L’apparence : Théorie et régime juridique

Habit, barbe etc. Le Littré prête à Madame de Sévigné de ne pas toujours juger sur les apparences. Quelques sentences courtes et imagées, d’usage commun, qui expriment une vérité d’expérience ou un conseil de sagesse, autrement dit quelques proverbes, ne disent pas autre chose : « l’habit ne fait pas le moine » ; « la barbe ne fait pas le philosophe » ; « tout ce qui brille n’est pas or ». Est apparent, ce qui n’est pas tel qu’il paraît être (Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française – le Nouveau Petit Robert, v° Apparent). On sait tout cela depuis Rome.

Barbarius Philippus avait été suffisamment habile pour dissimuler sa véritable condition d’esclave et exercer la charge de préteur. Chargé d’apprécier la recevabilité de la demande, c’est lui qui donne une action (actio legis) au demandeur et nomme un juge. Pour mémoire, le droit romain ancien (ante 150 avant J.-C.) est dépendant de la procédure. Les Romains ne raisonnent pas en termes de droits subjectifs, mais en termes d’actions. Et c’est seulement dans la mesure où ils disposaient d’une action en justice qu’ils pouvaient s’estimer titulaires d’un droit. En bref, l’action précédait le droit (voy. J.-L. Thireau, Introduction historique au droit, Flammarion, 2001, pp. 66, 67).

Hésitation. Une fois Barbarius Philippus démasqué, un double problème s’est posé. Sanctionner le magistrat ; la chose était facile. Annuler ou valider les actes accomplis du prétendu magistrat ; l’affaire s’avérait plus délicate. En dépit de l’incompétence manifeste du préteur, la solution de validité s’est imposée (Ulpien, D. 1, 14, 3). Serait-ce que toute vérité ne serait décidément pas bonne à dire… Justinien (qui régna en Orient de 527 à 565 fut aux compilations éponymes ce que Portalis fut au Code civil. Il éleva un monument juridique à la gloire de la haute Antiquité romaine : le corpus juris civilis, composé not. du Digeste, qui rassemble les écrits des jurisconsultes classiques romains, des Institutes, le Codex, qui reprend les constitutions antérieures et les Novelles, qui reprennent l’activité législative de Justinien) reprit la solution en posant que la sentence rendue par un arbitre, réputé libre alors qu’il était esclave, devait conserver son autorité. Accurse (1182-1260 est resté célèbre pour avoir rassemblé les principaux commentaires dans un souci de présentation critique, aux fins de conciliation. Ce faisant, il a fixé de manière quasi définitive la doctrine des glossateurs du corpus juris civilis), glosant sur la lex Barbarius Philippus, formula ladite solution par la maxime : « error communis facit jus » (H. Mazeaud, La maxime « Error communis facit jus », RTDciv. 1924.929).

Solution. L’expression étant trouvée, la règle commença à faire fortune sans discontinuité. Et la jurisprudence de l’appliquer comme un précepte ayant pour lui l’autorité du droit romain. Ce que ne firent pas les rédacteurs du Code qui l’ont formellement passée sous silence. Et ce n’est que trois ans après la promulgation du Code civil qu’un texte législatif consacrera expressément sa validité (Avis du Conseil d’État du 2 juill. 1807, avis interprétatif ayant force de loi en vertu de la Constitution du 22 frimaire an VIII – 13 déc. 1799).

Consécration. Le Code civil, relisons-le. À bien y réfléchir, plusieurs textes consacrent des conséquences juridiques à l’apparence ou à des droits apparents. Une consultation sommaire de la législation codifiée sur le site Internet de diffusion du droit en ligne (www.legifrance.gouv.fr) l’atteste (voy. not. la table alphabétique du Code civil, v° Apparence). C’est le cas, par exemple, en droit du paiement de l’obligation. En pratique, il n’est jamais possible à un débiteur d’obtenir de quelqu’un une preuve incontestable de sa qualité de créancier. Le débiteur ne peut jamais être sûr que la personne dans les mains de laquelle il s’acquitte est réellement le créancier. La créance a pu être cédée. La dette a pu s’éteindre… Dans tout paiement, il y a une irréductible part de risque de mauvais paiement. C’est pourquoi article 1240 C.civ. (devenu l’art. 1342-3 bien plus simplement formulé) pose une règle importante pour protéger le débiteur. Il dit que le débiteur est libéré (et qu’il ne risque donc pas de payer deux fois) lorsqu’il a payé à une personne “en possession” de la créance, c’est-à-dire à une personne qui a la possession d’état de créancier ou, pour le dire autrement, à une personne qui a l’apparence de la qualité de créancier. Le débiteur peut donc se fier à l’apparence. Il est dispensé d’investigations en vue de s’assurer que cette apparence correspond à la réalité. Si elle n’y correspondait pas, le débiteur serait de bonne foi et sa dette serait éteinte. C’est donc le créancier véritable qui supporterait alors le mauvais paiement. C’est lui qui assume le risque d’un paiement à un faux créancier apparent.

En résumé, “lorsqu’une personne exerce un droit sans titre, une fonction sans qualité, et passe aux yeux de tous, par suite d’une erreur invincible comme détenant la légitimité juridique, ceux qui ont traité avec elle ou recouru à son office sont protégés contre le défaut de droit ou le défaut de pouvoir : la croyance collective à un droit ou à un pouvoir, quoique erronée, équivaut à l’existence de ce droit ou de ce pouvoir ; la réalité est sacrifiée à l’apparence, d’où résulte le maintien de l’opération qui, au regard des principes, devrait être annulée sans discussion”. La maxime ne se contente donc pas de condenser en une formule brève les règles dans le détail desquelles s’est complu le législateur. Elle ne permet pas seulement de trancher l’une des multitudes de questions laissées dans l’ombre par les rédacteurs. Elle heurte le droit civil (H. Mazeaud, op. cit.).

Chaque fois que l’adage est invoqué, la loi a été méconnue. Appliquer la maxime, c’est toujours valider une violation de la règle de droit. L’application de ce que l’on nomme ordinairement la théorie de l’apparence a un effet d’inhibition de la norme. Elle traduit en quelque sorte une certaine soumission du droit aux faits (J. Ghestin et alii, Droit civil, Introduction générale, p. 829).

Les fonctions de l’apparence (I). Les conditions de l’apparence (II).

I – Les fonctions de l’apparence

Plusieurs séries de considérations président aux fonctions de l’apparence.

En technique, l’apparence et sa théorie sont une construction méthodologique qui offre au juge un guide pour motiver des décisions qui font prévaloir le fait sur le droit. De ce point de vue, l’expression désigne la matrice d’un principe dérogatoire à l’application normale des règles de formation et de transmission des droits. Cette matrice est tel ce dieu de la mythologie grecque à une tête, mais à deux visages : Janus. Pendant que le système du Code civil assigne aux apparences une fonction de présomption, le juge leur attribue une fonction de validation des actes nuls.

En pratique, l’apparence et sa théorie ont pour fonctions d’assurer la sécurité des tiers et la rapidité des transactions. Plus le commerce juridique a besoin de rapidité, plus se justifie que l’on puisse se fier aux apparences.

En théorie, l’ordre public, la paix publique, la sécurité sociale exigent que ceux qui ont failli ne soient pas laissés sans protection ; parce qu’il leur était impossible de ne pas se tromper, il importe de faire fléchir en leur faveur la rigueur de la loi (H. Mazeaud, op. cit., p. 950). Comprenons bien. Il ne s’agit pas d’ériger la théorie de l’apparence en règle générale et abstraite. Le vers serait dans le fruit. Si l’on a fini par donner à l’erreur la puissance du droit, ce n’est que de façon très circonstanciée. L’ignorance de la situation véritable ne suffit pas à justifier la dérogation aux conséquences logiques de l’application des règles de droit. Les conditions de l’apparence l’attestent.

II – Les conditions de l’apparence

La notion d’apparence étant invoquée dans maints domaines, elle tend à devenir protéiforme. Il reste pour autant qu’il s’agit nécessairement d’une situation de fait visible qui provoque une croyance erronée. En toute hypothèse, la question est de savoir si, conformément aux règles et aux usages de la matière considérée, un individu normalement avisé aurait admis pour vrai ce qui n’était au mieux que vraisemblable.

En définitive, l’apparence suppose réunies une condition matérielle et une condition intellectuelle ou psychologique.

Réalité. Pour que la théorie de l’apparence s’applique, la valeur indicative des faits doit être telle qu’elle s’impose spontanément à l’esprit, sans le détour de raisonnements compliqués. Autrement présenté, il faut une réalité visible que l’observateur considérera comme révélatrice de la situation de droit. Les faits accumulés se renforcent et s’éclairent les uns aux autres de telle façon qu’aucun doute n’effleure le spectateur sur leur signification. La notion de possession d’état est topique. La loi dispose qu’elle s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite intervenir (C.civ., art. 311-1).

Erreur. La théorie est salvatrice pour les tiers qui, de bonne foi, se sont fiés à ce qu’ils ont pu voir. Voy. par ex. art. 1998 C.civ. (mandat apparent). Il ne s’agirait pas qu’elle déresponsabilisât les sujets de droit. L’error n’est pas n’importe quelle erreur. Il faut que l’erreur commise présente certains caractères qui dépassent la bonne foi strictement entendue. L’erreur doit traditionnellement être commune. La jurisprudence paraît se contenter plus récemment d’une erreur légitime. L’erreur commune est source de droit, elle fait le droit, dit l’adage. Elle doit être partagée. Dans la mesure où il s’agit de protéger, dans l’intérêt général, les relations juridiques, la contemplation de l’erreur dans la personne d’un seul individu serait incongrue. L’intérêt dont il est question n’est menacé que si un grand nombre d’individus est tombé ou aurait pu tomber dans l’erreur. C’est l’erreur, non pas universelle, mais celle commise par la masse. Il se créé alors la fameuse situation apparente à laquelle chacun a pu légitimement se fier. Le critère est objectif, assez facile à pratiquer, trop du reste. Il ne s’agirait pas qu’une erreur grossière torde le coup au droit pour la seule raison qu’elle a été partagée. En cette occurrence, il n’y a pas lieu de protéger l’errans. Le juge ne protège pas ceux qui ne sont pas suffisamment diligent et vigilant : de non vigilantibus non curat praetor (des non vigilant le préteur n’a cure).

Errans. Aussi bien, il importe pour celui qui est dans l’erreur de satisfaire un second critère, subjectif. L’attitude de l’errans doit être excusable et raisonnable. Considérant qu’à l’impossible nul n’est tenu, s’il était humainement impossible d’éviter le piège de l’apparence, la règle de droit doit être refoulée : summum jus, summa injuria (comble de droit, comble d’injustice). Il n’est pas tolérable qu’une application trop rigoureuse de la loi puisse déboucher sur une injustice suprême. Souvenons-nous que le doit est l’art du bon et de l’équitable.

Le caractère commun de l’erreur a été jugé un peu trop rigoureux. Aussi l’on a fait appel à une notion moins exigeante, l’erreur légitime. Cette erreur est appréciée dans la seule personne de l’errans. Peu importe en d’autres termes qu’aucune autre personne n’ait été trompée. Si la personne considérée avait de bonne raison de se tromper, son erreur est légitime.

La jurisprudence ne paraît pas avoir opté exclusivement pour l’une ou l’autre des conditions. Le juge est pragmatique. Il pratique l’une ou l’autre condition au gré des circonstances de l’espèce. La seconde a le mérite de “donner aux individus l’assurance que leur croyance légitime suffit à garantir leurs droits. [Ce faisant], on les incite encore davantage à agir et on leur permet de le faire vite”(J. Ghestin et alii, op. cit., p. 842).

Quelques esprits chagrins dénonceront l’incertitude qui règne en la matière. Ils ont raison. Encore qu’il n’y a pas à craindre de grands troubles dans la force, car si le domaine de cette théorie est vaste, l’application de ladite théorie présente un caractère subsidiaire. Selon l’opinion générale, les juridictions ne doivent y avoir recours que si elles ne trouvent pas dans les textes un moyen adéquat de justifier la solution qui leur paraît nécessaire. Force est de le répéter : le risque de subversion du Droit existe. Il doit être canalisé. L’apparence ne saurait prévaloir sur des solutions précises de la loi exactement adaptées à la situation (voy. égal. v° La fraude).

J.B.

État des lieux de la réforme du droit des contrats après l’adoption de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016

I) Procédure législative

La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 a été adoptée en vue de ratifier l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Cette ordonnance avait été prise sur le fondement de l’habilitation accordée par l’article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d'améliorer la lisibilité, de renforcer l'accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme et, à cette fin :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d'offre et d'acceptation de contrat, notamment s'agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d'information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d'une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l'autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l'interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d'adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l'inexécution du contrat et introduire la possibilité d'une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d'affaires et au paiement de l'indu et consacrer la notion d'enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l'obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d'extinction de l'obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l'ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d'obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d'anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l'ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d'abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l'admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d'admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en oeuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.


En première lecture de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, d’aucuns avaient estimé qu'une réforme d'une telle ampleur de notre droit civil était trop fondamentale pour être conduite par ordonnance et devait être examinée par le Parlement.

Saisi de ce seul grief, le Conseil constitutionnel ne contesta pas qu'il pût être procédé à la réforme du droit des contrats par ordonnance, dès lors que l'habilitation ne méconnaissait pas les exigences qui résultaient de l'article 38 de la Constitution.

Le délai d'habilitation était fixé à douze mois, de sorte que l'ordonnance fut délibérée en conseil des ministres et signée par le Président de la République le 10 février 2016, puis publiée au Journal officiel le lendemain.

II) Application de la loi dans le temps

A) Application dans le temps de l’ordonnance

==> Texte

L’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 est rédigé en ces termes :

« Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation. »

==> Interprétation

Pour mémoire, l’article 2 du Code civil dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif. »

Lors de l’adoption de la réforme des obligations le législateur a néanmoins souhaité déroger à cette règle en prévoyant des dispositions transitoires qui sont énoncées à l’article 9 de l’ordonnance.

En substance, cette disposition énonce trois règles dont l’articulation est la suivante :

  • Principe
    • L’alinéa 1er prévoit que l’ordonnance ne pourra commencer à être appliquée qu’à compter du 1er octobre 2016.
    • L’alinéa 2e rappelle, en complément, le principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle
    • Il en résulte que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent régis par la loi qui était en vigueur au moment de leur conclusion, y compris pour leurs effets postérieurs au 1er octobre 2016.
    • Bien que la jurisprudence considère que de manière constante que la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets légaux des contrats conclus avant son entrée en vigueur ( ch. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125), l’alinéa 2 de l’article 9 de l’ordonnance semble exclure expressément cette exception
    • En effet, l’ordonnance ne s’appliquera pas aux contrats conclus avant le 1er octobre sans que l’on ait à distinguer entre leurs effets contractuels et leurs effets légaux.
    • Cette solution est confirmée
  • Exceptions
    • L’alinéa 3 de l’article 9 de l’ordonnance pose deux catégories d’exceptions au principe de survie de la loi ancienne.
      • Les actions interrogatoires
        • Par exception à l’alinéa 2 de l’ordonnance, les actions interrogatoires prévues par le texte sont d’application immédiate
        • Il s’agit des actions interrogatoires introduites :
          • En matière de pactes de préférence (art. 1123, al. 3 et 4)
          • En matière de représentation (art. 1158)
          • En matière de nullités (art. 1183)
      • Les instances en cours
        • L’alinéa 4 précise que l’ordonnance ne s’applique pas aux instances en cours et aux instances introduites avant le 1er octobre 2016.
        • En dehors des deux hypothèses précitées, l’ordonnance ne prévoit aucune autre exception au principe de survie de la loi ancienne.

II) Application dans le temps de la loi de ratification

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 dispose que « la présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018. »

Il ressort néanmoins de cette disposition qu’une distinction doit être opérée entre :

  • Les règles qui ont fait l’objet d’une modification substantielle
  • Les règles dont la modification possède un caractère interprétatif

Tandis que dans le premier cas, les modifications apportées par la loi du 20 novembre 2018 n’entrent en vigueur qu’à compter du 1er octobre 2018, dans le second cas, elles sont d’application immédiate, soit peuvent s’appliquer à tous les contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016

==> Les dispositions qui ont fait l’objet d’une modification substantielle

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 énonce une liste d’articles qui sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur, soit à partir du 1er octobre 2018.

Au nombre de ces articles figurent :

  • Article 1110: Les contrats de gré à gré et d’adhésion
  • Article 1117: La caducité de l’offre
  • Article 1137: La définition du dol
  • Article 1145: La capacité des personnes morales
  • Article 1161: Le conflit d’intérêts
  • Article 1171: Les clauses abusives
  • Article 1223: La réduction du prix
  • Article 1327: La cession de dette
  • Article 1343-3: Le paiement d’une obligation de somme d’argent en devises
  • Article L. 211-40-1 CMF: la révision pour imprévision

==> Les dispositions dont la modification possède seulement un caractère interprétatif

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 a modifié un certain nombre de dispositions sans pour autant toucher au fond des règles.

À cet égard, il s’agit de modifications qui possèdent un caractère interprétatif, ce qui a pour conséquence d’autoriser leur application immédiate aux contrats en cours, par exception au principe de survie de la loi ancienne.

Au nombre des articles ainsi modifiés figurent :

  • Article 1112: Les négociations précontractuelles
  • Article 1143: L’abus de dépendance
  • Article 1165: L’abus dans la fixation du prix
  • Article 1216-3: Le sort des sûretés dans la cession de contrat
  • Article 1217: Les sanctions de l’inexécution du contrat
  • Article 1221: L’exécution en nature
  • Article 1304-4: La renonciation aux effets de la condition suspensive
  • Article 1305-5: L’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur
  • Article 1327-1: La cession de dette
  • Article 1328-1: Le sort des sûretés dans la cession de dette
  • Article 1347-6: Les effets de la compensation à l’égard des tiers
  • Article 1352-4: Les restitutions

III) Contenu de la loi

ARTICLE 1110

(Définition des contrats d’adhésion et de gré à gré)

Il ressort de la nouvelle rédaction de l’article 1110 du Code civil que le législateur a entendu simplifier la définition proposée du contrat d’adhésion mais aussi celle du contrat de gré à gré prévue par le premier alinéa de l’article 1110 du code civil.

La définition du contrat de gré à gré

==> Ancien texte

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. »

==> Nouveau texte

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. »

==> Analyse

Comme relevé par l’un des rapporteurs du projet de loi, définir le contrat de gré à gré comme celui dont les stipulations sont librement négociées peut avoir deux sens :

  • Un contrat dont les stipulations ont toutes été effectivement et librement négociées
  • Un contrat dont les stipulations n’ont pas toutes été négociées mais auraient toutes pu l’être.

Le législateur a souhaité lever cette ambiguïté, car s’il peut arriver que toutes les clauses d’un contrat n’aient pas été effectivement négociées et qu’une partie ait adhéré à des clauses proposées par l’autre partie sans les négocier, cela ne signifie pas pour autant que l’on est en présence d’un contrat d’adhésion.

Cette catégorie de contrat se caractérise, en effet, par la faculté dont dispose une partie de proposer le contrat sans permettre à son cocontractant d’en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives.

Dès lors, le critère distinctif pertinent entre le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation.

Ce critère présente l’avantage d’assurer une cohérence avec le dispositif instauré à l’article 1171 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition qui prohibe « tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », soit plus communément les clauses abusives, n’est applicable qu’aux seuls contrats d’adhésion.

D’où l’enjeu de bien les distinguer des contrats de gré à gré qui, en principe, sont conçus comme leur symétrique.

Le législateur en a tiré la conséquence qu’il convenait de substituer l’assertion « librement négociées » par le terme « négociables », ce qui marque l’adoption d’un nouveau critère de distinction.

La définition du contrat d’adhésion

==> Ancien texte

« Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »

==> Nouveau texte

« Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »

==> Analyse

Le texte a ici fait l’objet de deux modifications :

  • La substitution de « soustraites à la négociation» par « non négociables »
    • La notion de clauses soustraites à la négociation a été jugée ambiguë par le législateur
    • Elle peut, en effet, inclure des clauses qui auraient pu être négociées mais qui ne l’ont pas été effectivement
    • Le rapporteur de l’Assemblée nationale a estimé que la définition du contrat d’adhésion « élargissait considérablement le champ des contrats susceptibles d’être qualifiés de contrats d’adhésion », dès lors qu’une seule clause non négociable, même très accessoire, pouvait emporter la qualification de contrat d’adhésion et faire basculer le contrat dans le dispositif de sanction des clauses abusives.
    • Aussi, a-t-il évoqué les « craintes des milieux d’affaires (…), certains considérant que les pactes d’actionnaires pourraient être assimilés à des contrats d’adhésion, d’autres estimant que des contrats internationaux comportant des clauses d’arbitrage non négociables, par exemple, pourraient également relever de cette définition, les soumettant en conséquence au dispositif de lutte contre les clauses abusives»
    • Il a donc été décidé de clarifier la notion de contrat d’adhésion en précisant qu’il ne peut comporter que des clauses « non négociables»
  • La substitution de « conditions générales» par « ensemble de clauses »
    • Il a été relevé lors des débats parlementaires que le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n’est pas définie, quand bien même elle est susceptible d’évoquer des notions connues dans certains droits particuliers.
    • Certes, l’article 1119 du code civil évoque lui aussi les conditions générales, mais dans une autre perspective :
      • Soit dans le cadre d’une distinction entre conditions générales et conditions particulières
      • Soit dans le cadre d’une incompatibilité entre les conditions générales de chaque partie
    • Toutefois, cet article ne permet guère d’éclairer la définition du contrat d’adhésion sur la base du critère des conditions générales.
    • Il a alors été envisagé de substituer à la notion de conditions générales celle de stipulations essentielles
    • Cette substitution a toutefois été vivement critiquée
    • En effet, des clauses abusives peuvent se trouver dans des stipulations qui ne sont pas jugées comme essentielles à la formation du contrat.
    • Si la nature de la prestation, le prix, la référence à un indice, la durée ou encore les limitations ou exonérations de responsabilité sont sans doute des stipulations essentielles, qu’en est-il d’une clause, dans des contrats susceptibles d’être résiliés, prévoyant une durée de préavis excessivement longue pour résilier ou subordonnant la résiliation au versement d’une forte indemnité ?
    • Dès lors que des clauses peuvent être abusives sans figurer dans des conditions générales ou relever des stipulations essentielles du contrat, la jurisprudence pourrait interpréter extensivement de telles notions imprécises pour pouvoir leur faire application de l’article 1171.
    • Aussi, le législateur a-t-il finalement décidé de substituer la notion de « conditions générales», par la formule « ensemble de clauses non négociables ».
    • La notion d’ensemble de clauses non négociables laisse au juge une latitude suffisante pour apprécier la nature du contrat soumis à son examen, sans créer pour autant de trop grandes incertitudes, à la différence du recours à la notion de conditions générales.
    • Selon la lettre du droit, il restera une catégorie interstitielle de contrats, comportant quelques clauses éparses non négociables voire une seule.
    • N’étant pas des contrats d’adhésion, ils devront être considérés comme des contrats de gré à gré, dès lors que le contrat d’adhésion se définit par rapport au contrat de gré à gré, nonobstant la présence de quelques clauses accessoires non négociables, sauf à ce que celles-ci soient essentielles à la conclusion du contrat.
    • Ceci revient à dire que le contrat de gré à gré est en réalité celui dont au moins l’essentiel des stipulations – et non les stipulations essentielles, formule retenue dans l’avant-projet d’ordonnance et qui donc a été écartée– est négociable.
    • Une telle interprétation est conforme aux finalités qui ont été recherchées par l’introduction de la notion de contrat d’adhésion dans le code civil : le contrat d’adhésion est essentiellement imposé par l’une des parties à l’autre, même si certaines stipulations peuvent être négociables, de sorte qu’il peut receler des clauses abusives, tandis que le contrat de gré à gré est celui qui peut faire globalement l’objet d’une véritable négociation, même si quelques stipulations peuvent être considérées comme non négociables par l’une des parties.
    • Au bilan, l’exigence d’un « ensemble de clauses» non négociables – et non quelques clauses isolées – permet de resserrer la définition du contrat d’adhésion.

Au bilan, le contrat d’adhésion est défini à partir de deux critères :

  • La non négociabilité de ses clauses
  • La prédétermination unilatérale par une partie

ARTICLE 1112

(Le préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers)

==> Ancien texte

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

 En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. »

==> Nouveau texte

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

 En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. »

==> Analyse

L’article 1112 traite du contentieux des négociations précontractuelles et vise à définir le régime de la sanction en cas de faute de l’une des parties commise à l’occasion de ces pourparlers.

La responsabilité de l’auteur de la faute peut en effet être engagée, sous réserve d’une réparation du préjudice expressément restreinte par l’article.

Lors de l’élaboration du projet de loi de ratification, la question de l’étendue du préjudice réparable a suscité des interrogations : exclut-il seulement les avantages attendus du contrat ou également le préjudice distinct de la perte de chance de conclure le contrat ?

Pour mémoire, le rapport au Président de la République indique l’intention de consacrer la jurisprudence dite « Manoukian », qui conduit à exclure du préjudice réparable non seulement les gains que permettaient d’espérer la conclusion du contrat, mais également la perte de chance de réaliser des gains.

Dans cet arrêt, la chambre commerciale avait, en effet, jugé que « les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat » (Cass. com. 26 nov. 2003)

Cass. com. 26 nov. 2003
Arrêt Manoukian
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par les consorts X..., pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société Alain Manoukian la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que la liberté contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, liberté qui n'est limitée que par l'abus du droit de rompre qui est une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément à la charge du cédant de nature à caractériser un tel comportement, contraire à la bonne foi contractuelle, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

2 / que celui qui prend l'initiative de pourparlers en établissant une proposition d'achat de la totalité des actions d'une société, soumise à plusieurs conditions suspensives affectées d'un délai de réalisation, et qui ne manifeste aucune diligence pour la réalisation de ces conditions, ne saurait imputer à faute la rupture par son partenaire des pourparlers, après l'expiration de ce délai, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé, d'un côté, que les parties étaient parvenues à un projet d'accord aplanissant la plupart des difficultés et que la société Alain Manoukian était en droit de penser que les consorts X... étaient toujours disposés à lui céder leurs actions et, d'un autre côté, que les actionnaires de la société Stuck avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société Les complices et conclu avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société Alain Manoukian que quatorze jours après la signature de celui-ci, tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole, la cour d'appel a retenu que les consorts X... avaient ainsi rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner et que la société Alain Manoukian poursuivait normalement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé, par un motif non critiqué, que les parties avaient, d'un commun accord, prorogé la date de réalisation des conditions suspensives, le moyen pris de la circonstance que la rupture des pourparlers aurait été postérieure à cette date est inopérant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :

Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;

Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Alain Manoukian fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Les Complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acquéreur de garantir par avance le vendeur de toute indemnité en cas de rupture des pourparlers auxquels ce dernier aurait pu se livrer avec un tiers antérieurement constitue une faute dont l'acquéreur doit réparation envers la victime de la rupture des pourparlers dès lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acquéreur, une incitation à rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts X... à la société Les complices, celle-ci s'était engagée à garantir les vendeurs de toute indemnité que ceux-ci seraient éventuellement amenés à verser à un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considérant néanmoins que la société Les complices, dont les juges du fond ont constaté qu'elle avait profité des manoeuvres déloyales commises par les consorts X... à l'encontre de la société Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la société Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engagés avec les consorts X..., peu important qu'il n'ait pas été démontré que la société Les complices avait eu connaissance de l'état d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ;

Attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie insérée dans la promesse de cession ne suffisait pas à établir que la société Les Complices avait usé de procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions composant le capital de la société Stuck, ni même qu'elle avait une connaissance exacte de l'état d'avancement des négociations poursuivies entre la société Alain Manoukian et les cédants et du manque de loyauté de ceux-ci à l'égard de celle-là, la cour d'appel a exactement décidé que cette société n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en définitive profité des manoeuvres déloyales des consorts X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Par cet arrêt, la haute juridiction considère ainsi que, désormais, le gain manqué par la victime d’une rupture abusive des pourparlers n’est plus un préjudice réparable.

La faute commise par l’auteur de la rupture ne pourra donc pas conduire à indemniser le profit que la victime entendait retirer de la conclusion du contrat.

Si rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 semblait consacrer cette jurisprudence, l’article 1112 ne faisait pourtant mention expresse que de « la perte des avantages attendus du contrat », sans évoquer le préjudice de perte de chance.

Aussi, la rédaction de l’article pouvait faire naître une incertitude et laisser penser que la perte de chance était admise en tant que préjudice réparable, contrairement avec ce qu’indique le rapport au Président de la République.

Afin de clarifier l’étendue du préjudice réparable, et de sécuriser le dispositif en se conformant à l’intention des rédacteurs de l’ordonnance révélée par le rapport au Président de la République, le législateur a préféré expressément exclure la perte de chance des préjudices réparables en cas de faute lors des pourparlers.

À l’inverse, la rédaction du texte permet bien la réparation du préjudice résultant des opportunités perdues de conclure un contrat avec un tiers, confortant une solution déjà admise par la jurisprudence (Cass. 3ème civ., 28 juin 2006, n° 04-20.040).

ARTICLE 1117

(La caducité de l’offre en cas de décès du destinataire)

==> Ancien texte

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.

 Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. »

==> Nouveau texte

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.

 Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire. »

==> Analyse

En matière d’offre, l’article 1117 du Code civil prévoit que l’offre devient caduque dans trois hypothèses :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant

À la lecture de cette disposition, des sénateurs ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée la situation de la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

À cet égard, la Cour de cassation a pu considérer que dans cette hypothèse, l’offre devenait caduque et plus précisément qu’elle ne se transmettait pas aux héritiers du destinataire (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que la commune de Lege Cap Ferret (la commune) a donné à bail à Jacques X... un terrain sur lequel celui-ci a édifié une construction ; que, par lettre du 30 juin 1988, la commune lui a proposé l'acquisition de ce terrain ; qu'il est décédé le 22 novembre 1988 sans avoir répondu à cette proposition et en laissant pour lui succéder MM. Jean-Jacques et René X... et Mme Françoise X..., ses trois enfants ; que, par acte notarié du 29 décembre 1988, M. René X... s'est porté acquéreur de l'immeuble moyennant le prix de 100 464 francs qu'il a revendu le 12 juillet 2002 au prix de 213 428,62 euros ; que le partage successoral, intervenu le 27 décembre 1991 ne faisait pas mention de cet immeuble ; que M. Jean-Jacques X... a assigné son frère, René, aux fins de dire qu'il avait commis un recel successoral ;

Attendu que M. Jean-Jacques X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 décembre 2006) d'avoir rejeté comme étant non fondée sa demande tendant à voir reconnaître à la charge de M. René X... un recel successoral ;

Attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que la lettre du 30 juin 1988 constituait seulement une offre de vente s'analysant en une obligation non point de donner mais de faire et à laquelle Jacques X... n'avait pas donné suite avant son décès, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par motifs propres et adoptés, retenu qu'aucune créance mobilière ni aucun droit susceptible, comme dans l'hypothèse d'une promesse unilatérale de vente, d'être transférée à ses ayants droits, n'étaient entrés dans son patrimoine, de sorte que l'élément matériel du délit de recel n'était pas établi ; d'autre part, que M. René X... n'ayant pas distingué devant les juges d'appel la construction et la propriété du sol, le grief énoncé à la troisième branche manque en fait ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Selon certains auteurs, la solution devrait être radicalement inverse en présence d’un contrat conclu intuitu personae.

Le législateur a néanmoins jugé une clarification nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d’incertitude et d’insécurité juridique.

Il a donc été décidé de modifier l’article 1117 du code civil afin d’affirmer clairement la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

Désormais, l’offre devient alors caduque dans quatre cas :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant
  • Soit en cas de décès du destinataire

ARTICLE 1137

(L’absence de dol en cas de non-révélation au cocontractant de la valeur de la prestation)

==> Ancien texte

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

 Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

==> Nouveau texte

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

 Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

 Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

==> Analyse

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations révèle que les différentes formes de dol découvertes progressivement par la jurisprudence ont, globalement, toutes été consacrées par le législateur.

L’article 1137 alinéa 1, du Code civil prévoit en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »

Ainsi, le dol est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :

  • Des manœuvres
  • Un mensonge
  • Un silence

Si, les deux premières formes de dol ne soulèvent guère de difficultés, il n’en va pas de même pour la réticence dolosive qui, si elle est consacrée par le législateur, n’en suscite pas moins des interrogations quant à la teneur de son élément matériel.

Pour rappel, il ressort de la jurisprudence que le silence constitue une cause de nullité du contrat :

  • Soit parce qu’une obligation d’information pesait sur celui qui s’est tu
  • Soit parce que ce dernier a manqué à son obligation de bonne foi

Ainsi les juridictions ont-elles assimilé la réticence dolosive à la violation de deux obligations distinctes, encore que, depuis les arrêts Vilgrain (Cass. com., 27 févr. 1996) et Baldus (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000) les obligations de bonne foi et d’information ne semblent pas devoir être placées sur le même plan.

Cass. 1ère civ. 3 mai 2000
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu qu'en 1986, Mme Y... a vendu aux enchères publiques cinquante photographies de X... au prix de 1 000 francs chacune ; qu'en 1989, elle a retrouvé l'acquéreur, M. Z..., et lui a vendu successivement trente-cinq photographies, puis cinquante autres photographies de X..., au même prix qu'elle avait fixé ; que l'information pénale du chef d'escroquerie, ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de Mme Y..., qui avait appris que M. X... était un photographe de très grande notoriété, a été close par une ordonnance de non-lieu ; que Mme Y... a alors assigné son acheteur en nullité des ventes pour dol ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1 915 000 francs représentant la restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes de gré à gré de 1989, après déduction du prix de vente de 85 000 francs encaissé par Mme Y..., l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant de conclure avec Mme Y... les ventes de 1989, M. Z... avait déjà vendu des photographies de X... qu'il avait achetées aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d'achat, retient qu'il savait donc qu'en achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l'unité, il contractait à un prix dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art, manquant ainsi à l'obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant et que, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photographies, M. Z... a incité Mme Y... à conclure une vente qu'elle n'aurait pas envisagée dans ces conditions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

La première ne serait autre que le fondement de la seconde, de sorte que l’élément matériel de la réticence dolosive résiderait, en réalité, dans la seule violation de l’obligation d’information.

Est-ce cette solution qui a été retenue par l’ordonnance du 10 février 2016 lors de la réforme des obligations ?

Pour mémoire, une obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du Code civil, de sorte que cette obligation dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.

Aussi, est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels elle était traditionnellement rattachée.

Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.

Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices du consentement.

Dorénavant, l’obligation d’information s’impose en toutes circonstances : elle est érigée en principe cardinal du droit des contrats.

Immédiatement, la question alors se pose de savoir si cette obligation d’information dont il est question en matière de dol est la même que l’obligation générale d’information édictée à l’article 1112-1 du Code civil.

S’il eût été légitime de le penser, il apparaît, à l’examen de l’article 1137, al. 2, relatif à la réticence dolosive, que les deux obligations d’information ne se confondent pas :

  • S’agissant de l’obligation d’information fondée sur l’article 1112-1, al. 2 (principe général)
    • Cette disposition prévoit que l’obligation générale d’information ne peut jamais porter sur l’estimation de la valeur de la prestation
  • S’agissant de l’obligation d’information fondée sur l’article 1137, al. 2 (réticence dolosive)
    • D’une part, cette disposition prévoit que l’obligation d’information porte sur tout élément dont l’un des contractants « sait le caractère déterminant pour l’autre partie», sans autre précision.
    • On peut en déduire que, en matière de réticence dolosive, l’obligation d’information porte également sur l’estimation de la valeur de la prestation.
    • En effet, le prix constituera toujours un élément déterminant du consentement des parties.
    • D’autre part, l’article 1139 précise que « l’erreur qui résulte d’un dol […] est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat».
    • Une lecture littérale de cette disposition conduit ainsi à admettre que lorsque la dissimulation – intentionnelle – par une partie d’une information a eu pour conséquence d’induire son cocontractant en erreur quant à l’estimation du prix de la prestation, le dol est, en tout état de cause, caractérisé.
    • Enfin, comme l’observe Mustapha MEKKI, « le rapport remis au président de la République confirme que la réticence dolosive n’est pas conditionnée à l’établissement préalable d’une obligation d’information».
    • Il en résulte, poursuit cet auteur, que la réticence dolosive serait désormais fondée, plus largement, sur les obligations de bonne foi et de loyauté.
    • Aussi, ces obligations commanderaient-elles à chaque partie d’informer l’autre sur les éléments essentiels de leurs prestations respectives.
    • Or incontestablement le prix est un élément déterminant de leur consentement !
    • L’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation pèserait donc bien sur les contractants

Au total, l’articulation de l’obligation générale d’information avec la réticence dolosive conduit à une situation totalement absurde :

  • Tandis que l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du Code civil témoigne de la volonté du législateur de consacrer la solution retenue dans l’arrêt Baldus en excluant l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation
  • Dans le même temps, la combinaison des articles 1137, al. 2 et 1139 du Code civil anéantit cette même solution en suggérant que le manquement à l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation serait constitutif d’une réticence dolosive.

Pour résoudre cette contradiction, le législateur a décidé d’ajouter un 3e alinéa à l’article 1117 du Code civil qui désormais précise que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

La jurisprudence Baldus est ainsi définitivement consacrée !

ARTICLE 1143

(Le champ d’application de l’abus de l’état de dépendance)

==> Ancien texte

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

==> Nouveau texte

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

==> Analyse

L’article 1143 du code civil a pour objet de sanctionner l’exploitation abusive des situations de dépendance, et constitue en ce sens l’une des principales innovations au sein de la classification des vices du consentement.

Selon le rapport au Président de la République, cette disposition a pour objet d’« assimiler à la violence l’abus de la dépendance dans laquelle se trouve [un] cocontractant », s’inscrivant dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a reconnu, à ce titre, que la contrainte économique pouvait être sanctionnée sur le fondement du vice de violence (Cass. 1ère civ. 30 mai 2000, n° 98-15.242)

Dans une jurisprudence ultérieure de 2002, la Cour de cassation a établi une liste de critères permettant de qualifier plus précisément la notion de violence économique : « seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » (Cass. 1ère civ., 3 avril 2002, n° 00-12.932)

Pourtant, comme l’indique très clairement le rapport au Président de la République, il ne s’agit pas d’une consécration à droit constant de la jurisprudence relative à l’état de dépendance économique, mais plutôt de son extension, car « le texte est en réalité plus large » en visant « toutes les hypothèses de dépendance (…), ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles ».

La violence de l’article 1143 ne peut ainsi être constituée que s’il y a réunion de plusieurs critères cumulatifs :

  • L’existence d’un état de dépendance
  • L’abus de cet état de dépendance par l’une des parties
  • Le fait d’obtenir de l’autre partie un engagement qu’elle n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte
  • Le fait d’en tirer un avantage manifestement excessif.

L’incertitude sur la portée de cette disposition, en raison de l’absence de définition claire de l’état de dépendance et des interrogations sur son articulation tant avec le régime de protection des incapables prévu par le code civil qu’avec les dispositions existantes au sein d’autres branches du droit ou au sein des droits spéciaux des contrats, est apparue être source de complexité et d’insécurité juridique.

Aussi a-t-il été jugé que ce régime, dont l’objectif est la protection de la partie la plus faible au contrat, était susceptible d’avoir des effets contre-productifs en décourageant des cocontractants présumés forts de contracter avec des parties présumées faibles, par crainte de voir leur contrat annulé sur le fondement de l’abus de l’état de dépendance.

