciliation est obligatoire.
- À défaut de conciliation, ou en cas de non-comparution de l’une des parties, l’affaire est renvoyée pour être jugée à une audience dont le président indique la date aux parties présentes (art. 888 CPC).
2. La conciliation à l’initiative du juge
a. Principes généraux
La conciliation entrant dans la mission du juge (art. 21 CPC), il lui est reconnu la faculté d’en être à l’initiative « tout au long de l’instance » (art. 128 CPC).
À cet égard, le juge peut selon les circonstances :
- Soit proposer aux parties de tenter de se concilier
- L’article 129, al. 1er du CPC prévoit en ce sens que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe. »
- Ainsi, c’est au juge de déterminer au cours de l’instance s’il perçoit qu’un accord amiable est possible de proposer aux parties de tenter de se concilier.
- Soit imposer aux parties une tentative de conciliation
- L’article 129, al. 2 du CPC prévoit que « le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation, dans les conditions prévues par l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995. »
- Dans cette hypothèse, le juge cherchera à provoquer une conciliation en imposant aux parties de rencontrer une tierce personne : le conciliateur de justice.
- Soit constater la conciliation des parties
- L’article 171-1 prévoit que « le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
- Il ressort de cette disposition que, dans le cadre de la mise en état de l’affaire, le juge peut décider d’entériner de sa propre initiative l’accord, aussi minime soit-il, auquel seraient parvenues les parties.
b. Règles spéciales
🡺La procédure applicable devant le Tribunal judiciaire
Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé un nouveau mode alternatif de règlement des litiges : l’audience de règlement amiable.
Ce nouveau dispositif procédural, qui vise à favoriser la conclusion d’un accord amiable entre les parties et, accessoirement, diminuer le flux des affaires, n’est autre qu’une extension de la mission de conciliation dévolue au juge raison pour laquelle nous l’abordons dans cette étude.
L’audience de règlement amiable ne pourra être proposée que dans le cadre de certaines procédures :
- La procédure écrite ordinaire devant le Tribunal judiciaire
- La procédure de référé devant :
- le Président du tribunal judiciaire
- le juge des contentieux de la protection
Concrètement, dit l’article 774-1 du CPC, « le juge saisi d’un litige portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition peut, à la demande de l’une des parties ou d’office après avoir recueilli leur avis, décider qu’elles seront convoquées à une audience de règlement amiable tenue par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement dans les cas prévus par la loi ».
L’article 774-2 du CPC précise que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »
Il peut être observé que, dans le cadre de la procédure écrite, l’audience de règlement amiable peut être proposée par le juge à tous les stades de l’instance.
Elle peut, en effet, intervenir :
- Au stade de l’orientation de l’affaire (art. 776 CPC).
- Au stade de la mise en état (art. 785 CPC)
- Au stade de l’ordonnance de clôture (art. 803 CPC)
🡺La procédure applicable devant le Tribunal de commerce
Il ressort de la combinaison des articles 860-2 et 861 du CPC que, une fois saisie, la formation de jugement du Tribunal de commerce dispose de quatre options :
- Première option : la désignation d’un conciliateur de justice
- Lorsque la formation de jugement considère qu’une conciliation entre les parties est envisageable, elle dispose de la faculté de désigner un conciliateur de justice.
- Deuxième option : l’ouverture immédiate des débats
- Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire est en état d’être jugée, elle peut ordonner l’ouverture des débats et trancher le litige consécutivement.
- Troisième option : le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure
- Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, mais que la désignation d’un juge rapporteur n’est pas nécessaire, elle renvoie l’affaire à une audience ultérieure.
- Quatrième option : la désignation d’un juge rapporteur
- Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle peut procéder à la désignation d’un juge rapporteur qui sera chargé d’instruire l’affaire
Si la formation de jugement opte pour la première option, c’est donc l’article 860-2 du CPC qui s’applique.
Cette disposition prévoit la faculté pour le tribunal de commerce de désigner un conciliateur de justice, dont le statut est d’ores et déjà déterminé par le décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.
Le juge optera généralement pour ce choix lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.
Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.
L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015.
Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.
3. La conciliation à l’initiative des parties
En application de l’article 128, al. 1er du Code de procédure civile « les parties peuvent se concilier d’elles-mêmes […] tout au long de l’instance ».
Cette tentative de conciliation peut être initiée, tantôt par les deux parties, tantôt par le demandeur à l’instance.
a. La tentative de conciliation initiée par les deux parties
Afin de se concilier, les parties peuvent, de concert, opter pour :
- Soit la soumission d’un accord au juge
- Soit la sollicitation du retrait du rôle de l’affaire
🡺La soumission d’un accord au juge
Lorsque, en cours d’instance, les parties sont parvenues à un accord, elles peuvent s’en ouvrir auprès du juge afin de mettre un terme au procès.
L’article 129-1 du CPC prévoit en ce sens que « les parties peuvent toujours demander au juge de constater leur conciliation. »
🡺La sollicitation du retrait du rôle de l’affaire
Afin de se concilier, les parties peuvent convenir de retirer l’affaire du rôle. Cette démarche leur permet de prendre le temps de conduire des pourparlers sans être pressées par le respect des délais imposé par le déroulement d’une instance.
Car, en effet, le retrait de rôle a pour effet de suspendre à titre provisoire l’instance et donc de différer la décision du juge.
Pour être acceptée, la demande de retrait du rôle doit toutefois remplir un certain nombre de conditions.
Aussi, l’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »
Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.
Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.
En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.
L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.
La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.
🡺La césure
Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a institué, aux côtés de l’audience de règlement amiable, un second outil procédural visant à favoriser la résolution du litige dans le cadre de l’instance : la césure.
Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.
Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.
Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.
En application de l’article 807-1 du CPC, la césure du procès ne peut être à l’initiative que des seules parties.
Le texte précise, par ailleurs, que la césure peut être sollicitée à tout moment de la mise en état.
Pour ce faire, elles devront produire, à l’appui de leur demande, un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel.
S’il fait droit à la demande, le juge ordonne alors la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties.
À cet égard, le jugement partiel tranche dans son dispositif les seules prétentions faisant l’objet de la clôture partielle prévue à l’article 807-1.
Pour ce qui est du surplus des prétentions qui n’entrent pas dans le champ de la césure, la mise en état se poursuit.
Aussi, le juge de la mise en état conserve tous ses pouvoirs et peut ainsi ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il jugera utile, constater la conciliation des parties ou encore ordonner la clôture de l’instruction et renvoyer l’affaire en plaidoirie.
Quant aux parties, elles peuvent continuer de conclure et éventuellement former de nouvelles demandes. Elles peuvent également s’employer à trouver un accord sur le reste de prétentions qui n’ont pas fait l’objet de la clôture partielle en recourant notamment à la médiation, à la conciliation ou encore à l’audience de règlement amiable.
En tout état de cause, la mise en état ne pourra être totalement close sur les prétentions non concernées par la clôture partielle, que lorsque le jugement partiel ne peut plus faire l’objet d’un appel, soit parce que le délai d’appel est expiré, soit parce que la Cour d’appel a statué après qu’un appel a été interjeté.
b. La tentative de conciliation initiée par une seule partie
Il est des cas où la tentative de conciliation pourra être initiée, dans le cadre du procès civil, par une seule partie.
🡺L’audience de règlement amiable
En application de l’article 774-1 du CPC, l’audience de règlement amiable peut être sollicitée par l’une des parties.
Toutefois, parce qu’elle s’analyse en une mesure d’administration judiciaire, la décision de renvoi vers l’audience de règlement amiable appartient au seul juge.
🡺La procédure orale devant le Tribunal judiciaire
Dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le demandeur dispose d’une option procédurale :
- Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
- Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement
Dans le premier cas, l’article 820, al. 1er du CPC dispose que « la demande aux fins de tentative préalable de conciliation est formée par requête faite, remise ou adressée au greffe. »
Il peut être observé que cette demande de tentative de conciliation ne s’analyse pas en une citation en justice.