Dans un premier temps, il a dès lors été décidé de restreindre l’application de l’abus de l’état de dépendance au champ économique, en se référant à une formulation bien connue et établie par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 30 mai 2000, n° 98-15.242), soit en visant expressément « l’abus de dépendance économique ».

Finalement, la commission des lois de l’Assemblée nationale a, préféré supprimer la mention du champ économique introduite par le Sénat, au motif qu’elle aurait restreint la protection apportée aux cocontractants les plus faibles.

Dans un second temps, il a été rappelé que la lettre de l’article 1143 du code civil ne permet pas de protéger, au sens strict, une personne considérée comme faible ou vulnérable, mais bien une partie à un contrat qui se trouverait dans une situation de dépendance, c’est-à-dire une personne en position de sujétion par rapport à une autre.

Aussi, afin de répondre aux inquiétudes exprimées sur la portée de cette nouvelle acception du vice de violence, tout en restant fidèle à l’esprit originel du texte, le législateur a décidé d’indiquer explicitement que l’état de dépendance de l’une des parties au contrat s’entend bien à l’égard de son cocontractant, c’est-à-dire dans le cadre expressément défini du contrat entre les deux parties.

La doctrine a pu faire valoir en ce sens que, en l’absence de précision, l’état de dépendance pourrait aussi être constitué à l’égard d’un tiers, et pas seulement à l’égard du cocontractant qui en abuse.

Afin d’écarter cette possibilité et de le limiter le champ de l’abus de dépendance aux seules hypothèses de dépendance de l’une des parties à l’égard de l’autre il a été choisi d’ajouter la précision « à son égard ».

ARTICLE 1145

(La capacité des personnes morales)

==> Ancien texte

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

 La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles. »

==> Nouveau texte

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

 La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles. »

==> Analyse

À l’instar des personnes physiques, les personnes morales doivent, pour accomplir des actes juridiques, jouir de la capacité juridique.

Si pour les personnes physiques, leur capacité de jouissance et d’exercice est, en principe, générale, pour les personnes morales elle est limitée en vertu du principe de spécialité.

Aux termes de ce principe, la capacité des personnes morales est limitée à la poursuite de leur objet social.

C’est ce que traduit l’article 1145 du Code civil qui, lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, a été adopté « afin de répondre aux demandes des milieux économiques », lesquels souhaitaient disposer dans le code d’une disposition de principe.

Toutefois, il a été fait observer que la formulation retenue était particulièrement restrictive et ne correspondait pas aux notions communément admises en matière de capacité des personnes morales.

L’article 1145 énonce que la capacité des personnes morales est limitée « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles ».

Les notions d’actes utiles ou accessoires ne sont, néanmoins, pas connues du droit des sociétés ou du droit des associations.

À cet égard, les articles 2, 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association traitent de la capacité juridique des associations sans recourir au critère d’utilité.

De même, en droit des sociétés, même si le code de commerce ne comporte pas de disposition expresse sur la capacité, celle-ci est rattachée à la notion d’objet social : la société est engagée par les actes de ses dirigeants, lesquels doivent agir dans la limite de l’objet social.

La capacité des personnes morales doit leur permettre d’accomplir, par l’intermédiaire de leurs organes, l’objet social pour la réalisation duquel elles ont été constituées.

La disposition de l’article 1145 relative à la capacité des personnes morales n’a pas vocation, selon le législateur, à ajouter au droit, mais seulement à affirmer de manière générale le principe de capacité des personnes morales.

Néanmoins, sa rédaction – qui suscite des interprétations très divergentes – ne manquera pas de faire naître un contentieux nouveau et inutile sur la base du critère d’utilité de l’acte pour la réalisation de l’objet de la personne morale, sans compter l’interrogation sur la sanction à appliquer.

Aussi, a-t-il é été jugé que la rédaction retenue par l’ordonnance du 10 février 016 était trop restrictive par rapport à l’état du droit, précisé par la jurisprudence, en particulier pour le droit des sociétés.

Afin de résoudre cette difficulté, il a dès lors été décidé d’adopter une autre rédaction se bornant à affirmer le principe du caractère limité de la capacité des personnes morales, tout en indiquant que cette limite est fixée par les règles propres applicables à chaque personne morale.

ARTICLE 1161

(Le champ d’application de la prohibition du conflit d’intérêts)

==> Ancien texte

« Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

 En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

==> Nouveau texte

« En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

 En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

==> Analyse

Le principe posé par cette disposition fait indéniablement partie des grandes nouveautés de l’ordonnance du 10 février 2016.

Pour la première fois, l’interdiction du conflit d’intérêts est instituée en principe général.

Certains textes avaient déjà posé cette interdiction, telle que notamment le décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

La commission Sauvé avait, dans cette perspective, effectué une tentative de définition du conflit d’intérêts dans le domaine public

Il y était défini comme le « conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».

La prohibition du conflit d’intérêts procède de l’idée que lorsqu’une même personne est chargée de représenter ou défendre des intérêts objectivement contradictoires, l’indépendance et l’impartialité que requiert sa mission s’en trouvent atteinte.

Il en résulte alors un préjudice potentiel pour le représenté dont les intérêts ne seront pas aussi bien portés que si son représentant n’avait pas été en situation de conflits d’intérêts.

Aussi, afin d’éviter cette situation, le législateur préfère-t-il poser un principe d’interdiction générale du conflit d’intérêts.

C’est ce qu’il a fait à l’article 1161 du Code civil.

L’introduction de cette disposition, bien que saluée sur le principe, n’est pas sans avoir nourri de fortes inquiétudes quant à son articulation avec le droit des sociétés.

Il est, en effet, usuel que les dirigeants d’une société, qui en assurent la représentation, concluent des conventions avec la société elle-même, ou que des sociétés d’un même groupe concluent entre elles des conventions par l’intermédiaire de dirigeants qui peuvent souvent être les mêmes.

En d’autres termes, dans la vie des sociétés, il est courant qu’un même représentant agisse pour le compte de deux sociétés parties au contrat ou qu’il contracte pour son propre compte avec la société qu’il représente.

Or ces deux cas de figure seraient désormais prohibés par l’article 1161, sauf autorisation ou ratification, ce qui représenterait une procédure lourde, a fortiori pour les conventions qui sont passées aujourd’hui sans formalisme particulier.

Surtout, il existe, en droit des sociétés, un régime des conventions dites réglementées, au sein de certaines formes de sociétés commerciales.

Ce dispositif normatif encadre les conventions conclues entre la société et certaines personnes, dont ses dirigeants, par une procédure d’autorisation particulière.

Ce régime tend à prévenir les risques de conflits d’intérêts et la conclusion d’actes au détriment de l’intérêt de la société par ses dirigeants et ses principaux actionnaires.

Ainsi, dans les sociétés anonymes, toute convention conclue entre la société, y compris par personne interposée, avec un de ses dirigeants, un de ses administrateurs ou un de ses actionnaires disposant de plus de 10 % des droits de vote ou avec la société qui la contrôle doit préalablement faire l’objet d’une autorisation par le conseil d’administration de la société.

Cette autorisation doit être motivée « en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées ».

En outre, ces conventions sont soumises à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires et contrôlées par les commissaires aux comptes de la société, qui doivent aussi en faire rapport à l’assemblée générale.

Les conventions dont l’exécution se poursuit sont réexaminées chaque année par le conseil.

Enfin, les conventions peuvent être annulées en cas de fraude ou, lorsqu’elles ont été conclues sans autorisation du conseil, si elles ont eu des « conséquences dommageables pour la société ».

Le régime des conventions réglementées est donc particulièrement précis et encadré.

Il a dès lors été fait valoir que l’article 1161 du code civil ne pouvait pas, à l’évidence, s’appliquer au champ des conventions réglementées, en vertu de l’article 1105 du même code, en raison de l’incompatibilité entre les deux corps de règles.

Pour éviter tout risque de remise en cause des dispositions du droit des sociétés concernant les conventions conclues par une société avec ou par l’intermédiaire de ses dirigeants, qui en sont les représentants légaux, en raison des règles issues de l’ordonnance pour la prévention des conflits d’intérêts en matière de représentation dans la conclusion d’un contrat, il a été décidé de restreindre le champ de ces dispositions à la représentation des personnes physiques, pour lesquelles ce dispositif de protection a d’abord été conçu, tout en y apportant des améliorations, concernant notamment la possibilité pour plusieurs parties d’avoir le même représentant.

ARTICLE 1165

(La sanction en cas d’abus dans la fixation du prix)

==> Ancien texte

« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts. »

==> Nouveau texte

« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.

 En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. »

==> Analyse

Comme en matière de contrat-cadre, les contrats de prestation de service ne sont pas soumis au principe de détermination du prix, à la condition toutefois qu’aucun accord ne soit intervenu entre les parties avant l’exécution de la convention.

Il s’agit là, ni plus ni moins, d’une consécration de la jurisprudence selon laquelle, dans les contrats d’entreprise, la détermination du prix n’est pas une condition de validité de l’acte.

Dans un arrêt du 15 juin 1973 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel d’un contrat de cette nature » (Cass. 1er civ. 15 juin 1973).

En cas d’abus dans la fixation du prix, l’ordonnance du 10 février 2016 a prévu pour seule sanction l’allocation de dommages et intérêts,

Ainsi, le juge ne pas, comme l’y autorisait la jurisprudence antérieure, réduire le prix de la prestation, ni même prononcer la résiliation du contrat comme en matière de contrat-cadre.

L’article 1164 du Code civil prévoit, en effet, que pour cette catégorie de contrat, l’abus dans la fixation du prix est susceptible d’être sanctionné par la résolution du contrat.

Aux fins d’harmoniser les sanctions prévues en cas d’abus dans la fixation du prix, le législateur a décidé de prévoir la possibilité pour le juge de prononcer la résolution du contrat, et pas seulement d’octroyer des dommages et intérêts, par analogie avec le régime applicable aux contrats cadres en pareil cas, pour les contrats de prestation de services.

Une telle sanction peut s’avérer fort utile en certaines hypothèses, en particulier pour les contrats à exécution successive.

ARTICLE 1171

(La limitation du dispositif des clauses abusives aux seules clauses non négociables)

==> Ancien texte

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

 L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

==> Nouveau texte

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

 L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

==> Analyse

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les règles relatives aux clauses abusives étaient énoncées à l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, devenu, depuis l’entrée en vigueur de la réforme des obligations, l’article L. 212-1 du même Code.

On en déduisait que cette règle n’était applicable qu’aux seules relations entre professionnels et consommateurs. Le bénéfice de ce dispositif ne pouvait, en conséquence, être invoqué que par un consommateur ou un non-professionnel, notions dont les définitions ont fait l’objet, tant en jurisprudence qu’en doctrine, d’âpres discussions.

Désormais, ce cantonnement de la lutte contre les clauses abusives aux seuls contrats conclus par des consommateurs est révolu. L’ordonnance du 10 février 2016 a inséré dans le Code civil un nouvel article 1171 qui prévoit que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

Bien que ce texte ne reprenne pas expressément le terme « clause abusive », c’est bien de cela dont il s’agit.

Le rapport remis au Président de la République en vue de l’adoption de la réforme des obligations indique que « le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l’habilitation, à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour [notamment] simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, […] en consacrant en particulier […] la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ».

Qui plus est, il ressort de l’article 1171 du Code civil que cette disposition reprend à l’identique la définition de la clause abusive, telle que posée à l’article L. 212-1 du Code de la consommation.

Lors de l’élaboration du texte de loi de ratification, il a toutefois été mise en lumière une incertitude quant à l’articulation entre le droit commun de l’article 1171 du code civil et les droits spéciaux du code de la consommation et, surtout, du code de commerce, que l’article 1105 du code civil, par sa formulation générale selon laquelle « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux » et « les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas d’élucider.

Certains auteurs se sont, en effet, interrogés sur la possibilité de cumul de l’article 1171, prévoyant la nullité de la clause abusive, et de l’article L. 442-6, dont le texte ne prévoit que la réparation du préjudice, pour contester une même clause, dès lors que les sanctions sont cumulables.

De façon à expliciter l’intention du législateur lors de la ratification de l’ordonnance et à assurer la cohérence du droit, il a été précisé que l’article 1171 du code civil ne pouvait pas s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6 du code de commerce et par l’article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation.

L’article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d’adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants.

Cette disposition ne s’applique, en effet, qu’à un champ assez limité de contrats d’adhésion ne relevant :

  • Ni des relations commerciales : les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial»
  • Ni du code de la consommation : les relations entre un professionnel et un consommateur.

Aussi, seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d’un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l’activité ne relève pas du champ commercial.

Seraient également concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation.

Une incohérence a néanmoins été pointée dans le dispositif instauré par l’article 1171 du Code civil.

Celui-ci ne vise pas seulement les clauses des contrats d’adhésion qui ont été imposées sans pouvoir être négociées, mais concerne toutes les clauses, c’est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées.

Or la logique du dispositif, dès lors qu’il est limité aux contrats d’adhésion, est de permettre de contester devant le juge, en raison de l’existence d’un déséquilibre significatif, les clauses qui n’ont pas pu être discutées, à l’initiative de la partie à qui elles ont été imposées.

En conséquence, par cohérence avec l’analyse développée à propos de la définition du contrat d’adhésion, à l’article 1110 du code civil, il a été décidé de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l’une des parties, dans les contrats d’adhésion.

ARTICLE L. 211-40-1 CMF

(Restriction du champ d’application du principe de révision pour imprévision)

==> Nouveau texte

« L’article 1195 du code civil n’est pas applicable aux obligations qui résultent d’opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L. 211-1 du présent code. »

==> Analyse

En réaction au vif débat suscité par la théorie de l’imprévision qui, depuis plus d’un siècle, a tant agité la doctrine, le législateur a profité de la réforme des obligations pour clarifier les choses et calmer les esprits. L’occasion était trop belle !

Ainsi, l’ordonnance du 10 février 2016 a introduit un article 1195 dans le Code civil aux termes duquel :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

 En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, la possibilité pour le juge de réviser le contrat au cours de son exécution en cas de changement des circonstances n’est pas sans conditions.
  • D’autre part, en raison de l’atteinte portée à la force obligatoire du contrat, le législateur a entendu encadrer strictement le processus de révision du contrat.

L’article 1195 constitue quant à lui l’une des innovations importantes de l’ordonnance, puisqu’il introduit l’imprévision dans le droit des contrats français, notion bien connue en jurisprudence administrative.

La France était l’un des derniers pays d’Europe à ne pas reconnaître la théorie de l’imprévision comme cause modératrice de la force obligatoire du contrat.

Cette consécration, inspirée du droit comparé comme des projets d’harmonisation européens, permet de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d’exécution, conformément à l’objectif de justice contractuelle poursuivi par l’ordonnance.

L’alinéa 1er pose les conditions de ce nouveau dispositif : l’imprévision est subordonnée à un changement de circonstances « imprévisible », qui doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse » pour une partie, et celle-ci ne doit pas avoir accepté de prendre en charge ce risque.

Comme l’implique la rédaction retenue, ce texte revêt un caractère supplétif, et les parties peuvent parfaitement convenir à l’avance de l’écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l’économie du contrat.

L’une des principales innovations de la loi de ratification a été d’introduire au sein du code monétaire et financier un nouvel article L. 211-40-1 destiné à exclure du régime de l’imprévision les opérations sur titres et contrats financiers.

Les contrats visés par l’exclusion sont :

  • Les titres financiers et les contrats financiers.
  • Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
  • Les titres de créance ;
  • Les parts ou actions d’organismes de placement collectif.
  • Les contrats à terme

Si le droit des titres et contrats financiers intègre naturellement un aléa dans le contrat, pouvant donc laisser supposer que le régime de l’imprévision est écarté d’office dans la mesure où les parties acceptent d’en assumer le risque, il n’en reste pas moins que le régime de l’imprévision est apparu particulièrement mal adapté au secteur financier, très sensible au changement et volatile par nature, les changements de circonstances imprévisibles n’étant pas rares.

D’où l’exclusion de cette catégorie de contrats du champ d’application de l’article 1195 du Code civil.

ARTICLE 1216-3

(Le sort des sûretés dans le cadre d’une cession de contrat)

==> Ancien texte

« Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Nouveau texte

« Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Analyse

L’article 1216 du code civil prévoit que, en matière de cession de contrat, un cocontractant, le futur cédé, peut donner par avance son accord à la cession du contrat.

Le législateur est venu préciser le sort des sûretés consenties par le cédant, dans le cadre d’une telle cession, en particulier dans l’hypothèse où le cédant a été libéré de ses obligations par le cédé.

Dans un premier temps, il avait été envisagé de préciser que les sûretés accordées par le cédant lui-même, lorsqu’il était libéré, s’éteignaient automatiquement.

Une telle solution revenait cependant à prévoir un sort différent pour les sûretés consenties par le cédant et celles consenties par des tiers.

En effet, lorsque les sûretés sont consenties par des tiers, l’article 1216-3 du code civil prévoyant que si le cédant est libéré par le cédé, ces sûretés peuvent subsister avec l’accord de ceux qui les ont consenties.

Fort opportunément, il a dès lors été décidé de modifier l’article 1216-3 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le cédant sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de contrat, et dans l’hypothèse où le cédant serait libéré par le cédé, les sûretés qu’il aurait consenties ne peuvent désormais subsister qu’avec son accord.

Cette précision permet d’éviter des interprétations jurisprudentielles divergentes ou des débats doctrinaux sans fin.

ARTICLE 1217

(La sanction relative à la réduction du prix)

==> Ancien texte

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut:

  • refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • solliciter une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

==> Nouveau texte

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut:

  • refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • obtenir une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

==> Analyse

Le terme « solliciter » a été substitué par le terme « obtenir », par souci de cohérence avec la modification dont a fait l’objet l’article 1223 du Code civil.

ARTICLE 1221

(Les conditions de mise en œuvre de l’exécution en nature)

==> Ancien texte

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. »

==> Nouveau texte

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. »

==> Analyse

L’article 1221 pose tout d’abord le principe selon lequel le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature.

Comme souligné par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, ce texte rompt avec la lettre de l’actuel article 1142 du code civil, dont la Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte et qui était également contredit par la procédure d’injonction de faire prévue par les articles 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.

En application de l’article 1221, au titre de l’exécution forcée en nature, le créancier a la faculté d’obtenir du débiteur une prestation conforme à celle qui était convenue dans le contrat.

Le texte prévoit deux situations dans lesquelles le créancier ne peut poursuivre l’exécution en nature de l’obligation.

  • Première situation
    • Consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le texte retient une première exception résultant de l’impossibilité d’exécuter.
    • L’existence de cette impossibilité est laissée à l’appréciation du juge.
    • Sous l’empire de l’ancien droit, celui-ci avait considéré que cette impossibilité pouvait par exemple être matérielle, en cas de destruction du bien notamment, juridique, à la suite de la cession du bien qui ne peut plus être de ce fait revendiqué, ou morale, si elle portait atteinte aux libertés individuelles du débiteur, cette dernière impossibilité étant appréciée très strictement.
  • Seconde situation
    • L’article 1221 propose également une nouvelle exception inspirée des projets européens d’harmonisation du droit des contrats : l’exécution en nature ne peut non plus être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
    • Cette nouvelle exception vise à éviter certaines décisions jurisprudentielles très contestées
    • Spécialement, elle découle de la volonté des rédacteurs de l’ordonnance de mettre fin à certaines solutions retenues par la jurisprudence qui consistaient à prononcer l’exécution forcée en nature, au nom du principe de la force obligatoire du contrat et des dispositions relatives à l’obligation de faire, dès lors qu’elle était possible, sans considération de son coût pour le débiteur.
    • Le juge avait ainsi ordonné la démolition d’une maison du fait d’un niveau de construction inférieur de quelques centimètres aux stipulations contractuelles ( 3ème civ., 11 mai 2005, n° 03-21.136)
    • De même, la Cour de cassation avait censuré un arrêt qui refusait la démolition et la reconstruction d’un ouvrage en raison du préjudice limité subi par le créancier comparé au montant exorbitant des travaux envisagés pour le débiteur (, 3ème civ., 16 juin 2015, n° 14-14.612).

Dans son principe, cette seconde exception, n’est en réalité qu’une simple déclinaison de la théorie de l’abus de droit.

La règle demeure celle de l’exécution forcée de son engagement par le débiteur à la demande du créancier.

En revanche, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l’intérêt qu’elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu’elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d’un ouvrage au motif que la cour d’appel n’avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectaient » (Cass., 3ème civ., 15 octobre 2015, n° 14-23.612).

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l’ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

La rédaction retenue pour l’article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L’exigence d’une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d’ordonnance, selon laquelle l’exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Cependant, la nouvelle rédaction soulevait encore de nombreuses inquiétudes.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans cette disposition une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu’il pourrait être amené à verser, c’est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».

Sans aller jusqu’à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n’est-il pas à craindre qu’un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu’il a en cours choisisse de privilégier l’exécution parfaite de certains contrats au détriment d’autres contrats, n’encourant plus l’exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, il a été décidé de prévoir que, en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l’intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d’exécution forcée en nature qu’au bénéfice du débiteur de bonne foi.

ARTICLE 1223

(Le régime juridique de la réduction du prix)

==> Ancien texte

« Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

 S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. »

==> Nouveau texte

« En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.

 Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »

==> Analyse

L’article 1223 du Code civil a été envisagé par l’ordonnance du 10 février 2016 aux fins de généraliser une sanction connue du code civil, la réduction du prix, inspirée des projets d’harmonisation européens.

Si le code civil ne prévoit pas de façon générale la possibilité pour le créancier d’accepter une exécution non conforme du débiteur, en contrepartie d’une réduction proportionnelle du prix, cette faculté existe en droit positif à titre spécial, par exemple :

  • En matière de garantie des vices cachés par l’action estimatoire de l’article 1644
  • En matière de vente immobilière en cas de contenance erronée ou de mesure erronée de plus d’un vingtième (articles 1617 et 1619).

À la différence de ces textes spéciaux toutefois, l’article 1223 offre la possibilité au créancier d’une obligation imparfaitement exécutée d’accepter cette réduction sans devoir saisir le juge en diminution du prix.

Plusieurs conditions doivent alors être remplies :

  • Le créancier doit préalablement avoir mis en demeure le débiteur d’exécuter parfaitement son obligation.
  • Le créancier doit ensuite notifier à son débiteur, dans les meilleurs délais, sa décision de réduire le prix, s’il n’a pas encore payé.
  • Si le créancier a déjà payé le prix, il demandera au débiteur le remboursement à hauteur de la réduction de prix opposée.

Lors de l’élaboration de la loi de ratification, on s’est interrogé sur l’intérêt de ce dispositif qui, au fond, autorise les parties… à renégocier leur contrat, ce qu’elles peuvent naturellement faire sans texte.

  • Le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée mettrait en demeure le débiteur de respecter le contrat conclu.
  • Celui-ci, se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter le contrat, offrirait au créancier d’exécuter imparfaitement son obligation et le créancier de l’obligation pourrait en contrepartie solliciter une réduction proportionnelle du prix.

Comme relevé par l’un des rapporteurs au projet de loi, le terme qui prête à confusion est celui « d’acceptation », qui laisse supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite a été faite par le débiteur au créancier.

Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s’exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance.

Dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance, il semble que cette absence d’offre de la part du débiteur de l’obligation n’empêche pourtant pas le créancier d’« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en œuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix.

Le créancier est alors érigé en véritable juge de l’exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l’hypothèse où le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu’il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d’obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l’obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n’a pas encore acquitté l’intégralité du prix.

Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l’article 1223 l’autorise à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Le débiteur se voit alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester.

L’effet de la décision unilatérale est alors très fort puisque toute latitude est laissée au créancier pour apprécier l’ampleur de l’inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse semble provoquer certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d’avocat, qui craignent des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d’honoraires de son avocat puis, par la suite, s’estimer insatisfait de l’exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé.

En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l’ordonnance se sont écartés complètement de ce qu’est le contrat : la chose des parties.

Au total, le législateur, en a tiré la conséquence qu’il convenait de supprimer le terme « accepter », qui prêtait à confusion, car il laissait supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite devrait être formulée par le débiteur pour que le créancier puisse mettre en œuvre le mécanisme de réduction du prix.

Il a, en outre, été décidé qu’il n’y avait pas lieu, comme le fait l’article 1223, de créer une différence si sensible dans le pouvoir du créancier selon qu’il a payé ou non le prix.

Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « solliciter » une réduction auprès du débiteur, alors que s’il n’a pas totalement payé, il peut « décider » unilatéralement cette réduction.

Il en est résulté la suppression du terme « solliciter » qui s’appliquait à l’hypothèse dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée s’était déjà acquitté du prix, bien conscient des limites de cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier serait sans effet si le débiteur refusait de rembourser les sommes déjà versées.

Par cohérence, le législateur a également modifié l’article 1217 du code civil, qui énumère les différentes sanctions encourues en cas d’inexécution du contrat, pour remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter » par le mot « décider ».

Il en a, par ailleurs, profité pour détailler la formulation de l’article 1223.

Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier de la prestation imparfaitement exécutée n’aurait pas encore payé tout ou partie du prix, il notifiera au débiteur sa décision unilatérale de réduire le prix proportionnellement à l’inexécution constatée, dans les meilleurs délais.

Le débiteur de la prestation pourra alors accepter cette décision par écrit, ce qui mettra définitivement fin à toute contestation ultérieure du prix.

Si le débiteur n’acceptait pas la réduction de prix, il pourra toujours saisir le juge pour contester la décision du créancier.

En revanche, dans l’hypothèse où le créancier de la prestation aurait déjà payé l’intégralité du prix, il ne pourra que demander au juge d’ordonner au débiteur un remboursement des sommes versées proportionnel à l’inexécution constatée.

En tout état de cause, cet article n’étant pas d’ordre public, les parties pourront toujours convenir d’écarter l’application de ce mécanisme à leur contrat.

L’inexécution d’une obligation ou son exécution imparfaite se résoudra alors par l’allocation éventuelle de dommages et intérêts sur décision du juge.

ARTICLE 1304-4

(La renonciation aux effets de la condition suspensive défaillie)

==> Ancien texte

« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie. »

==> Nouveau texte

« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »

==> Analyse

L’article 1304-4 du Code civil issue de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit qu’« une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie. »

Il en résulte, a contrario, précise le rapport au Président de la République « qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive ».

Le législateur a entendu ici mettre fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale née de la question de savoir si les parties pouvaient sauver le contrat de la caducité en cas de défaillance de la condition.

La position de la Cour de cassation sur cette question était pour le moins ambivalente dans la mesure où d’un côté elle considérait que, une fois la condition défaillie, les parties ne pouvaient plus revenir en arrière, sauf à conclure un nouveau contrat (Cass. com. 6 févr. 1996).

D’un autre côté, la haute juridiction a posé la règle selon laquelle pour que la caducité du contrat puisse être, encore fallait-il que les parties s’en prévalent, ce qui revenait alors à leur conférer la faculté de sauver le contrat en ne se prévalant pas (Cass. 3e civ. 31 mars 2005).

La question s’est alors posée de savoir si, lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur avait mis un terme à cette position schizophrénique de la Cour de cassation.

La lecture du rapport au Président de la République apporte quelques éclairages quant à l’objectif poursuivi par les rédacteurs de l’ordonnance.

Ceux-ci ont entendu prévoir qu’une renonciation unilatérale du bénéficiaire à la condition suspensive ne pouvait intervenir après la défaillance de celle-ci, choisissant ainsi l’anéantissement automatique du contrat afin d’éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.

Ainsi, dans le cas d’une promesse de vente par exemple, le fait que l’acheteur n’ait pas obtenu de sa banque le prêt nécessaire à l’achat, alors que l’obtention du prêt constituait une condition suspensive de la réalisation de la vente, rendrait le contrat caduc.

Puisque seule la renonciation unilatérale du bénéficiaire de la condition défaillie serait prohibée, les parties pourraient toujours s’accorder pour décider de maintenir le contrat.

C’est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l’article 1304-4 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties pourraient décider d’en disposer autrement.

Pour autant, en l’état, la rédaction retenue pour l’article 1304-4 ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, puisqu’il n’y est pas question d’interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d’atteindre l’objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l’ordonnance, une nouvelle rédaction de l’article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l’impossibilité pour le bénéficiaire d’une condition suspensive d’y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

ARTICLE 1305-5

(L’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur)

==> Ancien texte

« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires. »

==> Nouveau texte

« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. »

==> Analyse

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

  • Premier effet
    • L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate
    • En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur
    • Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires
  • Second effet
    • La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires ( 1305-5 C. civ.)
    • Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel
    • Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement
    • Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction
    • Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.

La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

ARTICLE 1327

(L’exigence d’un écrit pour la cession de dette)

==> Ancien texte

« Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette. »

==> Nouveau texte

« Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette.

 La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »

==> Analyse

Initialement, l’ordonnance du 10 février 2016 exigeait un écrit à peine de nullité pour la seule cession de créance,

Cette formalité était justifiée par la disparition de la signification par voie d’huissier, imposée par l’ancien article 1690 du code civil qui, par sa lourdeur, dissuadait les contractants d’utiliser ce mécanisme.

Par la suite, l’exigence d’un écrit à peine de nullité a été ajoutée pour la cession de contrat, à l’article 1322, par souci de parallélisme avec la procédure retenue pour la cession de créance.

En revanche, l’article 1327 du code civil relatif à la cession de dette n’a, quant à lui, pas fait l’objet de modification lors de l’examen au Conseil d’État.

Aucun écrit n’est exigé. Le contrat est donc resté consensuel. Cette divergence ne résulte pas d’un choix délibéré.

Certains auteurs ont déploré cette exigence d’un écrit pour les cessions de contrat et les cessions de dette, estimant que ce formalisme était exagéré et risquait de freiner les opérations commerciales.

Pour autant, dans la mesure où des mécanismes comparables à la cession de créance prévoient déjà un écrit à peine de nullité, comme en matière de nantissement de créance ou de cession de créance entre professionnels, et en raison de la nécessité de maintenir tout de même des modalités d’opposabilité de la cession, à la suite de la suppression de la signification par voie d’huissier, il est apparu justifié de maintenir ce formalisme minimum.

Une dette n’étant que l’envers d’une créance, par cohérence, il est apparu que l’exigence d’un écrit devait également être prévue pour la cession de dette, d’autant que le Conseil d’État a imposé la même condition pour la cession de contrat.

Pour l’ensemble de ces raisons, il a donc été décidé d’exiger pour la cession de dette l’établissement d’un écrit à peine de nullité.

ARTICLE 1327-1

(Rectification d’erreur de rédaction)

==> Ancien texte

« Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. »

==> Nouveau texte

« Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession et n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. »

==> Analyse

L’article 1327-1 comporte une maladresse de rédaction unanimement signalée par la doctrine.

Dans le cadre de la cession de dette, le texte exige en effet une notification au créancier ou une prise d’acte par ce dernier « s’il a par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu ».

Il est apparu nécessaire de remplacer le mot « ou » par le mot « et ».

En effet, si l’accord du créancier à la cession a été donné par avance, par exemple dans une clause de cessibilité dans l’acte générateur de l’obligation, et qu’il n’est pas ensuite intervenu à l’acte de cession, il paraît opportun que l’opposabilité de la cession à son égard soit retardée au jour où il en a effectivement connaissance, c’est-à-dire au jour où elle lui est notifiée ou lorsqu’il en prend acte.

ARTICLE 1328-1

(Le sort des sûretés en cas de cession de dette)

==> Ancien texte

« Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Nouveau texte

« Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Analyse

Le législateur est venu préciser, à l’article 1328-1 du code civil, qu’en cas de cession de dette, les sûretés accordées par le débiteur originaire déchargé par le créancier subissent le même sort que celles consenties par des tiers : elles ne subsistent qu’avec son accord.

Il transpose ainsi à la cession de dette la solution retenue pour la cession de contrat.

Le législateur a ainsi a modifié l’article 1328-1 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le débiteur originaire sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de dette, et dans l’hypothèse où le débiteur originaire serait déchargé par le créancier, les sûretés qu’il aurait consenties ne subsisteront qu’avec son accord.

ARTICLE 1343-3

(Le paiement d’une obligation de somme d’argent en devises)

==> Ancien texte

« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger. »

==> Nouveau texte

« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.

 Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. »

==> Analyse

En modifiant les termes de l’article 1343-3 du Code civil, le législateur est venu préciser les cas dans lesquels le paiement d’une obligation de somme d’argent peut se faire en monnaie étrangère.

Dans sa rédaction issue de l’ordonnance, l’article 1343-3 du code civil limite la possibilité de payer, en France, une obligation de somme d’argent en devises aux obligations procédant d’un contrat international ou d’un jugement étranger.

À la lecture de cette disposition, des craintes exprimées par les milieux économiques de voir la liberté de paiement en monnaie étrangère réduite par rapport à l’état de la jurisprudence antérieure à l’ordonnance.

Dans une décision rendue en 1989 à propos d’un contrat de prêt, la Cour de cassation s’était référée à la notion plus souple d’« opération de commerce international » (Cass. 1ère civ. Cour, 11 octobre 1989, n° 87-16.341).

Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu’il pouvait être qualifié d’opération de commerce international.

Dès lors, il a été décidé de remplacer le critère de « contrat international » par celui, plus large, d’«opération à caractère international ».

Le législateur est allé encore plus loin en prévoyant la possibilité d’utiliser une monnaie étrangère en tant que monnaie de compte pour tout contrat, dès lors que le débiteur de l’obligation conserverait la faculté de se libérer en euros.

ARTICLE 1347-6

(Les effets de la compensation à l’égard des tiers)

==> Ancien texte

« La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal.

 Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

==> Nouveau texte

« La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

 Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

==> Analyse

L’article 1347-6 rappelle l’opposabilité par la caution au créancier de l’exception de compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal, conformément au caractère accessoire de la caution par rapport à la dette principale

S’agissant du codébiteur solidaire, s’il ne peut opposer la compensation intervenue au profit d’un de ses coobligés, il peut se prévaloir de la diminution de la dette totale qui en résulte, comme le prévoit l’article 1315.

Si, fondamentalement le législateur n’a pas entendu modifier le sens de l’article 1347-6 du Code civil, il a néanmoins souhaité lever toute ambiguïté concernant :

  • La possibilité pour la caution d’opposer au créancier la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur
  • La possibilité pour le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés

S’agissant de la première hypothèse, comme l’ont relevé plusieurs auteurs, l’utilisation dans cet article du terme « intervenue » pourrait laisser penser que, si la compensation n’a pas été invoquée par le débiteur ou le créancier, la caution ne saurait s’en prévaloir.

Telle n’est pourtant pas la volonté des rédacteurs de l’ordonnance, qui ont entendu maintenir la solution retenue par le droit positif selon laquelle la caution peut invoquer la compensation dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu’elle n’a pas encore été déclenchée par le débiteur.

Une interprétation contraire reviendrait à vider le texte de tout intérêt.

Or, une telle interprétation est favorisée, selon la doctrine, par le fait que l’article 1347, qui définit la compensation, prévoit désormais qu’elle doit être invoquée et qu’elle n’est donc pas automatique.

La problématique est la même pour le codébiteur, qui doit pouvoir se prévaloir de la compensation, dès lors que ses conditions sont remplies, alors même qu’elle n’aurait pas été invoquée par le créancier ou l’un de ses coobligés.

Pour mettre fin à toute controverse, il a été décidé de supprimer le terme « intervenue ».

ARTICLE 1352-4

(Rectification d’erreur de rédaction)

==> Ancien texte

« Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. »

==> Nouveau texte

« Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. »

==> Analyse

L’article 1352-4 du Code civil, relatif aux restitutions, vise à prévoir que, lorsqu’elles sont dues par un mineur ou un majeur protégé, elles doivent être réduites à proportion du profit retiré par ces personnes de l’acte annulé.

La loi atténue ainsi les effets habituels de la nullité en faveur des personnes protégées, en prenant en considération l’avantage économique qu’elles ont, en définitive, conservé.

Ce texte se veut une reprise à droit constant de l’ancien article 1312.

Toutefois, son interprétation est sujette à controverse en doctrine.

Pour lever toute ambiguïté, il a donc été décidé de remplacer la formulation « réduites à proportion du profit » par l’expression « à hauteur du profit ».

Par ailleurs, les mots « à un mineur » et « à un majeur » doivent être remplacés par les mots « par un mineur » et « par un majeur protégé ».

 

Divorce par consentement mutuel judiciaire: l’intangibilité de la convention

I) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

II) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge: conditions et procédure

==> Ratio legis

L’institution du divorce par consentement mutuel, grande innovation de la loi du 11 juillet 1975, a répondu à une profonde et ancienne demande de la société et à un immense besoin d’égalité de la femme dans le couple.

Surtout, il a permis aux époux de sortir des liens du mariage, sans avoir à prouver la faute de l’autre, ce qui a pu conduire à des situations de tensions extrêmes entre conjoints.

Librement négociés, les accords entre époux permettent de dégager des solutions mieux adaptées aux cas d’espèce ; mieux exécutés que des décisions judiciaires imposées, ils sont ainsi souvent le gage d’un après-divorce apaisé, particulièrement important lorsque sont impliqués des enfants.

Le succès du divorce par consentement mutuel a été immédiat et grandissant. Il représente aujourd’hui plus de la moitié des procédures.

La particularité de cette procédure est donc l’intervention du Juge. Lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 certains professionnels du droit avaient milité pour une déjudiciarisation totale du divorce par consentement mutuel, lorsqu’il n’y a, ni biens, ni enfants.

Toutefois, le législateur a préféré maintenir son rôle dans la procédure. Les parlementaires ont estimé que le contrôle du juge permettait de garantir effectivement la volonté librement exprimée de chacun des époux, l’équité des accords et le respect des intérêts de chacun.

C’est ainsi qu’en 2004, une procédure simplifiée a été instituée en remplacement de l’ancien divorce sur requête conjointe instauré par la loi du 11 juillet 1975.

L’innovation principale résulte de la suppression des deux phases de la procédure, le divorce étant prononcé à l’issue d’une seule audience.

Il en résulte que l’ensemble des conséquences de la séparation doit être réglé en amont de la saisine du juge, y compris la liquidation du régime matrimonial (article 1091 du nouveau code de procédure civile).

L’actuelle procédure de divorce par consentement mutuel homologué par un juge n’a pas été modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Ce texte n’a fait qu’ajouter une variante au divorce par consentement mutuel, en offrant la possibilité aux époux de se passer du Juge.

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

==> Domaine d’application

Lors de l’adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

En toute hypothèse, c’est désormais seulement par exception que la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire pourra être engagée.

I) Le principe

Aux termes de l’article 230 du Code civil « dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat, le divorce par consentement mutuel judiciaire suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que d’emprunter la voie du divorce contentieux.

Si, au contraire, les époux parviennent à s’entendre, leur accord doit être matérialisé par une convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

Nouveauté introduite par la loi du 26 mai 2004, le divorce par consentement mutuel peut être demandé dans les six premiers mois de l’union, la condition tenant à l’existence d’une durée minimale du mariage ayant supprimé (abrogation du 3e alinéa de l’article 230).

II) Conditions

==> La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel judiciaire est fermée.

==> Le consentement

L’article 232, al. 1er du Code civil dispose que « le juge homologue la convention et prononce le divorce s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. »

Il ressort de cette disposition que le consentement des époux est le pilier central du divorce par consentement mutuel.