La conséquence en est que, en cas d’échec de cette procédure, le juge ne sera nullement tenu par les termes de la conciliation.
Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.
Cette règle, énoncée par l’article 820, al. 2e du CPC ne fait que reprendre les termes de l’article 2238 du Code civil qui dispose que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »
En tout état de cause, la tentative de conciliation peut être menée :
- soit par un conciliateur délégué à cet effet
- soit par le juge lui-même
B) Déroulement de la conciliation
En application de l’article 128 du CPC, la conciliation peut donc intervenir tout au long de l’instance et être à l’initiative ou des parties ou du juge.
À cet égard, la conciliation judiciaire présente la particularité de pouvoir être conduite :
- Soit par le juge lui-même
- Soit par un conciliateur de justice désigné par le juge
1. La conciliation conduite par le juge lui-même
🡺Règles procédurales applicables
Le juge dispose de la faculté de conduire lui-même la conciliation des parties ; et pour cause, il s’agit là de l’une des missions comprises dans son office (art. 21 CPC).
En tout état de cause, lorsque c’est le juge qui assure la fonction de conciliateur, la conciliation se déroulera selon les règles de procédure applicable devant la juridiction saisie.
Si, par exemple, la tentative de conciliation intervient dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, l’article 825 du CPC dispose que le greffe avise le demandeur par tout moyen des lieu, jour et heure auxquels l’audience de conciliation se déroulera.
🡺Pouvoirs du juge
L’objectif de souplesse, favorable à l’émergence d’une conciliation des parties, est conforté par la précision apportée à l’article 128 du CPC aux termes de laquelle le juge fixe les modalités de la tentative de conciliation.
Il sera ainsi possible pour le juge, s’il n’estime pas nécessaire de mobiliser un greffier pendant la tentative de conciliation se déroulant en dehors d’une audience de fond, de dispenser celui-ci d’y assister.
Cette dispense ne pourra toutefois pas concerner la phase finale de la conciliation : en cas d’accord des parties, il appartient au greffier d’établir le procès-verbal de conciliation, sous le contrôle du juge et en présence des parties, dont le greffier pourra ainsi attester du consentement.
Bien que la précision ne figure pas dans les dispositions propres à la procédure de tentative préalable de conciliation, celle-ci pourra toujours avoir lieu dans le cabinet du juge.
À cet égard, l’article 129 du CPC dispose que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe ».
🡺Issue de la conciliation
- Succès de la conciliation
- En cas d’accord, même partiel, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord est consignée dans un procès-verbal signé par les parties et le juge
- Des extraits de ce procès-verbal valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
- Échec de la conciliation
- En cas d’échec total ou partiel de la tentative de conciliation, ce sont les règles de procédure applicable devant la juridiction saisie qui devront être observées.
- Lorsqu’ainsi la tentative de conciliation intervient dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, l’article 826 du CPC prévoit que le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales.
2. La conciliation déléguée à un conciliateur de justice
a. Le statut du conciliateur de justice
À la différence d’un conciliateur qui pourrait être choisi par les parties en dehors de l’instance judiciaire, le conciliateur de justice jouit d’un statut particulier.
Ce statut est défini par le décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.
🡺Principes directeurs du procès
L’article 1er de ce texte prévoit que « il est institué des conciliateurs de justice qui ont pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au code de procédure civile. »
Il s’infère de cette disposition que le conciliateur de justice est soumis aux principes directeurs du procès civil.
À ce titre, il doit exercer sa mission en observant les principes d’impartialité, du contradictoire, d’équité et de confidentialité.
- Impartialité
- Le conciliateur de justice ne doit pas prendre parti ni intervenir lorsqu’il a intérêt personnel dans le différend.
- Dans ce dernier cas, il doit le signaler au juge afin qu’il désigne un autre conciliateur.
- Contradictoire
- Le conciliateur doit veiller à ce que chaque partie puisse prendre connaissance des arguments de droit et de fait avancer par l’autre partie et qu’elle puisse y répondre.
- Autrement dit, chaque partie doit pouvoir exprimer ses griefs et son point de vue.
- Équité
- Le conciliateur de justice a pour mission de rechercher un compromis en équité.
- Cela exige nécessairement que chaque partie fasse des concessions en vue de la résolution du litige.
- Pour favoriser le dialogue, le conciliateur peut éventuellement éclairer les parties en leur rappelant les règles de droit applicables, sous réserve qu’elles ne soient pas contestées par les parties étant précisé que seul le juge est habilité à « dire le droit ».
- Confidentialité
- Le conciliateur est tenu à la confidentialité des échanges qui interviennent entre les parties.
- C’est là une obligation déontologique qui vise à favoriser la conclusion d’un accord des parties.
- La confidentialité leur garantit, en effet, la faculté de s’exprimer en toute confiance, sans craindre que ce qu’elles puissent dire soit utilisé contre elles en cas de saisine du juge.
🡺Conditions d’accès
Pour accéder à la fonction de conciliateur de justice il faut remplir un certain nombre de conditions :
Le conciliateur de justice doit :
- D’une part, jouir de ses droits civils et politiques
- D’autre part, justifier d’une formation ou d’une expérience juridique
- Enfin, il faut justifier d’une compétence ou d’une activité particulièrement qualifiante pour exercer la fonction de conciliateur
🡺Incompatibilités
Ne peuvent être chargés des fonctions de conciliateur de justice :
- Les officiers publics et ministériels
- Les personnes qui exercent, à quelque titre que ce soit, des activités judiciaires
- Les personnes qui participent au fonctionnement du service de la justice
- Les personnes qui sont investies d’un mandat électif dans le ressort dans lequel elles auraient vocation à exercer leurs fonctions
🡺Nomination
Le conciliateur de justice est nommé, pour une première période d’un an par ordonnance du premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, sur proposition du magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice.
À l’issue de celle-ci, le conciliateur de justice peut, dans les mêmes formes, être reconduit dans ses fonctions pour une période renouvelable de trois ans.
Le conseil départemental de l’accès au droit est informé de ces nominations.
Chaque cour d’appel tient une liste des conciliateurs de justice exerçant dans son ressort.
Elle actualise cette liste au 1er mars et au 1er septembre de chaque année et la met à la disposition du public par tous moyens, notamment par affichage au sein des locaux des juridictions du ressort et des conseils départementaux d’accès au droit.
L’ordonnance nommant le conciliateur de justice indique le ressort dans lequel il exerce ses fonctions.
Elle indique le tribunal judiciaire ou, le cas échéant, l’une de ses chambres de proximité, auprès duquel le conciliateur de justice doit déposer les constats d’accord.
Lors de sa première nomination aux fonctions de conciliateurs de justice, celui-ci prête devant la cour d’appel le serment suivant : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent ».
🡺Formation
Le conciliateur de justice suit une journée de formation initiale au cours de la première année suivant sa nomination. Il suit une journée de formation continue au cours de la période de trois ans suivant chaque reconduction dans ses fonctions.
La formation initiale et la formation continue des conciliateurs de justice sont organisées par l’École nationale de la magistrature.
À l’issue de la journée de formation initiale ou continue, l’École nationale de la magistrature remet au conciliateur de justice une attestation individuelle de formation, sous réserve d’assiduité.
🡺Indemnisation
Les fonctions de conciliateur de justice sont exercées à titre bénévole.
Cependant, les conciliateurs de justice peuvent bénéficier d’une indemnité forfaitaire destinée à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de matériels informatiques et de télécommunications, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
b. Délégation de la conciliation à un conciliateur
🡺Faculté de délégation
Il ressort de l’article 129-2 du CPC que le juge dispose de la faculté de déléguer sa mission de conciliation à un conciliateur.