Le Juge ne pourra homologuer la convention que s’il constate que les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets

Pour qu’il y ait accord, encore faut-il qu’ils y aient consenti.

Ainsi, revient-il au juge de s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé.

Toutefois, dès lors qu’il estime respectées la réalité, la liberté et la persistance des consentements, il ne peut mettre en cause l’accord de principe des époux quant au divorce, dont par ailleurs il n’a pas à connaître les causes.

III) Procédure

A) La requête

==> Présentation de la requête

La demande est formée par une requête unique des époux (article 1089 CPC).

L’article 250 du Code civil prévoit que la demande peut être présentée :

  • Soit par les avocats respectifs des parties
  • Soit par leur avocat choisi d’un commun accord

==> Contenu de la requête

À peine d’irrecevabilité, la requête doit remplir un certain nombre de conditions de forme (art. 1090 CPC).

  • La requête comporte
    • Des mentions relatives aux époux
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de leur mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants
      • Les renseignements prévus à l’article 1075, soit les informations relatives à la caisse d’assurance maladie à laquelle ils sont affiliés, les services ou organismes qui servent les prestations familiales, les pensions de retraite ou tout avantage de vieillesse ainsi que la dénomination et l’adresse de ces caisses, services ou organismes.
    • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
    • Le nom des avocats chargés par les époux de les représenter, ou de celui qu’ils ont choisi à cet effet d’un commun accord.
    • La date et la signature de chacun des époux et de leur avocat.
  • La requête ne comporte pas
    • Les faits à l’origine de la demande
    • En matière de divorce par consentement mutuel, ce qui importe c’est le consentement des époux
    • Aussi, les circonstances de la rupture n’intéressent pas le Juge dont le rôle se limitera au contrôle de la réalité du consentement des époux et à la préservation de leurs intérêts respectifs
    • Quand bien même une faute serait imputable à l’un des époux, le juge n’a donc pas vocation à en tenir compte

==> Documents annexés à la requête

Là encore à peine d’irrecevabilité, la requête doit être assortie de documents annexes énumérés par les articles 1075-1 et 1091 du Code de procédure civile.

  • Le formulaire d’information de l’enfant mineur demandant à être entendu daté et signé par lui
    • Pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.
    • Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.
    • Ce formulaire visé à l’article 1144 du Code de procédure qui prévoit que « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »
    • Le formulaire d’information poursuit un double objectif :
      • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
      • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur
    • Dans l’hypothèse où l’enfant mineur décide à être entendu, la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée à ces parents.
  • La convention de divorce
    • Sur la forme
      • Il s’agit de la convention de divorce qui doit porter règlement de toutes les conséquences du divorce.
      • Cette convention inclut
        • Soit un état liquidatif du régime matrimonial
        • Soit la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
      • La convention doit être datée et signée par chacun des époux et leur avocat
    • Sur le fond
      • Le sort des biens
        • Il est régi par l’état liquidatif qui doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière
        • Plus généralement, l’état liquidatif doit comporter
          • La répartition de l’actif
          • La répartition du passif
          • L’octroi de récompenses
      • Le sort des enfants
        • L’article 373-2-7 prévoit qu’il appartient aux parents d’organiser les modalités d’exercice de l’autorité parentale et de fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (pension alimentaire
        • Le juge homologuera la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement
      • La prestation compensatoire
        • L’article 278 du Code civil prévoit que les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention établie par acte sous signature privée contresigné par avocats ou dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge.
        • Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé.
        • La prestation peut prendre la forme d’une rente attribuée pour une durée limitée.
        • L’alinéa 2 précise néanmoins que le Juge peut toutefois, refuser d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.
  • Une déclaration sur l’honneur en cas d’octroi d’une prestation compensatoire
    • L’article 1075-1 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur
    • À cet égard, l’article 272 du Code civil précise que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie

Chaque document doit être daté et signé par chacun des époux et leur avocat. Toutes ces dispositions sont édictées à peine d’irrecevabilité (article 1091 CPC).

L’irrecevabilité porte tant sur l’absence d’un document que sur le non-respect des dispositions de forme prévues.

==> Dépôt de la requête

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi par la remise au greffe de la requête, qui vaut conclusions.

Ainsi, la requête doit-elle être adressée au greffe du Tribunal de grande instance

B) L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est ouverte aux époux qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvre la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire.
    • Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) L’audience

==> Convocation des époux

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que, après l’audition de l’enfant mineur, le juge procède à deux formalités :

  • Il convoque chacun des époux par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date qu’il fixe pour leur audition
  • Il avise le ou les avocats.

==> L’examen de la demande des époux

Le jour fixé, il examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

Après avoir vérifié la recevabilité de la requête (article 1099 CPC), il doit s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé (article 232 alinéa 1 C. civ.).

Au cours de l’audience, il peut faire supprimer ou modifier les clauses de la convention qui lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux (article 1099 alinéa 2 CPC).

Toutefois, il ne peut le faire qu’avec l’accord des parties, recueilli en présence de leur avocat.

Dans l’hypothèse d’une modification de la teneur de la convention au cours de l’audience, une attention toute particulière doit être appelée sur la concordance des termes entre la convention ainsi modifiée et l’acte liquidatif éventuellement joint.

S’il s’agit d’un acte notarié, le prononcé du divorce ne peut intervenir qu’après la mise en conformité de cet acte par le notaire, ce qui implique que le juge ne peut homologuer la convention sans avoir laissé un délai aux parties pour le faire modifier.

Lorsque les conditions prévues à l’article 232 du code civil sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

D) L’homologation de la convention

Trois hypothèses doivent être distinguées

  1. L’homologation pure et simple

Il peut être procédé à l’homologation pure et simple de la convention de divorce lorsque le Juge :

  • D’une part, s’est assuré que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé
  • D’autre part, a vérifié que la convention préserve suffisamment les intérêts des époux et des enfants

Après avoir accompli ces vérifications, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

2. L’homologation précédée de modifications et suppressions

L’article 1099, al. 2 du Code civil autorise le juge à modifier ou supprimer certaines clauses de la convention de divorce si elles lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux.

Cette immixtion du juge dans l’accord conclu entre les parties est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives :

  • L’accord des époux
  • La présence du ou des avocats

Si ces deux conditions sont remplies, le Juge rend alors sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce.

3. Le refus d’homologation

==> Motifs du refus

L’article 232 du code civil prévoit que le juge peut refuser d’homologuer la convention et ne pas prononcer le divorce s’il constate que les intérêts des enfants ou de l’un des époux sont insuffisamment préservés.

Il refusera également de prononcer le divorce s’il a un doute sur la réalité du consentement d’un époux

==> Ordonnance d’ajournement

Si le juge refuse d’homologuer la convention, il rend sur-le-champ une ordonnance et ajourne sa décision sur le prononcé du divorce jusqu’à présentation d’une nouvelle convention (article 1100 CPC).

Il informe alors les époux à l’audience que celle-ci devra être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois.

L’ordonnance porte mention à la fois de ce délai et de l’information qui a été donnée oralement.

Elle précise, en outre, les conditions ou les garanties auxquelles seront subordonnés l’homologation de la nouvelle convention et, en conséquence, le prononcé du divorce.

==> Mesures provisoires

  • Principe
    • L’ordonnance d’ajournement comprend, le cas échéant, les mesures provisoires homologuées par le juge (article 1100 CPC).
    • L’objectif est de permettre, dans ce cas particulier, l’organisation judiciaire de la séparation des époux, en garantissant leurs droits respectifs ainsi que la protection de l’intérêt des enfants.
    • L’article 250-2 du code civil précise les modalités d’une telle homologation.
  • Les mesures envisageables
    • Peuvent être homologuées les mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de conciliation prévue pour les autres cas de divorce.
    • Sont donc concernées, au sens de l’article 254 du même code, toutes les mesures nécessaires pour organiser l’existence des époux et celle des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée.
  • Exigence d’un accord des époux
    • Les pouvoirs du juge en matière de consentement mutuel ne peuvent être identiques à ceux qui lui sont conférés dans les autres cas de divorce.
    • En conséquence, sont exclusivement concernées les mesures que les parties s’accordent à prendre.
  • L’homologation des mesures
    • La forme de l’homologation étant libre, le juge peut faire mention des mesures provisoires homologuées directement dans l’ordonnance d’ajournement.
    • Il peut également homologuer les mesures prises par les parties dans un document annexé à l’ordonnance.
    • À défaut d’accord entre les parties ou si le juge estime que les mesures proposées ne sont pas conformes à l’intérêt du ou des enfants, la décision d’ajournement sera cependant prise sans homologation de mesures provisoires, celle-ci n’étant aucunement imposée par les textes.
    • Lorsque le juge refuse d’homologuer les mesures provisoires, il doit motiver sa décision.

==> Procédure postérieure à la décision d’ajournement

Les époux disposent d’un délai de six mois à compter du prononcé de la décision d’ajournement pour déposer une nouvelle convention (article 250-2 C. civ.).

Ce délai est suspendu en cas d’appel (article 1101 CPC).

Deux cas de figure doivent alors être distingués :

  • Premier cas de figure
    • Aucune convention n’est déposée dans le délai imparti.
    • Le juge constate alors d’office par ordonnance la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 2 CPC).
  • Second cas de figure
    • Les parties déposent une nouvelle convention dans le délai légal.
    • Elles sont alors convoquées par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date fixée pour leur audition.
    • À l’audience, soit le juge accepte cette nouvelle convention, l’homologue, et prononce le divorce, soit il refuse une nouvelle fois de l’homologuer.
    • Dans ce dernier cas, il rend une ordonnance constatant la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 3 CPC).
    • Il n’est donc pas possible d’ordonner un second ajournement.

E) Les voies de recours

  • Le jugement de divorce
    • L’appel
      • L’article 1102 du Code de procédure civile prévoit que la décision qui prononce le divorce est insusceptible d’appel.
      • Cette solution se justifie par l’existence d’un accord conclu entre les parties
    • Le pourvoi
      • Le jugement de divorce est susceptible de pourvoi en cassation dans les quinze jours de son prononcé (article 1103 CPC).
      • L’article 1086 précise que :
        • D’une part, le délai de pourvoi en cassation suspend l’exécution de la décision qui prononce le divorce.
        • D’autre part, que le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.
      • Toutefois, l’article 1087 al. 2 du Code de procédure civile apporte un tempérament à l’effet suspensif du pourvoi.
      • Cette disposition prévoit, en effet, que l’effet suspensif qui s’attache au pourvoi en cassation ainsi qu’à son délai ne s’applique pas aux dispositions de la décision ou de la convention homologuée qui concernent :
        • les pensions
        • la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant
        • l’exercice de l’autorité parentale.
      • Il est donc apparu indispensable, pendant le délai du pourvoi en cassation et son éventuel exercice, de prévoir le maintien de mesures permettant d’organiser la vie des époux ainsi que celle des enfants.
  • L’ordonnance d’ajournement
    • L’appel
      • L’ordonnance qui refuse l’homologation de la convention et entérine le cas échéant des mesures provisoires est susceptible d’appel ( 1102 CPC)
      • Le délai d’appel est de quinze jours
      • Il commence à courir à compter de la date de la décision
    • Le pourvoi
      • L’arrêt rendu par la Cour d’appel est susceptible de faire l’objet d’un pouvoir dans le délai ordinaire de 2 mois prévu par l’article 612 du Code de procédure civile

F) La délivrance de la copie exécutoire du jugement

Jusqu’au 1 er janvier 2005, l’article 862 du Code général des impôts conditionnait la délivrance de la copie exécutoire du jugement de divorce rendu sur requête conjointe à l’acquittement préalable des droits d’enregistrement.

Cette exigence, limitée au divorce gracieux, pouvait avoir pour conséquence de priver d’effet le prononcé du divorce sur le seul motif du défaut de paiement des droits fiscaux.

Aussi, la loi du 26 mai 2004 a modifié les dispositions du Code Général des Impôts et supprimé cette condition.

Le régime applicable en la matière est désormais unifié, quel que soit le cas de divorce : la délivrance des copies exécutoires des jugements de divorce par consentement mutuel est donc possible même si les formalités d’enregistrement n’ont pas été exécutées.

G) Les dépens de l’instance

L’article 1105 du Code de procédure civile prévoit que les dépens de l’instance sont partagés par moitié entre les époux.

Toutefois, leur convention peut en disposer autrement sous réserve de l’application des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’un des époux bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Cette dernière disposition prévoit que la convention de divorce ne peut mettre à la charge de la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle plus de la moitié des dépens de cette instance.

IV) Les effets du divorce

A) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Le divorce par consentement mutuel par acte d’avocat (sans juge): conditions et procédure

==> Ratio legis

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a institué une nouvelle procédure de divorce, aux côtés de celles déjà existantes.

La particularité de cette procédure est qu’elle ne requiert plus l’intervention du juge, mais seulement celle de deux professions réglementées : les avocats et les notaires.

Il s’agit du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.

Le Conseil national des barreaux avait fait valoir, au soutien de cette réforme, que dans son Livre blanc sur la justice du XXIème siècle, que « le rôle [du juge] est de trancher des contentieux. Or nous parlons de divorce par consentement mutuel, pas de contentieux ».

La création d’une procédure conventionnelle de divorce, placée sous la vigilance des avocats était donc, selon lui, pour le moins opportune.

C’est opinion était, cependant, loin de faire l’unanimité. De nombreuses critiques ont été émises à l’encontre de l’adoption de ce nouveau cas de divorce.

En particulier, des réserves ont été exprimées quant à son application aux couples avec des enfants mineurs, le risque étant que leurs intérêts soient lésés, tout autant que l’époux se trouvant en situation de faiblesse.

Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine, a résumé cette idée en soulignant que si les magistrats ne disposent, en pratique, que de peu de temps pour auditionner les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel, « il arrive qu’ils signalent à une femme qui renonce à une prestation compensatoire qu’elle aurait pu y avoir droit. Ils peuvent aussi mettre en garde les conjoints sur les arrangements complexes ou farfelus susceptibles de nuire à l’intérêt de l’enfant, et ordonner des renvois. Sans ce droit de regard du juge sur les conventions, que se passera-t-il ? ».

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

I) Le principe

Aux termes de l’article 229-1 du Code civil « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

À l’instar du divorce par consentement mutuel judiciaire, le divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que de recourir au juge.

II) Domaine d’application

==> Principe

Lors de l’adoption de la loi du 18 novembre 2016, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

La garantie instituée par l’article 229-2 du Code civil est toutefois en retrait par rapport à celle conférée par la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire.

Cette dernière prévoit expressément un contrôle du juge sur le sort réservé à l’enfant (et à l’autre conjoint).

L’article 232 du code civil dispose en ce sens que le juge « peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux ».

Ce contrôle ne joue, désormais, qu’à la condition que l’enfant ait lui-même demandé à être entendu : d’une protection systématique on est passé à une protection hypothétique, laissant à l’enfant seul le soin de veiller à ses intérêts, pour que le juge soit ensuite en mesure d’en assurer le respect.

Il a été objecté, la faible portée, en pratique, du contrôle du juge, puisque rien n’oblige ensuite les parents à se tenir à la convention homologuée sur le sort des enfants : cette garantie serait donc illusoire.

En toute hypothèse, subordonner la saisine du juge à la demande préalable de l’enfant d’être entendu fait porter sur ses épaules le poids du renoncement à la procédure non judiciaire que souhaitaient ses parents.

En outre se posent la question de l’information de l’enfant et celle de la prise en compte de son souhait, puisqu’il n’entre pas dans le mandat des avocats de veiller aux intérêts du mineur.

==> Les passerelles

  • Du divorce conventionnel vers le divorce judiciaire
    • En vertu de l’article 1148-2 du code de procédure civile, si les époux ne parviennent pas à trouver un accord sur l’ensemble des conséquences du divorce ou si l’un d’eux ne souhaite plus divorcer, le fait d’avoir tenté de régler leur différend par la voie amiable ne les empêche pas de saisir le juge aux fins de divorce contentieux ou de séparation de corps.
  • Du divorce judiciaire vers le divorce conventionnel
    • L’article 247 du code civil prévoit que les époux qui seraient engagés dans une procédure contentieuse peuvent toujours, à tout moment de la procédure, divorcer par consentement mutuel.
    • Dans cette hypothèse, s’il n’y a pas de demande d’audition d’enfant, les parties doivent recourir au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. Il appartient aux avocats dans cette hypothèse de solliciter un retrait du rôle ou de se désister de l’instance en cours pour le divorce contentieux.
  • Dispositions transitoires
    • Seules les requêtes en divorce par consentement mutuel déposées avant le 1er janvier 2017 ainsi que les requêtes en passerelle fondées sur l’article 247 ancien et enregistrées avant cette date avec une convention datée et signée par chacun des époux et leur(s) avocat(s) portant règlement complet des effets du divorce, conformément à l’article 1091 du code de procédure civile, sont traitées selon les règles en vigueur avant le 1er janvier 2017.
    • En dehors de ces deux hypothèses, c’est donc uniquement dans le cas prévu à l’article 229-2 du code civil, c’est-à-dire en présence d’une demande d’audition formulée par un enfant du couple, que les époux demandent au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

III) Les conditions

A) Les conditions relatives aux époux

==> La capacité

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée.

Le recours au juge est alors la seule alternative qui s’offre aux époux.

==> Le consentement

  • L’exigence d’un consentement exprès
    • L’article 229-3 du Code civil dispose que « le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas »
    • Cela signifie qu’il ne peut valablement être exprimé qu’au moyen de la conclusion d’une convention.
  • L’observation d’un délai de réflexion
    • L’article 229-4 prévoit que « l’avocat adresse à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception. »
    • Ainsi, est-il interdit aux époux de régulariser la convention de divorce avant l’expiration du délai de réflexion instauré par le législateur
  • Les vices du consentement
    • En contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
    • Est-ce à dire que les époux sont à l’abri de voir leur consentement vicié lors de la signature de la convention ?
    • On peut en douter
    • En tout état de cause, la remise en cause de la convention de divorce peut être remise en cause en cas de vice du consentement.
    • La circulaire du 26 janvier 2017 a précisé en ce sens que « l’article 1128 du code civil qui prévoit que « sont nécessaires à la validité du contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un consentement licite et certain.» est applicable au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire.
    • Elle en déduit que la convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • Tel n’est pas le cas de la convention de divorce homologué par le juge qui bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
    • Ainsi, une action en nullité, sur le fondement des vices du consentement, pourra être engagée à l’encontre de la convention de divorce contresignée par un avocat.
    • En particulier, les époux pourront invoquer l’article 1143 du Code civil qui, au nombre des cas de violence, vise l’hypothèse où « une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

B) Les conditions relatives aux enfants

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition par le juge ».

Il ressort de cette disposition que, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.

Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.

  1. Le formulaire informant le mineur de son droit à être entendu

Aux termes de l’article 1144 du Code de procédure civile, « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »

Le formulaire d’information poursuit un double objectif :

  • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
  • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur

==> L’exigence de discernement de l’enfant

Le choix a été fait de ne pas fixer d’âge minimum pour l’information de l’enfant mineur dans le cadre de cette procédure à l’instar de ce qui existe pour les autres procédures le concernant.

Le discernement devra donc faire l’objet d’une appréciation personnelle de la part des parents, prenant en compte plusieurs critères, à savoir, l’âge, la maturité et le degré de compréhension de leur enfant au regard de l’objectif d’information de ce formulaire.

Pour cette raison, le formulaire d’information doit être daté et signé par l’enfant.

En l’absence de discernement, aucun formulaire ne sera remis à l’enfant

L’article 1144-2 du code de procédure civile impose alors aux parents de mentionner dans la convention que l’information prévue au 1° de l’article 229 du code civil n’a pas été donnée en l’absence de discernement de l’enfant mineur concerné.

En ce qui concerne le cas particulier des mineurs dotés de discernement mais incapables physiquement de signer le formulaire, les deux parents signeront le formulaire en précisant que leur enfant est dans l’incapacité physique de le faire.

==> Le contenu du formulaire

Outre la date et la signature, l’enfant complète le formulaire en cochant une case, afin d’indiquer s’il souhaite, ou non, être entendu par le juge.

Les informations relatives à son identité peuvent être remplies par l’enfant lui-même ou par ses parents.

Dès lors, il existe deux hypothèses pour l’enfant capable de discernement :

  • soit il sait lire et le formulaire complète alors l’information dispensée par les parents ;
  • soit il ne sait pas lire et il revient alors à ses parents de le lui lire et de lui expliquer les mentions en termes compréhensibles, en fonction de sa maturité.

La signature du mineur, qui n’est pas prévue à peine de nullité et dont la valeur est analogue à celle apposée sur les règlements scolaires par exemple, n’aura pas de force probante quant à la capacité de discernement de ce dernier, de sorte que cet élément reste, dans ce nouveau dispositif, soumis à l’appréciation du seul juge en cas de demande d’audition.

L’arrêté du 28 décembre 2016 précise que le formulaire remis à l’enfant comporte les champs suivants :

Je m’appelle [prénoms et nom]

Je suis né(e) le [date de naissance]

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être entendu(e), par le juge ou par une personne désignée par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte pour l’organisation de mes relations avec mes parents qui souhaitent divorcer.

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être assisté(e) d’un avocat.

Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou une personne de mon choix et qu’il sera rendu compte de cette audition à mes parents.

J’ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi du divorce de mes parents.

Je souhaite être entendu(e) :

OUI NON

Date

Signature de l’enfant

==> Le rôle de l’avocat

Il appartient à l’avocat de s’assurer que l’ensemble des formulaires d’information destinés aux enfants mineurs capables de discernement sont annexés à la convention lors de la transmission au notaire, ce dernier ne pouvant procéder à ce dépôt, ne serait-ce qu’en l’absence d’un seul formulaire dans le cas d’une fratrie.

Afin d’éviter toute pression sur l’enfant qui demande à être entendu, la procédure prévue par l’article 229-1 du code civil n’est plus possible dès que cette demande est faite dans les conditions de l’article 1148-2 du code de procédure civile, ce qui inclut l’hypothèse où l’enfant reviendrait ensuite sur son souhait d’être entendu pour y renoncer.

2. L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est en effet possible qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvrira la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire. Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) Les conditions relatives à la convention

Pour mémoire, l’article 229-1 du Code civil dispose que « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

Ainsi, la convention de divorce a-t-elle pour fonction de formaliser l’accord des époux sur le principe et les effets du divorce.

Pour valable, la convention doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

  1. Sur le fond

==> Application du droit des contrats

  • Principe
    • En ce que la convention de divorce s’analyse en un contrat, le sous-titre Ier du titre III du Livre III du code civil relatif au contrat lui est, par principe, applicable ( 1100 à 1231-7 C.civ.)
    • En conséquence, la convention doit satisfaire aux conditions de formation du contrat
    • En particulier, l’article 1128 du Code civil lui est applicable.
    • Cette disposition prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat :
      • Le consentement des parties
      • Leur capacité de contracter
      • Un consentement licite et certain.
    • La convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • En cas d’inexécution de la convention, le droit des contrats devrait également être applicable à la convention de divorce, à la condition que la mesure sollicitée ne remette pas en cause le principe même du divorce
  • Exception
    • Si le caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.
    • En effet, les dispositions qui sont inconciliables par nature avec le divorce sont inapplicables.
    • Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce serait déclarée nulle car contraire à l’ordre public.
    • La deuxième hypothèse d’une action en résolution fondée sur l’inexécution suffisamment grave après une notification du créancier au débiteur ne paraît pas non plus être valable dès lors qu’elle remettrait également en cause le principe du divorce.

==> Contenu de la convention

Le contenu du contrat est régi aux articles 1162 à 1171 du Code civil. Ainsi, le contenu de la convention de divorce ne doit pas porter atteinte à ces dispositions.

  • L’exigence d’un contenu licite
    • Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toute les parties».
    • En matière familiale, la jurisprudence a une appréciation plutôt extensive de l’ordre public.
    • Relèvent notamment de l’ordre public familial :
      • l’autorité parentale (il n’est pas possible de renoncer ou de céder ses droits en dehors des cas prévus par la loi)
      • l’obligation alimentaire (qui est indisponible et non susceptible de renonciation).
    • Ainsi, il appartient à l’avocat de s’assurer que la convention ne comporte pas de clauses qui contreviendraient à l’ordre public.
    • Une clause qui, par exemple, exonérerait un époux de toute responsabilité en cas de non-paiement de la pension alimentaire serait réputée non écrite.
    • Surtout, la convention de divorce ne doit donc pas contenir de clauses fantaisistes qui risqueraient d’entraîner la nullité du contrat.
  • Exclusion du droit des clauses abusives
    • le divorce par acte d’avocat paraît exclu du champ du contrôle des clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil.
    • En effet la prohibition des clauses qui créent « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» ne s’applique que dans les contrats d’adhésion.
    • Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1110 du code civil comme étant « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties».
    • La qualification de contrat d’adhésion suppose donc la prédétermination unilatérale de conditions générales par l’une des parties et l’absence de négociation de ces conditions générales par l’autre partie.
    • Or l’intervention d’un avocat auprès de chacune des parties a pour objet de garantir l’effectivité d’une négociation des clauses de la convention de divorce et de la prise en compte des intérêts de chacun des époux.

2. Sur la forme

==> Un acte sous seing privé contresigné

L’article 229-1 du Code civil exige que la convention prenne la forme d’un acte sous seing privé contresigné par l’avocat de chacune des parties.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé contresigné par un avocat, dit acte d’avocat ?

Cette forme d’acte a été instituée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Le législateur est parti du constat que de nombreux actes sous seing privé sont conclus sans que les parties, et notamment celles qui souscrivent les obligations les plus lourdes, n’aient reçu le conseil de professionnels du droit.

Cette manière de procéder, de plus en plus répandue en France notamment par l’utilisation de formulaires pré-imprimés ou disponibles sur internet, présente deux risques principaux.

  • Premier risque
    • Il peut arriver que les conséquences de cet acte ne soient pas celles que les parties attendaient :
      • soit parce que le but recherché en commun n’est pas atteint (le bail n’est pas valable par exemple)
      • soit parce que la convention est illicite.
  • Second risque
    • L’une des parties peut être tentée de contester ultérieurement l’existence du contrat ou l’un de ses éléments.
    • Les autres parties se heurtent alors à un problème de preuve.
    • L’assistance d’un avocat est insuffisante pour parer complètement à ces risques : les parties pourront éprouver des difficultés à établir que l’acte est le produit de ses conseils et aucune force probante particulière n’en résultera.

Afin de remédier à ces deux difficultés, le législateur avait bien cherché par le passé à y remédier. Elles étaient toutefois très insuffisantes.

Certes, les parties peuvent s’adresser à un notaire : l’acte authentique reçu par celui-ci engage sa responsabilité et fait foi jusqu’à inscription de faux des faits qu’il y aura énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence.

En outre cet acte bénéficie d’une caractéristique exceptionnelle attachée à la qualité d’officier public du notaire : la force exécutoire.

Cette force exécutoire permet, dans certaines circonstances, d’en assurer la réalisation sans avoir besoin au préalable de recourir à une décision de justice.

Mais, s’il est admis sans difficulté que la force exécutoire ne peut être attachée qu’à l’acte authentique, il a été jugé souhaitable que l’implication d’un avocat dans la réalisation d’un acte juridique emporte des effets plus significatifs que ceux qui lui étaient reconnus jusqu’alors.

Dans une perspective d’accès au droit, de protection de l’acte juridique et de sécurité des individus comme des entreprises, il est apparu au législateur utile d’encourager le recours aux conseils de l’avocat à l’occasion de la négociation, de la rédaction et de la conclusion des actes sous seing privé.

Il a donc été envisagé de permettre aux parties de renforcer la valeur de l’acte sous seing privé qu’elles concluent en demandant à un avocat, pouvant ou non être commun à plusieurs d’entre elles, de le contresigner.

Ce contreseing – qui existe déjà pour le mandat de protection future – entraîne deux conséquences.

  • Première conséquence
    • L’avocat ayant contresigné l’acte est présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a rédigé lui-même, et avoir conseillé son client
    • À ce titre, il assume pleinement la responsabilité qui en découle.
  • Seconde conséquence
    • L’avocat atteste, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que celui-ci a signé l’acte et en connaissance de cause, ce qui empêche celui-ci de contester ultérieurement sa signature
    • L’acte contresigné par un avocat possède alors, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

Appliqué au divorce par consentement mutuel, l’acte sous seing privé contresigné par avocat offre à la convention de divorce un cadre juridique adapté et sécurisé.

Il présente, en effet, deux avantages par rapport à un acte sous seing privé classique.

  • D’une part, il confère une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause.
  • Ensuite, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

==> Les mentions

  • Mentions relatives à la civilité des parties
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun des enfants du couple
  • Mentions relatives aux avocats
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux
      • Le barreau auquel ils sont inscrits
  • Mentions relatives au notaire instrumentaire
    • L’article 1144-1 du code de procédure civile ajoute que les époux doivent mentionner le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office notarial chargés du dépôt de la convention au rang de ses minutes.
    • Le cas échéant, rien ne s’oppose à ce que ce notaire soit le même que celui qui aura dressé l’acte liquidatif de partage en la forme authentique.
  • Mentions relatives à l’accord des époux
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention
      • Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire
      • L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
  • Mentions relatives à la pension alimentaire et à la prestation compensatoire
    • Compte tenu de l’importance des conséquences de la prévision d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire, l’article 1444-4 du Code de procédure civile prévoit que la convention doit contenir les informations des parties sur les modalités de recouvrement, les règles de révision et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance.
    • L’article 1144-3 précise que lorsque des biens ou droits, non soumis à la publicité foncière, sont attribués à titre de prestation compensatoire, la convention précise la valeur de ceux-ci.
    • En cas de biens soumis à publicité foncière, un acte authentique devra être rédigé par un notaire.
    • Il peut, en outre, être prévu un paiement direct entre les mains, par exemple, de l’employeur du débiteur de ladite pension ou prestation.
    • Dans ce cas, le débiteur doit indiquer dans la convention le tiers débiteur saisi chargé du paiement
  • Mentions relative à l’information de l’enfant
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
    • L’article 1144-2 du code de procédure civile précise que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement, ce qui facilitera les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt.

En pratique, ces mentions peuvent apparaître dans un paragraphe distinct ou en annexe afin que les informations délivrées soient suffisamment lisibles et identifiables par le créancier (cf. annexe 2 de la présente circulaire).

==> La régularisation de la convention

  • Délai de réflexion
    • L’article 229-4 du code civil fixe un délai de réflexion de quinze jours pour chacun des époux, à compter de la réception de la lettre recommandée contenant le projet de convention, pendant lequel les parties ne peuvent signer la convention.
    • Il appartient donc aux avocats et aux parties de définir une date de rendez-vous de signature qui soit fixée à plus de quinze jours à compter de la réception du dernier courrier recommandé, signé personnellement par chacune des parties. En effet, la signature de l’un des époux ne vaut pas réception de la convention par l’autre ni ne présume celle-ci.
    • Les avocats respectifs des parties doivent donc s’assurer de la signature personnelle de l’époux sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
  • La signature et le contreseing
    • La convention est établie selon l’acte d’avocat prévu à l’article 1374 du code civil, qui fait foi de l’écriture et de la signature des parties.
    • En contresignant l’acte, les avocats attestent du consentement libre et éclairé de leur client.
    • L’article 1145 du code de procédure civile précise que la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature.
    • En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention.
    • En effet, l’article 1175-1° du code civil exclut la possibilité d’établir et conserver sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs aux droits de la famille de sorte qu’en l’absence de dérogation expressément prévue dans la loi du 18 novembre 2016, la signature par la voie électronique de la convention visée à l’article 229-1 du code civil est impossible.
    • La convention et ses annexes doivent être signées en trois exemplaires afin que chaque époux dispose d’un original et qu’un exemplaire soit déposé au rang des minutes du notaire désigné.
    • Lorsque la convention ou ses annexes doivent être soumises à la formalité de l’enregistrement, un quatrième exemplaire original devra être signé pour être transmis aux services fiscaux.
    • En cas de modification de la convention par rapport au projet initial, un nouveau délai de réflexion de quinze jours doit être laissé aux époux à compter de ces modifications, ce qui suppose, si celles-ci interviennent lors d’un rendez-vous de signature, d’organiser une seconde rencontre au moins quinze jours après.
  • Transmission de la convention au notaire
    • L’archivage de la convention étant déjà assuré par son dépôt au rang des minutes d’un notaire, il n’est pas nécessaire d’en prévoir un à la charge des avocats.
    • L’avocat le plus diligent, ou mandaté par les deux parties, transmet la convention de divorce accompagnée de ses annexes au notaire mentionné dans l’acte dans un délai maximum de sept jours suivant la date de la signature de la convention (article 1146 CPC).
    • À défaut de respecter ce délai, il engage sa responsabilité professionnelle.
    • Ce délai est un délai indicatif maximal qui ne constitue pas un délai de rétractation dans la mesure où les époux ont déjà bénéficié d’un délai de réflexion antérieurement à la signature de la convention.
    • Enfin, l’original de la convention devant être transmis, l’envoi ne peut être dématérialisé.
  • Frais d’acte
    • L’article 1144-5 du Code de procédure civile prévoit que la convention règle le sort des frais induits par la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, sous réserve des règles spécifiques en matière d’aide juridictionnelle et qu’à défaut, ils sont partagés par moitié.
    • Ces frais devraient être détaillés pour comprendre, l’ensemble des frais prévisibles (en particulier, les frais de transmission de la convention au notaire et de dépôt, ceux de partage et, le cas échéant, de traduction de la convention).
    • Conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocats, les honoraires sont exclus de ces frais puisque l’avocat ne peut percevoir d’honoraires que de son client ou d’un mandataire de celui-ci.

==> L’intervention du notaire

  • La compétence territoriale des notaires
    • Conformément aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, les notaires ne sont pas assujettis à des règles de compétence internes.
    • En outre, les règles de compétence du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne concernent que les juridictions appelées à rendre une décision.
    • Or, dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, les notaires doivent, après un contrôle formel, déposer au rang de leurs minutes la convention constituant l’accord des époux et ils ne rendent de ce fait aucune décision, de sorte qu’ils ne sont pas des juridictions au sens de ce règlement.
    • Par conséquent, les notaires, qui ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce, sans préjudice des effets que les règles de droit international privé applicables aux parties, à raison de leur nationalité par exemple, pourraient entraîner dans un autre État, en termes de reconnaissance du divorce et de ses conséquences notamment.
    • Enfin, l’article 8 du décret du 28 décembre 2016 a expressément exclu les fonctions notariales des agents consulaires du dispositif.
    • Ces derniers ne peuvent donc procéder au dépôt de la convention de divorce.
  • Le contrôle exercé par le notaire
    • Si le notaire n’a pas à contrôler le contenu ou l’équilibre de la convention, il doit, avant de pouvoir effectuer le dépôt de la convention au rang de ses minutes, vérifier la régularité de celle-ci au regard des dispositions légales ou réglementaires.
    • Pour autant, s’il est porté manifestement atteinte à l’ordre public (une clause qui évincerait les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation ou une clause de non-remariage par exemple), le notaire, en sa qualité d’officier public, pourra alerter les avocats sur la difficulté.
    • Ni les époux, ni les avocats n’ont en principe à se présenter devant le notaire.
      • Le contrôle du respect du délai de réflexion
        • L’article 229-1 du code civil donne expressément au notaire compétence pour s’assurer que le délai de réflexion de quinze jours entre la rédaction de la convention et la signature prévue à l’article 229-4 du même code a bien été respecté.
        • À cette fin, la convention pourra comporter utilement en annexe la copie des avis de réception des lettres recommandées envoyées à chacune des parties et contenant le projet de convention.
        • Si le délai de réflexion de quinze jours n’a pas été respecté, le notaire ne peut procéder au dépôt de la convention.
      • Le contrôle des exigences formelles
        • Le dernier alinéa de l’article 229-1 du code civil rappelle le rôle du notaire.
        • Celui-ci doit vérifier le respect des exigences prévues aux 1° au 6° de l’article 229-3 du code civil.
        • Si la convention ne contient pas l’ensemble de ces mentions, le notaire doit refuser de procéder à son dépôt.
        • Les époux devront rédiger une nouvelle convention avec les mentions manquantes et respecter le délai de réflexion de quinze jours avant de pouvoir procéder à la signature de celle-ci et de la transmettre au notaire en vue de son dépôt.
  • Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire
    • L’article 1146 du Code de procédure civile prévoit que le notaire dispose d’un délai maximal de quinze jours pour procéder au contrôle susmentionné de la convention et de ses annexes et déposer l’acte au rang de ses minutes.
    • Ce délai ne constituant pas un délai de rétractation, le notaire peut procéder à ce contrôle et au dépôt dès réception des documents.
    • Le dépassement de ce délai ne constitue pas une cause de caducité de la convention mais peut être de nature à engager la responsabilité professionnelle du notaire.
    • Le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire ne confère pas à la convention de divorce la qualité d’acte authentique mais lui donne date certaine et force exécutoire à l’accord des parties et entraîne la dissolution du mariage à cette date.
    • Les effets du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, prennent effet à la date du dépôt, à moins que la convention n’en dispose autrement (article 262-1 du code civil).
    • Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l’obligation d’assurer la conservation de l’acte pendant une durée de 75 ans et le droit d’en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques.
    • L’article 14 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit les conditions de conservation en cas de suppression ou de scission d’un office de notaire, à titre provisoire ou définitif, ce qui permet d’assurer la continuité de la conservation.
    • Le notaire doit délivrer une attestation de dépôt à chacun des époux qui contient, outre ses coordonnées, notamment :
      • la mention du divorce
      • l’identité complète des époux
      • leurs lieu et date de naissance
      • le nom de leurs avocats respectifs et le barreau auquel ils sont inscrits
      • la date de dépôt. U
    • Une attestation est également délivrée, le cas échéant, à l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, à sa demande, afin que celui-ci puisse solliciter le paiement de la contribution de l’État (article 118-3 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).
    • Cette attestation permettra aux ex-conjoints ou à leurs avocats de faire procéder à la mention du divorce sur les actes de l’état civil et de justifier du divorce auprès des tiers.

==> Publicité : la mention du divorce sur les actes d’état civil

Dès réception de l’attestation de dépôt de la convention de divorce et de ses annexes, les époux ou les avocats doivent en principe transmettre celle-ci à l’officier d’état civil de leur lieu de mariage aux fins de mention du divorce sur l’acte de mariage selon les modalités prévues à l’article 1147 du code de procédure civile.

Le mariage est dissous à la date de l’attestation de dépôt qui lui donne force exécutoire.

Conformément aux dispositions de l’article 49 du code civil, l’officier d’état civil qui a apposé la mention du divorce en marge de l’acte de mariage, transmet un avis à l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance de chacun des époux aux fins de mise à jour de ces actes par la mention de divorce.

Si le mariage a été célébré à l’étranger et en l’absence d’acte de mariage conservé par un officier d’état civil français, la mention du divorce sera portée sur les actes de naissance et à défaut, l’attestation de dépôt sera conservée au répertoire civil annexe détenu au service central d’état civil à Nantes.

Toutefois, si le mariage a été célébré à l’étranger à compter du 1er mars 2007, sa transcription sur les registres de l’état civil français sera nécessaire avant de pouvoir inscrire la mention du divorce sur l’acte de naissance d’un Français.

IV) Les effets

A) Opposabilité de la convention

==> À l’égard des parties

  • Principe
    • L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire»
    • Ainsi, ce n’est donc pas la signature de la convention qui la rend opposable entre les parties, mais son dépôt
  • Exception
    • L’article 262-1, al. 1er du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement»
    • Les parties peuvent ainsi décider de modifier la date des effets du divorce, s’agissant de leurs rapports patrimoniaux.
    • Les effets du divorce pourront donc être reportés à une date antérieure au jour du dépôt au rang des minutes du notaire.
    • Ils pourront ainsi faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation effective.

==> À l’égard des tiers

L’article 262 du Code civil prévoit que le divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de mention en marge des actes d’état civil ont été effectuées.

Tant que cette mesure de publicité n’est pas accomplie par les époux, le divorce leur sera inopposable.

Ils seront donc toujours fondés à se prévaloir du principe de solidarité des dettes ménagères par exemple.

  1. Étendue des effets de la convention

==> Irrévocabilité du principe du divorce

Le caractère conventionnel de la convention de divorce devrait permettre aux époux de révoquer leur accord en cas d’inexécution de leurs obligations respectives.

Toutefois, si ce caractère conventionnel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.

Dès lors, il est des dispositions qui, par nature, sont inconciliables par nature avec le divorce

Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce devrait être déclarée nulle car contraire à l’ordre public.

De la même manière, l’époux qui engage une action en résolution judiciaire sur le fondement de l’inexécution suffisamment grave après une notification au débiteur devrait être débouté de sa demande.

Dans le cas contraire, une telle action pourrait conduire à remettre en cause le principe du divorce.

Or une fois l’accord des époux scellé, cet accord est irrévocable.

==> Rétractation des époux

Il convient de distinguer selon qu’un seul des époux ou les deux se rétractent.

  • Un seul époux se rétracte
    • Dans l’hypothèse où l’un des époux se rétracterait entre la signature de la convention et son dépôt au rang des minutes, le notaire doit quand même procéder à l’enregistrement de la convention.
    • En effet, la convention de divorce constitue un contrat à terme au sens de l’article 1305 du code civil, qui engage les parties de manière irrévocable, sauf consentement mutuel des parties pour y renoncer ou pour les causes que la loi autorise (article 1193 C. civ.), en l’espèce la demande d’audition de l’enfant (article 229-2 C. civ.).
    • Seuls les effets de la convention, et donc l’exigibilité des obligations de chacun des époux, sont différés jusqu’au dépôt de l’acte au rang des minutes du notaire mais la force obligatoire de la convention s’impose aux parties dès la signature.
    • En conséquence, il est interdit à un seul des époux de “faire blocage” et de bénéficier de ce fait d’une faculté de rétractation non prévue par la loi.
  • Les deux époux se rétractent
    • Lorsque, d’un commun accord, les deux époux renoncent au divorce, ils peuvent révoquer la convention jusqu’au dépôt de celle-ci au rang des minutes du notaire en application de l’article 1193 du code civil.
    • Le notaire doit être informé de la renonciation au divorce par tous moyens, aucune condition de forme n’étant imposée.
    • Dans le cas d’un renoncement à cette voie du divorce par consentement conventionnel, l’article 1148-2, alinéa 2 du code de procédure civile, rappelle que la juridiction est saisie dans les conditions des articles 1106 et 1107 du même code.
    • La convention peut aussi être modifiée entre la signature et le dépôt d’un commun accord entre les époux (article 1193 C. civ.).
    • Dans ce cas, une nouvelle convention devra être rédigée et les avocats devront veiller à informer le notaire de ce changement afin que celui-ci ne procède pas au dépôt. Le délai de réflexion de quinze jours courra à nouveau entre la rédaction du projet et la signature de celui-ci par les parties en présence de leurs avocats.

==> Exécution forcée de la convention

La loi du 18 novembre 2016 a ajouté à la liste des titres exécutoires de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil.

Les époux peuvent donc solliciter l’exécution forcée de la convention dès lors que celle-ci a été déposée au rang des minutes du notaire.

Dès son dépôt, la convention de divorce a des effets identiques à ceux d’un jugement de divorce.

À cette fin, certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 18 novembre 2016, le décret du 28 décembre 2016 et l’article 115 de la loi de finances rectificative pour 2016.

  • Pension alimentaire
    • En application de l’article L. 213-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 1er de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 la convention de divorce permet d’engager une procédure de recouvrement de la pension alimentaire
    • En complément, Le code général des impôts a été modifié pour que les pensions alimentaires et prestations compensatoires fixées par la convention de divorce bénéficient du même régime fiscal que celles fixées par un jugement de divorce
  • Prestations sociales
    • Pour les mêmes raisons, l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une modification afin de permettre au créancier d’une pension alimentaire fixée par une convention de divorce établie par acte d’avocats ou par un acte authentique de bénéficier de l’allocation de soutien familial ou de l’allocation de soutien familial différentielle.
    • L’article L.581-2 du même code a en conséquence été modifié afin de permettre à la CAF qui a versé cette allocation, au lieu et place du parent débiteur défaillant, de recouvrer les sommes versées.

Toutefois, la convention ne constitue pas un titre permettant d’obtenir l’expulsion de l’époux qui se maintient illégitimement dans le logement dans la mesure où l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution restreint cette possibilité à la production d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation, qui est toujours signé par un juge compte tenu de l’atteinte aux libertés individuelles que constitue cette mesure.

==> La révision de la convention

  • Principe
    • L’article 1193 du Code civil prévoit de façon générale la révision des conventions par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
    • Il en résulte que la convention de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocat pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat.
    • L’acte sous seing privé simple ou contresigné par avocat portant révision de la convention n’aura toutefois ni date certaine, ni force exécutoire, sauf à ce que les parties en fassent ultérieurement constater la substance dans un acte authentique pour lui conférer date certaine, en application de l’article 1377 du code civil.
  • Tempéraments
    • En raison de la soumission de la convention de divorce à l’ordre public familial, certaines clauses de la convention ne peuvent être révisées selon le droit commun des contrats.
    • Tel est le cas du principe du divorce en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes, ou des clauses portant sur la prestation compensatoire, dont la révision fait l’objet de dispositions spécifiques prévues à l’article 279 du code civil.
    • Les parties pourront toujours solliciter l’homologation de leur nouvel accord portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant devant le juge aux affaires familiales, par requête conjointe, en application des dispositions de l’article 373-2-7 du code civil.
    • Depuis le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016, le juge peut homologuer cette convention sans audience à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
    • Enfin, le juge aux affaires familiales pourra toujours être saisi par les deux parents, ensemble ou séparément sur le fondement de l’article 373-2-13 du code civil, aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

==> Le contentieux de l’inexécution de la convention par l’un des ex-époux

En cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations résultant de la convention de divorce ayant force exécutoire, l’autre pourra toujours saisir le tribunal de grande instance de la difficulté.

L’exception d’inexécution prévue à l’article 1209 du code civil ne pourra toutefois être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire due pour l’éducation et l’entretien de l’enfant ne pourra refuser de verser cette contribution au motif que l’enfant ne lui est pas représenté.

Les conditions de formation du mariage

L’étude de la formation du mariage suppose d’envisager, dans un premier temps, les conditions du mariage, après quoi il convient de traiter, dans un second temps, la sanction du non-respect desdites conditions.

I) Les conditions de formation du mariage

La formation du mariage est subordonnée à la satisfaction de conditions de fond et de conditions de forme.

A) Les conditions de fond

Les conditions de fond du mariage tiennent cumulativement :

  • Aux qualités physiques des époux
  • À la capacité juridique des époux
  • Au consentement des époux
  • À la parenté des époux
  • À la situation conjugale des époux
  1. Les conditions tenant aux qualités physiques des époux

a) L’indifférence du sexe

Aux termes de l’article 143 du Code civil « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

Ainsi, le mariage n’est-il plus réservé aux seuls couples hétérosexuels, comme cela a été le cas jusqu’à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dite loi Taubira.

L’adoption de cette loi, qui a été présentée comme visant à lutter contre les discriminations et à reconnaître de nouveaux droits, met un terme au long débat jurisprudentiel, d’où il est ressorti que, si aucune norme constitutionnelle, internationale ou européenne n’impose d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, aucune de ces normes de l’interdit.

Aussi, le législateur a-t-il été invité par les juridictions nationales à prendre ses responsabilités en se prononçant sur l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

==> L’arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2007

L’un des éléments déclencheurs du mouvement tendant à la reconnaissance du « mariage pour tous » est, sans aucun doute, le mariage célébré entre deux hommes, le 5 juin 2004, par Noël Mamère, alors maire de la commune de Bègles en Gironde.

Cet évènement, porté sur le devant de la scène à grand renfort de médias a été l’occasion pour les tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage.

Par jugement du 27 juillet 2004, le mariage célébré en violation de l’article 144 du Code civil a été annulé.

Cette décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 19 avril 2005 (CA Bordeaux, 19 avr. 2005, n° 04/04683).

Les juges ont estimé, dans cette décision, qu’il n’existe « dans les textes fondamentaux européens et dans la jurisprudence européenne aucune contradiction avec la législation française interne relative au mariage, laquelle ne concerne que des personnes de sexe différent. Comme le premier juge, la cour considère que la différence de sexe est une condition de l’existence même du mariage, condition non remplie dans le cas de l’acte relatif à Stéphane C. et Bertrand C.. La célébration organisée par eux le 5 juin 2004 devant l’officier d’état civil de Bègles ne peut être considérée comme un mariage. Ainsi que le soutient le ministère public, l’acte qui en a été dressé n’a pas d’existence juridique et son écriture doit être annulée, avec transcription en marge de l’acte de naissance des intéressés et de l’acte lui-même ».

Pour aboutir à cette solution, ils se réfèrent notamment au Discours préliminaire sur le Projet de Code civil rédigé par Portalis lequel écrivait en 1804 que :

« on ne doit point céder à des prétentions aveugles. Tout ce qui est ancien a été nouveau… nous sommes convaincus que le mariage, qui existait avant l’établissement du christianisme, qui a précédé toute loi positive, et qui dérive de la constitution même de notre être, n’est ni un acte civil, ni un acte religieux, mais un acte naturel qui a fixé l’attention des législateurs… le rapprochement de deux sexes que la nature n’a faits si différents que pour les unir, a bientôt des effets sensibles. La femme devient mère… l’éducation des enfants exige, pendant une longue suite d’années, les soins communs des auteurs de leurs jours… Tel est le mariage, considéré en lui-même et dans ses effets naturels, indépendamment de toute loi positive. Il nous offre l’idée fondamentale d’un contrat proprement dit… ce contrat, d’après les observations que nous venons de présenter, soumet les époux, l’un envers l’autre, à des obligations respectives, comme il les soumet à des obligations communes envers ceux auxquels ils ont donné l’être, les lois de tous les peuples policés ont cru devoir établir des formes qui puissent faire reconnaître ceux qui sont tenus à ces obligations. Nous avons déterminé ces formes ».

Ainsi donc, comme le premier juge, la cour d’appel en conclut qu’en droit interne français le mariage est une institution visant à l’union de deux personnes de sexe différent, leur permettant de fonder une famille appelée légitime.

La notion sexuée de mari et femme est l’écho de la notion sexuée de père et mère. Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage.

Pour cette raison, le mariage contracté entre deux personnes de même sexe doit être annulé.

Par un arrêt du 13 mars 2007, la Cour de cassation a validé l’arrêt rendu par la Cour de d’appel de Bordeaux le 19 avril 2005 (Cass. 1ère civ. 13 mars 2007, n°05-16.627).

La première chambre civile a considéré que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ».

Lors de l’audience de la première chambre civile de la Cour de cassation, l’avocat général avait déclaré que, compte tenu des enjeux de société importants et de la dimension politique des réponses pouvant être apportées à la question, « abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer (…) paraît exiger du juge qu’il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action ».

Cass. 1ère civ. 13 mars 2007
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 19 avril 2005), que, malgré l’opposition notifiée le 27 mai 2004 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, le maire de la commune de Bègles, en sa qualité d’officier d’état civil, a procédé, le 5 juin 2004, au mariage de MM. X... et Y... et l’a transcrit sur les registres de l’état civil ; que cet acte a été annulé, avec mention en marge des actes de naissance des intéressés ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l’arrêt d’avoir annulé l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, avec transcription en marge de cet acte et de leur acte de naissance, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en retenant que la différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage, cependant que cette condition est étrangère aux articles 75 et 144 du code civil, que le premier de ces textes n’impose pas de formule sacramentelle à l’échange des consentements des époux faisant référence expressément aux termes "mari et femme", la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu’il y a atteinte grave à la vie privée garantie par l’article 8 de la Convention lorsque le droit interne est incompatible avec un aspect important de l’identité personnelle du requérant ; que le droit pour chaque individu d’établir les détails de son identité d’être humain est protégé, y compris le droit pour chacun, indépendamment de son sexe et de son orientation sexuelle, d’avoir libre choix et libre accès au mariage ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que par l’article 12 de la Convention se trouve garanti le droit fondamental de se marier et de fonder une famille ; que le second aspect n’est pas une condition du premier, et l’incapacité pour un couple de concevoir ou d’élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit visé par la première branche de la disposition en cause ; qu’en excluant les couples de même sexe, que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, de l’institution du mariage, cependant que cette réalité biologique ne saurait en soi passer pour priver ces couples du droit de se marier, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ alors que si l’article 12 de la Convention vise expressément le droit pour un homme et une femme de se marier, ces termes n’impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent, sous peine de priver les homosexuels, en toutes circonstances, du droit de se marier ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le libellé de l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’écarte délibérément de celui de l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’il garantit le droit de se marier sans référence à l’homme et à la femme ; qu’en retenant que les couples de même sexe ne seraient pas concernés par l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mais attendu que, selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Par la suite, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont jugé que l’interdiction faite aujourd’hui par notre législation aux couples de personnes de même sexe de se marier était contraire à la Constitution ou à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

==> La décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011

En janvier 2011, le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, posée par deux femmes – Corinne C. et Sophie H. – qui désiraient se marier ensemble (Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011).

Elles entendaient contester la constitutionnalité du dernier alinéa de l’article 75 du Code civil aux termes duquel l’officier d’état civil « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »

La question prioritaire de constitutionnalité portait également sur la conformité de l’article 144 du Code civil qui, en son temps, prévoit que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

Selon les requérantes, l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire porteraient atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage.

L’ouverture du mariage aux seuls couples hétérosexuels méconnaitrait, en outre, le droit de mener une vie familiale normale et l’égalité devant la loi.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel répond, en substance, que conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au seul législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

Les juges de la rue de Montpensier ajoutent que le Conseil constitutionnel n’est nullement investi d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, en conséquence de quoi il est incompétent pour se prononcer sur les choix du législateur, dès lors qu’ils sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel considère que, si le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l’article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants, il n’en demeure pas moins que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe

En dernier lieu, il affirme que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Aussi, en déduit-il qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille

En conséquence, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

La position du Conseil constitutionnel a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme.

==> Décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 24 juin 2010

Dans un arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche du 24 juin 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, relevant l’absence de consensus des États membres du Conseil de l’Europe sur ce point, a jugé que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’imposait pas aux États parties l’obligation de permettre le mariage des couples homosexuels.

Elle relève que « à ce jour, pas plus de six sur quarante-sept États parties à la convention autorisent un tel mariage ».

Elle observe encore que « le mariage possède des connotations sociales et culturelles profondément enracinées susceptibles de différer notablement d’une société à une autre. Elle rappelle qu’elle ne doit pas se hâter de substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, qui sont les mieux placées pour apprécier les besoins de la société et y répondre ».

Pour cette raison, elle refuse ainsi d’imposer aux États parties d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La Cour a en outre rejeté le grief selon lequel l’interdiction du mariage entre les deux requérants emportait une discrimination non justifiée, au motif que l’Autriche a depuis lors mis en place un système de « partenariat enregistré » emportant pour les partenaires des droits comparables à ceux des époux.

Aussi, dans la mesure où « les requérants peuvent désormais conclure un partenariat enregistré, la Cour n’a pas à rechercher si l’absence de reconnaissance juridique des couples homosexuels aurait emporté violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 si telle était encore la situation ».

Dans le droit fil de cette décision, la Cour européenne des droits de l’Homme a, dans un autre arrêt (Gas et Dubois c/ France) du 15 mars 2012 rejeté l’argument d’une discrimination entre les couples mariés qui peuvent adopter l’enfant du conjoint et les couples non mariés, notamment de même sexe, qui se voient refuser ce droit, sur le fondement de l’article 365 du code civil.

La Cour a estimé, comme dans l’arrêt précédemment cité, que le mariage conférait « un statut particulier à ceux qui s’y engagent, que l’exercice du droit de se marier était protégé par l’article 12 de la Convention et emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques, et que par conséquent, on ne saurait considérer, en matière d’adoption par le second parent, que les requérantes se trouvent dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés ».

La Cour en conclut que les requérantes ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle d’un couple marié.

==> Les conventions internationales

Ni la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 décembre 1966, n’interdisent le mariage des couples de même sexe, même s’ils ne le prévoient pas expressément.

C’est ainsi que de nombreux pays ont déjà pu procéder à cette ouverture, sans contrevenir à leurs engagements internationaux.

De la même manière, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des Libertés fondamentales, dont l’article 12 relatif au « droit au mariage » précise qu’« à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit », ne fait pas obstacle à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Ainsi, dans l’affaire Schalk et Kopf c/ Autriche précitée, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé le contexte historique dans lequel la Convention a été adoptée, période au cours de laquelle le mariage était exclusivement compris comme visant l’union d’un homme et d’une femme (§ 55), puis elle a estimé que l’article 12 de la Convention n’interdisait pas le mariage des personnes de même sexe (§ 61) – avant de préciser que rien n’oblige non plus les États parties à légiférer en ce sens.

La Cour s’est aussi fondée sur l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au « Droit de se marier et de fonder une famille » qui précise que « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ».

La mention de l’homme et de la femme ne figure ainsi pas à cet article, les rédacteurs ayant tiré les conséquences de l’ouverture envisagée par certains pays du mariage entre personnes de même sexe. Le renvoi aux « lois nationales » permet ainsi de tenir compte de la diversité des législations sur le mariage.

En conclusion, si aucune jurisprudence, ni aucune norme supérieure ne contraignent le législateur français à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe – à tout le moins en l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui pourrait évoluer à terme si un plus grand nombre d’États européens ouvrait ce droit – aucune norme internationale, européenne ou constitutionnelle ne s’oppose à ce que le législateur décide de le faire aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle, lors de l’adoption de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe le législateur n’a rencontré aucun véritable juridique.

De toute évidence, cette loi opère un changement majeur dans l’ordonnancement juridique, ne serait-ce que parce qu’elle confère aux familles homoparentales un statut juridique, alors que, auparavant, elles existaient sans que les droits du parent social – dépourvu de lien de filiation avec l’enfant – ne soient reconnus.

b) L’âge des époux

i) Principe : la majorité

Aux termes de l’article 144 du Code civil « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » Il faut donc avoir dix-huit ans révolus pour contracter un mariage.

Jusqu’il y a peu, l’article 144 autorisait les femmes à se marier dès l’âge de quinze ans.

Legs d’une époque où le mariage était souvent arrangé, où l’espérance de vie était proche de cinquante ans et où la règle légale correspondait à la pratique sociale, cette disposition, inscrite faisait figure d’archaïsme.

De surcroît, l’âge de la majorité légale des hommes et des femmes ayant été abaissé à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974, comment justifier que le mariage soit désormais réservé aux seuls hommes majeurs à la différence des femmes dont la minorité ne fait pas obstacle à un tel engagement ?

Contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, cette différence l’était également à nos engagements internationaux.

En effet, la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en vigueur dans notre droit le 3 septembre 1981, stipule, en son article 16, que les États parties « prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité entre l’homme et la femme, le même droit de contracter mariage ».

Par ailleurs, l’élévation de l’âge au mariage des femmes constitue l’un des moyens de lutter contre les mariages forcés.

En effet, les familles désireuses d’imposer un époux à leur fille peuvent aujourd’hui le faire d’autant plus aisément que celle-ci est mineure, placée sous leur autorité et donc particulièrement vulnérable aux pressions dont elle fait l’objet.

Le phénomène des mariages forcés n’est pas anecdotique, loin s’en faut, puisqu’ils concerneraient en France près de 70 000 femmes.

C’est la raison pour laquelle, dans son rapport de novembre 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, parmi d’autres, s’est prononcée pour l’élévation de l’âge légal au mariage des femmes, faisant sienne les recommandations du Comité des droits de l’enfant qui a fait part de sa « préoccupation » au sujet de la différence d’âge légal au mariage entre les hommes et les femmes.

C’est dans ce contexte que, à l’occasion de l’adoption de la loi du n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs le législateur a porté l’âge de se marier pour les filles à quinze ans.

ii) Exception : la dispense d’âge

?) L’admission de la dispense d’âge

Le législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

 ?) L’exigence d’autorisation des parents

==> Principe

L’article 148 du Code civil exige que les deux parents du mineur consentent à son mariage

A défaut, il ressort des articles 182 et 183 du Code civil que l’union conjugale encourt la nullité.

L’article 182 précise qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où le mariage « ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »

L’exigence de consentement des deux parents n’est toutefois pas absolue.

Le législateur a assorti cette règle d’un certain nombre de tempéraments

==> Tempéraments

Le législateur a prévu que le consentement des deux parents n’était pas exigé dans un certain nombre de situations où l’obtention de ce consentement est, par nature, impossible

Plusieurs situations doivent être distinguées:

  • L’existence d’un désaccord entre les parents
    • Dans cette hypothèse, l’article 148 du Code civil prévoit que le dissentiment entre le père et la mère emporte consentement
    • Le législateur autorise ainsi, finalement, à ce qu’un seul des deux parents autorise le mariage de l’enfant mineur, à la condition qu’ils aient tous les deux été consultés.
    • À défaut, nonobstant le consentement du père ou de la mère, le mariage est susceptible d’être contesté
  • L’un des parents est décédé ou se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté
    • L’article 149 du Code civil que dans ces deux situations, « le consentement de l’autre suffit»
    • Cette disposition précise que, il n’est pas nécessaire de produire l’acte de décès du père ou de la mère de l’un des futurs époux lorsque le conjoint ou les père et mère du défunt attestent ce décès sous serment.
  • La résidence actuelle de l’un des parents est inconnue
    • Dans cette hypothèse, l’article 149, al. 3 dispose que, en cas d’absence de nouvelles du parent dont la résidence est inconnue pendant un an, il pourra, malgré tout, être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration est néanmoins subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant et du parent qui a donné son consentement
    • Le faux serment est puni des peines édictées par l’article 434-13 du code pénal, soit de de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
  • Les deux des parents sont décédés ou se trouvent dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 150 du Code civil prévoit que, dans cette situation, les aïeuls et aïeules les remplacent.
    • Par aïeuls, il faut entendre les ascendants en ligne directe.
    • Les aïeuls de chaque ligne doivent consentir au mariage du mineur, ce qui suppose qu’ils soient tous consultés.
    • En cas dissentiment entre l’aïeul et l’aïeule de la même ligne, ou s’il y a dissentiment entre les deux lignes, ce partage emporte consentement.
  • La résidence actuelle des deux parents est inconnue
    • En pareil cas, l’article 150, al. 2 dispose que s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an, il pourra être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration sera là aussi subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant mineur et de ses aïeuls et aïeules.
    • L’article 150 précise qu’il en est de même si, un ou plusieurs aïeuls ou aïeules donnant leur consentement au mariage, la résidence actuelle des autres aïeuls ou aïeules est inconnue et s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an.
  • Tous les ascendants du mineur sont décédés ou sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 159 du Code civil prévoit que les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille.
    • Le pouvoir de consentir n’appartient donc pas tuteur de l’enfant, mais bien au conseil de famille.
  • Le mineur a fait l’objet d’une adoption
    • Il convient de distinguer selon que le mineur a fait l’objet d’une adoption simple ou d’une adoption plénière
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption plénière
        • Pour rappel, cette forme d’adoption, qui est réservée à des enfants âgés de moins de quinze ans, fait entrer l’adopté dans la famille adoptive comme s’il y était né, l’assimilant totalement et irrévocablement à un enfant légitime.
        • Elle entraîne une rupture totale de la filiation de l’enfant adopté qui, sur le plan juridique, n’entretient plus aucun lien avec ses parents biologiques.
        • À cet égard, l’article 358 dispose que « l’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre.»
        • Il en résulte que le mineur qui a fait l’objet d’une adoption plénière est soumis au même régime que les enfants qui jouissent d’une filiation par le sang
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption simple
        • L’adoption simple s’adresse à des adoptés mineurs ou majeurs qui demeurent dans leur famille d’origine et y conservent tous leurs droits.
        • Doté d’une double filiation, l’une charnelle et l’autre purement juridique, l’adopté simple est traité comme l’enfant légitime de l’adoptant.
        • Toutefois le lien adoptif n’établit qu’une filiation additive et révocable.
        • S’agissant de l’autorisation au mariage du mineur, l’article 365 prévoit que « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté»
        • Ce sont donc les parents adoptants qui sont titulaires du pouvoir d’autoriser le mineur adopté à contracter mariage.
        • Ils doivent donc être consultés tous les deux.
        • En cas de dissentiment, leur désaccord emporte consentement.
        • L’article 365 assortit la règle ainsi posée d’une exception : l’hypothèse où le mineur est adopté par le conjoint du père ou de la mère.
        • En pareil cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité.
  • L’autorité parentale qui s’exerce sur le mineur a fait l’objet d’une délégation
    • Cette délégation de l’autorité parentale se rencontre dans deux situations bien distinctes envisagées à l’article 377 du Code civil.
      • Première situation
        • Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
      • Seconde situation
        • En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
    • S’agissant de la personne investie du pouvoir d’autoriser le mariage du mineur, cela dépend de l’inclusion de cette prérogative dans le champ de la délégation qui peut être totale ou partielle.
    • La délégation de l’autorité parentale peut être totale ou partielle.

==> Modalités d’expression du consentement

L’article 73 du Code civil prévoit que l’acte authentique du consentement des père et mère ou aïeuls ou aïeules ou, à leur défaut, celui du conseil de famille doit contenir s’agissant des futurs époux

  • leurs prénoms
  • leurs noms
  • leurs professions
  • leur domicile des futurs

L’acte doit également porter mention de ces informations, s’agissant de tous ceux qui auront concouru à l’acte, ainsi que leur degré de parenté.

L’article 73 précise que hors le cas prévu par l’article 159 du code civil (l’absence d’aïeuls), cet acte de consentement est dressé :

  • soit par un notaire
  • soit par l’officier de l’état civil du domicile ou de la résidence de l’ascendant, et, à l’étranger, par les agents diplomatiques ou consulaires français.

Lorsque l’acte est dressé par un officier de l’état civil, il ne doit être légalisé, sauf conventions internationales contraires, que lorsqu’il y a lieu de le produire devant les autorités étrangères.

c) La santé des époux (abandonnée)

Dans sa rédaction antérieure, l’article 63, al. 2 du Code civil prévoyait que « sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 170, l’officier de l’état civil ne pourra procéder à la publication prévue au premier alinéa ni, en cas de dispense de publication, à la célébration du mariage, qu’après [notamment]la remise, par chacun des futurs époux, d’un certificat médical datant de moins de deux mois, attestant, à l’exclusion de toute autre indication, que l’intéressé a été examiné en vue du mariage »

Née selon Jean Hauser « dans le soupçon de l’eugénisme et du racisme », l’obligation faite aux futurs époux de se soumettre à un examen médical préalable a été instituée par les lois des 16 décembre 1942 et 29 juillet 1943, dont les principes ont été repris par l’ordonnance n° 45-2770 du 2 novembre 1945 sur la protection maternelle et infantile.

Sa portée reste toutefois limitée puisqu’il ne s’agit que d’éclairer chacun d’eux, de façon séparée, sur son propre état de santé et les contre-indications au mariage qu’il pourrait comporter en lui laissant la responsabilité d’en informer l’autre et de maintenir ou abandonner son projet de mariage.

Des conceptions plus radicales, tendant à rendre obligatoire l’information du futur conjoint ou à ériger la contre-indication en empêchement n’ont pas été retenues.

L’évolution des mœurs rendait toutefois cette exigence désuète : aujourd’hui près d’un enfant sur deux naît hors mariage et rares sont les mariages qui n’ont pas été précédés d’une période de cohabitation.

Lorsqu’il a institué le pacte civil de solidarité en 1999, le législateur ne l’a d’ailleurs pas reprise pour les futurs partenaires.

Aussi, lors de l’adoption de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit le législateur a décidé d’abandonner l’exigence d’établissement d’un certificat prénuptial.

2. Les conditions tenant à la capacité des époux

Aux termes de l’article 144 du Code civil « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ».

Il faut donc être majeur pour pouvoir se marier. À défaut, il convient, pour les mineurs, d’obtenir une autorisation de leurs parents et du procureur de la république.

Quant aux majeurs incapables, il convient de distinguer selon le régime de protection dont ils font l’objet

==> Les majeurs sous sauvegarde de justice

Aucun article ne leur interdit de se marier, ni ne subordonne l’accomplissement de cet acte à l’obtention d’une autorisation.

On peut en déduire que le majeur sous sauvegarde de justice est parfaitement libre de contracter mariage

==> Les majeurs sous curatelle

L’article 460, al. 1er dispose que « le mariage d’une personne en curatelle n’est permis qu’avec l’autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge. »

Ainsi, les majeurs placés sous curatelle dispose de la liberté de se marier. L’exercice de cette liberté est toutefois subordonné à l’obtention de l’autorisation du curateur ou du juge des tutelles.

Si le curateur refuse de donner son consentement au mariage du curatélaire, l’un ou l’autre garde la possibilité de saisir le juge aux fins de l’autoriser ou de l’interdire.

==> Les majeurs sous tutelle

L’article 460, al. 2e dispose que « le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage. »

Ainsi, le mariage du majeur sous tutelle doit être autorisé par le conseil de famille s’il a été constitué ou par le juge dans le cas contraire.

Dans les deux cas, l’audition des futurs époux reste obligatoire.

En revanche, le conseil de famille ou le juge n’est plus tenu de recueillir l’avis du médecin traitant comme c’était le cas sous l’empire du droit antérieur à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

Seul l’avis des proches du majeur protégé est recueilli.

3. Les conditions tenant au consentement des époux

En vertu de l’article 146 du Code civil « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ».

Autrefois, c’était la seule condition qui était exigée pour se marier. Le simple échange des consentements suffisait à former les liens du mariage.

Aujourd’hui, bien que d’autres exigences aient été imposées aux époux par le législateur, le consentement a conservé une place centrale dans le processus de formation du mariage.

Son appréhension n’en est pas moins toujours source de difficultés.

==>La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, l’article 180 du Code civil se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du mariage.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le mariage n’a pas pu valablement se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

En résumé, pour ce qui est de la condition du consentement, deux choses doivent être vérifiées :

  • Le consentement doit exister (il doit avoir été manifesté)
  • Le consentement doit être intègre (lors de sa manifestation il ne doit pas avoir été vicié)

Dans un ancien arrêt rendu en date du 9 novembre 1887, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 146 portant qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement comprend tout à la fois le cas où le consentement est le résultat d’une volonté oblitérée par la démence et ceux où il n’est donné qu’à la suite de violences physiques ou morales exercées sur les époux ou l’un d’eux, ou d’une erreur sur la personne avec laquelle l’un des époux a déclaré vouloir s’unir, que dans aucune de ces circonstances, le consentement ne peut être réputé l’expression d’une volonté certaine et libre, capable d’engendrer un engagement formant un lien légal entre les parties. » (Cass. civ. 9 nov. 1887)

a) L’existence du consentement

L’existence du consentement est susceptible de fait défaut dans deux situations distinctes :

  • Soit l’un des membres du couple est frappé d’insanité d’esprit
  • Soit l’un des époux ou les deux n’ont pas d’intention matrimoniale

a.1) L’insanité d’esprit

==> Insanité d’esprit et incapacité juridique

L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique

  • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
    • Soit la loi
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
    • Soit une décision du juge
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
  • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.

Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.

Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.

À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.

En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).

L’article 146 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.

Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.

==> Notion d’insanité d’esprit

Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche

Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).

Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.

Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000).

==> Sanction de l’insanité d’esprit

En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du mariage (V. en ce sens civ., 28 mai 1980).

La preuve de l’insanité d’esprit pèse sur celui qui s’en prévaut.

Dans un arrêt du 2 décembre 1992, la Cour de cassation a considéré que « d’après l’article 489 du Code civil, c’est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d’esprit de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte» ( civ. 1ère 2 déc. 1992).

L’insanité d’esprit n’étant pas une notion de droit, son appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un arrêt du 4 mai 2011, la première chambre civile a énoncé que « les juges du fond, appréciant souverainement la valeur des témoignages produits et des expertises médicales versées aux débats, ont, sans inverser la charge de la preuve, estimé que Xavier X. était affecté, à l’époque du mariage, de lourdes déficiences mentales qui lui interdisaient d’apprécier la portée de son engagement le jour de la célébration de l’union» ( 1ère civ. 4 mai 2011).

a.2) Le défaut d’intention matrimoniale ou le mariage simulé

Dans les sociétés contemporaines, le mariage est vécu et ressenti comme la relation de deux personnes ayant pour principal but la création d’une communauté de vie durable ; il offre à deux personnes la possibilité d’affirmer au grand jour leur relation et les sentiments éprouvés l’un pour l’autre.

Il consiste dans un triple engagement : un engagement à la vie commune, à la fidélité et à l’assistance morale et matérielle.

À cet égard, très tôt, la question s’est posée de savoir si le mariage ne devait pas être annulé dans l’hypothèse où les époux poursuivraient un but qui ne serait pas conforme à la finalité de l’union conjugale.

En somme, faut-il être animé par la volonté de fonder une famille, soit de procéder à l’union des personnes et des biens pour bénéficier des effets – protecteurs, sinon dérogatoires au droit commun – du mariage ?

Lorsque, autrement dit, les époux n’avaient pas, lors de la célébration de leur union, l’intention d’adhérer au statut matrimonial pris dans son essence, cette simulation est celle constitutive d’une cause de nullité ?

La réponse à cette question suppose de s’interroger, au préalable, sur la nature même du mariage : est-ce un contrat ou une institution ?

 i) Le mariage : contrat ou institution ?

?) L’évolution de la conception du mariage

Dans son ouvrage Le chevalier, la femme et le prêtre, l’historien Georges Duby écrit : « c’est par l’institution matrimoniale, par les règles qui président aux alliances, par la manière dont sont appliquées ces règles, que les sociétés humaines, celles mêmes qui se veulent les plus libres ou qui se donnent l’illusion de l’être, gouvernent leur avenir, tentent de se perpétuer dans le maintien de leurs structures, en fonction d’un système symbolique, de l’image que ces sociétés se font de leur propre perfection ».

Pour la sociologue Irène Théry, l’historien ne se réfère pas à une sorte d’essence intemporelle du mariage ; bien au contraire, son travail a montré que cette institution a connu des métamorphoses, presque des révolutions, au cours de l’histoire.

Le mariage est une institution vivante, qui a la charge d’incarner un idéal social à une époque donnée.

Produit de l’histoire de notre société, le mariage a ainsi beaucoup évolué au cours des siècles passés.

Ainsi que le rappelle Jean-Claude Bologne dans son ouvrage Histoire du mariage en Occident, « en deux mille ans d’histoire, l’institution du mariage aura accompagné toutes les mutations de la civilisation occidentale », l’auteur ajoutant que « le mariage a été et demeure un miroir fidèle de la société ».

Le XXe siècle aura été marqué par le combat des féministes pour obtenir l’égalité des droits des femmes et des hommes ; un autre combat reste aujourd’hui à mener, celui de la reconnaissance de la pleine égalité des droits de tous les couples, qu’ils soient composés de personnes de sexes différents ou de même sexe.

==> L’ancien Régime

Si le pouvoir civil sous l’Ancien Régime n’avait pas totalement abandonné à l’Église la question du mariage et de la tenue de l’état civil, c’est au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle que progresse la réflexion sur une distinction entre les aspects civils et religieux du mariage. Ce n’est qu’en 1791 qu’est institué le mariage civil et laïc par la Constitution du 3 septembre ; la loi du 20 septembre 1792 parachève l’évolution en prévoyant que les mariages sont contractés devant l’officier municipal, chargé désormais de tenir l’état civil. C’est cette même loi qui rend le mariage révocable par le divorce : si les deux époux le souhaitent, le mariage peut être dissout sur simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère.

==> La Révolution

À la conception religieuse du mariage-institution, la période révolutionnaire oppose une conception de mariage-contrat, dans le prolongement de la pensée du XVIIIe siècle sur la liberté et les restrictions jugées inacceptables que l’institution religieuse lui porte.

==> Le Code napoléonien

Le code civil de 1804 reprend pour l’essentiel la conception révolutionnaire du mariage, tout en renforçant le pouvoir de contrôle exercé par l’État et les familles : placée sous la puissance du mari, l’épouse est incapable de disposer des biens de la communauté.

Le divorce est maintenu, mais bien plus encadré que sous la période révolutionnaire, afin d’en réduire le nombre. On conçoit en effet le mariage comme dépassant le seul consentement des époux, du fait de son objectif de constitution d’une famille ; Portalis soutient d’ailleurs à l’époque que le mariage intéresse la société avant de concerner le couple et qu’il ne saurait être laissé aux « passions » des individus.

Depuis le code Napoléon, le mariage civil – qui précède obligatoirement le mariage religieux, rétabli par le Concordat de 1801 – n’a varié que sur des détails, le plus souvent pour en simplifier la procédure.

==> La Restauration

La Restauration ne remit pas son existence en cause, même si elle supprima le divorce en 1816. Celui-ci sera rétabli en 1884, à l’initiative du député radical Alfred Naquet, permettant un retour partiel aux acquis révolutionnaires.

==> L’ère moderne

Le XXe siècle s’est ouvert sur des incertitudes : dans l’atmosphère qui domine le pays après la défaite de 1870, la peur de voir la France se dépeupler attise la méfiance à l’égard du mariage–contrat au profit de la conception du mariage–institution.

Ce siècle a ensuite été marqué par les combats des mouvements féministes en faveur de l’union libre puis de la reconnaissance de l’égalité des droits.

Les progrès liés à la contraception et l’émancipation des femmes ont bouleversé le modèle familial et notre conception du mariage.

La pleine égalité des conjoints n’existe dans les textes que depuis la loi du 4 juin 1970 : depuis lors, l’article 213 du code civil dispose que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ».

La loi du 11 juillet 1975 modernise le droit du divorce, reconnaissant trois cas : le divorce par consentement mutuel, le divorce par rupture de vie commune et le divorce pour « violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».

Des conceptions très différentes ont tour à tour dominé l’histoire du mariage, au gré des tensions entre les familles – désireuses de contrôler les alliances de leurs enfants –, l’Église et le pouvoir civil.

Les buts premiers du mariage ont ainsi beaucoup varié selon les époques : préservation des biens ; procréation et éducation des enfants au sein d’un noyau familial stable ; alliances politiques ; promotion d’un statut social ; amour, plus récemment…

Aujourd’hui, le mariage n’apporte plus réellement un statut social, davantage conféré par l’emploi qu’on occupe ; le développement de l’union libre et les possibilités de reconnaître en droit les enfants nés hors mariage rendent plus ténu le lien entre mariage et procréation (cf. infra). S’il conserve sa valeur symbolique, le mariage ne peut plus être considéré comme un modèle unique.

?) La définition du mariage

Le code civil ne contient aucune définition du mariage. Les rédacteurs du code civil de 1804 n’avaient pas éprouvé le besoin de définir le mariage, tant la définition allait alors de soi.