Il ne pourra toutefois exercer cette faculté dit le texte qu’à la condition qu’une disposition particulière le prévoit.
Tel est, par exemple, le cas dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire.
L’article 821 du CPC dispose, en effet, que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation. »
Tel est également le cas, dans le cadre de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce.
L’article 860-2 du CPC prévoit en ce sens que « si une conciliation entre les parties apparaît envisageable, la formation de jugement peut désigner un conciliateur de justice à cette fin. Cette désignation peut revêtir la forme d’une simple mention au dossier ».
En tout état de cause, la désignation d’un conciliateur aux fins de trouver une issue au litige qui oppose les parties est toujours une simple faculté laissée au juge qu’il peut choisir de ne pas exercer.
Le juge optera pour ce choix, lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.
Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.
L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 lorsque la tentative de conciliation est engagée notamment en procédure orale devant le Tribunal judiciaire.
Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.
🡺Modalités de la mission confiée au conciliateur
L’article 129-2 du CPC prévoit que lorsque le juge délègue sa mission de conciliation à un conciliateur, il doit :
- D’une part, fixer la durée de sa mission
- D’autre part, indiquer la date à laquelle l’affaire sera rappelée
La durée initiale de la mission confiée au conciliateur ne peut excéder trois mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du conciliateur.
c. Déroulement de la conciliation conduite par un conciliateur
🡺La convocation des parties
Une fois le conciliateur de justice désigné par le juge, le greffier accomplit deux formalités successives :
- D’une part, il avise par tous moyens le défendeur de la décision du juge.
- L’avis précise les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur et l’objet de la demande.
- D’autre part, dans l’hypothèse où le défendeur ne refuse pas la désignation d’une tierce personne, il avise le demandeur et le conciliateur de justice de la décision du juge.
- Une copie de la demande est adressée au conciliateur.
Pour procéder à la tentative de conciliation, l’article 129-3 du CPC dispose que le conciliateur de justice convoque les parties aux lieu, jour et heure qu’il détermine.
Cette disposition précise que cette convocation n’a lieu qu’« en tant que de besoin ». En effet, elle ne sera pas nécessaire lorsque le conciliateur est déjà présent à l’audience, comme cela se pratique devant de nombreux tribunaux.
🡺Assistance des parties
L’alinéa 2 de l’article 129-3 du CPC dispose que lors de leur comparution devant le conciliateur de justice, les parties peuvent être assistées par une personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction ayant délégué la conciliation.
En procédure orale devant le Tribunal judiciaire il s’agira donc des personnes figurant sur la liste énoncée à l’article 762 du CPC.
En matière de procédure écrite en revanche, la représentation par avocat est obligatoire, de sorte que seul un avocat pourra assister les parties dans le cadre de la conciliation conduite par le conciliateur.
🡺Pouvoirs du conciliateur
À l’instar des mesures d’« investigation » que le conciliateur peut mener dans un cadre extrajudiciaire, il est prévu qu’il peut, avec l’accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile et qui l’accepte.
Il est précisé à l’article 129-4 du CPC que les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure, sans l’accord des parties, ni, en tout état de cause, dans une autre instance.
L’article 129-5 du CPC ajoute que le conciliateur de justice doit tenir le juge informé des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission, ainsi que de la réussite ou de l’échec de la conciliation.
🡺Mission du conciliateur
La mission assignée au conciliateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.
L’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.
Le conciliateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.
Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.
Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le conciliateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable et les inconvénients d’un procès.
En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.
Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et renoncer à poursuivre la conciliation.
Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le conciliateur doit en aviser les parties.
🡺Issue de la conciliation
- Succès de la conciliation
- Lorsque les parties parviennent à se concilier, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord, même partiel, est consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
- À défaut de saisine du juge par le conciliateur, l’article 131 du CPC dispose que, à tout moment, les parties ou la plus diligente d’entre elles peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice.
- Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience.
- L’homologation relève de la matière gracieuse.
- Aussi, le juge ne sera pas tenu de convoquer les parties avant de statuer sur la demande d’homologation (art. 28 CPC).
- Une telle requête pourra ainsi être présentée avant l’audience de rappel de l’affaire, pour éviter aux parties d’avoir à se déplacer à cette audience
- Une fois l’accord dûment formalisé, des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés.
- L’article 131 du CPC précise que ces extraits valent titre exécutoire.
- Échec de la conciliation
- L’article 129-5, al. 2 du CPC prévoit que le juge peut mettre fin à tout moment à la conciliation, à la demande d’une partie ou à l’initiative du conciliateur.
- Il peut également y mettre fin d’office lorsque le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis.
- Cette décision est une mesure d’administration judiciaire, prise sans forme et non susceptible de recours (art. 129-6 CPC).
- Le greffier en avise le conciliateur et les parties.
- La procédure reprend son cours, soit à la date qui avait été fixée par le juge pour le rappel de l’affaire, soit à une autre date dont les parties sont alors avisées conformément aux règles de procédure applicables devant la juridiction considérée.
- En dehors de cette hypothèse, l’échec de cette tentative est constaté par le conciliateur qui en avise la juridiction (art. 129-5 CPC), en lui précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle le conciliateur a constaté cet échec.
C) Effets de la conciliation
1. Effets de la tentative de conciliation
Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.
L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »
L’alinéa 2 de ce texte précise que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.
2. Effets de l’accord de conciliation
Lorsque, dans le cadre d’une instance en cours, les parties parviennent à se concilier, se pose la question des effets de cet accord.
À l’analyse, ces effets diffèrent selon que l’accord a ou non été constaté par le juge.
a. L’accord non constaté par le juge
🡺Force obligatoire
Lorsque l’accord conclu entre les parties n’a pas été constaté par le juge, ses effets se limitent à ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.
Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.
L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »
Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de conciliation non constaté par le juge ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.
🡺Force exécutoire
La conclusion d’un accord amiable dans le cadre d’une conciliation judiciaire ne lui confère pas automatiquement la force exécutoire.
En effet, tout dépend des modalités de formalisation de l’accord :
- L’accord amiable a été conclu par voie d’acte notarié
- Dans cette hypothèse, l’accord amiable sera automatiquement pourvu de la force exécutoire.
- L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en effet que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires.
- L’accord amiable a été conclu par voie d’acte sous signature privée
- Principe
- Les actes sous signature privée sont, par principe, dépourvus de toute force exécutoire, quand bien même il a été conclu dans le cadre d’une conciliation judiciaire.
- Pour obtenir l’exécution forcée des engagements stipulés dans l’acte, les parties doivent nécessairement saisir le juge aux fins qu’il confère à l’accord une force exécutoire.
- Tempéraments
- Lorsqu’un acte sous seing privé a été établi dans le cadre d’une conciliation judiciaire, les parties disposent d’une option procédurale pour que l’accord constaté dans l’acte se voit conférer la force exécutoire.
- Les parties peuvent, en effet, faire constater l’accord conclu par le juge conformément à l’article 129 du CPC.
- Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « les parties peuvent toujours demander au juge de constater leur conciliation. »
- Une fois l’accord constaté par le juge, celui-ci délivre aux parties des extraits du procès-verbal qu’il dresse, lesquels extraits « valent titre exécutoire ».
🡺Absence d’effet extinctif
À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une conciliation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.
En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.
Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.
Si l’accord issu d’une conciliation non constaté par le juge est dépourvu de tout effet extinctif, les parties disposent de deux options pour y remédier :
- La conclusion d’une transaction
- Afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord dans les formes et conditions d’une transaction.
- Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
- Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :
- D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
- D’autre part, stipuler des concessions réciproques
- Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.
- Le désistement d’action
- Pour mettre fin définitivement au litige, les parties pourront également opter pour un désistement mutuel d’action.
- Pour mémoire, le désistement d’action consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande.
- Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice.
- En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé.