Tout au plus, on en trouve une définition dans le Discours préliminaire au projet de code civil prononcé le 1er pluviôse An IX (21 janvier 1801).

Portalis y définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ».

Bien que le Code civil soit silencieux sur le concept de mariage, il n’en définit pas moins les éléments essentiels de son existence et de sa validité, exigeant deux contractants de sexe différent ou de même sexe, d’âge nubile, respectant l’interdit de l’inceste et de la bigamie, consentant librement à une communauté de vie au cours d’une cérémonie publique.

La nature du mariage serait donc double.

  • Il est un contrat
    • On dit que les époux « contractent » mariage
    • Le mariage se forme par l’échange des consentements
    • Or c’est là l’essence même du contrat lequel repose sur un accord de volontés
    • Ajouté à cela, les époux sont désormais libres de défaire l’union qu’ils ont constituée au moyen du divorce par consentement mutuel, de sorte qu’ils ne sont plus enfermés dans les liens du mariage
  • Le mariage est une institution
    • Bien que le mariage se forme par l’échange des consentements, il n’est pas soumis à la libre négociation contractuelle, à tout le moins à la marge.
    • En se mariant, les époux sont soumis à ce que l’on appelle le régime primaire impératif qui se compose d’un ensemble de règles auxquelles les époux ne peuvent déroger par convention contraire.
    • Autre marque de la dimension institutionnelle du mariage, la société est témoin de l’union, célébrée publiquement dans la maison commune après publication de bans
    • En outre, bien que les époux puissent, pour rompre leur union, emprunter la voie du divorce par consentement mutuel, à l’exception du divorce par acte d’avocat, le mariage ne peut être dissous que par un juge.
    • Le mariage emporte, en outre, modification de l’état civil des époux.

Ainsi, le mariage comporte une dimension : contractuelle et institutionnelle.

Toutefois, pour certains auteurs, en ce que le mariage se fonde, aujourd’hui, essentiellement sur l’amour que se portent deux êtres, amour auquel il apporte une forme de reconnaissance sociale, cette évolution fragilise la dimension contractuelle du mariage.

D’aucuns estiment que le mariage serait passé du statut de contrat–institution organisant la filiation au sein du couple à celui d’union de deux individus amoureux.

Ce constat étant fait, revenons à notre question initiale : l’absence d’intention matrimoniale est-elle une cause de nullité du mariage ?

  • Si l’on considère que le mariage est un contrat
    • Dans cette hypothèse, le mariage simulé doit être admis car, en matière contractuelle, seule l’intention conventionnelle compte.
    • Dans un contrat, sauf contrariété à l’ordre public, le but poursuivi par les parties est indifférent
  • Si l’on considère que le mariage est une institution
    • Dans cette hypothèse, le mariage simulé doit être sanctionné par la nullité, car l’intention légale doit être respectée.
    • En plus de s’épouser l’un l’autre, les époux doivent adhérer à la finalité de l’institution qu’est le mariage

Ainsi, est-ce, en quelque sorte, en ces termes, que la question de l’exigence d’intention matrimoniale s’est posée à la jurisprudence.

ii) L’appréhension du mariage simulé

?) Le cadre jurisprudentiel

Sur la question de savoir si les époux devaient être animés d’une intention matrimoniale pour contracter mariage, la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt Appietto du 20 novembre 1963.

Appietto
(Cass. 1ère Civ. 20 nov. 1963)
Attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'Appietto a demandé la nullité du mariage qu'il a contracté à Ajaccio avec demoiselle Liliane Feibelman, exposant qu'il n'avait consenti à cette union que dans le but de conférer la légitimité à l'enfant dont il était le père, mais qu'il n'avait aucune intention de fonder un foyer et qu'il fut convenu entre les futurs époux que le divorce serait demandé dès la célébration du mariage ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (CA Bastia, 9 avr. 1962) d'avoir débouté l'appelant de sa demande, au motif que le mariage n'était ni entaché du vice d'erreur ni du vice de violence, alors que les époux n'avaient pas l'intention véritable et sérieuse de fonder une famille ;

Mais attendu que si le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets légaux, et notamment n'ont donné leur consentement que dans le but de conférer à l'enfant commun la situation d'enfant légitime ;

Attendu que tant par ses motifs propres que par ceux des premiers juges qu'il adopte, l'arrêt relève exactement que "le désir et le souci d'assurer à un enfant une naissance légitime au sein d'un foyer légalement fondé constitue l'une des raisons majeures (...) de l'institution du mariage" et que le mariage est "une institution d'ordre public à laquelle les parties contractantes ne peuvent apporter les modifications que leur intérêt ou les circonstances exigeraient" ; qu'ainsi l'arrêt attaqué qui est motivé, n'a pas violé les textes visés au moyen et que le grief doit être écarté ;

Par ces motifs, rejette...

  • Faits
    • Mariage contracté par un couple en vue de conférer à leur enfant le statut d’enfant légitime
    • Le couple avait néanmoins convenu, avant le mariage, qu’ils divorceraient peu de temps après la célébration n’ayant pas l’intention de fonder un foyer ensemble
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 9 avril 1962, la Cour d’appel de Bastia rejette l’action en nullité du requérant
    • Les juges du fond estiment que le mariage n’a nullement été simulé en l’espèce, dès lors que l’attribution de la légitimité à l’enfant issue du couple, constitue l’un des principaux effets du mariage
    • Le mariage était donc pleinement valide
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 novembre 1963, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets légaux et notamment leur consentement que dans le but de conférer à l’enfant commun la situation d’enfant légitime»
    • Bien que, en l’espèce, la Cour de cassation valide le mariage contracté entre les époux, elle juge que lorsque les époux sont dépourvus de toute intention matrimoniale, le mariage encourt la nullité
    • Pour apprécier l’intention matrimoniale des époux, la Première chambre civile pose le critère de l’existence d’une volonté « d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale».
    • Consécutivement à cet arrêt, la question s’est immédiatement posée de savoir pourquoi le mariage n’avait pas été annulé en l’espèce dans la mesure où les époux se sont mariés avec pour seul but de légitimer leur enfant naturel.

À l’examen, il ressort de la décision que deux éléments permettent de déterminer ce que l’on doit entendre par « résultat étranger à l’union matrimoniale »

En effet, la Cour de cassation opère une distinction entre les effets primaires et les effets secondaires du mariage :

  • Les effets primaires
    • Ils ne peuvent être obtenus que par le mariage
      • Filiation
      • Communauté de biens
  • Les effets secondaires
    • Ils peuvent être obtenus par d’autres biais que le mariage
      • Acquisition de la nationalité
      • Avantages fiscaux
      • Avantages patrimoniaux

Au total, pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient et/ou ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

Cette appréciation du défaut d’intention matrimoniale a parfaitement été exprimée par la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 11 juin 1974 a précisé que « un mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’un effet secondaire du mariage, étranger aux buts de l’institution, avec la volonté délibérée de se soustraire à toutes ses autres conséquences légales » (CA Paris, 11 juin 1974)

Dans le droit fil de cette décision, la Cour de cassation a récemment jugé que « ayant ainsi fait ressortir que celle-ci n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu que Mme X… s’était mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu’il y avait lieu d’annuler celui-ci, faute de consentement » (Cass. 1ère civ. 19 déc. 2012)

Le critère pour apprécier le défaut d’intention matrimoniale réside ainsi dans la volonté de rechercher les seuls effets secondaires du mariage.

?) Le cadre légal

Lorsque des époux sont dépourvus de toute intention matrimoniale lors de la célébration de leur union, on dit que le mariage ainsi célébré est blanc ou gris.

  • Le mariage blanc
    • Appelé également mariage de complaisance, il s’agit de l’union frauduleusement contractée sans intention matrimoniale.
    • Les futurs époux cachent le réel motif de leur union.
    • Dans la grande majorité des cas, l’obtention d’un titre de séjour prolongé en France motive cet acte qui dénature le mariage.
  • Le mariage gris
    • Cette situation se rencontre lorsque le conjoint de nationalité étrangère dissimule ses vrais sentiments et trompe ainsi son conjoint en lui faisant croire à un réel amour.
    • Cette escroquerie sentimentale conduit à un abus de l’autre, du citoyen français, de plus, une fois son but atteint, le trompeur demande en général le divorce.

Dans les cas de mariage blanc ou gris l’objectif de l’immigré illégal est d’éviter une reconduite à la frontière, devenir français malgré son entrée illégale ou obtenir un titre de séjour « vie privée et familiale » de par son statut de conjoint.

Afin de lutter plus efficacement contre ces pratiques, les lois de 1993 et 2003 ont institué préalablement au mariage l’audition des futurs époux ainsi que la saisine par l’officier de l’état civil du procureur de la République en cas de doute sur la sincérité ou la réalité des intentions matrimoniales ainsi que son pouvoir d’opposition.

Un délit spécifique a été créé, à l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

Cette disposition prévoit que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint.

 Ces mêmes peines sont applicables en cas d’organisation ou de tentative d’organisation d’un mariage ou d’une reconnaissance d’enfant aux mêmes fins.

 Elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. ».

L’article L. 623-2 du CESEDA prévoit un certain nombre de peines complémentaires :

« 1° L’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

 2° L’interdiction du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;

 3° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l’article 131-27 du code pénal.

 Les personnes physiques condamnées au titre de l’infraction visée au troisième alinéa de l’article L. 623-1 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

Afin de lutter efficacement contre les mariages blancs et gris, la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a renforcé les moyens de contrôler l’existence d’une intention matrimoniale.

==> Le mariage célébré en France

A été introduite l’obligation, pour les officiers de l’état civil, de s’entretenir avec les futurs époux, afin de vérifier leur intention matrimoniale. Cette obligation d’audition conditionne la publication des bans.

L’article 63 du Code civil prévoit en ce sens que « la publication prévue au premier alinéa ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l’article 169, la célébration du mariage est subordonnée [notamment] à l’audition commune des futurs époux, sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180. »

Cette obligation est également mise à la charge des agents diplomatiques ou consulaires pour les mariages célébrés à l’étranger.

En toute hypothèse, la personne en charge d’assurer la célébration apprécie lui-même m’opportunité d’auditionner les futurs époux.

L’article 63, 2°, al. 2 précise que « l’officier de l’état civil, s’il l’estime nécessaire, demande à s’entretenir séparément avec l’un ou l’autre des futurs époux. »

La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration et modifiant le code civil a mis en place une procédure d’opposition à la célébration du mariage en cas d’indices sérieux laissant présumer l’absence de réelle intention matrimoniale.

Cette procédure a été renforcée par la loi du 26 novembre 2003 précitée, en permettant notamment au procureur de la République de surseoir à la célébration pour un mois renouvelable une fois.

==> Le mariage célébré à l’étranger

  • Évolution du cadre légal
    • La loi n° 93-1027 du 24 août 2003 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a instauré un mécanisme de contrôle a posteriori de la validité des mariages conclus à l’étranger lorsqu’un conjoint est Français.
    • Ce contrôle s’exerce au moment de la demande de transcription du mariage sur les registres de l’état civil français.
    • Il passe par l’obligation pour l’agent diplomatique ou consulaire de surseoir à la transcription en cas d’indices sérieux de mariage frauduleux, et d’informer le ministère public qui doit se prononcer dans un délai de six mois.
    • En outre, la loi du 26 novembre 2003 a prévu l’obligation d’auditionner les époux préalablement à la transcription.
    • Le décret n° 2005-170 du 23 février 2005 a concentré les contentieux relatifs aux mariages à l’étranger sur le seul tribunal de grande instance de Nantes.
    • Cette centralisation, effective depuis le 1er mars 2005, est le gage d’une jurisprudence unifiée émanant d’une juridiction spécialisée dans le domaine de l’état civil étranger.
    • En mai 2005, le ministère de la justice a précisé les modalités d’application de la réforme de 2003 par voie de circulaire adressée aux parquets des tribunaux.
    • Un an plus tard, la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité du mariage a précisé la chronologie des formalités administratives précédant la célébration, les vérifications d’identité des futurs époux et les modalités de l’audition séparée en cas de doute sur la sincérité des intentions matrimoniales, en donnant la possibilité pour le maire ou le consul, de déléguer l’audition à un fonctionnaire titulaire du service de l’état civil quand l’un des futurs époux réside à l’étranger.
    • La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a renforcé les formalités administratives relatives aux mariages célébrés à l’étranger entre un Français et un étranger.
  • Principe de validité du mariage célébré à l’étranger
    • L’article 171-1 du Code civil prévoit que le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre.
    • Il en est de même du mariage célébré par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
    • Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret.
  • Formalités préalables au mariage célébré à l’étranger par une autorité étrangère
    • Le certificat de capacité à mariage
      • L’article 171-2 du Code civil prévoit que lorsqu’il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d’un Français doit être précédé de la délivrance d’un certificat de capacité à mariage établi après l’accomplissement, auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, des prescriptions prévues à l’article 63, soit de la régularisation des bans
      • La publication des bans est également faite auprès de l’officier de l’état civil ou de l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où le futur époux français a son domicile ou sa résidence.
    • L’audition des époux
      • À la demande de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, l’audition des futurs époux prévue à l’article 63 est réalisée par l’officier de l’état civil du lieu du domicile ou de résidence en France du ou des futurs conjoints, ou par l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente en cas de domicile ou de résidence à l’étranger.
    • L’opposition à mariage
      • Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l’autorité diplomatique ou consulaire saisit sans délai le procureur de la République compétent et en informe les intéressés.
      • Le procureur de la République peut, dans le délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître par une décision motivée, à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée et aux intéressés, qu’il s’oppose à cette célébration.
      • La mainlevée de l’opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance conformément aux dispositions des articles 177 et 178 par les futurs époux, même mineurs.
  • Transcription du mariage célébré à l’étranger par une autorité étrangère
    • L’opposabilité du mariage
      • L’article 171-5 du Code civil prévoit que pour être opposable aux tiers en France, l’acte de mariage d’un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l’état civil français.
      • En l’absence de transcription, le mariage d’un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l’égard des époux et des enfants.
    • La demande de transcription
      • Elle est faite auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique compétente au regard du lieu de célébration du mariage.

a.3) Le mariage posthume

==> Principe

Aux termes de l’article 171 du Code civil « le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage en cas de décès de l’un des futurs époux, dès lors qu’une réunion suffisante de faits établit sans équivoque son consentement»

Ainsi, la procédure du mariage posthume prévue à l’article 171 du code civil permet au Président de la République, lorsque des motifs graves le justifient, d’autoriser la célébration d’un mariage en dépit du décès de l’un des deux époux, à la condition que le consentement du défunt soit établi sans équivoque par l’accomplissement de formalités officielles relatives à ce mariage.

Historiquement cette procédure a notamment permis de garantir la filiation légitime d’enfants conçus avant le mariage des époux ou d’assurer la protection nécessaire au conjoint du défunt.

En tout état de cause, il appartient au chef de l’État d’apprécier souverainement si les éléments présentés sont de nature à marquer sans équivoque le consentement au mariage de l’époux décédé ( 1ère civ. Civ. 17 octobre 2007)

Quant au juge, il doit vérifier, en cas de contentieux tendant à l’annulation du mariage posthume, si ce consentement a bien persisté jusqu’au décès ( 1ère civ. 28 février 2006).

Lors de l’adoption de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit les conditions relatives aux éléments susceptibles d’établir la réalité du consentement ont été assouplies

Ce texte a, en effet, remplacé la condition tenant à l’accomplissement préalable de formalités officielles, jugée trop restrictive car limitée à trop peu d’actes, par une condition liée à la seule réunion de faits suffisants pour établir le consentement du défunt au mariage.

Toutefois l’exigence du caractère non équivoque et certain du consentement est donc bien maintenue, sous le contrôle du chef de l’État et du juge.

==> Effets

les effets du mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l’époux.

Toutefois, ce mariage n’entraîne aucun droit de succession ab intestat au profit de l’époux survivant et aucun régime matrimonial n’est réputé avoir existé entre les époux.

b) L’intégrité du consentement

Il ne suffit donc pas que les futurs époux soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté la condition centrale du mariage, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation de leur union.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

En droit commun du contrat, il résulte de l’article 1130, al. 1er du Code civil que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

En matière de mariage, le nombre des vices du consentement est réduit à deux.

L’article 180 du Code civil prévoit seulement que :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

 S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que seules l’erreur et la violence sont des causes de nullité du mariage.

Le dol n’est pas visé par cette disposition, ce qui inévitablement conduit à l’exclure des vices du consentement susceptible d’anéantir le mariage.

b.1) L’exclusion du dol

 i) En droit commun

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de plusieurs autres notions :

  • Dol et erreur
    • Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.
    • En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.
    • En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.
  • Dol au stade de la formation du contrat et dol au stade de l’exécution
    • Au stade de la formation du contrat, le dol consiste en une tromperie qui vise à conduire l’autre partie à conclure le contrat sur une fausse conviction
    • Au stade de l’exécution du contrat, le dol s’apparente à un manquement délibéré d’une partie à une ou plusieurs obligations qui lui échoient

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016 une disposition unique était consacrée au dol : l’article 1116 du Code civil.

Cette disposition prévoyait à son alinéa 1er que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». L’alinéa 2 précisait qu’« il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Dorénavant, trois articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1137 à 1139. Le législateur s’est, toutefois, contenté d’entériner les solutions classiquement adoptées par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1137, alinéa 1er du Code civil « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ».

Bien que, en droit commun des contrats, en ce qu’il constitue un vice du consentement, le dol est une cause de nullité, telle n’est pas la solution retenue en matière matrimoniale.

ii) En droit matrimonial

Aucune des règles qui encadrent le consentement en matière matrimoniale ne vise le dol comme cause de nullité du mariage.

Il en résulte qu’il ne saurait fonder l’anéantissement de l’union conjugale, nonobstant l’exercice par l’un des époux de manœuvres dolosives.

La raison en est que, pas de nullité sans texte !

Au vrai, comme remarqué par les auteurs, « ce silence est intentionnel »[1]. Il a pris racine dans le célèbre adage énoncé par le jurisconsulte Antoine Loysel qui, au XIXe siècle, écrivait dans les Institutes Coutumières « en mariage trompe qui peut ».

L’exclusion du dol des causes de nullité du mariage se justifie par la nature de la relation entretenue entre les futurs époux qui, par essence, relève de la séduction.

Admettre le dol reviendrait à prendre le risque que le mariage puisse être annulé trop facilement, notamment au prétexte que l’un des époux aurait été séduit par le discours fallacieux de son conjoint.

Comme exprimé dans une vieille décision du Tribunal de grande instance du Mans rendue en date du 18 mars 1965 « le mariage est un acte solennel dont la stabilité est essentielle à la société ; qu’il faut fermer autant que faire se peut la porte au repentir tardif des époux ».

On relèvera néanmoins que, dans de nombreuses décisions, la jurisprudence admet le dol en ce qu’il a provoqué une erreur déterminante du consentement d’un époux.

Dans un arrêt rendu en date du 27 janvier 1998 la Cour de cassation a ainsi validé l’annulation d’un mariage après avoir relevé que « le pourvoi se heurte aux constatations des juges du fond qui, de l’ensemble des éléments de preuve soumis à leur appréciation, ont souverainement retenu que M. X… n’a jamais eu l’intention sincère de fonder un foyer avec Mme Y… qu’il avait trompée sur ses intentions véritables et dont il avait surpris le consentement » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1998).

Cette décision est somme toute contestable, en ce qu’elle se situe à la lisière entre le dol et l’erreur. Au fond, qu’est-ce que le dol, sinon une erreur provoquée ?

En toute hypothèse, dans bien des cas l’erreur déterminante d’un époux sur les qualités essentielles de son conjoint résultera de manœuvres dolosives

b.2) L’erreur

i) En droit commun

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable.

En outre, aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

C’est là que s’opère la distinction entre le droit commun et le droit matrimonial.

À l’évidence, en matière de mariage, seule l’erreur sur les qualités essentielles de l’époux apparaît pertinente.

ii) En droit matrimonial

L’article 180, al. 2 du Code civil dispose que « s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Ainsi, à l’instar du droit commun, l’erreur est une cause de nullité du mariage. Son champ d’application est toutefois plus restreint qu’en droit des contrats.

Pour justifier l’anéantissement du mariage, elle doit porter :

  • Soit dans la personne de l’époux
  • Soit sur des qualités essentielles de la personne de l’époux

Initialement, l’article 180 ne visait que l’erreur « dans la personne ». Ce n’est que tardivement que l’erreur « sur les qualités essentielles de la personne » a été envisagée par le législateur.

La modification de cette disposition résulte de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce qui, à l’inverse de l’effet recherché, a ajouté à la confusion initiale du texte.

==> L’ancien droit

Dans sa version en vigueur en 1804, l’article 180 du Code civil disposait que « lorsqu’il y a eu erreur dans la personne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des deux époux qui a été induit en erreur »

En application de cette disposition, la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur la notion d’erreur dans la personne dans un célèbre arrêt Berthon.

Arrêt Berthon
(Cass. ch. Runies, 24 avr. 1862)
REJET du pourvoi formé par Zoé-Marie-Louise Herbin contre un Arrêt rendu par la Cour impériale d'orléans, le 6 juillet 1861, en faveur du sieur X..., son mari.
Du 24 Avril 1862.

LA COUR, chambres réunies,

Ouï M. Legagneur, conseiller, en son rapport ; Maître Ambroise A..., en ses observations, à l'audience publique du 22 avril ; Maître Z..., en ses observations, et M. le procureur général Dupin, en ses conclusions, à l'audience publique d'hier ;

Vidant le délibéré en chambre du conseil ;

Attendu que l'erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y... Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s'entend, sous la nouvelle comme sous l'ancienne législation, que d'une erreur portant sur la personne elle-même ;

Attendu que si la nullité, ainsi établie, ne doit pas être restreinte au cas unique de l'erreur provenant d'une substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration ;

Si elle peut également recevoir son application quand l'erreur procède de ce que l'un des époux s'est fait agréer en se présentant comme membre d'une famille qui n'est pas la sienne, et s'est attribué les conditions d'origine et la filiation qui appartiennent à un autre ;

Le texte et l'esprit de l'article 180 écartent virtuellement de sa disposition les erreurs d'une autre nature, et n'admettent la nullité que pour l'erreur qui porte sur l'identité de la personne et par le résultat de laquelle l'une des parties a épousé une personne autre que celle à qui elle croyait s'unir ;

Qu'ainsi la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu'elle aurait subies, et spécialement à l'erreur de l'époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s'en est suivie ;

Que la déchéance établie par l'article 34 du Code pénal ne constitue par elle-même ni un empêchement au mariage ni une cause de nullité de l'union contractée ;

Qu'elle ne touche non plus en rien à l'identité de la personne ; qu'elle ne peut donc motiver une action en nullité du mariage pour erreur dans la personne ;

Qu'en le jugeant ainsi et en rejetant la demande en nullité de son mariage formée par Zoé Herbin, et motivée sur l'ignorance où elle avait été à l'époque du mariage de la condamnation à quinze ans de travaux forcés qu'avait antérieurement subie Berthon, son mari, et de la privation des droits civils et civiques qui en avait été la suite, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste et saine application des articles 146 et 180 du Y... Napoléon.

LA COUR REJETTE,

Ainsi fait et prononcé, Chambres réunies.

  • Faits
    • Mariage entre un ex-bagnard avec une fille de bonne famille
    • Une fois seulement le mariage célébré, l’épouse apprend le passé de criminel de son mari
  • Demande
    • Action en nullité du mariage engagée par l’épouse
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 juillet 1861, la Cour d’appel d’Orléans déboute la requérante de sa demande
    • Les juges du fond estiment que seule une erreur sur l’identité de la personne est susceptible de fonder une action en nullité du mariage
  • Problème de droit
    • Une épouse qui ignorait le passé criminel de son époux est-elle fondée à engager une action en nullité de son mariage ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 avril 1862, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « l’erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y… Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s’entend, sous la nouvelle comme sous l’ancienne législation, que d’une erreur portant sur la personne elle-même»
    • Elle en déduit que « la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu’elle aurait subies, et spécialement à l’erreur de l’époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s’en est suivie»
    • Au total, pour la Cour de cassation, seuls deux cas d’erreur constituent des causes de nullité du mariage :
      • L’erreur sur l’identité physique de la personne
        • Ce cas de figure correspond à la substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration
      • L’erreur sur l’identité civile de la personne
        • Est ici envisagée l’hypothèse où l’un des époux s’est fait agréer en se présentant comme membre d’une famille qui n’est pas la sienne, et s’est attribué les conditions d’origine et la filiation qui appartiennent à un autre
      • En l’espèce, l’erreur commise par Madame Berthon ne répondait à aucune de ces hypothèses, raison pour laquelle la haute juridiction a rejeté son pourvoi
      • Pour la Cour de cassation, Madame Berthon s’est trompée, non pas sur la personne de son époux, mais sur sa qualité, soit celle d’ancien bagnard.
      • Or l’erreur sur les qualités de la personne n’est pas une cause de nullité du mariage.
      • Voilà une conception de l’erreur bien restrictive qui a été adoptée par la Cour de cassation dans cette décision.
      • Cette conception a été jugée tellement restrictive par la doctrine, que le législateur est intervenu, en 1971, pour compléter l’article 180 du Code civil.

En suite de l’arrêt Berthon, la jurisprudence a, dans l’ensemble, appliqué à la conception de l’erreur adoptée par la Cour de cassation en refusant d’annuler le mariage, toutes les fois que les époux invoquaient une erreur sur les qualités de la personne.

Les juridictions ont ainsi rejeté :

  • L’erreur sur les aptitudes sexuelles du conjoint
  • L’erreur sur le passé du conjoint
  • L’erreur de la vertu de la femme
  • L’erreur de la fortune du conjoint
  • L’erreur sur la religion de l’époux

À compter des années 1960, les Tribunaux ont néanmoins assoupli leur position en admettant, en contradiction avec la solution retenue dans l’arrêt Berthon, de plus en plus facilement l’erreur sur les qualités de la personne.

Sous l’impulsion de ce mouvement de libéralisation de la jurisprudence, le législateur a pris conscience de la trop grande étroitesse de la conception de l’erreur en droit français, d’où son intervention en 1971.

==> Le droit positif

La loi du 11 juillet 1971 a mis un terme à la conception restrictive de l’erreur. Pour ce faire, elle a précisé l’article 180 du Code civil qui prévoit désormais que l’erreur peut porter, outre dans la personne de l’époux, sur ses « qualités essentielles »

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « qualités essentielles ».

Trois critères cumulatifs ont été posés par la jurisprudence :

  • Un critère objectif
    • Pour être prise en considération, la qualité de la personne doit être essentielle en vue du mariage : il s’agit d’apprécier la qualité de la personne eu égard à l’institution du mariage.
    • Le juge va donc chercher à s’appuyer sur des critères objectifs.
    • L’examen de la jurisprudence, permet d’établir  un certain nombre de ces qualités essentielles ou accessoires.
    • Exemples
      • La santé physique et mentale
      • Les aptitudes sexuelles
      • Les croyances religieuses
      • L’honorabilité du conjoint
  • Un critère subjectif
    • Pour que l’erreur soit prise en considération, il est nécessaire que la victime de l’erreur rapporte la preuve que l’absence de la qualité qu’elle reproche à son conjoint était antérieure au mariage.
    • Cette exigence vaut, notamment pour ce qui concerne l’état mental ou l’aptitude aux rapports sexuels.
  • Le caractère déterminant de l’erreur
    • Pour être une cause de nullité du mariage, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de l’errans.
    • Autrement dit, celui qui a commis l’erreur doit établir que s’il avait eu connaissance de l’absence de la qualité essentielle qui fait défaut chez son conjoint, il ne l’aurait pas épousé.
    • À défaut de parvenir à rapporter la preuve du caractère déterminant de l’erreur, quand bien même elle porterait sur une qualité objectivement essentielle, elle ne constituera pas une cause de nullité.

b.3) La violence

Pour mémoire, l’article 180 du Code civil prévoit, en son alinéa 1er, que « le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que ce qui est cause de nullité c’est moins la violence qui est exercée à l’encontre d’un époux que l’absence de liberté de son consentement.

Toutefois, les juridictions ont très tôt assimilé le défaut de liberté à la violence. Il en a été déduit qu’il convenait de se reporter, pour apprécier la liberté de consentement d’un époux, aux règles qui connaissent de la violence en matière contractuelle.

Ces règles sont édictées aux articles 1140 à 1143 du Code civil.

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur une personne aux fins de le contraindre à consentir à la conclusion d’un acte.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil consacrait cinq dispositions à la violence : les articles 1111 à 1115.

L’article 1112 prévoyait notamment que « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

Dorénavant, quatre articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1140 à 1143. Fondamentalement, le législateur n’a nullement modifié le droit positif, il s’est simplement contenté de remanier les dispositions existantes et d’entériner les solutions classiquement admises en jurisprudence.

Aussi, ressort-il de ces dispositions que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à ses éléments constitutifs
  • D’autre part, à son origine

 i) Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :

  • L’exercice d’une contrainte
  • L’inspiration d’une crainte

 ?) Une contrainte

==> L’objet de la contrainte : la volonté de l’époux

Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée aux articles 180 et l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.

La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.

==> La consistance de la contrainte : une menace

La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.

Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.

Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens

==> Le caractère de la contrainte : une menace illégitime

La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.

A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.

La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.

En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).

Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?

Un principe assorti d’une limite

  • Principe
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant est toujours légitime lorsqu’elle consiste en l’exercice d’une voie de droit
    • Ainsi, la menace d’une poursuite judiciaire ou de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ne saurait constituer, en elle-même, une contrainte illégitime.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens, au sujet d’un cautionnement qui aurait été conclu sous la contrainte, que « la violence morale ne pouvait résulter des appels même incessants d’un banquier, dès lors qu’il existait une raison légitime comme celle de finaliser un acte de cautionnement pour garantir un concours bancaire à la société, dont le gérant n’était autre que le fils de la caution, et ce, bien avant la procédure de redressement judiciaire qui n’était intervenue que quinze mois plus tard et qu’aucun élément médical personnel ne venait corroborer la détresse psychologique dont elle se prévalait, qui l’aurait conduite à un discernement suffisamment altéré pour remettre en cause la validité de son consentement» ( com. 22 janv. 2013).
  • Limites
    • La légitimité de la menace cesse, nous dit l’article 1141, lorsque la voie de droit est :
      • Soit détournée de son but
        • Il en va ainsi lorsque l’avantage procuré par l’exercice d’une voie de droit à l’auteur de la menace est sans rapport avec le droit dont il se prévaut
        • La Cour de cassation a, de la sorte, approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette qui avait été « obtenue sous la menace d’une saisie immobilière relative au recouvrement d’une autre créance» ( 1ère civ. 25 mars 2003)
      • Soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif
        • La menace sera ainsi considérée comme illégitime lorsqu’elle est exercée en vue d’obtenir un avantage hors de proportion avec l’engagement primitif ou le droit invoqué
        • La Cour de cassation a ainsi estimé que la contrainte consistant à menacer son cocontractant d’une procédure de faillite était illégitime, dans la mesure où elle avait conduit le créancier à obtenir de son débiteur des avantages manifestement excessifs ( com. 28 avr. 1953).

 ?) Une crainte

La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose :

  • d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable
  • d’autre part que ce mal considérable soit dirigé
    • soit vers la personne même de la victime
    • soit vers sa fortune
    • soit vers ses proches

==> L’exposition à un mal considérable

  • Reprise de l’ancien texte
    • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
    • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
  • Notion
    • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
    • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
    • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
    • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
    • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
    • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
    • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
    • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
  • L’admission de la crainte révérencielle
    • En droit commun des contrats, la crainte référentielle ne permet pas de retenir la violence contre un contractant.
    • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait en ce sens que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
    • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
    • En matière de droit matrimonial c’est la solution inverse qui a été retenue, et par la jurisprudence, et par le législateur.
    • Ce dernier a consacré cette solution lors de l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs
    • Ainsi, l’article 180 a-t-il été complété, la précision suivante ayant été ajoutée : « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
    • La crainte révérencielle est donc bien une cause de nullité du mariage.

==> L’objet de la crainte

Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »

Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :

  • soit sa personne
  • soit sa fortune
  • soit celles de ses proches

Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

2. Les conditions relatives à l’origine de la violence

Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.

L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.

La personne qui fait l’objet de violences est donc privée de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.

En conséquence, peu importe que la violence soit exercé par un époux ou un tiers, ce qui importe c’est que le consentement du conjoint n’ait pas été donné librement.

4. Les conditions tenant à la parenté des époux

La subordination de la validité du mariage au respect de conditions tenant à la parenté des époux, s’explique par la prohibition générale de l’inceste en droit français

a) La prohibition de l’inceste

Les origines de l’interdit de l’inceste ont été longuement étudiées par les sciences humaines et sociales.

De façon schématique, l’interdit de l’inceste relève de considérations :

  • Biologiques: les unions consanguines créent un risque de dégénérescence de l’espèce
  • Sociales: la prohibition de l’inceste est une règle de l’échange social, qui se traduit par l’obligation de prendre femme en dehors du clan familial
  • Psychanalytiques: l’interdiction de tuer son père et d’épouser sa mère découle de l’interdit du meurtre et du cannibalisme

Dans l’ouvrage collectif De l’inceste, Boris Cyrulnik relève que « le mot « inceste » désigne des circuits sexuels très variables d’une culture à l’autre. Pourtant, chaque fois qu’il est employé, il suscite un authentique sentiment d’horreur, comme si tous les membres d’un groupe s’en servaient pour charpenter un imaginaire commun ».

Le droit français ne reconnaît pas explicitement la notion d’inceste. À aucun moment cette notion n’est évoquée explicitement dans notre législation : comme l’a écrit Jean Carbonnier, « paradoxalement, ce tabou si profond n’est inscrit en termes généraux dans aucun texte, ni au code civil ni au nouveau code pénal (non plus que dans les Dix Commandements). Et il n’est point constitutionnalisé : il plane très au-dessus des droits de l’homme ».

Néanmoins, cet interdit universel que constitue l’union sexuelle au sein de la famille sous-tend, d’une part, les dispositions du code civil relatives au mariage et à la filiation, et, d’autre part, les dispositions du code pénal relatives à la répression des violences sexuelles commises au sein de la famille.

En droit pénal, il n’existe pas d’incrimination spéciale de l’inceste mais une circonstance aggravante des viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur lorsque ceux-ci sont commis « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime »

Le code pénal distingue en effet trois catégories de violences sexuelles :

  • Le viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise» et puni de quinze ans de réclusion criminelle ;
  • L’agression sexuelle (articles 222-22, 222-27 à 222-31 du code pénal), définie comme « toute atteinte sexuelle [autre que le viol] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise» et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ;
  • L’atteinte sexuelle (articles 227-25 à 227-27-1 du code pénal), définie comme « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans» et punie également de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Lorsque l’infraction a été commise « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », les peines sont donc aggravées :

  • Le viol est alors puni de vingt ans de réclusion criminelle, qu’il ait été commis sur un mineur de quinze ans ou non
  • L’agression sexuelle est quant à elle punie de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende si elle est commise sur un majeur ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, et de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende si elle est commise sur un mineur de quinze ans
  • L’atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende

En droit civil, l’interdit de l’inceste fonde l’interdiction du mariage entre personnes de la même famille (ou, le cas échéant, la nullité d’un tel mariage) ainsi que l’interdiction de faire reconnaître la filiation d’un enfant qui serait issu d’une telle union.

b) Le domaine de l’inceste

i) La prohibition de l’inceste en ligne directe

L’article 161 du Code civil dispose que « en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »

Il ressort de cette disposition qu’il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre ascendant et descendant en ligne directe

L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption

Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.

La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres.

Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

==> Entre alliés en ligne directe

Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

Schéma 2.JPG

L’article 161 du Code civil est formel : le mariage entre alliés en ligne direct est prohibé.

La question s’est toutefois posée de savoir si cette prohibition s’imposait toujours en cas de divorce du couple marié.

La Grande Bretagne qui connaît une interdiction similaire a, en effet, été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt du 13 septembre 2005 (CEDH 13 sept. 2005, B. et L. c/ United Kingdom, req. no 36536/02) dans une affaire opposant un beau-père et sa belle-fille.

Dans cet arrêt, les Juges strasbourgeois ont considéré qu’un tel empêchement, bien que poursuivant un but légitime de protection de l’intégrité de la famille, constituait une atteinte excessive au droit au mariage, ce en violation de l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Pour mémoire, cette disposition, qui garantit le droit au mariage, prévoit que « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. ».

Non sans une certaine surprise, dans un arrêt du 4 décembre 2013, la Cour de cassation a semblé adopter la solution inverse de celle retenue par la Cour européenne des droits de l’Homme (Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013, n°12-26.006).

Dans cette décision, la Première chambre civile a, en effet, décidé que le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille, divorcée d’avec son fils, revêt à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans.

Toutefois, les circonstances de fait ont joué un rôle déterminant dans cette affaire où l’annulation du mariage avait été sollicitée, et prononcée par les juges du fond, sur le fondement de l’article 161 du code civil, qui interdit notamment le mariage entre le beau-père et sa belle-fille, lorsque l’union de cette dernière avec le fils de celui-ci a été dissoute par divorce.

Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013
Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... et M. Claude Y... se sont mariés le 6 septembre 1969 et qu’une fille, née le 15 août 1973, est issue de leur union ; qu’après leur divorce, prononcé le 7 octobre 1980, Mme X... a épousé le père de son ex mari, Raymond Y..., le 17 septembre 1983 ; qu’après avoir consenti à sa petite fille une donation le 31 octobre 1990, ce dernier est décédé le 24 mars 2005 en laissant pour lui succéder son fils unique et en l’état d’un testament instituant son épouse légataire universelle ; qu’en 2006, M. Claude Y... a, sur le fondement de l’article 161 du code civil, assigné Mme X... en annulation du mariage contracté avec Raymond Y... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu’ainsi que l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt récent, les limitations apportées au droit au mariage par les lois nationales des Etats signataires ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d’une manière telle que l’on porte atteinte à l’essence même du droit, retient que la prohibition prévue par l’article 161 du code civil subsiste lorsque l’union avec la personne qui a créé l’alliance est dissoute par divorce, que l’empêchement à mariage entre un beau père et sa bru qui, aux termes de l’article 164 du même code, peut être levé par le Président de la République en cas de décès de la personne qui a créé l’alliance, est justifié en ce qu’il répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial, que cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d’eux, que, contrairement à ce que soutient Mme X..., il ressort des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre 1983, alors qu’elle n’était âgée que de dix ans, a opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son grand père, que l’article 187 dudit code interdit l’action en nullité aux parents collatéraux et aux enfants nés d’un autre mariage non pas après le décès de l’un des époux, mais du vivant des deux époux, qu’enfin, la présence d’un conjoint survivant, même si l’union a été contractée sous le régime de la séparation de biens, entraîne nécessairement pour M. Claude Y..., unique enfant et héritier réservataire de Raymond Y..., des conséquences préjudiciables quant à ses droits successoraux, la donation consentie à Mme Fleur Y... et la qualité de Mme Denise X... en vertu du testament du défunt étant sans incidence sur cette situation, de sorte que M. Claude Y... a un intérêt né et actuel à agir en nullité du mariage contracté par son père ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y... avec Mme Denise X... revêtait, à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article L. 411 3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition prononçant l’annulation du mariage célébré le 17 septembre 1983 entre Raymond Y... et Mme Denise X..., ainsi qu’en sa disposition allouant une somme à M. Claude Y... sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

  • Faits
    • Le fils de l’époux avait introduit l’action en nullité du mariage, 22 ans après sa célébration, après le décès de son père, lequel avait institué son épouse légataire universelle.
    • Celle-ci avait invoqué, pour s’y opposer, une atteinte à la substance du droit au mariage garanti par l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur un arrêt rendu en ce sens le 13 septembre 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme, relatif à un projet de mariage entre alliés, se prévalant de nombreuses années de vie commune.
  • Procédure
    • Dans un arrêt du 21 juin 2012, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a accueilli la demande de nullité en considérant que l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru, prévu par l’article 161 du code civil, était justifié en ce qu’il répondait à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille et qu’en l’espèce, la présence d’un conjoint survivant entraînait nécessairement des conséquences successorales préjudiciables à cet unique héritier qui, dès lors, justifiait d’un intérêt à l’annulation.
  • Solution
    • La Cour de cassation a jugé que les constatations des juges du fond étaient suffisantes pour en déduire que le droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, commandait de rejeter la demande d’annulation de ce mariage, célébré sans que le ministère public ait formé opposition au mariage, alors que les pièces d’état civil qui avaient été produites par les futurs époux révélaient nécessairement la cause de l’empêchement au mariage.
  • Portée
    • En raison de son fondement, la portée de cette décision est limitée au cas particulier examiné.
    • Ainsi, le principe de la prohibition du mariage entre alliés n’est pas remis en question par cette décision de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour de cassation a confirmé la prohibition du mariage entre alliés en ligne direct (Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016, n°15-27.201).

Au soutien de sa décision elle rappelle que « que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale »

À cet égard, elle précise « qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi »

En l’espèce, la Cour de cassation relève que :

  • D’une part, la belle-fille avait 9 ans quand son beau-père a épousé sa mère en troisièmes noces
  • D’autre part, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée

Il en résulte que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique

La Première chambre civile relève encore que l’union de la belle-fille avec son beau-père n’avait duré que huit années lorsque l’action en nullité a été engagée et qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée

Au regard de tous ces éléments, la Cour de cassation valide la décision des juges du fond qui ont pu valablement déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la belle-fille au regard du but légitime poursuivi.

Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2014), que Pierre Y..., né le 10 janvier 1925, et Mme Z..., née le 6 juillet 1949, se sont mariés le 28 janvier 1984 ; qu’après leur divorce, prononcé par jugement du 13 décembre 2000, Pierre Y... a épousé, le 12 janvier 2002, Mme X..., fille de Mme Z..., née le 24 avril 1975 d’une précédente union ; qu’après le décès de Pierre Y..., le 5 avril 2010, Mme Anne Y..., épouse A... et MM. Philippe, Jacques et Frédéric Y... (les consorts Y...) ont assigné Mme X... aux fins de voir prononcer, sur le fondement de l’article 161 du code civil, l’annulation de son mariage avec leur père et beau-père ; que, Mme X... ayant été placée sous curatelle renforcée en cours de procédure, son curateur, l’ATMP du Var, est intervenu à l’instance ;

Attendu que Mme X... et l’ATMP du Var font grief à l’arrêt de prononcer l’annulation du mariage et, en conséquence, de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe, après la dissolution par divorce de la première union qui avait été contractée par l’un des deux alliés avec le parent du second, porte une atteinte disproportionnée au droit du mariage ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand l’empêchement à mariage entre alliés en ligne directe, qui peut néanmoins être célébré en vertu d’une dispense si celui qui a créé l’alliance est décédé et ne repose pas sur l’interdiction de l’inceste, inexistant entre personnes non liées par le sang, porte une atteinte disproportionnée au droit au mariage, la cour d’appel a violé l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

2°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe est susceptible de revêtir, à leur égard, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de la vie privée et familiale, dès lors que leur union, célébrée sans opposition, a duré plusieurs années ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand ce mariage célébré sans opposition, avait duré pendant huit années, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 161 du code civil, en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne ; que, selon l’article 184 du même code, tout mariage contracté en contravention à ces dispositions peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, par tous ceux qui y ont intérêt ;

Qu’aux termes de l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ;

Que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, si l’exercice de ce droit est soumis aux lois nationales des Etats contractants, les limitations en résultant ne doivent pas le restreindre ou le réduire d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même ; qu’il en résulte que les conditions requises pour se marier dans les différentes législations nationales ne relèvent pas entièrement de la marge d’appréciation des Etats contractants car, si tel était le cas, ceux-ci pourraient interdire complètement, en pratique, l’exercice du droit au mariage ;

Que, cependant, le droit de Mme X... et Pierre Y... de se marier n’a pas été atteint, dès lors que leur mariage a été célébré sans opposition et qu’ils ont vécu maritalement jusqu’au décès de l’époux ; qu’en annulant le mariage, la cour d’appel n’a donc pas méconnu les exigences conventionnelles résultant du texte susvisé ;

Attendu, en second lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale ;

Qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ;

Attendu que l’arrêt relève, d’abord, que Mme X... avait 9 ans quand Pierre Y... a épousé sa mère en troisièmes noces, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée ; qu’il en déduit que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique ; qu’il constate, ensuite, que son union avec Pierre Y... n’avait duré que huit années lorsque les consorts Y... ont saisi les premiers juges aux fins d’annulation ; qu’il relève, enfin, qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée ; que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X..., au regard du but légitime poursuivi ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi ;

ii) La prohibition de l’inceste en ligne collatérale

L’article 162 du Code civil prévoit encore que « en ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur, entre frères et entre sœurs »

L’article 163 du Code civil ajoute que « le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. »

Ainsi, il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre collatéraux

La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun.

Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré

L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

L’interdiction s’étend aux degrés suivants :

  • Au deuxième degré
    • Entre frères et sœurs, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils sont germains, consanguins ou utérins.

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  • Au troisième degré
    • Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce

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  • Au quatrième degré
    • Très tôt la question s’est posée de savoir s’il convenait d’étendre la prohibition de l’inceste au quatrième degré et plus particulièrement entre grand-oncle et petite-nièce et grand-tante et petit-neveu
    • Dans un avis du 23 avril 1808, le Conseil d’État répondit par la négative à cette question validant le mariage entre les personnes visées.
    • Toutefois, cet avis fut immédiatement réprouvé par l’Empereur qui, aux termes d’une décision publiée au Bulletins des lois du 7 mai 1808, arrêta que « le mariage entre un grand-oncle et sa petite-nièce ne peut avoir lieu qu’en conséquence de dispenses accordées conformément à ce qui est prescrit par l’article 164 du Code civil…».
    • Cette position a été confirmée, 70 ans plus tard, par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 1877 ( req. 28 nov. 1877).

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iii) Les dispenses

Deux sortes d’empêchements doivent être distinguées en matière de prohibition de l’inceste :

  • Les empêchements absolus qui ne peuvent faire l’objet d’aucune dispense
  • Les empêchements relatifs qui peuvent être levés au moyen d’une dispense

==> Les empêchements absolus

Il s’agit de tous ceux pour lesquels aucune dispense n’est prévue. Il en va ainsi de l’interdiction à mariage notamment entre :

  • Parents en ligne directe
  • Alliés en ligne directe
  • Frères et sœurs

==> Les empêchements relatifs

Il s’agit de toutes les interdictions à mariage pour lesquelles le législateur a prévu une dispense.

L’article 164 du Code civil prévoit qu’il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :

  • Par l’article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée ;
  • Par l’article 163, soit les interdictions à mariage qui intéressent l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.

L’article 366, al. 7 dispose encore que la prohibition au mariage portée entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant ; réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté peut être levée dans les mêmes conditions lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

La dispense ne pourra être obtenue qu’à la condition de justifier d’un motif grave. L’examen de la jurisprudence révèle que l’intérêt de l’enfant né ou à naître est l’une des principales causes d’obtention d’une dispense.

5. Les conditions tenant à la situation conjugale des époux

L’article 147 du Code civil prévoit que « on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

Ainsi, la polygamie est-elle interdite en droit français.

La transgression de cette interdiction est sanctionnée à l’article 433-20 du Code pénal aux termes duquel « le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Dans l’hypothèse où l’officier d’état civil qui a célébré le mariage avait connaissance de cette situation, il encourt les mêmes peines que l’auteur du délit.

Afin de prévenir la polygamie, l’article 70 du Code civil commande à l’officier d’état civil de procéder à un certain nombre de vérifications.

En particulier, l’alinéa 1er de cette disposition prévoit que « chacun des futurs époux remet à l’officier de l’état civil qui doit célébrer le mariage l’extrait avec indication de la filiation de son acte de naissance, qui ne doit pas dater de plus de trois mois s’il a été délivré par un officier de l’état civil français. »

B) Les conditions de forme

  1. La constitution du dossier de mariage

L’article 63 du code civil liste les pièces devant être produites par les futurs époux pour la constitution de leur dossier de mariage.

Il précise à cet égard que doivent être fournis les documents suivants :

  • Les copies intégrales de leur acte de naissance ou le cas échéant, un acte de notoriété (pièces visées aux articles 70 et 71 du code civil) ;
  • La justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;
  • L’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère

==> Sur la production de copie intégrale

L’article 70 du code civil prévoit la remise par chacun des futurs époux d’une copie intégrale de son acte de naissance à l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage.

Cet article précise que la copie de l’acte de naissance ne doit pas être datée de plus de trois mois si elle a été délivrée en France, six mois si elle a été délivrée dans un consulat à l’étranger.

Un certain nombre de questions ont été posées à la Chancellerie s’agissant de l’appréciation de ce délai.

S’agissant du point de départ du délai de validité de la copie intégrale de l’acte, celle-ci doit être appréciée au jour du dépôt du dossier du mariage et non au jour de la célébration du mariage dès lors que c’est ce dépôt qui conditionne la publication des bans.

Toutefois, si avant la célébration du mariage, l’état civil d’un des futurs époux a été modifié, celui-ci doit en aviser l’officier de l’état civil chargé de célébrer son mariage en produisant une nouvelle copie de son acte mis à jour.

Cette précaution, dont doivent être avertis les candidats au mariage au moment de la constitution de leur dossier, doit permettre d’éviter à l’usager de solliciter la rectification ultérieure de son acte de mariage.

Concernant la production d’un acte de naissance étranger, l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC) préconise, par extension, que la copie soit datée de moins de six mois.

Les copies intégrales d’actes de naissance produites en vue de la célébration sont versées aux pièces annexes de l’acte de mariage.

==> Sur les autres pièces à produire

  • Justificatifs de domicile
    • Les dispositions figurant aux articles 165 et 166 du code civil requièrent que les futurs époux justifient du domicile ou de la résidence de l’un d’eux et/ou de leur parent, dès lors que cette preuve fonde la compétence de l’officier de l’état civil devant célébrer leur union et permet d’ordonner la publicité des bans à la mairie ou à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage et à celles du domicile ou de la résidence des futurs époux.
    • En effet, les justificatifs du domicile et le cas échéant de la résidence des futurs époux sont requis pour permettre à l’officier de l’état civil célébrant le mariage d’adresser l’avis aux fins de publication des bans dans les diverses mairies et autorités diplomatiques ou consulaires françaises.
    • À cet égard, l’officier de l’état civil doit solliciter la production de toutes pièces justificatives permettant d’établir la réalité du domicile ou de la résidence à cette adresse (bail locatif, quittances de loyer, factures EDF, GDF, factures de téléphone à l’exclusion de téléphonie mobile, avis d’imposition ou de non-imposition, avis de taxe d’habitation, attestation ASSEDIC, attestation de l’employeur,…).
    • Si ces éléments de preuve ne sont pas exhaustifs, il convient de relever qu’une simple attestation sur l’honneur ne peut constituer une preuve suffisante.
    • Ces pièces doivent par ailleurs présenter un caractère récent au jour de la constitution du dossier.
    • En cas de doute, les officiers de l’état civil doivent saisir le parquet territorialement compétent.
  • Prévention de la bigamie
    • Quelle que soit la nationalité des futurs époux, les conditions d’ordre public de la loi française doivent être observées par ces derniers comme, par exemple, la prohibition de la bigamie prévue à l’article 147 du code civil.
    • Ainsi lorsque la copie d’acte de naissance ne permet pas de rapporter la preuve que le futur époux n’est pas lié par un précédent mariage (ex : mariage dissous par le décès d’un époux ou acte de naissance étranger provenant d’un système juridique ne prévoyant pas la mise à jour des actes de l’état civil, voir ci-dessus), cette preuve peut notamment être constituée par la production d’une copie de l’acte de décès de son précédent conjoint, par un certificat de coutume établi attestant du célibat de l’intéressé, etc.
    • S’agissant des ressortissants étrangers, ces derniers doivent rapporter la preuve du contenu de leur loi personnelle notamment par la production d’un certificat de coutume afin de permettre à l’officier de l’état civil de s’assurer du respect de ses conditions.

2. La publication des bans

Aux termes de l’article 63, al. 1er du Code civil « avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré. ».

Cette obligation est plus connue sous le nom d’exigence de publication des bans.

==> Le moment de la publication des bans

La chancellerie a été interpellée sur la question de savoir à quel moment l’officier de l’état civil peut procéder à la publication des bans.

Sauf cas de dispense, les bans ne peuvent en principe être publiés qu’après que les futurs époux ont remis un dossier complet et le cas échéant, ont été auditionnés conformément à l’article 63 du code civil.

Toutefois, si le ou les futurs époux demeure(nt) dans l’attente de la preuve du contenu de sa (leur) loi personnelle, la publication des bans peut être effectuée sous réserve que les autres pièces précitées aient été produites.

==> L’avis de publication des bans

La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a élargi le lieu de célébration du mariage au lieu du domicile ou de la résidence de l’un des parents d’un futur époux (articles 74 et 165 du code civil).

La circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi du 17 mai 2013 a rappelé que cette loi n’avait pas modifié les dispositions relatives à la publication des bans.

Conformément à l’article 166 du code civil, la publication des bans est faite à la mairie du lieu du mariage ainsi qu’à la mairie du domicile ou à défaut de domicile à la mairie de la résidence de chacun des futurs époux.

Dès lors, l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage doit adresser un avis de publication des bans à la mairie du domicile de chacun des époux.

À défaut de domicile en France, cette formalité sera faite à la mairie de la résidence en France du ou des époux.

En cas de domicile à l’étranger (et en l’absence de résidence en France), l’officier de l’état civil adressera un avis de publication à la représentation diplomatique ou consulaire française dans le ressort du domicile du futur époux de nationalité française.

Lorsque le futur époux est de nationalité étrangère, il lui appartient de faire procéder à cette publication des bans prévue par le droit français auprès de l’autorité locale compétente sous réserve que la loi étrangère reconnaisse cette formalité préalable au mariage.

La saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil communal ou consulaire en cas d’indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue à l’article 63 du code civil, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre des articles 146 et 180 du code civil ne suspend pas la publication des bans.

Celle-ci doit être opérée dès lors que les pièces requises ont été données et l’audition effectuée. La formule de l’avis de publication des bans indique pour chacun des futurs époux son domicile et éventuellement sa résidence, à défaut d’un domicile en France.

Cette indication permet de justifier la compétence de la mairie destinataire de l’avis pour procéder à la publicité du mariage.

Elle n’a pas pour objet de justifier la compétence de l’officier de l’état civil pour procéder à la célébration du mariage prévue par la loi.

L’élargissement par la loi du lieu du mariage au domicile ou à la résidence du ou des parents des futurs mariés ne justifie donc pas d’indiquer dans les avis de publication une résidence des futurs époux au domicile des parents.

3. La célébration du mariage

Rappelant que le mariage civil est le seul à produire des effets juridiques, à la différence du mariage religieux, l’article 165 du Code civil est modifié afin de consacrer explicitement et symboliquement le caractère républicain du mariage.

Cet article énonce que « le mariage sera célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l’article 169 ci-après. ».

Ainsi, la publication des bans est une condition requise pour procéder à la célébration du mariage.

De même, le maire doit effectuer les vérifications légales résultant en particulier de l’article 63 du Code civil et visant à s’assurer de la véritable intention matrimoniale des futurs époux.

À l’issue de ces vérifications, le maire, en sa qualité d’officier de l’état civil doit, sauf opposition du parquet ou décision en ce sens du tribunal de grande instance, procéder à la célébration.

Comme rappelé dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés, il n’entre pas dans les pouvoirs du maire d’apprécier l’opportunité de la célébration d’un mariage, et, a fortiori, il ne peut refuser, pour des motifs d’ordre personnel, de respecter la loi et de célébrer un mariage.

Un tel refus exposerait l’officier de l’état civil au prononcé

  • D’une part, de sanctions administratives : suspension ou révocation en application de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales
  • D’autre part, de sanctions pénales : articles 432-1 et suivants du code pénal

Lors de la célébration, l’officier de l’état civil fera lecture aux époux des articles du Code civil énoncés à l’article 75 du même code à l’exception de l’article 220 dont la lecture a été supprimée.

Enfin, à l’issue de la célébration, l’officier de l’état civil invitera les époux et les témoins à signer avec lui l’acte de mariage lequel sera adapté si nécessaire selon le sexe des époux et nommera les époux dans l’ordre choisi par eux lors de la constitution du dossier de mariage.

L’officier de l’état civil, lors de la remise de celui-ci attirera l’attention des futurs époux sur ce point. Il remettra aux époux un livret de famille ou complètera pour les couples de personnes de sexe différent le livret de famille des parents ayant ensemble un enfant commun.

Pour mémoire, si l’un des époux possède un livret délivré à l’occasion de la naissance ou l’adoption de son enfant, ce livret ne pourra être complété avec la référence au mariage lorsque l’autre époux n’est pas le parent de l’enfant.

II) La sanction de l’inobservation des conditions de formation du mariage

Le non-respect des conditions de formation du mariage peut faire l’objet de deux sortes de sanctions

  • Une sanction préventive : l’opposition
  • Une sanction curative : la nullité

A) La sanction préventive : l’opposition à mariage

==> Opposition / empêchement

L’opposition est l’acte par lequel celui qui connaît un empêchement au mariage, le signale à l’officier d’état civil en lui faisant défense de célébrer le mariage.

L’opposition a ainsi pour effet de faire obstacle à la célébration du mariage en raison de l’existence d’un empêchement à mariage.

Par empêchement, il faut entendre le non-respect d’une condition de formation du mariage.

C’est pourquoi il « empêche » la tenue de la célébration. La théorie des empêchements à mariage est assise sur l’idée qu’il convient d’agir en amont et de ne pas risquer que le mariage soit annulé après coup.

Une fois le mariage célébré, il n’est plus possible de revenir en arrière. Or la découverte, a posteriori, de la violation d’une condition de formation du mariage peut avoir des conséquences graves pour les époux.

S’il est dirimant, l’empêchement constitue, en effet, une cause de nullité de leur union.

==> Empêchements dirimants et empêchements prohibitifs

Classiquement, on distingue deux sortes d’empêchements :

  • L’empêchement dirimant
    • Il s’agit d’un l’empêchement relatif à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
  • L’empêchement prohibitif
    • Il s’agit d’un empêchement relatif à une condition dont le non-respect fait seulement obstacle à la célébration du mariage sans, pour autant, être de nature à entraîner la nullité du mariage

En toute hypothèse, que l’empêchement soit prohibitif ou dirimant il est une cause d’opposition à mariage, laquelle opposition doit être formée auprès de l’officier d’état civil.

Immédiatement une question alors se pose : quels sont les empêchements dirimants et quels sont les empêchements prohibitifs ?

Le Code civil ne nous fournit aucune liste de ces empêchements, ni aucun critère formel de distinction.

Pour les identifier, il convient alors de se reporter aux articles 180, 182 et 184 du Code civil, lesquels envisages les conditions de formation du mariage dont le non-respect est sanctionné par la nullité.

En application du principe général « pas de nullité sans texte », on peut en déduire quelles sont les conditions qui ne sont pas sanctionnées par l’anéantissement du mariage.

Il est alors possible d’opérer, à partir de cette déduction, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs.

À l’examen, seules deux conditions de formation du mariage ne sont pas sanctionnées par la nullité :

  • Défaut de publication des bans
  • L’existence d’une opposition en elle-même

Toutes les autres conditions sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage si elles ne sont pas respectées.

En pratique, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs ne présente aucun intérêt.

En outre, aujourd’hui, l’opposition, qui était un moyen jadis pour les familles de mettre à mal les mariages qu’elles n’approuvaient pas, n’est que très exceptionnellement soulevée.

Son terrain de prédilection est désormais celui des mariages simulés, soit des mariages blancs.

De surcroît, pour former opposition, il faut remplir un certain nombre de conditions. Ses effets dans le temps sont, par ailleurs limités.

  1. Les conditions de l’opposition

a) Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent :

  • D’une part, aux personnes qui ont qualité pour former opposition
  • D’autre part, aux motifs invoqués au soutien de l’opposition

==> Opposition du conjoint

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 172 du Code civil prévoit que « le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.»
    • Cette disposition confère ainsi le droit de former opposition au conjoint non-divorce de l’un des futurs époux
  • Motif allégué
    • Le conjoint non divorcé du futur époux n’est fondé à former opposition que si le motif allégué a trait à la bigamie

==> Opposition des ascendants

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 173 du Code civil prévoit que « le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.»
    • Cette disposition énonce un ordre hiérarchique des personnes qui ont qualité à former opposition parmi les ascendants des futurs époux :
      • Père et mère
      • À défaut, les grands-parents
      • À défaut, les aïeuls
  • Motif allégué
    • Les ascendants des futurs époux peuvent alléguer, au soutien de leur opposition, n’importe quel motif, dès lors qu’il s’agit de la violation d’une condition de formation du mariage.
    • Il peut donc s’agir de la bigamie, d’un vice du consentement, de la non-publication des bans ou encore du défaut d’autorisation parentale
  • Épuisement du droit d’opposition
    • L’alinéa 2 de l’article 173 prévoit que « après mainlevée judiciaire d’une opposition au mariage formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration »
    • Ainsi, les ascendants du futur époux ne peuvent former opposition à mariage qu’une seule fois
    • Il s’agit d’éviter que les ascendants forment tour à tour opposition afin d’empêcher la célébration du mariage

==> Opposition des collatéraux

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 174 du Code civil prévoit que « à défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants»
    • Il ressort de cette disposition que les collatéraux ne peuvent former opposition qu’à titre subsidiaire, soit à défaut d’ascendants.
    • Au sein du cercle des collatéraux, le législateur n’a pas institué d’ordre hiérarchique
  • Motif allégué
    • L’article 174 du Code civil prévoit que les collatéraux ne peuvent former opposition que dans deux cas précis :
      • Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 159, n’a pas été obtenu
        • Il s’agit de l’hypothèse s’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille
        • Cela suppose donc que le futur époux soit mineur et n’est plus d’ascendants
      • Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur époux
        • Il appartient toutefois à l’opposant de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
        • À défaut, la mainlevée pure et simple de l’opposition pourra être prononcée

==> Opposition du tuteur et du curateur

  • Titularité de l’action
    • L’article 175 du Code civil prévoit que « le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer. »
    • Il résulte de cette disposition que le tuteur et le curateur sont titulaires du droit de former opposition dans les mêmes conditions que les collatéraux, soit à défaut d’ascendants du futur époux, soit à titre subsidiaire
    • La référence au curateur est toutefois inopérante, dans la mesure où depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé n’est plus soumis au régime de la curatelle.
    • Quant à la curatelle des majeurs, elle ne comporte pas de conseil de famille
    • L’hypothèse visée n’a donc plus de sens
  • Motif allégué
    • Les motifs susceptibles d’être allégués par le tuteur sont :
      • Le défaut de consentement du conseil de famille, dans l’hypothèse où le futur époux est mineur et n’a plus d’ascendants
      • L’état de démence du futur époux

==> Opposition du ministère public

  • Titularité de l’action
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
    • Cette prérogative a été conférée au ministère public en particulier pour lutter contre les mariages simulés
  • Motif allégué
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que le ministère public ne peut former une opposition à mariage que pour les cas où il peut demander la nullité du mariage.
    • Ces cas ne sont autres que les empêchements dirimants, soit tous les empêchements relatifs à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
    • Aussi, le seul empêchement dont ne pourra pas se prévaloir le ministère public, c’est la non-publication des bans
  • Cas particulier des mariages de complaisance
    • L’article 175-2 du Code civil prévoit que « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République.»
    • En cas de signalement au ministère public d’un mariage de complaisance, plusieurs étapes doivent être observées :
      • Première étape
        • Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine :
          • soit de laisser procéder au mariage
          • soit de faire opposition à celui-ci
          • soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
      • Deuxième étape
        • Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
        • La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
      • Troisième étape
        • À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
      • Quatrième étape
        • L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours.
        • La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.

b) Les conditions de forme

==> Notification de l’opposition

L’article 66 du Code civil prévoit que

  • D’une part, les actes d’opposition au mariage sont signés sur l’original et sur la copie par les opposants ou par leurs fondés de procuration, spéciale et authentique
  • D’autre part, ils sont signifiés, avec la copie de la procuration, à la personne ou au domicile des parties, et à l’officier de l’état civil, qui mettra son visa sur l’original.

Ainsi, l’opposition à mariage doit être formée par voie d’huissier.

==> Enregistrement de l’opposition

Aux termes de l’article 67 du Code civil, à réception de l’opposition, l’officier de l’état civil fait, sans délai, une mention sommaire des oppositions sur le registre des mariages

==> Contenu de l’acte d’opposition

L’article 176 du Code civil prévoit que tout acte d’opposition :

  • Énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former
  • Contient les motifs de l’opposition
  • Reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition
  • Contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.

Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 171-4, soit en cas de mariage de complaisance, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.

==> Sanctions

L’article 176, al. 2 prévoit que les exigences de forme sont prévues :

  • à peine de nullité de l’acte d’opposition
    • l’opposition sera alors sans effet
  • à peine de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition
    • L’huissier pourra ainsi refuser de prêter son concours à l’opposant

2. Les effets de l’opposition

==> La suspension de la célébration

L’article 68 du Code civil dispose que « en cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »

Ainsi est-il fait défense à l’officier d’état civil, en cas d’opposition de procéder à la célébration du mariage.

C’est là tout l’intérêt même de l’opposition : faire obstacle à l’union des époux dont l’une des conditions de formation n’est pas remplie.

Il peut être observé que, l’officier d’état civil n’est pas le juge du bien-fondé du motif de l’opposition, quand bien même s’il a la conviction que l’empêchement allégué n’est pas justifié.

L’existence d’une opposition constitue, en elle-même, un motif de suspension de la célébration du mariage

En conséquence, l’officier d’état civil a, quel que soit le motif invoqué, l’obligation de ne pas célébrer le mariage. C’est au seul Juge qu’il appartiendra de se prononcer sur la mainlevée de l’opposition.

==> La durée de l’opposition

L’article 176, al. 3 du Code civil prévoit que « après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. »

Ainsi, l’opposition n’est valable qu’un an.

À l’expiration de ce délai elle devient caduque.

==> Le renouvellement de l’opposition

L’opposition peut, par principe, être renouvelée, à l’exception de deux cas :

  • Dans l’hypothèse où elle a été formée par un ascendant.
  • Dans l’hypothèse où la mainlevée judiciaire a été prononcée

3. La mainlevée de l’opposition

La mainlevée consiste en un retrait de l’opposition, soit à priver l’acte de son efficacité. Si la mainlevée est prononcée, le mariage peut, de nouveau être célébré.

Il existe deux sortes de mainlevée :

  • La mainlevée volontaire
    • La mainlevée est volontaire lorsque l’opposant consent à se désister, ce qu’il peut faire devant l’officier d’état civil au moment de la célébration
    • Ce dernier pourra néanmoins toujours refuser de célébrer le mariage, s’il estime que l’empêchement à mariage subsiste
  • La mainlevée judiciaire
    • La mainlevée est judiciaire lorsqu’elle est prononcée par un juge après que l’un des futurs époux a rapporté la preuve du mal-fondé de l’opposition
      • Procédure
        • Le tribunal de grande instance doit se prononcer dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs époux, même mineurs ( 177 C. civ.)
        • Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ( 179, al. 1 C. civ.)
      • Voies de recours
        • La décision du Juge est susceptible d’appel ( 178 C. civ.)
        • La Cour devra alors statuer également dans les dix jours
        • Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.

B) La sanction curative : la nullité du mariage

En ce que le mariage comporte une dimension contractuelle, il est envisagé par le législateur comme un acte juridique.

À ce titre, la violation de ses conditions de formation est sanctionnée par la nullité. Lorsqu’elle est prononcée, la nullité a pour effet d’anéantir le mariage.

Ainsi, cette sanction met-elle fin à l’union conjugale, au même titre que le divorce.

Toutefois, il convient de bien distinguer ce mode de rupture du mariage du divorce, notamment en ce qu’elle n’emporte pas les mêmes effets.

  • La nullité
    • Elle vient sanctionner la violation d’une des conditions de formation du mariage (excepté la non-publication des bans qui constitue un empêchement prohibitif).
    • La nullité agit rétroactivement, de sorte que le mariage est réputé n’avoir jamais existé.
    • Elle met donc fin tant aux effets passés, qu’aux effets futurs du mariage
    • Par exception, en cas de mariage putatif certains effets bénéficient toujours aux enfants et, parfois, à l’époux de bonne foi.
  • Le divorce
    • Il met fin au mariage soit à la suite d’une décision conjointe des époux, soit pour sanctionner une violation, non pas d’une condition de formation du mariage, mais d’une obligation née de la formation du mariage
    • Le divorce ne met fin au mariage que pour l’avenir.
    • Il n’est pas rétroactif comme peut l’être la nullité.
    • Le divorce produit ses effets à l’égard des deux époux.
    • Il n’est pas question de faire ici comme si le mariage n’avait jamais existé.
    • Au contraire, le divorce va donner lieu à la liquidation de l’union matrimoniale

==> Notion

La nullité est donc la sanction encourue par un acte judiciaire entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond.

Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »

Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :

  • Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
  • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement

Compte tenu de la gravité de cette sanction qui, donc est susceptible de mettre un terme à l’union conjugale, le législateur a aménagé le régime juridique des nullités en matière de mariage, de sorte qu’il se distingue de celui applicable aux contrats.

Trois différences notables avec le droit commun peuvent être observées :

  • D’une part, la violation d’une condition de formation du mariage n’est pas nécessairement sanctionnée par une nullité (non-publication des bans)
  • D’autre part, les conditions d’exercice de l’action en nullité du mariage sont restreintes
  • Enfin, les effets de la nullité du mariage sont adoucis, en ce sens que la rétroactivité de la sanction est, sur certains points, écartée

Pour le reste, les principes généraux qui gouvernent les nullités s’appliquent au mariage, de sorte qu’il est permis d’envisager leur régime juridique, à maints égards, par analogie avec le droit commun.

==> La summa divisio des nullités

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

  • La théorie classique
    • Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.
    • Autrement dit, l’acte juridique pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.
    • Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.
    • Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour l’acte juridique qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.
      • En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue
      • Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative
    • Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.
  • La théorie moderne
    • La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.
    • Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.
    • Ainsi, selon cette théorie :
      • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
      • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée
    • S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Au bilan, il ressort de la distinction opérée par la jurisprudence que la nullité est :

  • absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

==> Les cas de nullité relative et absolue

Le principe général « pas de nullité sans texte » s’applique en matière de mariage.

Cela signifie que la nullité du mariage n’est encourue qu’à la condition d’être envisagée par une disposition. À défaut, l’irrégularité ne donne pas lieu à l’annulation du mariage.

Lorsque, en revanche, que la nullité est prévue, il convient de déterminer, s’il s’agit d’une nullité relative ou absolue.

  • Les nullités relatives
    • Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation d’un intérêt privé
    • Au nombre de ces nullités, on compte :
      • Les vices du consentement
        • Erreur sur les qualités essentielles de la personne
        • La violence
      • Le défaut d’autorisation de la famille
  • Les nullités absolues
    • Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation de l’intérêt génal
    • Les cas de nullités absolues sont manifestement, en matière de mariage, plus nombreux que les cas de nullités relatives :
      • Le défaut d’âge légal
      • L’absence de consentement
      • L’absence de l’époux lors du mariage
      • La bigamie
      • L’inceste
      • La clandestinité
      • L’incompétence de l’officier d’état civil

Une fois déterminée la nature de la nullité par laquelle est sanctionnée l’irrégularité dont est entaché le mariage, il conviendra d’exercer une action en justice aux fins de la faire constater par le Juge (1)

Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (2)

  1. L’action en nullité

a) Les titulaires de l’action en nullité

Selon que la nullité est relative ou absolue, les personnes susceptibles d’exercer l’action en nullité varient

i) Les nullités relatives

Le principe général est, en la matière, que seule la personne protégée par la règle sanctionnée par une nullité relative a qualité à agir.

En matière de mariage, cette règle a été quelque peu aménagée.

==> Les nullités pour vice du consentement

Il convient ici de distinguer l’erreur de la violence :

  • La nullité pour violence
    • L’article 180, al. 1er du Code civil prévoit que deux personnes ont qualité à agir pour exercer l’action en nullité :
      • Le ou les époux victime de la violence
      • Le ministère public
  • La nullité pour erreur
    • L’article 180, al. 2e du Code civil prévoit que seul l’époux qui a été induit en erreur a qualité à agir pour exercer l’action en nullité

==> Le défaut d’autorisation familiale

L’article 182 du Code civil prévoit que « le mariage contracté sans le consentement des père et mère, des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire, ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »

Il ressort de cette disposition que, en cas de défaut d’autorisation familiale, l’action en nullité peut être exercée :

  • Par l’époux incapable
  • La personne dont le consentement était requis

ii) Les nullités absolues

Le principe général est, en la matière, que quiconque possède un intérêt peut exercer l’action en nullité absolue.

En matière de mariage, le cercle de ces personnes ayant qualité à agir a cependant été considérablement restreint.

Il ressort de la combinaison des articles 184 et 185 du Code civil que, en matière de nullité absolue, pour déterminer les titulaires de l’action, il convient de distinguer entre les personnes qui doivent justifier d’un intérêt pécuniaire et celles qui n’ont pas besoin de justifier d’un tel intérêt

  • Les personnes n’ayant pas à justifier d’un intérêt pécuniaire
    • Les époux
    • Le conjoint du futur époux
    • Les père et mère
    • Les ascendants
    • Le Conseil de famille en l’absence d’ascendants
    • Le ministère public (ne peut agir que du vivant des époux)
  • Les personnes devant justifier d’un intérêt pécuniaire
    • Les collatéraux
    • Les enfants nés d’un autre mariage, du vivant des deux époux
    • Les créanciers des époux

b) La prescription de l’action en nullité

L’action en nullité se prescrit différemment selon que la nullité invoquée est absolue ou relative

==> La prescription de la nullité absolue

  • Délai
    • L’article 184 du Code civil prévoit que « tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.»
    • Dans un arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation a précisé que « la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l’action en nullité absolue du mariage » (Cass 1ère, 29 mai 2013).
  • Point de départ
    • La prescription court à compter du jour de la célébration du mariage
    • En cas d’impossibilité pour le titulaire de l’action d’agir, conformément à l’article 2234 du Code civil, la prescription est suspendue de sorte que l’action peut être exercée au-delà du délai de trente ans (Cass 1ère, 29 mai 2013)

Cass 1ère civ., 29 mai 2013
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 novembre 2011), qu'après s'être marié le 20 juillet 1950 avec Mme X..., Michel Y...a épousé Mme Z... au Mexique le 18 juin 1964 ; que son divorce d'avec Mme X...a été prononcé le 13 février 1967 et que son mariage avec Mme Z... a été transcrit au consulat général de France à Mexico le 30 novembre 1974 ; qu'après le prononcé de son divorce d'avec Mme Z... le 17 septembre 1990, Michel Y...s'est remarié avec Mme B...le 27 décembre 1991 ; que Michel Y...étant décédé le 13 janvier 2009, Mme B...a assigné Mme Z... en annulation du mariage célébré le 18 juin 1964, pour cause de bigamie ;

Attendu que Mme B...fait grief à l'arrêt de déclarer l'action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :

1°/ que, antérieurement à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et nonobstant la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 qui ne concerne que les actions relatives à la filiation, l'action en nullité du mariage pour bigamie n'était encadrée dans aucun délai de prescription ; que par suite, tant en application de l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qu'en application des règles générales gouvernant les conflits de lois dans le temps, la prescription trentenaire, telle que prévue par l'article 184 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, n'a pu courir que du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 147 et 184 du code civil, ensemble l'article 2 du même code et l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

2°/ que, à supposer que le délai de trente ans institué par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et inséré à l'article 184 du code civil ait pu s'appliquer pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, en toute hypothèse, le délai de prescription n'était pas susceptible de courir tant que Mme B...n'était pas en mesure d'agir ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demanderesse n'avait pas été mise dans l'impossibilité d'agir avant la transcription du mariage attaqué sur l'acte de naissance de Michel Y...le 18 octobre 1979, en sorte que le point de départ de la prescription trentenaire devait être reporté à cette date, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 184 et 2234 nouveaux du code civil ;

3°/ que, à supposer que les règles gouvernant en l'espèce le point de départ ou la suspension du délai de prescription fussent celles qui étaient en vigueur avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'arrêt encourrait encore la cassation, pour la raison exposée à la première branche du moyen, pour défaut de base légale au regard de l'article 184 ancien du code civil et de la règle selon laquelle la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l'action en nullité absolue du mariage ;

Attendu, d'autre part, que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; qu'ayant relevé que Mme B...indiquait dans ses écritures qu'elle aurait pu connaître la situation matrimoniale antérieure de son époux à la date de mention du mariage contracté avec Mme Z... sur l'acte de naissance de Michel Y..., soit le 18 octobre 1979, et qu'elle aurait pu prendre connaissance de l'acte de naissance de son conjoint lors de son mariage en décembre 1991, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, en a déduit que Mme B...disposait encore du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription, et que son action était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La prescription de la nullité relative

  • Délai
    • L’article 181 du Code civil prévoit que « la demande en nullité n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage. »
    • Ce délai est donc considérablement réduit en comparaison de celui qui court en matière de nullité absolue
  • Point de départ
    • La prescription de l’action en nullité relative a pour point de départ le jour de la célébration du mariage
    • En cas d’impossibilité d’exercer cette action, elle pourra toujours être exercée au-delà du délai de prescription, en application de l’adage contra non valentem agere non currit praescriptio, soit une prescription ne peut s’appliquer contre quelqu’un qui ne peut pas agir
  • Cas particulier du défaut d’autorisation familiale
    • L’article 183 du Code civil prévoit que « l’action en nullité ne peut plus être intentée ni par les époux, ni par les parents dont le consentement était requis, toutes les fois que le mariage a été approuvé expressément ou tacitement par ceux dont le consentement était nécessaire, ou lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de leur part, depuis qu’ils ont eu connaissance du mariage. Elle ne peut être intentée non plus par l’époux, lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de sa part, depuis qu’il a atteint l’âge compétent pour consentir par lui-même au mariage.»
    • Il ressort de cette disposition se prescrit différemment selon le titulaire de l’action
      • Action des parents et ascendants
        • Le délai de prescription est de 5 ans
        • Il commence à courir à compter du jour où les parents ont et connaissance du mariage
        • Aucune action en nullité ne peut plus être intentée à l’expiration du délai de 5 ans
      • Action de l’époux
        • Le délai de prescription est également pour l’époux de 5 ans
        • Toutefois, le délai commence à courir à compter du jour où il a atteint l’âge requis pour contracter mariage, soit 18 ans révolus

2. Les effets de la nullité

a) L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le mariage est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans la mesure où le mariage aura nécessairement reçu un commencement d’exécution, son annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

L’effet rétroactif est attaché, tant à la nullité relative, qu’à la nullité absolue.