- En application de l’article 384 du CPC, « l’extinction de l’instance est constatée par une décision de dessaisissement. »
b. L’accord constaté par le juge
🡺Force obligatoire
Parce qu’il s’analyse en un contrat, l’accord amiable constaté par le juge est pourvu de la force obligatoire, ce qui implique que les engagements pris par les parties, aux termes de cet accord, s’imposent à elles.
Cette force obligatoire ne joue toutefois qu’entre les parties ; en application du principe de l’effet relatif des conventions, l’accord ne saurait créer d’obligation à la charge des tiers.
🡺Force probante renforcée
En constatant l’accord amiable conclu par les parties, le juge lui confère la valeur d’acte authentique.
Dans un arrêt du 31 mars 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les constatations faites par les juges dans leurs décisions concernant les déclarations faites devant eux par les parties font foi jusqu’à inscription de faux » (Cass. com. 31 mars 1981, n°79-10.952).
En ayant la valeur d’acte authentique, l’accord amiable est doté d’une force probante renforcée, dans la mesure où il fait foi jusqu’à inscription en faux.
🡺Force exécutoire
Lorsque l’accord conclu dans le cadre d’une conciliation judiciaire est constaté par le juge il est pourvu de la force exécutoire.
L’article 131 du CPC dispose en ce sens que « des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés. Ils valent titre exécutoire. »
Aussi, les parties ont-elles tout intérêt à faire constater les accords auxquels elles seraient parvenues par le juge.
À cet égard, il peut être observé que tant que l’affaire est inscrite au rôle de la juridiction, le juge demeure compétent pour connaître des éventuelles difficultés d’exécution ou d’interprétation de l’accord amiable.
La Cour de cassation a statué en ce sens pour une transaction dans un arrêt du 12 juin 1991 (Cass. 2e civ. 12 juin 1991, n°90-14.841).
🡺Absence d’autorité de la chose jugée
La constatation de l’accord amiable par le juge ne lui confère pas l’autorité de la chose jugée.
Il en résulte que les parties demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.
Aussi, si elles souhaitent mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties doivent :
- Soit conclure leur accord dans les formes et conditions d’une transaction à laquelle est attaché, par nature, un effet extinctif
- Soit opérer mutuellement un désistement d’action, ce qui aura pour effet d’éteindre l’instance
Dans les deux cas, néanmoins, l’article 384 du CPC précise que l’extinction de l’instance doit être constatée par une décision de dessaisissement rendue par le juge.
II) La conciliation extrajudiciaire
🡺Vue générale
Le procès n’est pas le seul cadre dans lequel la conciliation est susceptible d’intervenir. Il est également admis que les parties puissent se concilier en dehors de l’instance.
L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats. »
Le livre visé par cette disposition n’est autre que celui consacré à « la résolution amiable des différends », soit aux modes de règlement des litiges qui interviennent en dehors des prétoires.
Aussi, la conciliation n’est-elle pas nécessairement judiciaire ; elle peut également être conventionnelle.
À cet égard, l’article 1530 du Code de procédure civile définit la conciliation conventionnelle comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »
La conciliation conventionnelle est régie aux articles 1528 à 1541 du Code de procédure civile.
🡺Domaine
L’article 1529 du CPC prévoit expressément que les règles encadrant la conciliation conventionnelle s’appliquent à tous les « différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction. »
Quant à l’objet de la conciliation conventionnelle, à l’instar de la conciliation judiciaire, elle ne peut porter que sur les seuls droits disponibles, soit tous ceux qui ne sont pas regardés comme étant hors du commerce (les droits patrimoniaux).
A) Les cas de conciliation extrajudiciaire
La conciliation extrajudiciaire est susceptible d’intervenir dans trois cas distincts. En effet, le recours à la conciliation conventionnelle peut :
- Soit être spontané
- Soit être stipulé dans une clause
- Soit être imposé par la loi
1. Le recours à la conciliation conventionnelle spontané
L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative […] tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance […] d’un conciliateur de justice […] ».
L’article 1536 précise que ce conciliateur de justice « peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale ».
Il ressort de ces deux dispositions que des parties peuvent spontanément, en cas de survenance d’un litige, solliciter les services d’un conciliateur de justice afin qu’il les assiste dans le processus de conciliation dans lequel elles souhaitent s’engager.
Cette saisine, souligne le texte, ne requiert pas l’observation de formes ou de conditions particulières, sinon l’existence d’un différend à régler et pourvu que ce différend relève de la compétence des juridictions judiciaires dans les matières énumérées à l’article 1529 du CPC.
2. Le recours à la conciliation conventionnelle stipulé dans une clause
a. Principe
Il est admis que les parties à un contrat puissent prévoir une clause stipulant l’obligation pour ces dernières d’entreprendre une tentative de conciliation préalablement à l’introduction de toute action en justice devant les juridictions compétentes.
Dans un arrêt du 14 février 2003, la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, a jugé en ce sens « qu’il résulte des articles 122 et 124 du nouveau Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge » (Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n°00-19.423).
Dans un arrêt du 6 mai 2003, la Première chambre civile a précisé que « la procédure préalable de conciliation ne pouvait résulter que d’une stipulation contractuelle » (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
Aussi, pour être opposable aux parties, l’obligation de se concilier ne saurait être tirée, comme c’était le cas en l’espèce, d’un usage professionnel.
La Haute juridiction a, en revanche, admis que la clause préalable de conciliation puisse se transmettre au tiers subrogé dans les droits et actions de l’une des parties au contrat, en dépit du fait qu’il n’en aurait pas eu personnellement connaissance (Cass. 3e civ. 28 avr. 2011, n°10-30.721).
b. Domaine
S’il est par principe admis de prévoir dans un contrat une clause de conciliation, la règle ne vaut pas pour tous les contrats.
La clause de conciliation sera notamment sans effet :
- Dans les contrats soumis au droit de la consommation
- Dans un arrêt du 5 décembre 2022, la Cour de cassation a jugé que « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. 3e civ. 19 janv. 2022, n°21-11.095)
- Ainsi, dans les rapports entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, la clause de conciliation est réputée non écrite.
- Dans les contrats de travail
- Dans un arrêt du 5 décembre 2012, la Cour de cassation a affirmé que « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Cass. soc. 5 déc. 2012, n°11-20.004).
- Il ressort de cette décision que, lorsqu’elles sont stipulées dans un contrat de travail, les clauses de conciliation sont réputées sans effet.
c. Conditions
Pour être valable, la clause de conciliation préalable doit satisfaire deux conditions :
- Première condition
- La clause doit être expressément stipulée dans le contrat qui lie les parties.
- Aussi, ne peut-elle jamais être tacite, ni s’inférer d’un usage professionnel (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
- Seconde condition
- La clause de conciliation doit prévoir avec suffisamment de précision ses modalités de mise en œuvre.
- Dans un arrêt du 29 avril 2014, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci » (Cass. com. 29 avr. 2014, n°12-27.004).
d. Effets
La clause de conciliation préalable produit deux effets :
- Elle fait obstacle à la saine directe du juge
- Elle suspend la prescription
i. Fin de non-recevoir
🡺Principe
La stipulation d’une clause de conciliation a pour effet d’obliger les parties d’entreprendre une tentative de conciliation préalablement à la saisine du juge.
Aussi, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a-t-elle jugé que « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir ».
Il en résulte, dit la Haute juridiction :
🡺Tempérament
La jurisprudence a apporté deux tempéraments à la règle qui fait de la clause de conciliation une fin de non-recevoir.
- Premier tempérament
- Dans un arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que « des dispositions légales instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2022, n°21-18.796 ; V. également en ce sens Cass. 1ère civ. 24 nov. 2021, n°20-15.789).
- Il ressort de cette décision que les effets de la clause de conciliation préalable peuvent être neutralisés si l’urgence le commande.
- La position prise ici par la Cour de cassation est directement inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
- Dans un arrêt du 18 mars 2010, les juges luxembourgeois ont, en effet, affirmé que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire, pour autant que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
- Second tempérament
- Il est admis que la clause de conciliation ne fait pas obstacle à l’introduction d’une action en justice sur le fondement de l’article 145 du CPC, soit une action visant à obtenir des mesures d’instruction in futurum
- Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens, s’agissant d’un contrat de maîtrise d’œuvre, que « la clause instituant, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat d’architecte, un recours préalable à l’avis du conseil régional de l’ordre des architectes, n’était pas applicable à l’action des époux Z…fondée sur l’article 145 du nouveau code de procédure civile dans le but de réunir des preuves et d’interrompre un délai » (Cass. 3e civ. 28 mars 2007, n°06-13.209).
ii. Suspension de la prescription
Il est admis que la clause de conciliation préalable a pour effet de suspendre la prescription (Cass. 1ère civ. 27 janv. 2004, n°00-22.320).
Cette solution a, par suite, été reprise et généralisé par le nouvel article 2238 du Code civil.
Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».
3. Le recours à la conciliation conventionnelle imposé par la loi
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
À cet égard, on recense en droit français plusieurs textes réglementaires qui instituent une obligation de conciliation obligatoire.
Nous nous limiterons à aborder l’article 750-1 du Code de procédure civile et le Code de déontologie des architectes.
3.1. L’article 750-1 du Code de procédure civile
🡺Droit antérieur
Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, en droit commun, facultatif.
Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée par le Code de déontologie des architectes que nous aborderons plus après.
En tout état de cause, des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.
Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.
À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.
Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a, lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.
🡺Réforme de la procédure civile
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.
En application de cette loi, le gouvernement a adopté le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui a notamment introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit l’obligation pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire d’entreprendre une tentative préalable de conciliation, de médiation ou de procédure participative.
L’absence de recours à l’un de ces trois modes de règlement amiable préalablement à la saisine du juge est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande dit le texte. Le principe énoncé par l’article 750-1 est toutefois assorti d’un certain nombre de dérogations.
a. Domaine de l’obligation de tentative préalable de règlement amiable
Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »
Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.
Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est toutefois pas exigé pour tous les litiges.
Sont seulement visés :
- Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
- Les actions en bornage
- Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
- Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
- Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
- Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
- Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
- Les contestations relatives à un trouble de voisinage
Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire
b. Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends
L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.
Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :
🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord
Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable
🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire
Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration
En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends
🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime
Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses :
- Première hypothèse
- Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste »
- Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur »
- Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée.
- Deuxième hypothèse
- Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement »
- Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
- L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
- Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire.
- Troisième hypothèse
- L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
- Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
- Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
- Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
- Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
- Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
- En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
- Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
- Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
- Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
- Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
- Premier élément : la date de saisine du conciliateur
- Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
- La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
- Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
- Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
- Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
- Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
- Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
- Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
- En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
- Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
- Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
- Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.
🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation
Tel est le cas :
- Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
- En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
- En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance
🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution
Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».
Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.
Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.
La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.
🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire
Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends « ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation. »
3.2. Le Code de déontologie des architectes
L’article 25 du Code de déontologie des architectes, issu du décret n°80-217 du 20 mars 1980 prévoit que « tout litige entre architectes concernant l’exercice de la profession doit être soumis au conseil régional de l’ordre aux fins de conciliation, avant la saisine de la juridiction compétente. »
Lorsqu’ainsi, un litige survient entre deux architectes, ils ne sont recevables à agir en justice qu’après avoir entrepris une tentative de conciliation par l’entremise de l’ordre.
La Cour de cassation a fait application de cette règle dans un arrêt du 29 mars 2017 en jugeant que « l’absence de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes constituait une fin de non-recevoir » (Cass. 1ère civ. 29 mars 2017, n°16-16.585).
Dans un arrêt du 23 mai 2007, la Troisième chambre civile a toutefois précisé que « la clause de saisine préalable à toute action judiciaire en cas de litige sur l’exécution du contrat de l’ordre des architectes ne pouvait porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’article 1134 du code civil ».
Aussi, cette clause n’est-elle pas applicable lorsque la responsabilité de l’architecte est recherchée sur un autre fondement et notamment sur le fondement de l’article 1792 du Code civil relatif à la responsabilité décennale (Cass. 3e civ. 23 mai 2007, n°06-15.668).
B) Le déroulement de la conciliation extrajudiciaire
L’article 1er du décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice prévoit que « il est institué des conciliateurs de justice qui ont pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au code de procédure civile. »
L’article 1er de ce texte prévoit que « il est institué des conciliateurs de justice qui ont pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au code de procédure civile. »
Il s’infère de cette disposition que le conciliateur de justice est soumis aux principes directeurs du procès civil.
À ce titre, il doit exercer sa mission en observant les principes d’impartialité, du contradictoire, d’équité et de confidentialité.
- Impartialité
- Le conciliateur de justice ne doit pas prendre parti ni intervenir lorsqu’il a intérêt personnel dans le différend.
- Dans ce dernier cas, il doit le signaler au juge afin qu’il désigne un autre conciliateur.
- Contradictoire
- Le conciliateur doit veiller à ce que chaque partie puisse prendre connaissance des arguments de droit et de fait avancer par l’autre partie et qu’elle puisse y répondre.
- Autrement dit, chaque partie doit pouvoir exprimer ses griefs et son point de vue.
- Équité
- Le conciliateur de justice a pour mission de rechercher un compromis en équité.
- Cela exige nécessairement que chaque partie fasse des concessions en vue de la résolution du litige.
- Pour favoriser le dialogue, le conciliateur peut éventuellement éclairer les parties en leur rappelant les règles de droit applicables, sous réserve qu’elles ne soient pas contestées par les parties étant précisé que seul le juge est habilité à « dire le droit ».
- Confidentialité
- Le conciliateur est tenu à la confidentialité des échanges qui interviennent entre les parties.
- C’est là une obligation déontologique qui vise à favoriser la conclusion d’un accord des parties.
- La confidentialité leur garantit, en effet, la faculté de s’exprimer en toute confiance, sans craindre que ce qu’elles puissent dire soit utilisé contre elles en cas de saisine du juge.
Plus généralement, il est soumis aux règles de procédure qui relèvent du Code de procédure civile et notamment celles énoncées, s’agissant de la conciliation conventionnelle, aux articles 1536 à 1541 de ce Code.
1. La compétence du conciliateur de justice
En application de l’article 4 du décret n° 78-381 du 20 mars 1978 modifié par l’article 29 du décret n° 2019913 du 30 août 2019, les conciliateurs de justice ne peuvent exercer leurs fonctions que dans le seul ressort visé par l’ordonnance de nomination du premier président jusqu’à l’expiration de la période mentionnée par ladite ordonnance.
Pour mémoire, les conciliateurs de justice sont nommés, pour une première période d’un an par ordonnance du premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, sur proposition du magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice.
Aussi, pour être compétent territorialement, cela implique qu’au moins l’une des parties soit domiciliée ou réside dans le ressort du conciliateur, ou que l’objet du litige y soit situé.
À cet égard, il appartient au conciliateur de systématiquement vérifier sa compétence lorsqu’il est saisi
2. La saisine du conciliateur de justice
🡺Auteur de la saisine
Lorsque la conciliation est conventionnelle, le conciliateur est nécessairement saisi par les parties et non par le juge dans la mesure où cette forme de conciliation intervient en dehors de tout procès.
Il est indifférent, en revanche, que la saisine résulte de l’initiative d’une seule partie ou des deux.