La rétroactivité à plusieurs conséquences sur la situation des époux, quant à leur personne et quant à leurs biens

L’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, d’assistance et de secours sont considérés comme n’ayant jamais existé.

Un époux ne saurait, en conséquence, se prévaloir de l’adultère de son conjoint consécutivement à la rupture, ou encore revendiquer le paiement d’une prestation compensatoire.

Plus généralement, les rapports patrimoniaux entre les époux se régleront selon les règles du droit commun et non selon le droit des régimes matrimoniaux.

b) Le mariage putatif

==> Principe

Compte tenu de la gravité de la sanction que constitue la nullité, en ce qu’elle met brutalement un terme à l’union conjugale, le législateur a adouci, à certains égards, ses effets.

Cet assouplissement des effets de la nullité se traduit, notamment par l’instauration du mariage putatif.

Ce système consiste, non pas à préserver l’union conjugale dont la rupture est d’ores et déjà consommée, mais à limiter l’annulation aux seuls effets à venir.

Autrement dit, la nullité n’opérera pas sur les effets passés du mariage.

Cette limitation des effets de la nullité est sous-tendue par l’idée que, ni les enfants, ni l’époux de bonne foi ne doivent être touchés par la sévérité de la sanction, en conséquence de quoi il apparaît juste de faire perdurer, à leur seul bénéfice, certains effets du mariage.

==> Conditions

  • L’exigence de bonne foi des époux
    • L’article 201 du Code civil prévoit que « le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l’égard des époux, lorsqu’il a été contracté de bonne foi. »
    • Il ressort de cette disposition que le mariage putatif opère, à la seule et unique condition que les époux soient de bonne foi.
    • La bonne foi consiste pour un époux en l’ignorance de l’existence d’un empêchement dirimant, soit de la cause de nullité du mariage
    • L’erreur commise par l’époux peut être de droit ou de fait
    • La jurisprudence n’exige pas que l’erreur soit excusable, ni ne distingue selon les vices qui affectent la validité du mariage
    • Il suffit que la bonne foi existe au moment du mariage
    • Par ailleurs, la bonne foi est toujours présumée de sorte qu’il appartient à l’époux qui conteste l’application du mariage putatif de rapporter la preuve de la mauvaise foi de son conjoint
    • Il n’est pas nécessaire que les deux époux soient de bonne foi.
    • L’alinéa 2 de l’article 201 prévoit en ce sens que « si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des époux, le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux.»
  • L’indifférence de la situation des enfants
    • L’article 202 du Code civil prévoit que le mariage putatif « produit aussi ses effets à l’égard des enfants, quand bien même aucun des époux n’aurait été de bonne foi. »
    • Ainsi, est-il indifférent qu’aucun des époux ne soit de bonne foi s’agissant des effets du mariage putatif à l’égard des enfants.

==> Effets

  • Les effets à l’égard des époux
    • Plusieurs situations sont susceptibles de se présenter
      • Les deux époux sont de mauvaise foi
        • Dans cette hypothèse le mariage putatif n’opérera pour aucun des deux
        • Cela signifie que la nullité anéantira, tant les effets futurs du mariage que ses effets passés
        • Le mariage sera réputé n’avoir produit aucun effet à l’égard des époux
        • Aucun d’eux ne pourra se prévaloir des conventions matrimoniales
      • Un des époux est de bonne foi
        • Dans cette hypothèse, la nullité opérera sans rétroactivité pour l’époux de bonne foi
        • Quant au conjoint de mauvaise foi, il ne pourra pas bénéficier du mariage putatif
        • Il subira les effets de la rétroactivité de la nullité qui donc lui interdira de se prévaloir des effets passés du mariage
      • Les deux époux sont de bonne foi
        • Le mariage putatif opérera pour les deux époux, si bien que seuls les effets futurs du mariage seront anéantis
        • Les effets passés seront maintenus, nonobstant l’annulation de l’union conjugale
        • Les rapports entre époux se régleront selon les prescriptions du droit des régimes matrimoniaux
        • Les époux pourront alors conserver le bénéfice des libéralités consenties l’un à l’autre
  • Les effets à l’égard des enfants
    • Les enfants bénéficieront, en toute hypothèse, du mariage putatif, peu importe que leurs parents soient de bonne ou de mauvaise foi
    • Cette faveur présentait un intérêt particulier lorsque le droit opérait une distinction entre les enfants légitimes (issus du mariage) et les enfants naturels (issus du concubinage).
    • En effet, les enfants conservaient la légitimité qu’ils avaient acquise sous l’effet du mariage de leur parent
    • Désormais, ce régime de faveur n’a que peu d’intérêt en pratique dès lors que la distinction entre la filiation légitime et naturelle a été abolie par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation
    • L’alinéa 2 de l’article 202 prévoit seulement que « le juge statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale comme en matière de divorce. »
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Aucune disposition du Code civil ne règle les effets du mariage putatif à l’égard des tiers
    • Il en résulte que c’est le droit commun qui leur est applicable, en particulier la théorie de l’apparence
    • Le mariage entaché de nullité étant réputé n’avoir jamais existé, les époux sont considérés comme des concubins
    • Or la jurisprudence admet que dès lors que des concubins ont donné l’apparence d’un couple marié, les tiers sont fondés à se prévaloir des dispositions qui régissent leurs relations avec les époux, notamment l’article 220 relatif à la solidarité des dettes ménagères.
    • L’invocation de la théorie de l’apparence est cependant subordonnée à la réunion de plusieurs conditions :
      • Une situation contraire à la réalité
      • Une croyance légitime du tiers
      • Une erreur excusable du tiers
      • Une imputabilité de l’apparence au titulaire véritable

La nullité du mariage: régime juridique

En ce que le mariage comporte une dimension contractuelle, il est envisagé par le législateur comme un acte juridique.

À ce titre, la violation de ses conditions de formation est sanctionnée par la nullité.

Lorsqu’elle est prononcée, la nullité a pour effet d’anéantir le mariage.

Ainsi, cette sanction met-elle fin à l’union conjugale, au même titre que le divorce.

Toutefois, il convient de bien distinguer ce mode de rupture du mariage du divorce, notamment en ce qu’elle n’emporte pas les mêmes effets.

  • La nullité
    • Elle vient sanctionner la violation d’une des conditions de formation du mariage (excepté la non-publication des bans qui constitue un empêchement prohibitif).
    • La nullité agit rétroactivement, de sorte que le mariage est réputé n’avoir jamais existé.
    • Elle met donc fin tant aux effets passés, qu’aux effets futurs du mariage
    • Par exception, en cas de mariage putatif certains effets bénéficient toujours aux enfants et, parfois, à l’époux de bonne foi.
  • Le divorce
    • Il met fin au mariage soit à la suite d’une décision conjointe des époux, soit pour sanctionner une violation, non pas d’une condition de formation du mariage, mais d’une obligation née de la formation du mariage
    • Le divorce ne met fin au mariage que pour l’avenir.
    • Il n’est pas rétroactif comme peut l’être la nullité.
    • Le divorce produit ses effets à l’égard des deux époux.
    • Il n’est pas question de faire ici comme si le mariage n’avait jamais existé.
    • Au contraire, le divorce va donner lieu à la liquidation de l’union matrimoniale

==> Notion

La nullité est donc la sanction encourue par un acte judiciaire entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond.

Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »

Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :

  • Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
  • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement

Compte tenu de la gravité de cette sanction qui, donc est susceptible de mettre un terme à l’union conjugale, le législateur a aménagé le régime juridique des nullités en matière de mariage, de sorte qu’il se distingue de celui applicable aux contrats.

Trois différences notables avec le droit commun peuvent être observées :

  • D’une part, la violation d’une condition de formation du mariage n’est pas nécessairement sanctionnée par une nullité (non-publication des bans)
  • D’autre part, les conditions d’exercice de l’action en nullité du mariage sont restreintes
  • Enfin, les effets de la nullité du mariage sont adoucis, en ce sens que la rétroactivité de la sanction est, sur certains points, écartée

Pour le reste, les principes généraux qui gouvernent les nullités s’appliquent au mariage, de sorte qu’il est permis d’envisager leur régime juridique, à maints égards, par analogie avec le droit commun.

==> La summa divisio des nullités

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

  • La théorie classique
    • Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.
    • Autrement dit, l’acte juridique pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.
    • Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.
    • Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour l’acte juridique qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.
      • En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue
      • Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative
    • Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.
  • La théorie moderne
    • La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.
    • Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.
    • Ainsi, selon cette théorie :
      • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
      • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée
    • S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Au bilan, il ressort de la distinction opérée par la jurisprudence que la nullité est :

  • absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

==> Les cas de nullité relative et absolue

Le principe général « pas de nullité sans texte » s’applique en matière de mariage.

Cela signifie que la nullité du mariage n’est encourue qu’à la condition d’être envisagée par une disposition. À défaut, l’irrégularité ne donne pas lieu à l’annulation du mariage.

Lorsque, en revanche, que la nullité est prévue, il convient de déterminer, s’il s’agit d’une nullité relative ou absolue.

  • Les nullités relatives
    • Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation d’un intérêt privé
    • Au nombre de ces nullités, on compte :
      • Les vices du consentement
        • Erreur sur les qualités essentielles de la personne
        • La violence
      • Le défaut d’autorisation de la famille
  • Les nullités absolues
    • Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation de l’intérêt génal
    • Les cas de nullités absolues sont manifestement, en matière de mariage, plus nombreux que les cas de nullités relatives :
      • Le défaut d’âge légal
      • L’absence de consentement
      • L’absence de l’époux lors du mariage
      • La bigamie
      • L’inceste
      • La clandestinité
      • L’incompétence de l’officier d’état civil

Une fois déterminée la nature de la nullité par laquelle est sanctionnée l’irrégularité dont est entaché le mariage, il conviendra d’exercer une action en justice aux fins de la faire constater par le Juge (I)

Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (II)

I) L’action en nullité

A) Les titulaires de l’action en nullité

Selon que la nullité est relative ou absolue, les personnes susceptibles d’exercer l’action en nullité varient

  1. Les nullités relatives

Le principe général est, en la matière, que seule la personne protégée par la règle sanctionnée par une nullité relative a qualité à agir.

En matière de mariage, cette règle a été quelque peu aménagée.

==> Les nullités pour vice du consentement

Il convient ici de distinguer l’erreur de la violence :

  • La nullité pour violence
    • L’article 180, al. 1er du Code civil prévoit que deux personnes ont qualité à agir pour exercer l’action en nullité :
      • Le ou les époux victime de la violence
      • Le ministère public
  • La nullité pour erreur
    • L’article 180, al. 2e du Code civil prévoit que seul l’époux qui a été induit en erreur a qualité à agir pour exercer l’action en nullité

==> Le défaut d’autorisation familiale

L’article 182 du Code civil prévoit que « le mariage contracté sans le consentement des père et mère, des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire, ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »

Il ressort de cette disposition que, en cas de défaut d’autorisation familiale, l’action en nullité peut être exercée :

  • Par l’époux incapable
  • La personne dont le consentement était requis

2. Les nullités absolues

Le principe général est, en la matière, que quiconque possède un intérêt peut exercer l’action en nullité absolue.

En matière de mariage, le cercle de ces personnes ayant qualité à agir a cependant été considérablement restreint.

Il ressort de la combinaison des articles 184 et 185 du Code civil que, en matière de nullité absolue, pour déterminer les titulaires de l’action, il convient de distinguer entre les personnes qui doivent justifier d’un intérêt pécuniaire et celles qui n’ont pas besoin de justifier d’un tel intérêt

  • Les personnes n’ayant pas à justifier d’un intérêt pécuniaire
    • Les époux
    • Le conjoint du futur époux
    • Les père et mère
    • Les ascendants
    • Le Conseil de famille en l’absence d’ascendants
    • Le ministère public (ne peut agir que du vivant des époux)
  • Les personnes devant justifier d’un intérêt pécuniaire
    • Les collatéraux
    • Les enfants nés d’un autre mariage, du vivant des deux époux
    • Les créanciers des époux

B) La prescription de l’action en nullité

L’action en nullité se prescrit différemment selon que la nullité invoquée est absolue ou relative.

==> La prescription de la nullité absolue

  • Délai
    • L’article 184 du Code civil prévoit que « tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.»
    • Dans un arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation a précisé que « la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l’action en nullité absolue du mariage » (Cass 1ère, 29 mai 2013).
  • Point de départ
    • La prescription court à compter du jour de la célébration du mariage
    • En cas d’impossibilité pour le titulaire de l’action d’agir, conformément à l’article 2234 du Code civil, la prescription est suspendue de sorte que l’action peut être exercée au-delà du délai de trente ans (Cass 1ère, 29 mai 2013)

Cass 1ère civ., 29 mai 2013
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 novembre 2011), qu'après s'être marié le 20 juillet 1950 avec Mme X..., Michel Y...a épousé Mme Z... au Mexique le 18 juin 1964 ; que son divorce d'avec Mme X...a été prononcé le 13 février 1967 et que son mariage avec Mme Z... a été transcrit au consulat général de France à Mexico le 30 novembre 1974 ; qu'après le prononcé de son divorce d'avec Mme Z... le 17 septembre 1990, Michel Y...s'est remarié avec Mme B...le 27 décembre 1991 ; que Michel Y...étant décédé le 13 janvier 2009, Mme B...a assigné Mme Z... en annulation du mariage célébré le 18 juin 1964, pour cause de bigamie ;

Attendu que Mme B...fait grief à l'arrêt de déclarer l'action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :

1°/ que, antérieurement à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et nonobstant la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 qui ne concerne que les actions relatives à la filiation, l'action en nullité du mariage pour bigamie n'était encadrée dans aucun délai de prescription ; que par suite, tant en application de l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qu'en application des règles générales gouvernant les conflits de lois dans le temps, la prescription trentenaire, telle que prévue par l'article 184 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, n'a pu courir que du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 147 et 184 du code civil, ensemble l'article 2 du même code et l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

2°/ que, à supposer que le délai de trente ans institué par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et inséré à l'article 184 du code civil ait pu s'appliquer pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, en toute hypothèse, le délai de prescription n'était pas susceptible de courir tant que Mme B...n'était pas en mesure d'agir ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demanderesse n'avait pas été mise dans l'impossibilité d'agir avant la transcription du mariage attaqué sur l'acte de naissance de Michel Y...le 18 octobre 1979, en sorte que le point de départ de la prescription trentenaire devait être reporté à cette date, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 184 et 2234 nouveaux du code civil ;

3°/ que, à supposer que les règles gouvernant en l'espèce le point de départ ou la suspension du délai de prescription fussent celles qui étaient en vigueur avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'arrêt encourrait encore la cassation, pour la raison exposée à la première branche du moyen, pour défaut de base légale au regard de l'article 184 ancien du code civil et de la règle selon laquelle la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l'action en nullité absolue du mariage ;

Attendu, d'autre part, que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; qu'ayant relevé que Mme B...indiquait dans ses écritures qu'elle aurait pu connaître la situation matrimoniale antérieure de son époux à la date de mention du mariage contracté avec Mme Z... sur l'acte de naissance de Michel Y..., soit le 18 octobre 1979, et qu'elle aurait pu prendre connaissance de l'acte de naissance de son conjoint lors de son mariage en décembre 1991, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, en a déduit que Mme B...disposait encore du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription, et que son action était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La prescription de la nullité relative

  • Délai
    • L’article 181 du Code civil prévoit que « la demande en nullité n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage. »
    • Ce délai est donc considérablement réduit en comparaison de celui qui court en matière de nullité absolue
  • Point de départ
    • La prescription de l’action en nullité relative a pour point de départ le jour de la célébration du mariage
    • En cas d’impossibilité d’exercer cette action, elle pourra toujours être exercée au-delà du délai de prescription, en application de l’adage contra non valentem agere non currit praescriptio, soit une prescription ne peut s’appliquer contre quelqu’un qui ne peut pas agir
  • Cas particulier du défaut d’autorisation familiale
    • L’article 183 du Code civil prévoit que « l’action en nullité ne peut plus être intentée ni par les époux, ni par les parents dont le consentement était requis, toutes les fois que le mariage a été approuvé expressément ou tacitement par ceux dont le consentement était nécessaire, ou lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de leur part, depuis qu’ils ont eu connaissance du mariage. Elle ne peut être intentée non plus par l’époux, lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de sa part, depuis qu’il a atteint l’âge compétent pour consentir par lui-même au mariage.»
    • Il ressort de cette disposition se prescrit différemment selon le titulaire de l’action
      • Action des parents et ascendants
        • Le délai de prescription est de 5 ans
        • Il commence à courir à compter du jour où les parents ont et connaissance du mariage
        • Aucune action en nullité ne peut plus être intentée à l’expiration du délai de 5 ans
      • Action de l’époux
        • Le délai de prescription est également pour l’époux de 5 ans
        • Toutefois, le délai commence à courir à compter du jour où il a atteint l’âge requis pour contracter mariage, soit 18 ans révolus

II) Les effets de la nullité

A) L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le mariage est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans la mesure où le mariage aura nécessairement reçu un commencement d’exécution, son annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

L’effet rétroactif est attaché, tant à la nullité relative, qu’à la nullité absolue.

La rétroactivité à plusieurs conséquences sur la situation des époux, quant à leur personne et quant à leurs biens

L’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, d’assistance et de secours sont considérés comme n’ayant jamais existé.

Un époux ne saurait, en conséquence, se prévaloir de l’adultère de son conjoint consécutivement à la rupture, ou encore revendiquer le paiement d’une prestation compensatoire.

Plus généralement, les rapports patrimoniaux entre les époux se régleront selon les règles du droit commun et non selon le droit des régimes matrimoniaux.

B) Le mariage putatif

==> Principe

Compte tenu de la gravité de la sanction que constitue la nullité, en ce qu’elle met brutalement un terme à l’union conjugale, le législateur a adouci, à certains égards, ses effets.

Cet assouplissement des effets de la nullité se traduit, notamment par l’instauration du mariage putatif.

Ce système consiste, non pas à préserver l’union conjugale dont la rupture est d’ores et déjà consommée, mais à limiter l’annulation aux seuls effets à venir.

Autrement dit, la nullité n’opérera pas sur les effets passés du mariage.

Cette limitation des effets de la nullité est sous-tendue par l’idée que, ni les enfants, ni l’époux de bonne foi ne doivent être touchés par la sévérité de la sanction, en conséquence de quoi il apparaît juste de faire perdurer, à leur seul bénéfice, certains effets du mariage.

==> Conditions

  • L’exigence de bonne foi des époux
    • L’article 201 du Code civil prévoit que « le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l’égard des époux, lorsqu’il a été contracté de bonne foi. »
    • Il ressort de cette disposition que le mariage putatif opère, à la seule et unique condition que les époux soient de bonne foi.
    • La bonne foi consiste pour un époux en l’ignorance de l’existence d’un empêchement dirimant, soit de la cause de nullité du mariage
    • L’erreur commise par l’époux peut être de droit ou de fait
    • La jurisprudence n’exige pas que l’erreur soit excusable, ni ne distingue selon les vices qui affectent la validité du mariage
    • Il suffit que la bonne foi existe au moment du mariage
    • Par ailleurs, la bonne foi est toujours présumée de sorte qu’il appartient à l’époux qui conteste l’application du mariage putatif de rapporter la preuve de la mauvaise foi de son conjoint
    • Il n’est pas nécessaire que les deux époux soient de bonne foi.
    • L’alinéa 2 de l’article 201 prévoit en ce sens que « si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des époux, le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux.»
  • L’indifférence de la situation des enfants
    • L’article 202 du Code civil prévoit que le mariage putatif « produit aussi ses effets à l’égard des enfants, quand bien même aucun des époux n’aurait été de bonne foi. »
    • Ainsi, est-il indifférent qu’aucun des époux ne soit de bonne foi s’agissant des effets du mariage putatif à l’égard des enfants.

==> Effets

  • Les effets à l’égard des époux
    • Plusieurs situations sont susceptibles de se présenter
      • Les deux époux sont de mauvaise foi
        • Dans cette hypothèse le mariage putatif n’opérera pour aucun des deux
        • Cela signifie que la nullité anéantira, tant les effets futurs du mariage que ses effets passés
        • Le mariage sera réputé n’avoir produit aucun effet à l’égard des époux
        • Aucun d’eux ne pourra se prévaloir des conventions matrimoniales
      • Un des époux est de bonne foi
        • Dans cette hypothèse, la nullité opérera sans rétroactivité pour l’époux de bonne foi
        • Quant au conjoint de mauvaise foi, il ne pourra pas bénéficier du mariage putatif
        • Il subira les effets de la rétroactivité de la nullité qui donc lui interdira de se prévaloir des effets passés du mariage
      • Les deux époux sont de bonne foi
        • Le mariage putatif opérera pour les deux époux, si bien que seuls les effets futurs du mariage seront anéantis
        • Les effets passés seront maintenus, nonobstant l’annulation de l’union conjugale
        • Les rapports entre époux se régleront selon les prescriptions du droit des régimes matrimoniaux
        • Les époux pourront alors conserver le bénéfice des libéralités consenties l’un à l’autre
  • Les effets à l’égard des enfants
    • Les enfants bénéficieront, en toute hypothèse, du mariage putatif, peu importe que leurs parents soient de bonne ou de mauvaise foi
    • Cette faveur présentait un intérêt particulier lorsque le droit opérait une distinction entre les enfants légitimes (issus du mariage) et les enfants naturels (issus du concubinage).
    • En effet, les enfants conservaient la légitimité qu’ils avaient acquise sous l’effet du mariage de leur parent
    • Désormais, ce régime de faveur n’a que peu d’intérêt en pratique dès lors que la distinction entre la filiation légitime et naturelle a été abolie par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation
    • L’alinéa 2 de l’article 202 prévoit seulement que « le juge statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale comme en matière de divorce. »
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Aucune disposition du Code civil ne règle les effets du mariage putatif à l’égard des tiers
    • Il en résulte que c’est le droit commun qui leur est applicable, en particulier la théorie de l’apparence
    • Le mariage entaché de nullité étant réputé n’avoir jamais existé, les époux sont considérés comme des concubins
    • Or la jurisprudence admet que dès lors que des concubins ont donné l’apparence d’un couple marié, les tiers sont fondés à se prévaloir des dispositions qui régissent leurs relations avec les époux, notamment l’article 220 relatif à la solidarité des dettes ménagères.
    • L’invocation de la théorie de l’apparence est cependant subordonnée à la réunion de plusieurs conditions :
      • Une situation contraire à la réalité
      • Une croyance légitime du tiers
      • Une erreur excusable du tiers
      • Une imputabilité de l’apparence au titulaire véritable

Le consentement, condition de validité du mariage

En vertu de l’article 146 du Code civil « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ».

Autrefois, c’était la seule condition qui était exigée pour se marier. Le simple échange des consentements suffisait à former les liens du mariage.

Aujourd’hui, bien que d’autres exigences aient été imposées aux époux par le législateur, le consentement a conservé une place centrale dans le processus de formation du mariage.

Son appréhension n’en est pas moins toujours source de difficultés.

==>La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, l’article 180 du Code civil se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du mariage.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le mariage n’a pas pu valablement se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

En résumé, pour ce qui est de la condition du consentement, deux choses doivent être vérifiées :

  • Le consentement doit exister (il doit avoir été manifesté)
  • Le consentement doit être intègre (lors de sa manifestation il ne doit pas avoir été vicié)

Dans un ancien arrêt rendu en date du 9 novembre 1887, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 146 portant qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement comprend tout à la fois le cas où le consentement est le résultat d’une volonté oblitérée par la démence et ceux où il n’est donné qu’à la suite de violences physiques ou morales exercées sur les époux ou l’un d’eux, ou d’une erreur sur la personne avec laquelle l’un des époux a déclaré vouloir s’unir, que dans aucune de ces circonstances, le consentement ne peut être réputé l’expression d’une volonté certaine et libre, capable d’engendrer un engagement formant un lien légal entre les parties. » (Cass. civ. 9 nov. 1887)

I) L’existence du consentement

L’existence du consentement est susceptible de fait défaut dans deux situations distinctes :

  • Soit l’un des membres du couple est frappé d’insanité d’esprit
  • Soit l’un des époux ou les deux n’ont pas d’intention matrimoniale

A) L’insanité d’esprit

==> Insanité d’esprit et incapacité juridique

L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique

  • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
    • Soit la loi
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
    • Soit une décision du juge
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
  • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.

Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.

Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.

À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.

En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).

L’article 146 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.

Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.

==> Notion d’insanité d’esprit

Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche

Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).

Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.

Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000).

==> Sanction de l’insanité d’esprit

En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du mariage (V. en ce sens civ., 28 mai 1980).

La preuve de l’insanité d’esprit pèse sur celui qui s’en prévaut.

Dans un arrêt du 2 décembre 1992, la Cour de cassation a considéré que « d’après l’article 489 du Code civil, c’est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d’esprit de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte» ( civ. 1ère 2 déc. 1992).

L’insanité d’esprit n’étant pas une notion de droit, son appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un arrêt du 4 mai 2011, la première chambre civile a énoncé que « les juges du fond, appréciant souverainement la valeur des témoignages produits et des expertises médicales versées aux débats, ont, sans inverser la charge de la preuve, estimé que Xavier X. était affecté, à l’époque du mariage, de lourdes déficiences mentales qui lui interdisaient d’apprécier la portée de son engagement le jour de la célébration de l’union» ( 1ère civ. 4 mai 2011).

B) Le défaut d’intention matrimoniale ou le mariage simulé

Dans les sociétés contemporaines, le mariage est vécu et ressenti comme la relation de deux personnes ayant pour principal but la création d’une communauté de vie durable ; il offre à deux personnes la possibilité d’affirmer au grand jour leur relation et les sentiments éprouvés l’un pour l’autre.

Il consiste dans un triple engagement : un engagement à la vie commune, à la fidélité et à l’assistance morale et matérielle.

À cet égard, très tôt, la question s’est posée de savoir si le mariage ne devait pas être annulé dans l’hypothèse où les époux poursuivraient un but qui ne serait pas conforme à la finalité de l’union conjugale.

En somme, faut-il être animé par la volonté de fonder une famille, soit de procéder à l’union des personnes et des biens pour bénéficier des effets – protecteurs, sinon dérogatoires au droit commun – du mariage ?

Lorsque, autrement dit, les époux n’avaient pas, lors de la célébration de leur union, l’intention d’adhérer au statut matrimonial pris dans son essence, cette simulation est celle constitutive d’une cause de nullité ?

La réponse à cette question suppose de s’interroger, au préalable, sur la nature même du mariage : est-ce un contrat ou une institution ?

  1.  Le mariage : contrat ou institution ?

a) L’évolution de la conception du mariage

Dans son ouvrage Le chevalier, la femme et le prêtre, l’historien Georges Duby écrit : « c’est par l’institution matrimoniale, par les règles qui président aux alliances, par la manière dont sont appliquées ces règles, que les sociétés humaines, celles mêmes qui se veulent les plus libres ou qui se donnent l’illusion de l’être, gouvernent leur avenir, tentent de se perpétuer dans le maintien de leurs structures, en fonction d’un système symbolique, de l’image que ces sociétés se font de leur propre perfection ».

Pour la sociologue Irène Théry, l’historien ne se réfère pas à une sorte d’essence intemporelle du mariage ; bien au contraire, son travail a montré que cette institution a connu des métamorphoses, presque des révolutions, au cours de l’histoire.

Le mariage est une institution vivante, qui a la charge d’incarner un idéal social à une époque donnée.

Produit de l’histoire de notre société, le mariage a ainsi beaucoup évolué au cours des siècles passés.

Ainsi que le rappelle Jean-Claude Bologne dans son ouvrage Histoire du mariage en Occident, « en deux mille ans d’histoire, l’institution du mariage aura accompagné toutes les mutations de la civilisation occidentale », l’auteur ajoutant que « le mariage a été et demeure un miroir fidèle de la société ».

Le XXe siècle aura été marqué par le combat des féministes pour obtenir l’égalité des droits des femmes et des hommes ; un autre combat reste aujourd’hui à mener, celui de la reconnaissance de la pleine égalité des droits de tous les couples, qu’ils soient composés de personnes de sexes différents ou de même sexe.

==> L’ancien Régime

Si le pouvoir civil sous l’Ancien Régime n’avait pas totalement abandonné à l’Église la question du mariage et de la tenue de l’état civil, c’est au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle que progresse la réflexion sur une distinction entre les aspects civils et religieux du mariage. Ce n’est qu’en 1791 qu’est institué le mariage civil et laïc par la Constitution du 3 septembre ; la loi du 20 septembre 1792 parachève l’évolution en prévoyant que les mariages sont contractés devant l’officier municipal, chargé désormais de tenir l’état civil. C’est cette même loi qui rend le mariage révocable par le divorce : si les deux époux le souhaitent, le mariage peut être dissout sur simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère.

==> La Révolution

À la conception religieuse du mariage-institution, la période révolutionnaire oppose une conception de mariage-contrat, dans le prolongement de la pensée du XVIIIe siècle sur la liberté et les restrictions jugées inacceptables que l’institution religieuse lui porte.

==> Le Code napoléonien

Le code civil de 1804 reprend pour l’essentiel la conception révolutionnaire du mariage, tout en renforçant le pouvoir de contrôle exercé par l’État et les familles : placée sous la puissance du mari, l’épouse est incapable de disposer des biens de la communauté.

Le divorce est maintenu, mais bien plus encadré que sous la période révolutionnaire, afin d’en réduire le nombre. On conçoit en effet le mariage comme dépassant le seul consentement des époux, du fait de son objectif de constitution d’une famille ; Portalis soutient d’ailleurs à l’époque que le mariage intéresse la société avant de concerner le couple et qu’il ne saurait être laissé aux « passions » des individus.

Depuis le code Napoléon, le mariage civil – qui précède obligatoirement le mariage religieux, rétabli par le Concordat de 1801 – n’a varié que sur des détails, le plus souvent pour en simplifier la procédure.

==> La Restauration

La Restauration ne remit pas son existence en cause, même si elle supprima le divorce en 1816. Celui-ci sera rétabli en 1884, à l’initiative du député radical Alfred Naquet, permettant un retour partiel aux acquis révolutionnaires.

==> L’ère moderne

Le XXe siècle s’est ouvert sur des incertitudes : dans l’atmosphère qui domine le pays après la défaite de 1870, la peur de voir la France se dépeupler attise la méfiance à l’égard du mariage–contrat au profit de la conception du mariage–institution.

Ce siècle a ensuite été marqué par les combats des mouvements féministes en faveur de l’union libre puis de la reconnaissance de l’égalité des droits.

Les progrès liés à la contraception et l’émancipation des femmes ont bouleversé le modèle familial et notre conception du mariage.

La pleine égalité des conjoints n’existe dans les textes que depuis la loi du 4 juin 1970 : depuis lors, l’article 213 du code civil dispose que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ».

La loi du 11 juillet 1975 modernise le droit du divorce, reconnaissant trois cas : le divorce par consentement mutuel, le divorce par rupture de vie commune et le divorce pour « violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».

Des conceptions très différentes ont tour à tour dominé l’histoire du mariage, au gré des tensions entre les familles – désireuses de contrôler les alliances de leurs enfants –, l’Église et le pouvoir civil.

Les buts premiers du mariage ont ainsi beaucoup varié selon les époques : préservation des biens ; procréation et éducation des enfants au sein d’un noyau familial stable ; alliances politiques ; promotion d’un statut social ; amour, plus récemment…

Aujourd’hui, le mariage n’apporte plus réellement un statut social, davantage conféré par l’emploi qu’on occupe ; le développement de l’union libre et les possibilités de reconnaître en droit les enfants nés hors mariage rendent plus ténu le lien entre mariage et procréation (cf. infra). S’il conserve sa valeur symbolique, le mariage ne peut plus être considéré comme un modèle unique.

b) La définition du mariage

Le code civil ne contient aucune définition du mariage. Les rédacteurs du code civil de 1804 n’avaient pas éprouvé le besoin de définir le mariage, tant la définition allait alors de soi.

Tout au plus, on en trouve une définition dans le Discours préliminaire au projet de code civil prononcé le 1er pluviôse An IX (21 janvier 1801).

Portalis y définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ».

Bien que le Code civil soit silencieux sur le concept de mariage, il n’en définit pas moins les éléments essentiels de son existence et de sa validité, exigeant deux contractants de sexe différent ou de même sexe, d’âge nubile, respectant l’interdit de l’inceste et de la bigamie, consentant librement à une communauté de vie au cours d’une cérémonie publique.

La nature du mariage serait donc double.

  • Il est un contrat
    • On dit que les époux « contractent » mariage
    • Le mariage se forme par l’échange des consentements
    • Or c’est là l’essence même du contrat lequel repose sur un accord de volontés
    • Ajouté à cela, les époux sont désormais libres de défaire l’union qu’ils ont constituée au moyen du divorce par consentement mutuel, de sorte qu’ils ne sont plus enfermés dans les liens du mariage
  • Le mariage est une institution
    • Bien que le mariage se forme par l’échange des consentements, il n’est pas soumis à la libre négociation contractuelle, à tout le moins à la marge.
    • En se mariant, les époux sont soumis à ce que l’on appelle le régime primaire impératif qui se compose d’un ensemble de règles auxquelles les époux ne peuvent déroger par convention contraire.
    • Autre marque de la dimension institutionnelle du mariage, la société est témoin de l’union, célébrée publiquement dans la maison commune après publication de bans
    • En outre, bien que les époux puissent, pour rompre leur union, emprunter la voie du divorce par consentement mutuel, à l’exception du divorce par acte d’avocat, le mariage ne peut être dissous que par un juge.
    • Le mariage emporte, en outre, modification de l’état civil des époux.

Ainsi, le mariage comporte une dimension : contractuelle et institutionnelle.

Toutefois, pour certains auteurs, en ce que le mariage se fonde, aujourd’hui, essentiellement sur l’amour que se portent deux êtres, amour auquel il apporte une forme de reconnaissance sociale, cette évolution fragilise la dimension contractuelle du mariage.

D’aucuns estiment que le mariage serait passé du statut de contrat–institution organisant la filiation au sein du couple à celui d’union de deux individus amoureux.

Ce constat étant fait, revenons à notre question initiale : l’absence d’intention matrimoniale est-elle une cause de nullité du mariage ?

  • Si l’on considère que le mariage est un contrat
    • Dans cette hypothèse, le mariage simulé doit être admis car, en matière contractuelle, seule l’intention conventionnelle compte.
    • Dans un contrat, sauf contrariété à l’ordre public, le but poursuivi par les parties est indifférent
  • Si l’on considère que le mariage est une institution
    • Dans cette hypothèse, le mariage simulé doit être sanctionné par la nullité, car l’intention légale doit être respectée.
    • En plus de s’épouser l’un l’autre, les époux doivent adhérer à la finalité de l’institution qu’est le mariage

Ainsi, est-ce, en quelque sorte, en ces termes, que la question de l’exigence d’intention matrimoniale s’est posée à la jurisprudence.

2. L’appréhension du mariage simulé

a) Le cadre jurisprudentiel

Sur la question de savoir si les époux devaient être animés d’une intention matrimoniale pour contracter mariage, la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt Appietto du 20 novembre 1963.

Appietto
(Cass. 1ère Civ. 20 nov. 1963)
Attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'Appietto a demandé la nullité du mariage qu'il a contracté à Ajaccio avec demoiselle Liliane Feibelman, exposant qu'il n'avait consenti à cette union que dans le but de conférer la légitimité à l'enfant dont il était le père, mais qu'il n'avait aucune intention de fonder un foyer et qu'il fut convenu entre les futurs époux que le divorce serait demandé dès la célébration du mariage ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (CA Bastia, 9 avr. 1962) d'avoir débouté l'appelant de sa demande, au motif que le mariage n'était ni entaché du vice d'erreur ni du vice de violence, alors que les époux n'avaient pas l'intention véritable et sérieuse de fonder une famille ;

Mais attendu que si le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets légaux, et notamment n'ont donné leur consentement que dans le but de conférer à l'enfant commun la situation d'enfant légitime ;

Attendu que tant par ses motifs propres que par ceux des premiers juges qu'il adopte, l'arrêt relève exactement que "le désir et le souci d'assurer à un enfant une naissance légitime au sein d'un foyer légalement fondé constitue l'une des raisons majeures (...) de l'institution du mariage" et que le mariage est "une institution d'ordre public à laquelle les parties contractantes ne peuvent apporter les modifications que leur intérêt ou les circonstances exigeraient" ; qu'ainsi l'arrêt attaqué qui est motivé, n'a pas violé les textes visés au moyen et que le grief doit être écarté ;

Par ces motifs, rejette...

  • Faits
    • Mariage contracté par un couple en vue de conférer à leur enfant le statut d’enfant légitime
    • Le couple avait néanmoins convenu, avant le mariage, qu’ils divorceraient peu de temps après la célébration n’ayant pas l’intention de fonder un foyer ensemble
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 9 avril 1962, la Cour d’appel de Bastia rejette l’action en nullité du requérant
    • Les juges du fond estiment que le mariage n’a nullement été simulé en l’espèce, dès lors que l’attribution de la légitimité à l’enfant issue du couple, constitue l’un des principaux effets du mariage
    • Le mariage était donc pleinement valide
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 novembre 1963, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets légaux et notamment leur consentement que dans le but de conférer à l’enfant commun la situation d’enfant légitime»
    • Bien que, en l’espèce, la Cour de cassation valide le mariage contracté entre les époux, elle juge que lorsque les époux sont dépourvus de toute intention matrimoniale, le mariage encourt la nullité
    • Pour apprécier l’intention matrimoniale des époux, la Première chambre civile pose le critère de l’existence d’une volonté « d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale».
    • Consécutivement à cet arrêt, la question s’est immédiatement posée de savoir pourquoi le mariage n’avait pas été annulé en l’espèce dans la mesure où les époux se sont mariés avec pour seul but de légitimer leur enfant naturel.

À l’examen, il ressort de la décision que deux éléments permettent de déterminer ce que l’on doit entendre par « résultat étranger à l’union matrimoniale »

En effet, la Cour de cassation opère une distinction entre les effets primaires et les effets secondaires du mariage :

  • Les effets primaires
    • Ils ne peuvent être obtenus que par le mariage
      • Filiation
      • Communauté de biens
  • Les effets secondaires
    • Ils peuvent être obtenus par d’autres biais que le mariage
      • Acquisition de la nationalité
      • Avantages fiscaux
      • Avantages patrimoniaux

Au total, pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient et/ou ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

Cette appréciation du défaut d’intention matrimoniale a parfaitement été exprimée par la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 11 juin 1974 a précisé que « un mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’un effet secondaire du mariage, étranger aux buts de l’institution, avec la volonté délibérée de se soustraire à toutes ses autres conséquences légales » (CA Paris, 11 juin 1974)

Dans le droit fil de cette décision, la Cour de cassation a récemment jugé que « ayant ainsi fait ressortir que celle-ci n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir retenu que Mme X… s’était mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de Philippe Y…, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu’il y avait lieu d’annuler celui-ci, faute de consentement » (Cass. 1ère civ. 19 déc. 2012)

Le critère pour apprécier le défaut d’intention matrimoniale réside ainsi dans la volonté de rechercher les seuls effets secondaires du mariage.

b) Le cadre légal

Lorsque des époux sont dépourvus de toute intention matrimoniale lors de la célébration de leur union, on dit que le mariage ainsi célébré est blanc ou gris.