En tout état de cause, conformément à l’article 1536 du CPC le conciliateur de justice peut être saisi :
- Soit par une personne physique majeure capable
- Soit par toute personne morale représentée par une personne dûment habilitée
Il en résulte que le conciliateur devra-t-il vérifier toutes les fois qu’il est saisi :
- L’identité des parties
- La capacité des parties lorsqu’il s’agit de personnes physiques
- La qualité de la personne qui le saisit lorsqu’elle agit en représentation d’une personne morale
🡺Modalités de la saisine
En application de l’article 1536 du CPC, la saisine d’un conciliateur de justice ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
Aussi, est-il admis qu’il soit saisi par la présentation volontaire des parties devant lui pendant ses permanences, mais également par courrier, courriel ou encore via un appel téléphonique.
Il est toutefois vivement recommandé, pour les litiges portant sur des domaines visés à l’article 750-1 du CPC ; de se constituer une preuve de la saisine afin de justifier d’une tentative de conciliation préalablement à l’introduction éventuelle d’une action en justice.
Cette preuve pourrait notamment consister en l’accusé réception d’une lettre envoyée en recommandé.
🡺Assistance
L’article 1537 du CPC prévoit que les parties « peuvent se faire accompagner d’une personne majeure de leur choix, qui justifie de son identité ».
Aussi, n’est-il nullement exigé qu’elles soient représentées ou assistées par un avocat.
En revanche, il n’est pas admis que les parties soient représentées, que ce soit au moment de la saisine du conciliateur de justice, du déroulement de la conciliation, ou de la signature du compromis.
Elles ont l’obligation d’accomplir de se présenter en personne lorsque le conciliateur le requiert (sauf cas particulier de la conciliation à distance et de la saisine en ligne du conciliateur de justice).
Enfin, il peut être observé que le mandat ad litem dont sont investis les avocats et qui leur confère le pouvoir de représenter leurs clients en justice ne joue pas pour la conciliation.
Aussi, les avocats ne sont-ils pas autorisés à représenter leurs clients dans le cadre d’une conciliation de justice, ni de saisir directement le conciliateur au nom et pour le compte de leurs clients.
3. Les modalités de déroulement de la conciliation
🡺Pouvoirs du conciliateur
- Rencontre des parties
- En application de l’article 1537 du CPC ; le conciliateur peut, une fois saisi, inviter les intéressés à se rendre devant lui.
- Cette invitation s’effectue par lettre mais peut l’être par tout autre moyen, la procédure ne prévoyant aucune forme de convocation particulière.
- Conciliation à distance
- En raison de l’éloignement de l’une des parties il est admis que la conciliation puisse se faire à distance.
- Dans cette hypothèse, c’est au conciliateur de justice qu’il reviendra d’organiser les échanges entre les parties par courriers, par courriels ou par téléphone.
- Il pourra ainsi se faire le relais des propos, arguments, revendications et concessions qui lui seront transmis à distance par chacune des parties auprès des autres.
- Transport sur les lieux
- S’il l’estime nécessaire, le conciliateur de justice peut se rendre sur les lieux (art. 1538 CPC).
- Pour ce faire, il devra néanmoins recueillir l’accord des parties.
- Audition de tiers
- Le conciliateur est investi du pouvoir d’entendre toutes personnes dont l’audition lui paraît utile, sous réserve de l’acceptation de celles-ci.
- Il devra également obtenir l’accord des parties.
- Concours d’un autre conciliateur
- L’article 1539 du CPC autorise le conciliateur de justice à s’adjoindre, toujours avec l’accord des parties, le concours d’un autre conciliateur de justice du ressort de la cour d’appel.
- Lors de la réunion des parties, les conciliateurs de justice peuvent alors échanger des informations sur les demandes dont ils sont saisis.
- En cas d’accord trouvé entre les parties, l’acte constatant cet accord devra être signé par les deux conciliateurs de justice.
🡺Durée de la mission
En matière de conciliation conventionnelle, la mission du conciliateur n’est enfermée dans aucun délai.
Aussi, la conciliation peut durer aussi longtemps qu’il est nécessaire, étant précisé que l’une ou l’autre des parties est libre de mettre un terme, à tout moment, à la tentative de conciliation
Par ailleurs, le conciliateur doit veiller à ce que la conciliation ne s’étire pas trop dans le temps, dans la mesure où le rallongement des délais a une incidence directe sur la période de suspension de la prescription.
Si dès lors, la conciliation ne paraît plus envisageable, il appartient au conciliateur d’y mettre un terme par la délivrance d’un constat d’échec.
🡺Recherche d’un compromis
La mission assignée au conciliateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.
L’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.
Le conciliateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.
Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.
Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le conciliateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable et les inconvénients d’un procès.
En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.
Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et renoncer à poursuivre la conciliation.
Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le conciliateur doit en aviser les parties.
4. L’issue de la conciliation
4.1. Le succès de la conciliation
a. La conclusion d’un accord
La conciliation aura réussi lorsque les parties seront parvenues à un accord. Cet accord peut être :
- Soit total
- Dans cette hypothèse, l’accord porte sur tous les chefs du litige, de sorte que celui-ci est résolu.
- Cette issue évite ainsi aux parties de saisir le juge.
- Soit partiel
- Dans cette hypothèse, l’accord portera seulement sur certains chefs du litige, de sorte que celui-ci ne sera pas totalement épuisé.
- Les parties pourront alors saisir le juge afin de faire trancher le surplus
Dans l’un ou l’autre cas, l’accord trouvé par les parties pourra ou devra, selon les cas, être formalisé.
🡺L’exigence d’établissement d’un constat d’accord
L’article 1540 du CPC prévoit que « en cas de conciliation, même partielle, il peut être établi un constat d’accord signé par les parties et le conciliateur de justice. »
Il s’infère de cette disposition que la formalisation de l’accord trouvé par les parties est facultative. Ces dernières sont, en effet, libres d’établir ou non un acte constatant leur accord.
Par exception à la règle, l’article 1540, al. 2 du CPC prévoit que « la rédaction d’un constat est requise lorsque la conciliation a pour effet la renonciation à un droit. »
Tel sera le cas lorsque l’une ou l’autre partie renonce à exercer une action en justice, consent une remise de dette ou encore renoncer au bénéfice d’une prescription.
🡺Les modalités d’établissement du constat d’accord
- L’établissement du constat d’accord en présence du conciliateur de justice
- Pour être valable, l’acte constatant l’accord doit contenir plusieurs éléments au nombre desquels figurent notamment :
- L’identité des parties
- Une synthèse des termes du litige
- Les points d’accord des parties constatés par le conciliateur
- Les engagements pris par les parties
- À cet égard, le constat d’accord doit être rédigé de façon suffisamment claire et précise pour que les parties comprennent la portée des obligations mises à leur charge.
- L’établissement du constat d’accord hors la présence du conciliateur de justice
- L’article 1540 du CPC autorise les parties à formaliser les termes de l’accord auquel elles sont parvenues dans un acte signé par elles et établi hors la présence du conciliateur de justice.
- Dans cette hypothèse, le constat d’accord dressé par le conciliateur devra répondre à deux exigences cumulatives :
- D’une part, l’établissement du constat d’accord devra se faire en présence d’au moins l’une des parties qui devra donc s’être déplacée devant le conciliateur de justice
- D’autre part, le constat d’accord doit viser l’acte établi par les parties hors la présence du conciliateur et être annexé à celui-ci
- L’accord conclu à distance par les parties peut prendre plusieurs formes.
- Il peut s’agir d’une proposition de règlement du différend émise par une partie et acceptée par l’autre.
- L’accord peut également résulter d’un échange de courriers apporté par l’une des parties dont il ressort de manière non équivoque qu’elles se sont mises d’accord.
- En tout état de cause, lorsque l’accord est conclu à distance, le conciliateur de justice ne doit établir de constat d’accord que si les documents produits ne laissent aucun doute sur l’accord des parties et que celui-ci est suffisamment précis et juridiquement contraignant pour, le cas échéant, se voir conférer force exécutoire par le juge.
Que le constat d’accord soit établi en présence du conciliateur ou hors de sa présence, dans les deux cas, chaque partie, ainsi que le conciliateur de justice paraphent chaque page et signent la dernière, sur chaque original. Le conciliateur de justice porte la mention du nombre d’exemplaires originaux établis sur chaque original.
Par ailleurs, l’article 1540, al. 3e du CPC prévoit qu’un exemplaire du constat doit être remis à chaque intéressé.
Enfin, le conciliateur de justice doit procéder également, sans délai, au dépôt d’un exemplaire au greffe du Tribunal judiciaire.
b. Les effets de l’accord
b.1. Force obligatoire
Les effets que l’on reconnaît à l’accord intervenu dans le cadre d’une conciliation sont ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.
Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.
L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »
Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de conciliation ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.
b.2. Force exécutoire
🡺Absence de force exécutoire
L’article 502 du Code de procédure civile prévoit que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »
Il ressort de cette disposition que pour que des obligations puissent faire l’objet d’une exécution forcée, l’acte constatant ces obligations doit revêtir ce que l’on appelle la « formule exécutoire ».
Cette formule est ce qui confère à l’acte ou à la décision de justice sur laquelle elle est apposée sa valeur de titre exécutoire.
À cet égard, conformément à l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution, seul le créancier muni d’un tel titre peut poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur les biens de son débiteur.
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment se procurer un titre exécutoire.
Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution qui dresse une liste limitative des titres exécutoires. L’examen de cette liste révèle que les constats d’accord intervenus dans le cadre d’une conciliation conventionnelle n’en font pas partie.
Il s’en déduit qu’un constat d’accord, bien que contresigné par un conciliateur de justice, est dépourvu de toute force exécutoire.
Autrement dit, en cas d’inexécution d’une obligation, le créancier n’aura d’autre choix que d’entreprendre des démarches auprès d’un juge aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
La seule présentation d’un constat d’accord à un commissaire de justice, est donc impuissante à déclencher la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée. Le commissaire de justice ne peut intervenir que s’il est en possession d’un titre exécutoire.
Si donc, par principe, le constat d’accord de conciliation est dépourvu de toute force exécutoire, deux options s’offrent aux parties pour y remédier :
- Saisir le juge aux fins d’homologation de l’accord de conciliation
- Faire contresigner l’accord de conciliation par les avocats en présence
i. L’homologation de l’accord
🡺Principe
L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »
Il ressort de cette disposition que, consécutivement à la conclusion d’un d’accord dans le cadre d’une conciliation, la faculté est ouverte aux parties de saisir le juge aux fins de faire homologuer cet accord.
Cette possibilité d’homologation, qui doit être évoquée par le conciliateur de justice, présente l’avantage pour les parties de conférer immédiatement à leur accord une force exécutoire sans qu’il leur soit besoin d’attendre la survenance d’une éventuelle inexécution, ce qui les contraindrait dès lors à devoir engager une procédure au fond.
La procédure d’homologation est quant à elle bien moins lourde et bien moins coûteuse à mettre en œuvre.
🡺Procédure
S’agissant de la procédure d’homologation judiciaire, elle est régie aux articles 1565 à 1566 du CPC.
- Compétence
- Le juge compétent pour homologuer un accord de conciliation est, selon l’article 1565 du CPC, celui-là même qui est compétent « pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »
- Saisine du juge
- L’article 1541 du CPC prévoit que « la demande tendant à l’homologation de l’accord issu de la conciliation est présentée au juge par requête de l’ensemble des parties à la conciliation ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres. »
- Afin de faciliter les démarches des parties et de favoriser, dès la conclusion de l’accord, le règlement de la question du consentement au dépôt d’une requête en homologation par les parties ou l’une d’entre elles, le conciliateur de justice, après les avoir informées de la nécessité que chaque partie consente à la demande d’homologation, propose aux parties de faire mention expresse de leur consentement dans le constat d’accord avant la signature de l’accord.
- Le conciliateur de justice informe alors le greffe du consentement de l’ensemble des parties au dépôt d’une requête en homologation et le cas échéant, que la requête en homologation figure dans le constat d’accord, au moment du dépôt pour enregistrement de celui-ci.
- En tout état de cause, la saisine s’opère nécessairement au moyen d’une requête qui est présentée au juge sans débat.
- L’article 1566 du CPC précise toutefois que le juge peut entendre les parties s’il l’estime nécessaire.
- Pouvoirs du juge
- L’article 1565 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
- Ainsi, est-il fait interdiction au juge de modifier l’accord e conciliation qui lui est soumis.
- Son pouvoir se limite à soit homologuer l’accord des parties, soit à rejeter la demande d’homologation qui lui est adressée, s’il considère que l’accord conclu ne répond pas aux exigences légales.
- Décision du juge
- Le juge dispose donc de deux options :
- Première option : le juge accède à la demande d’homologation de l’accord de conciliation
- Dans cette hypothèse, le juge rend une ordonnance d’homologation qui confère à l’accord de conciliation une force exécutoire.
- L’article 1566, al. 2e du CPC précise toutefois que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. »
- Cela signifie que dans l’hypothèse où l’accord de conciliation porterait atteinte aux droits de tiers, ils disposent d’un recours aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance d’homologation rendue par le juge.
- Seconde option : le juge rejette la demande d’homologation de l’accord de conciliation
- Le juge peut refuser d’homologuer l’accord de conciliation qui lui est soumise s’il estime qu’elle ne répond pas aux exigences légales ou qu’elle porte atteinte à l’ordre public.
- En tout état de cause, dans cette hypothèse, l’accord de conciliation demeurera dépourvu de toute force exécutoire.
- L’article 1566, al. 3e du CPC précise que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.
- Cet appel doit alors être formé par déclaration au greffe de la cour d’appel.
- La Cour d’appel statuera selon la procédure gracieuse.
ii. La contresignature de l’accord par des avocats
🡺Principe
Depuis l’adoption de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la saisine du juge aux fins d’homologation n’est plus la seule voie possible pour conférer une force exécutoire à l’accord de conciliation.
Ce texte a, en effet, créé une nouvelle voie qui consiste pour les parties à faire contresigner l’accord de conciliation par leurs avocats respectifs, ce qui lui confère la valeur de titre exécutoire.
L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que « les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »
Selon le législateur, l’objectif poursuivi par la création de ce nouveau titre exécutoire vise à favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges, en renforçant l’efficacité des accords conclus par les parties.
À cet égard, l’acte contresigné par les avocats de chacune des parties apporte un certain nombre de garanties quant à la réalité et à la régularité de l’accord auquel elles sont parvenues.
En effet, pour mémoire, l’article 1374 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».
En apposant leur contresignature à l’acte, les avocats des parties confèrent ainsi une valeur probante à l’origine de l’accord. Plus précisément, en contresignant, ils attestent l’identité des parties dont ils sont les conseils ainsi que l’authenticité de leur écriture et de leur signature.
L’autre garantie apportée par la contresignature de l’acte par les avocats est qu’elle permet d’opérer une partie du contrôle formel qui est habituellement réalisé par le juge de l’homologation.
🡺Domaine
Pour qu’un accord de conciliation puisse se voir reconnaître la valeur de titre exécutoire en dehors de l’intervention du juge de l’homologation, il doit avoir été contresigné, dit l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, par les avocats de chacune des parties.
Cela signifie donc que cette voie, qui permet de conférer à l’accord de conciliation une force exécutoire sans qu’il soit besoin de saisir le juge, ne peut être empruntée que si toutes les parties sont représentées par un avocat.
Cette obligation, qui existe déjà par exemple dans le cadre du divorce par consentement mutuel sous signature privée prévu à l’article 229-1 du Code civil, est de nature à éviter tout conflit d’intérêts.
Aussi, dans l’hypothèse où les parties seraient représentées par un seul avocat, la contresignature ne conférera pas à l’acte la valeur de titre exécutoire.
Elles conservent toutefois la possibilité de recourir à l’homologation par le juge sur le fondement de l’article 1565 du CPC.
🡺Insuffisance de la contresignature d’avocats
S’il est désormais plus facile pour les parties de rendre exécutoire l’accord de conciliation qu’elles ont conclu, le caractère de titre exécutoire n’est pas conféré directement à l’acte contresigné par les avocats, mais nécessite, en outre, l’apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.
L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que l’accord de conciliation ne peut valoir titre exécutoire qu’à la double condition qu’il soit :
- D’une part, contresigné par les avocats de chacune des parties
- D’autre part, revêtu de la formule exécutoire apposée par le greffe de la juridiction compétente
Il ressort des travaux parlementaires que cette intervention du greffe vise à écarter le risque d’inconstitutionnalité pesant sur un dispositif qui aurait placé l’avocat comme seul acteur du contrôle de l’acte.
En effet, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles le législateur peut autoriser une personne morale de droit privé à délivrer des titres exécutoires.
Dans sa décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que « si le législateur peut conférer un effet exécutoire à certains titres délivrés par des personnes morales de droit public et, le cas échéant, par des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, et permettre ainsi la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, il doit garantir au débiteur le droit à un recours effectif en ce qui concerne tant le bien-fondé desdits titres et l’obligation de payer que le déroulement de la procédure d’exécution forcée ».
Il ressort notamment de cette décision que si une personne de droit privé peut être habilitée par le législateur à émettre des titres exécutoires, c’est à la condition qu’elle soit chargée d’une mission de service public.
La question qui alors se pose est de savoir comment identifier une personne de droit privé chargé d’une mission de service public.
Pour le déterminer, il convient de se reporter à un arrêt APREI rendu par le Conseil d’État le 22 février 2007, aux termes duquel il a été jugé qu’« une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public » (CE, 22 févr. 2007, n°26541).
À l’analyse, l’avocat contresignant un acte sous seing privé ne satisfait pas aux critères d’identification de la personne privée chargée d’une mission de service public énoncés dans cette décision.
D’une part, l’avocat n’exerce pas une mission de service public en tant que telle mais agit en tant que représentant de son client dont il cherche à préserver les intérêts.
La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié l’avocat de « conseil représentant ou assistant l’une des parties en litige » et exclut de ce fait sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1998, n°96-13.862).
D’autre part, le critère du contrôle de l’administration ne saurait davantage être retenu à l’égard d’une profession libérale qui, contrairement aux notaires ou aux commissaires de justice dont certains actes ont valeur de titre exécutoire en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, sont des officiers publics ministériels.
C’est donc pour écarter le risque d’inconstitutionnalité d’un dispositif centré sur le seul acte contresigné par avocats qu’a été ajoutée la condition d’apposition par le greffe de la formule exécutoire.
🡺Procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe
La procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe sur un acte contresigné par des avocats est régie par les articles 1568 à 1571 du Code de procédure civile.
- Auteur de la demande d’apposition de la formule exécutoire
- L’article 1568 du CPC prévoit que la demande d’apposition de la formule exécutoire sur un accord de conciliation contresigné par des avocats peut être formulée par l’une ou l’autre partie.
- Forme de la demande d’apposition de la formule exécutoire
- La demande d’apposition de la formule exécutoire doit être formée par écrit et en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord.
- Instruction de la demande d’apposition de la formule exécutoire
- L’article 1568, al. 3e du CPC prévoit que le greffier n’appose la formule exécutoire qu’après avoir vérifié :
- Sa compétence
- La nature de l’acte qui lui est soumis
- Communication et conservation de la décision du greffier
- Le greffier accède à la demande d’apposition de la formule exécutoire
- L’acte contresigné par avocats et revêtu de la formule exécutoire, est alors remis ou adressé au demandeur par lettre simple.
- Le double de la demande ainsi que la copie de l’acte sont conservés au greffe.
- Le greffier n’accède pas à la demande d’apposition de la formule exécutoire
- La décision de refus du greffier d’apposer la formule exécutoire est notifiée par lettre simple au demandeur
- Elle est conservée au greffe avec le double de la demande ainsi que la copie de l’acte.
- Contestation de l’apposition de la formule exécutoire
- L’article 1570 du CPC prévoit que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
- La demande est alors formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure accélérée au fond.
b.3. Absence d’effet extinctif
À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une conciliation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.
En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.
Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.
Si l’accord issu d’une conciliation est dépourvu de tout effet extinctif, les parties peuvent y remédier en lui conférant la valeur d’une transaction.
En effet, afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord de conciliation dans les formes et conditions d’une transaction.
Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :
- D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
- D’autre part, stipuler des concessions réciproques
Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.
4.2. L’échec de la conciliation
🡺Cas d’échec de la conciliation
La tentative de conciliation est réputée avoir échoué lorsque :
- Soit, l’une des parties ne répond pas à l’invitation qui lui a été adressée par le conciliateur de justice
- Soit, l’une des parties a répondu à l’invitation du conciliateur, mais ne souhaite pas poursuivre la procédure de conciliation
- Soit les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que le litige qui les oppose n’est pas résolu
🡺Formalisation de l’échec de la conciliation
En cas d’échec de la conciliation, le conciliateur doit le formaliser par écrit. À cette fin, il dressera ce que l’on appelle :
- Un constat de carence, en cas d’absence d’une des parties à la réunion ou en cas d’absence de réponse d’une des parties à toute demande du conciliateur de justice,
- Un constat d’échec, en cas d’absence d’accord des parties à la suite d’une réunion de conciliation ou en cas de refus de poursuivre la tentative de conciliation
Compte tenu de ce que la tentative de conciliation de justice emporte des effets juridiques, il est absolument nécessaire, en cas de carence ou d’échec, de formaliser un écrit dont les parties pourront se prévaloir, lors d’une éventuelle instance en justice.
En effet, le constat de carence ou d’échec permettre aux parties d’apporter la preuve de la diligence effectuée, malgré l’absence de tentative de conciliation.
🡺Effets du constat de carence ou d’échec
Le constat de carence ou d’échec dressé par le conciliateur de justice produit plusieurs effets juridiques :
- Il met fin à la mission du conciliateur de justice
- Il marque la fin de la période de suspension de la prescription
- Il autorise les parties à saisir le juge, lorsque la conciliation était un préalable obligatoire à l’introduction d’une action en justice (V. en ce sens art. 750-1 du CPC)
C) Les effets de la tentative de conciliation conventionnelle
En soi, la conciliation conventionnelle ne produit pas vraiment d’effet juridique. Elle vise surtout à favoriser la conclusion d’un accord entre les parties, lequel accord bénéficiera tout au plus de la force exécutoire en cas d’homologation par le juge ou de contresignature par les avocats.
Comme vu précédemment, il ne sera toutefois pas pourvu de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’on ne saurait le regarder comme mettant définitivement fin au litige.
Il en résulte que, nonobstant la conclusion de cet accord, sauf à ce qu’il prenne la forme d’une transaction, il ne fera nullement obstacle à l’introduction d’une action en justice postérieurement à sa conclusion.
À l’analyse, le seul effet juridique qu’emporte la conciliation conventionnelle, c’est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice.
L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »
Il peut être observé que le point de départ de la suspension de la prescription est non pas la date de saisine du conciliateur de justice, mais :
- Soit la date à laquelle les parties ont convenu par écrit de recourir à la conciliation conventionnelle
- Soit, à défaut d’accord écrit, la date de comparution des parties à la première réunion suite à l’invitation qui leur a été envoyée par le conciliateur
S’agissant de la date marquant la fin de la période d’interruption du délai de prescription, l’article 2238, al. 2e du Code civil précise que le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.
Il peut être observé que la preuve de la suspension du délai de prescription, pourra se faire au moyen de l’acte établi par le conciliateur de justice (constat d’échec ou constat de carence), attestant de la tentative de conciliation et de la date des réunions.