  • Le mariage blanc
    • Appelé également mariage de complaisance, il s’agit de l’union frauduleusement contractée sans intention matrimoniale.
    • Les futurs époux cachent le réel motif de leur union.
    • Dans la grande majorité des cas, l’obtention d’un titre de séjour prolongé en France motive cet acte qui dénature le mariage.
  • Le mariage gris
    • Cette situation se rencontre lorsque le conjoint de nationalité étrangère dissimule ses vrais sentiments et trompe ainsi son conjoint en lui faisant croire à un réel amour.
    • Cette escroquerie sentimentale conduit à un abus de l’autre, du citoyen français, de plus, une fois son but atteint, le trompeur demande en général le divorce.

Dans les cas de mariage blanc ou gris l’objectif de l’immigré illégal est d’éviter une reconduite à la frontière, devenir français malgré son entrée illégale ou obtenir un titre de séjour « vie privée et familiale » de par son statut de conjoint.

Afin de lutter plus efficacement contre ces pratiques, les lois de 1993 et 2003 ont institué préalablement au mariage l’audition des futurs époux ainsi que la saisine par l’officier de l’état civil du procureur de la République en cas de doute sur la sincérité ou la réalité des intentions matrimoniales ainsi que son pouvoir d’opposition.

Un délit spécifique a été créé, à l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

Cette disposition prévoit que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint.

 Ces mêmes peines sont applicables en cas d’organisation ou de tentative d’organisation d’un mariage ou d’une reconnaissance d’enfant aux mêmes fins.

 Elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. ».

L’article L. 623-2 du CESEDA prévoit un certain nombre de peines complémentaires :

« 1° L’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

 2° L’interdiction du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;

 3° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l’article 131-27 du code pénal.

 Les personnes physiques condamnées au titre de l’infraction visée au troisième alinéa de l’article L. 623-1 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

Afin de lutter efficacement contre les mariages blancs et gris, la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a renforcé les moyens de contrôler l’existence d’une intention matrimoniale.

==> Le mariage célébré en France

A été introduite l’obligation, pour les officiers de l’état civil, de s’entretenir avec les futurs époux, afin de vérifier leur intention matrimoniale. Cette obligation d’audition conditionne la publication des bans.

L’article 63 du Code civil prévoit en ce sens que « la publication prévue au premier alinéa ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l’article 169, la célébration du mariage est subordonnée [notamment] à l’audition commune des futurs époux, sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180. »

Cette obligation est également mise à la charge des agents diplomatiques ou consulaires pour les mariages célébrés à l’étranger.

En toute hypothèse, la personne en charge d’assurer la célébration apprécie lui-même m’opportunité d’auditionner les futurs époux.

L’article 63, 2°, al. 2 précise que « l’officier de l’état civil, s’il l’estime nécessaire, demande à s’entretenir séparément avec l’un ou l’autre des futurs époux. »

La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration et modifiant le code civil a mis en place une procédure d’opposition à la célébration du mariage en cas d’indices sérieux laissant présumer l’absence de réelle intention matrimoniale.

Cette procédure a été renforcée par la loi du 26 novembre 2003 précitée, en permettant notamment au procureur de la République de surseoir à la célébration pour un mois renouvelable une fois.

==> Le mariage célébré à l’étranger

  • Évolution du cadre légal
    • La loi n° 93-1027 du 24 août 2003 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a instauré un mécanisme de contrôle a posteriori de la validité des mariages conclus à l’étranger lorsqu’un conjoint est Français.
    • Ce contrôle s’exerce au moment de la demande de transcription du mariage sur les registres de l’état civil français.
    • Il passe par l’obligation pour l’agent diplomatique ou consulaire de surseoir à la transcription en cas d’indices sérieux de mariage frauduleux, et d’informer le ministère public qui doit se prononcer dans un délai de six mois.
    • En outre, la loi du 26 novembre 2003 a prévu l’obligation d’auditionner les époux préalablement à la transcription.
    • Le décret n° 2005-170 du 23 février 2005 a concentré les contentieux relatifs aux mariages à l’étranger sur le seul tribunal de grande instance de Nantes.
    • Cette centralisation, effective depuis le 1er mars 2005, est le gage d’une jurisprudence unifiée émanant d’une juridiction spécialisée dans le domaine de l’état civil étranger.
    • En mai 2005, le ministère de la justice a précisé les modalités d’application de la réforme de 2003 par voie de circulaire adressée aux parquets des tribunaux.
    • Un an plus tard, la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité du mariage a précisé la chronologie des formalités administratives précédant la célébration, les vérifications d’identité des futurs époux et les modalités de l’audition séparée en cas de doute sur la sincérité des intentions matrimoniales, en donnant la possibilité pour le maire ou le consul, de déléguer l’audition à un fonctionnaire titulaire du service de l’état civil quand l’un des futurs époux réside à l’étranger.
    • La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a renforcé les formalités administratives relatives aux mariages célébrés à l’étranger entre un Français et un étranger.
  • Principe de validité du mariage célébré à l’étranger
    • L’article 171-1 du Code civil prévoit que le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre.
    • Il en est de même du mariage célébré par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
    • Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret.
  • Formalités préalables au mariage célébré à l’étranger par une autorité étrangère
    • Le certificat de capacité à mariage
      • L’article 171-2 du Code civil prévoit que lorsqu’il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d’un Français doit être précédé de la délivrance d’un certificat de capacité à mariage établi après l’accomplissement, auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, des prescriptions prévues à l’article 63, soit de la régularisation des bans
      • La publication des bans est également faite auprès de l’officier de l’état civil ou de l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où le futur époux français a son domicile ou sa résidence.
    • L’audition des époux
      • À la demande de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, l’audition des futurs époux prévue à l’article 63 est réalisée par l’officier de l’état civil du lieu du domicile ou de résidence en France du ou des futurs conjoints, ou par l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente en cas de domicile ou de résidence à l’étranger.
    • L’opposition à mariage
      • Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l’autorité diplomatique ou consulaire saisit sans délai le procureur de la République compétent et en informe les intéressés.
      • Le procureur de la République peut, dans le délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître par une décision motivée, à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée et aux intéressés, qu’il s’oppose à cette célébration.
      • La mainlevée de l’opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance conformément aux dispositions des articles 177 et 178 par les futurs époux, même mineurs.
  • Transcription du mariage célébré à l’étranger par une autorité étrangère
    • L’opposabilité du mariage
      • L’article 171-5 du Code civil prévoit que pour être opposable aux tiers en France, l’acte de mariage d’un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l’état civil français.
      • En l’absence de transcription, le mariage d’un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l’égard des époux et des enfants.
    • La demande de transcription
      • Elle est faite auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique compétente au regard du lieu de célébration du mariage.

C) Le mariage posthume

==> Principe

Aux termes de l’article 171 du Code civil « le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage en cas de décès de l’un des futurs époux, dès lors qu’une réunion suffisante de faits établit sans équivoque son consentement»

Ainsi, la procédure du mariage posthume prévue à l’article 171 du code civil permet au Président de la République, lorsque des motifs graves le justifient, d’autoriser la célébration d’un mariage en dépit du décès de l’un des deux époux, à la condition que le consentement du défunt soit établi sans équivoque par l’accomplissement de formalités officielles relatives à ce mariage.

Historiquement cette procédure a notamment permis de garantir la filiation légitime d’enfants conçus avant le mariage des époux ou d’assurer la protection nécessaire au conjoint du défunt.

En tout état de cause, il appartient au chef de l’État d’apprécier souverainement si les éléments présentés sont de nature à marquer sans équivoque le consentement au mariage de l’époux décédé ( 1ère civ. Civ. 17 octobre 2007)

Quant au juge, il doit vérifier, en cas de contentieux tendant à l’annulation du mariage posthume, si ce consentement a bien persisté jusqu’au décès ( 1ère civ. 28 février 2006).

Lors de l’adoption de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit les conditions relatives aux éléments susceptibles d’établir la réalité du consentement ont été assouplies

Ce texte a, en effet, remplacé la condition tenant à l’accomplissement préalable de formalités officielles, jugée trop restrictive car limitée à trop peu d’actes, par une condition liée à la seule réunion de faits suffisants pour établir le consentement du défunt au mariage.

Toutefois l’exigence du caractère non équivoque et certain du consentement est donc bien maintenue, sous le contrôle du chef de l’État et du juge.

==> Effets

les effets du mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l’époux.

Toutefois, ce mariage n’entraîne aucun droit de succession ab intestat au profit de l’époux survivant et aucun régime matrimonial n’est réputé avoir existé entre les époux.

II) L’intégrité du consentement

Il ne suffit donc pas que les futurs époux soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté la condition centrale du mariage, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation de leur union.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

En droit commun du contrat, il résulte de l’article 1130, al. 1er du Code civil que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

En matière de mariage, le nombre des vices du consentement est réduit à deux.

L’article 180 du Code civil prévoit seulement que :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

 S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que seules l’erreur et la violence sont des causes de nullité du mariage.

Le dol n’est pas visé par cette disposition, ce qui inévitablement conduit à l’exclure des vices du consentement susceptible d’anéantir le mariage.

A) L’exclusion du dol

  1.  En droit commun

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de plusieurs autres notions :

  • Dol et erreur
    • Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.
    • En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.
    • En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.
  • Dol au stade de la formation du contrat et dol au stade de l’exécution
    • Au stade de la formation du contrat, le dol consiste en une tromperie qui vise à conduire l’autre partie à conclure le contrat sur une fausse conviction
    • Au stade de l’exécution du contrat, le dol s’apparente à un manquement délibéré d’une partie à une ou plusieurs obligations qui lui échoient

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016 une disposition unique était consacrée au dol : l’article 1116 du Code civil.

Cette disposition prévoyait à son alinéa 1er que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». L’alinéa 2 précisait qu’« il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Dorénavant, trois articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1137 à 1139. Le législateur s’est, toutefois, contenté d’entériner les solutions classiquement adoptées par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1137, alinéa 1er du Code civil « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ».

Bien que, en droit commun des contrats, en ce qu’il constitue un vice du consentement, le dol est une cause de nullité, telle n’est pas la solution retenue en matière matrimoniale.

2. En droit matrimonial

Aucune des règles qui encadrent le consentement en matière matrimoniale ne vise le dol comme cause de nullité du mariage.

Il en résulte qu’il ne saurait fonder l’anéantissement de l’union conjugale, nonobstant l’exercice par l’un des époux de manœuvres dolosives.

La raison en est que, pas de nullité sans texte !

Au vrai, comme remarqué par les auteurs, « ce silence est intentionnel »[1]. Il a pris racine dans le célèbre adage énoncé par le jurisconsulte Antoine Loysel qui, au XIXe siècle, écrivait dans les Institutes Coutumières « en mariage trompe qui peut ».

L’exclusion du dol des causes de nullité du mariage se justifie par la nature de la relation entretenue entre les futurs époux qui, par essence, relève de la séduction.

Admettre le dol reviendrait à prendre le risque que le mariage puisse être annulé trop facilement, notamment au prétexte que l’un des époux aurait été séduit par le discours fallacieux de son conjoint.

Comme exprimé dans une vieille décision du Tribunal de grande instance du Mans rendue en date du 18 mars 1965 « le mariage est un acte solennel dont la stabilité est essentielle à la société ; qu’il faut fermer autant que faire se peut la porte au repentir tardif des époux ».

On relèvera néanmoins que, dans de nombreuses décisions, la jurisprudence admet le dol en ce qu’il a provoqué une erreur déterminante du consentement d’un époux.

Dans un arrêt rendu en date du 27 janvier 1998 la Cour de cassation a ainsi validé l’annulation d’un mariage après avoir relevé que « le pourvoi se heurte aux constatations des juges du fond qui, de l’ensemble des éléments de preuve soumis à leur appréciation, ont souverainement retenu que M. X… n’a jamais eu l’intention sincère de fonder un foyer avec Mme Y… qu’il avait trompée sur ses intentions véritables et dont il avait surpris le consentement » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1998).

Cette décision est somme toute contestable, en ce qu’elle se situe à la lisière entre le dol et l’erreur. Au fond, qu’est-ce que le dol, sinon une erreur provoquée ?

En toute hypothèse, dans bien des cas l’erreur déterminante d’un époux sur les qualités essentielles de son conjoint résultera de manœuvres dolosives

B) L’erreur

1. En droit commun

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable.

En outre, aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

C’est là que s’opère la distinction entre le droit commun et le droit matrimonial.

À l’évidence, en matière de mariage, seule l’erreur sur les qualités essentielles de l’époux apparaît pertinente.

2. En droit matrimonial

L’article 180, al. 2 du Code civil dispose que « s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Ainsi, à l’instar du droit commun, l’erreur est une cause de nullité du mariage. Son champ d’application est toutefois plus restreint qu’en droit des contrats.

Pour justifier l’anéantissement du mariage, elle doit porter :

  • Soit dans la personne de l’époux
  • Soit sur des qualités essentielles de la personne de l’époux

Initialement, l’article 180 ne visait que l’erreur « dans la personne ». Ce n’est que tardivement que l’erreur « sur les qualités essentielles de la personne » a été envisagée par le législateur.

La modification de cette disposition résulte de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce qui, à l’inverse de l’effet recherché, a ajouté à la confusion initiale du texte.

==> L’ancien droit

Dans sa version en vigueur en 1804, l’article 180 du Code civil disposait que « lorsqu’il y a eu erreur dans la personne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des deux époux qui a été induit en erreur »

En application de cette disposition, la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur la notion d’erreur dans la personne dans un célèbre arrêt Berthon.

Arrêt Berthon
(Cass. ch. Runies, 24 avr. 1862)
REJET du pourvoi formé par Zoé-Marie-Louise Herbin contre un Arrêt rendu par la Cour impériale d'orléans, le 6 juillet 1861, en faveur du sieur X..., son mari.
Du 24 Avril 1862.

LA COUR, chambres réunies,

Ouï M. Legagneur, conseiller, en son rapport ; Maître Ambroise A..., en ses observations, à l'audience publique du 22 avril ; Maître Z..., en ses observations, et M. le procureur général Dupin, en ses conclusions, à l'audience publique d'hier ;

Vidant le délibéré en chambre du conseil ;

Attendu que l'erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y... Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s'entend, sous la nouvelle comme sous l'ancienne législation, que d'une erreur portant sur la personne elle-même ;

Attendu que si la nullité, ainsi établie, ne doit pas être restreinte au cas unique de l'erreur provenant d'une substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration ;

Si elle peut également recevoir son application quand l'erreur procède de ce que l'un des époux s'est fait agréer en se présentant comme membre d'une famille qui n'est pas la sienne, et s'est attribué les conditions d'origine et la filiation qui appartiennent à un autre ;

Le texte et l'esprit de l'article 180 écartent virtuellement de sa disposition les erreurs d'une autre nature, et n'admettent la nullité que pour l'erreur qui porte sur l'identité de la personne et par le résultat de laquelle l'une des parties a épousé une personne autre que celle à qui elle croyait s'unir ;

Qu'ainsi la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu'elle aurait subies, et spécialement à l'erreur de l'époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s'en est suivie ;

Que la déchéance établie par l'article 34 du Code pénal ne constitue par elle-même ni un empêchement au mariage ni une cause de nullité de l'union contractée ;

Qu'elle ne touche non plus en rien à l'identité de la personne ; qu'elle ne peut donc motiver une action en nullité du mariage pour erreur dans la personne ;

Qu'en le jugeant ainsi et en rejetant la demande en nullité de son mariage formée par Zoé Herbin, et motivée sur l'ignorance où elle avait été à l'époque du mariage de la condamnation à quinze ans de travaux forcés qu'avait antérieurement subie Berthon, son mari, et de la privation des droits civils et civiques qui en avait été la suite, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste et saine application des articles 146 et 180 du Y... Napoléon.

LA COUR REJETTE,

Ainsi fait et prononcé, Chambres réunies.

  • Faits
    • Mariage entre un ex-bagnard avec une fille de bonne famille
    • Une fois seulement le mariage célébré, l’épouse apprend le passé de criminel de son mari
  • Demande
    • Action en nullité du mariage engagée par l’épouse
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 juillet 1861, la Cour d’appel d’Orléans déboute la requérante de sa demande
    • Les juges du fond estiment que seule une erreur sur l’identité de la personne est susceptible de fonder une action en nullité du mariage
  • Problème de droit
    • Une épouse qui ignorait le passé criminel de son époux est-elle fondée à engager une action en nullité de son mariage ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 avril 1862, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « l’erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y… Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s’entend, sous la nouvelle comme sous l’ancienne législation, que d’une erreur portant sur la personne elle-même»
    • Elle en déduit que « la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu’elle aurait subies, et spécialement à l’erreur de l’époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s’en est suivie»
    • Au total, pour la Cour de cassation, seuls deux cas d’erreur constituent des causes de nullité du mariage :
      • L’erreur sur l’identité physique de la personne
        • Ce cas de figure correspond à la substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration
      • L’erreur sur l’identité civile de la personne
        • Est ici envisagée l’hypothèse où l’un des époux s’est fait agréer en se présentant comme membre d’une famille qui n’est pas la sienne, et s’est attribué les conditions d’origine et la filiation qui appartiennent à un autre
      • En l’espèce, l’erreur commise par Madame Berthon ne répondait à aucune de ces hypothèses, raison pour laquelle la haute juridiction a rejeté son pourvoi
      • Pour la Cour de cassation, Madame Berthon s’est trompée, non pas sur la personne de son époux, mais sur sa qualité, soit celle d’ancien bagnard.
      • Or l’erreur sur les qualités de la personne n’est pas une cause de nullité du mariage.
      • Voilà une conception de l’erreur bien restrictive qui a été adoptée par la Cour de cassation dans cette décision.
      • Cette conception a été jugée tellement restrictive par la doctrine, que le législateur est intervenu, en 1971, pour compléter l’article 180 du Code civil.

En suite de l’arrêt Berthon, la jurisprudence a, dans l’ensemble, appliqué à la conception de l’erreur adoptée par la Cour de cassation en refusant d’annuler le mariage, toutes les fois que les époux invoquaient une erreur sur les qualités de la personne.

Les juridictions ont ainsi rejeté :

  • L’erreur sur les aptitudes sexuelles du conjoint
  • L’erreur sur le passé du conjoint
  • L’erreur de la vertu de la femme
  • L’erreur de la fortune du conjoint
  • L’erreur sur la religion de l’époux

À compter des années 1960, les Tribunaux ont néanmoins assoupli leur position en admettant, en contradiction avec la solution retenue dans l’arrêt Berthon, de plus en plus facilement l’erreur sur les qualités de la personne.

Sous l’impulsion de ce mouvement de libéralisation de la jurisprudence, le législateur a pris conscience de la trop grande étroitesse de la conception de l’erreur en droit français, d’où son intervention en 1971.

==> Le droit positif

La loi du 11 juillet 1971 a mis un terme à la conception restrictive de l’erreur. Pour ce faire, elle a précisé l’article 180 du Code civil qui prévoit désormais que l’erreur peut porter, outre dans la personne de l’époux, sur ses « qualités essentielles »

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « qualités essentielles ».

Trois critères cumulatifs ont été posés par la jurisprudence :

  • Un critère objectif
    • Pour être prise en considération, la qualité de la personne doit être essentielle en vue du mariage : il s’agit d’apprécier la qualité de la personne eu égard à l’institution du mariage.
    • Le juge va donc chercher à s’appuyer sur des critères objectifs.
    • L’examen de la jurisprudence, permet d’établir  un certain nombre de ces qualités essentielles ou accessoires.
    • Exemples
      • La santé physique et mentale
      • Les aptitudes sexuelles
      • Les croyances religieuses
      • L’honorabilité du conjoint
  • Un critère subjectif
    • Pour que l’erreur soit prise en considération, il est nécessaire que la victime de l’erreur rapporte la preuve que l’absence de la qualité qu’elle reproche à son conjoint était antérieure au mariage.
    • Cette exigence vaut, notamment pour ce qui concerne l’état mental ou l’aptitude aux rapports sexuels.
  • Le caractère déterminant de l’erreur
    • Pour être une cause de nullité du mariage, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de l’errans.
    • Autrement dit, celui qui a commis l’erreur doit établir que s’il avait eu connaissance de l’absence de la qualité essentielle qui fait défaut chez son conjoint, il ne l’aurait pas épousé.
    • À défaut de parvenir à rapporter la preuve du caractère déterminant de l’erreur, quand bien même elle porterait sur une qualité objectivement essentielle, elle ne constituera pas une cause de nullité.

C) La violence

Pour mémoire, l’article 180 du Code civil prévoit, en son alinéa 1er, que « le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que ce qui est cause de nullité c’est moins la violence qui est exercée à l’encontre d’un époux que l’absence de liberté de son consentement.

Toutefois, les juridictions ont très tôt assimilé le défaut de liberté à la violence. Il en a été déduit qu’il convenait de se reporter, pour apprécier la liberté de consentement d’un époux, aux règles qui connaissent de la violence en matière contractuelle.

Ces règles sont édictées aux articles 1140 à 1143 du Code civil.

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur une personne aux fins de le contraindre à consentir à la conclusion d’un acte.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil consacrait cinq dispositions à la violence : les articles 1111 à 1115.

L’article 1112 prévoyait notamment que « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

Dorénavant, quatre articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1140 à 1143. Fondamentalement, le législateur n’a nullement modifié le droit positif, il s’est simplement contenté de remanier les dispositions existantes et d’entériner les solutions classiquement admises en jurisprudence.

Aussi, ressort-il de ces dispositions que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à ses éléments constitutifs
  • D’autre part, à son origine

 1. Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :

  • L’exercice d’une contrainte
  • L’inspiration d’une crainte

 a) Une contrainte

==> L’objet de la contrainte : la volonté de l’époux

Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée aux articles 180 et l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.

La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.

==> La consistance de la contrainte : une menace

La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.

Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.

Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens

==> Le caractère de la contrainte : une menace illégitime

La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.

A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.

La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.

En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).

Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?

Un principe assorti d’une limite

  • Principe
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant est toujours légitime lorsqu’elle consiste en l’exercice d’une voie de droit
    • Ainsi, la menace d’une poursuite judiciaire ou de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ne saurait constituer, en elle-même, une contrainte illégitime.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens, au sujet d’un cautionnement qui aurait été conclu sous la contrainte, que « la violence morale ne pouvait résulter des appels même incessants d’un banquier, dès lors qu’il existait une raison légitime comme celle de finaliser un acte de cautionnement pour garantir un concours bancaire à la société, dont le gérant n’était autre que le fils de la caution, et ce, bien avant la procédure de redressement judiciaire qui n’était intervenue que quinze mois plus tard et qu’aucun élément médical personnel ne venait corroborer la détresse psychologique dont elle se prévalait, qui l’aurait conduite à un discernement suffisamment altéré pour remettre en cause la validité de son consentement» ( com. 22 janv. 2013).
  • Limites
    • La légitimité de la menace cesse, nous dit l’article 1141, lorsque la voie de droit est :
      • Soit détournée de son but
        • Il en va ainsi lorsque l’avantage procuré par l’exercice d’une voie de droit à l’auteur de la menace est sans rapport avec le droit dont il se prévaut
        • La Cour de cassation a, de la sorte, approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette qui avait été « obtenue sous la menace d’une saisie immobilière relative au recouvrement d’une autre créance» ( 1ère civ. 25 mars 2003)
      • Soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif
        • La menace sera ainsi considérée comme illégitime lorsqu’elle est exercée en vue d’obtenir un avantage hors de proportion avec l’engagement primitif ou le droit invoqué
        • La Cour de cassation a ainsi estimé que la contrainte consistant à menacer son cocontractant d’une procédure de faillite était illégitime, dans la mesure où elle avait conduit le créancier à obtenir de son débiteur des avantages manifestement excessifs ( com. 28 avr. 1953).

 b) Une crainte

La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose :

  • d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable
  • d’autre part que ce mal considérable soit dirigé
    • soit vers la personne même de la victime
    • soit vers sa fortune
    • soit vers ses proches

==> L’exposition à un mal considérable

  • Reprise de l’ancien texte
    • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
    • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
  • Notion
    • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
    • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
    • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
    • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
    • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
    • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
    • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
    • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
  • L’admission de la crainte révérencielle
    • En droit commun des contrats, la crainte référentielle ne permet pas de retenir la violence contre un contractant.
    • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait en ce sens que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
    • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
    • En matière de droit matrimonial c’est la solution inverse qui a été retenue, et par la jurisprudence, et par le législateur.
    • Ce dernier a consacré cette solution lors de l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs
    • Ainsi, l’article 180 a-t-il été complété, la précision suivante ayant été ajoutée : « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
    • La crainte révérencielle est donc bien une cause de nullité du mariage.

==> L’objet de la crainte

Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »

Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :

  • soit sa personne
  • soit sa fortune
  • soit celles de ses proches

Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

2. Les conditions relatives à l’origine de la violence

Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.

L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.

La personne qui fait l’objet de violences est donc privée de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.

En conséquence, peu importe que la violence soit exercé par un époux ou un tiers, ce qui importe c’est que le consentement du conjoint n’ait pas été donné librement.

Les vices du consentement, cause de nullité du mariage: erreur, dol et violence

En vertu de l’article 146 du Code civil « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ».

Autrefois, c’était la seule condition qui était exigée pour se marier. Le simple échange des consentements suffisait à former les liens du mariage.

Aujourd’hui, bien que d’autres exigences aient été imposées aux époux par le législateur, le consentement a conservé une place centrale dans le processus de formation du mariage.

Son appréhension n’en est pas moins toujours source de difficultés.

==>La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, l’article 180 du Code civil se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du mariage.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le mariage n’a pas pu valablement se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

En résumé, pour ce qui est de la condition du consentement, deux choses doivent être vérifiées :

  • Le consentement doit exister (il doit avoir été manifesté)
  • Le consentement doit être intègre (lors de sa manifestation il ne doit pas avoir été vicié)

Dans un ancien arrêt rendu en date du 9 novembre 1887, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 146 portant qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement comprend tout à la fois le cas où le consentement est le résultat d’une volonté oblitérée par la démence et ceux où il n’est donné qu’à la suite de violences physiques ou morales exercées sur les époux ou l’un d’eux, ou d’une erreur sur la personne avec laquelle l’un des époux a déclaré vouloir s’unir, que dans aucune de ces circonstances, le consentement ne peut être réputé l’expression d’une volonté certaine et libre, capable d’engendrer un engagement formant un lien légal entre les parties. » (Cass. civ. 9 nov. 1887)

Il ne suffit donc pas que les futurs époux soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté la condition centrale du mariage, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation de leur union.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

En droit commun du contrat, il résulte de l’article 1130, al. 1er du Code civil que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

En matière de mariage, le nombre des vices du consentement est réduit à deux.

L’article 180 du Code civil prévoit seulement que :

« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

 S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que seules l’erreur et la violence sont des causes de nullité du mariage.

Le dol n’est pas visé par cette disposition, ce qui inévitablement conduit à l’exclure des vices du consentement susceptible d’anéantir le mariage.

I) L’exclusion du dol

A) En droit commun

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de plusieurs autres notions :

  • Dol et erreur
    • Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.
    • En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.
    • En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.
  • Dol au stade de la formation du contrat et dol au stade de l’exécution
    • Au stade de la formation du contrat, le dol consiste en une tromperie qui vise à conduire l’autre partie à conclure le contrat sur une fausse conviction
    • Au stade de l’exécution du contrat, le dol s’apparente à un manquement délibéré d’une partie à une ou plusieurs obligations qui lui échoient

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016 une disposition unique était consacrée au dol : l’article 1116 du Code civil.

Cette disposition prévoyait à son alinéa 1er que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». L’alinéa 2 précisait qu’« il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Dorénavant, trois articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1137 à 1139. Le législateur s’est, toutefois, contenté d’entériner les solutions classiquement adoptées par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1137, alinéa 1er du Code civil « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ».

Bien que, en droit commun des contrats, en ce qu’il constitue un vice du consentement, le dol est une cause de nullité, telle n’est pas la solution retenue en matière matrimoniale.

B) En droit matrimonial

Aucune des règles qui encadrent le consentement en matière matrimoniale ne vise le dol comme cause de nullité du mariage.

Il en résulte qu’il ne saurait fonder l’anéantissement de l’union conjugale, nonobstant l’exercice par l’un des époux de manœuvres dolosives.

La raison en est que, pas de nullité sans texte !

Au vrai, comme remarqué par les auteurs, « ce silence est intentionnel »[1]. Il a pris racine dans le célèbre adage énoncé par le jurisconsulte Antoine Loysel qui, au XIXe siècle, écrivait dans les Institutes Coutumières « en mariage trompe qui peut ».

L’exclusion du dol des causes de nullité du mariage se justifie par la nature de la relation entretenue entre les futurs époux qui, par essence, relève de la séduction.

Admettre le dol reviendrait à prendre le risque que le mariage puisse être annulé trop facilement, notamment au prétexte que l’un des époux aurait été séduit par le discours fallacieux de son conjoint.

Comme exprimé dans une vieille décision du Tribunal de grande instance du Mans rendue en date du 18 mars 1965 « le mariage est un acte solennel dont la stabilité est essentielle à la société ; qu’il faut fermer autant que faire se peut la porte au repentir tardif des époux ».

On relèvera néanmoins que, dans de nombreuses décisions, la jurisprudence admet le dol en ce qu’il a provoqué une erreur déterminante du consentement d’un époux.

Dans un arrêt rendu en date du 27 janvier 1998 la Cour de cassation a ainsi validé l’annulation d’un mariage après avoir relevé que « le pourvoi se heurte aux constatations des juges du fond qui, de l’ensemble des éléments de preuve soumis à leur appréciation, ont souverainement retenu que M. X… n’a jamais eu l’intention sincère de fonder un foyer avec Mme Y… qu’il avait trompée sur ses intentions véritables et dont il avait surpris le consentement » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1998).

Cette décision est somme toute contestable, en ce qu’elle se situe à la lisière entre le dol et l’erreur. Au fond, qu’est-ce que le dol, sinon une erreur provoquée ?

En toute hypothèse, dans bien des cas l’erreur déterminante d’un époux sur les qualités essentielles de son conjoint résultera de manœuvres dolosives

II) L’erreur

A) En droit commun

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable.

En outre, aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

C’est là que s’opère la distinction entre le droit commun et le droit matrimonial.

À l’évidence, en matière de mariage, seule l’erreur sur les qualités essentielles de l’époux apparaît pertinente.

B) En droit matrimonial

L’article 180, al. 2 du Code civil dispose que « s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

Ainsi, à l’instar du droit commun, l’erreur est une cause de nullité du mariage. Son champ d’application est toutefois plus restreint qu’en droit des contrats.

Pour justifier l’anéantissement du mariage, elle doit porter :

  • Soit dans la personne de l’époux
  • Soit sur des qualités essentielles de la personne de l’époux

Initialement, l’article 180 ne visait que l’erreur « dans la personne ». Ce n’est que tardivement que l’erreur « sur les qualités essentielles de la personne » a été envisagée par le législateur.

La modification de cette disposition résulte de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce qui, à l’inverse de l’effet recherché, a ajouté à la confusion initiale du texte.

==> L’ancien droit

Dans sa version en vigueur en 1804, l’article 180 du Code civil disposait que « lorsqu’il y a eu erreur dans la personne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des deux époux qui a été induit en erreur »

En application de cette disposition, la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur la notion d’erreur dans la personne dans un célèbre arrêt Berthon.

Arrêt Berthon
(Cass. ch. Runies, 24 avr. 1862)
REJET du pourvoi formé par Zoé-Marie-Louise Herbin contre un Arrêt rendu par la Cour impériale d'orléans, le 6 juillet 1861, en faveur du sieur X..., son mari.
Du 24 Avril 1862.

LA COUR, chambres réunies,

Ouï M. Legagneur, conseiller, en son rapport ; Maître Ambroise A..., en ses observations, à l'audience publique du 22 avril ; Maître Z..., en ses observations, et M. le procureur général Dupin, en ses conclusions, à l'audience publique d'hier ;

Vidant le délibéré en chambre du conseil ;

Attendu que l'erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y... Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s'entend, sous la nouvelle comme sous l'ancienne législation, que d'une erreur portant sur la personne elle-même ;

Attendu que si la nullité, ainsi établie, ne doit pas être restreinte au cas unique de l'erreur provenant d'une substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration ;

Si elle peut également recevoir son application quand l'erreur procède de ce que l'un des époux s'est fait agréer en se présentant comme membre d'une famille qui n'est pas la sienne, et s'est attribué les conditions d'origine et la filiation qui appartiennent à un autre ;

Le texte et l'esprit de l'article 180 écartent virtuellement de sa disposition les erreurs d'une autre nature, et n'admettent la nullité que pour l'erreur qui porte sur l'identité de la personne et par le résultat de laquelle l'une des parties a épousé une personne autre que celle à qui elle croyait s'unir ;

Qu'ainsi la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu'elle aurait subies, et spécialement à l'erreur de l'époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s'en est suivie ;

Que la déchéance établie par l'article 34 du Code pénal ne constitue par elle-même ni un empêchement au mariage ni une cause de nullité de l'union contractée ;

Qu'elle ne touche non plus en rien à l'identité de la personne ; qu'elle ne peut donc motiver une action en nullité du mariage pour erreur dans la personne ;

Qu'en le jugeant ainsi et en rejetant la demande en nullité de son mariage formée par Zoé Herbin, et motivée sur l'ignorance où elle avait été à l'époque du mariage de la condamnation à quinze ans de travaux forcés qu'avait antérieurement subie Berthon, son mari, et de la privation des droits civils et civiques qui en avait été la suite, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste et saine application des articles 146 et 180 du Y... Napoléon.

LA COUR REJETTE,

Ainsi fait et prononcé, Chambres réunies.

  • Faits
    • Mariage entre un ex-bagnard avec une fille de bonne famille
    • Une fois seulement le mariage célébré, l’épouse apprend le passé de criminel de son mari
  • Demande
    • Action en nullité du mariage engagée par l’épouse
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 juillet 1861, la Cour d’appel d’Orléans déboute la requérante de sa demande
    • Les juges du fond estiment que seule une erreur sur l’identité de la personne est susceptible de fonder une action en nullité du mariage
  • Problème de droit
    • Une épouse qui ignorait le passé criminel de son époux est-elle fondée à engager une action en nullité de son mariage ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 avril 1862, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « l’erreur dans la personne dont les articles 146 et 180 du Y… Napoléon ont fait une cause de nullité du mariage ne s’entend, sous la nouvelle comme sous l’ancienne législation, que d’une erreur portant sur la personne elle-même»
    • Elle en déduit que « la nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu’elle aurait subies, et spécialement à l’erreur de l’époux qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes antérieurement prononcées contre son conjoint, et la privation des droits civils et civiques qui s’en est suivie»
    • Au total, pour la Cour de cassation, seuls deux cas d’erreur constituent des causes de nullité du mariage :
      • L’erreur sur l’identité physique de la personne
        • Ce cas de figure correspond à la substitution frauduleuse de personne au moment de la célébration
      • L’erreur sur l’identité civile de la personne
        • Est ici envisagée l’hypothèse où l’un des époux s’est fait agréer en se présentant comme membre d’une famille qui n’est pas la sienne, et s’est attribué les conditions d’origine et la filiation qui appartiennent à un autre
      • En l’espèce, l’erreur commise par Madame Berthon ne répondait à aucune de ces hypothèses, raison pour laquelle la haute juridiction a rejeté son pourvoi
      • Pour la Cour de cassation, Madame Berthon s’est trompée, non pas sur la personne de son époux, mais sur sa qualité, soit celle d’ancien bagnard.
      • Or l’erreur sur les qualités de la personne n’est pas une cause de nullité du mariage.
      • Voilà une conception de l’erreur bien restrictive qui a été adoptée par la Cour de cassation dans cette décision.
      • Cette conception a été jugée tellement restrictive par la doctrine, que le législateur est intervenu, en 1971, pour compléter l’article 180 du Code civil.

En suite de l’arrêt Berthon, la jurisprudence a, dans l’ensemble, appliqué à la conception de l’erreur adoptée par la Cour de cassation en refusant d’annuler le mariage, toutes les fois que les époux invoquaient une erreur sur les qualités de la personne.

Les juridictions ont ainsi rejeté :

  • L’erreur sur les aptitudes sexuelles du conjoint
  • L’erreur sur le passé du conjoint
  • L’erreur de la vertu de la femme
  • L’erreur de la fortune du conjoint
  • L’erreur sur la religion de l’époux

À compter des années 1960, les Tribunaux ont néanmoins assoupli leur position en admettant, en contradiction avec la solution retenue dans l’arrêt Berthon, de plus en plus facilement l’erreur sur les qualités de la personne.

Sous l’impulsion de ce mouvement de libéralisation de la jurisprudence, le législateur a pris conscience de la trop grande étroitesse de la conception de l’erreur en droit français, d’où son intervention en 1971.

==> Le droit positif

La loi du 11 juillet 1971 a mis un terme à la conception restrictive de l’erreur. Pour ce faire, elle a précisé l’article 180 du Code civil qui prévoit désormais que l’erreur peut porter, outre dans la personne de l’époux, sur ses « qualités essentielles »

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « qualités essentielles ».

Trois critères cumulatifs ont été posés par la jurisprudence :

  • Un critère objectif
    • Pour être prise en considération, la qualité de la personne doit être essentielle en vue du mariage : il s’agit d’apprécier la qualité de la personne eu égard à l’institution du mariage.
    • Le juge va donc chercher à s’appuyer sur des critères objectifs.
    • L’examen de la jurisprudence, permet d’établir  un certain nombre de ces qualités essentielles ou accessoires.
    • Exemples
      • La santé physique et mentale
      • Les aptitudes sexuelles
      • Les croyances religieuses
      • L’honorabilité du conjoint
  • Un critère subjectif
    • Pour que l’erreur soit prise en considération, il est nécessaire que la victime de l’erreur rapporte la preuve que l’absence de la qualité qu’elle reproche à son conjoint était antérieure au mariage.
    • Cette exigence vaut, notamment pour ce qui concerne l’état mental ou l’aptitude aux rapports sexuels.
  • Le caractère déterminant de l’erreur
    • Pour être une cause de nullité du mariage, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de l’errans.
    • Autrement dit, celui qui a commis l’erreur doit établir que s’il avait eu connaissance de l’absence de la qualité essentielle qui fait défaut chez son conjoint, il ne l’aurait pas épousé.
    • À défaut de parvenir à rapporter la preuve du caractère déterminant de l’erreur, quand bien même elle porterait sur une qualité objectivement essentielle, elle ne constituera pas une cause de nullité.

III) La violence

Pour mémoire, l’article 180 du Code civil prévoit, en son alinéa 1er, que « le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »

Il ressort de cette disposition que ce qui est cause de nullité c’est moins la violence qui est exercée à l’encontre d’un époux que l’absence de liberté de son consentement.

Toutefois, les juridictions ont très tôt assimilé le défaut de liberté à la violence. Il en a été déduit qu’il convenait de se reporter, pour apprécier la liberté de consentement d’un époux, aux règles qui connaissent de la violence en matière contractuelle.

Ces règles sont édictées aux articles 1140 à 1143 du Code civil.

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur une personne aux fins de le contraindre à consentir à la conclusion d’un acte.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil consacrait cinq dispositions à la violence : les articles 1111 à 1115.

L’article 1112 prévoyait notamment que « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

Dorénavant, quatre articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1140 à 1143. Fondamentalement, le législateur n’a nullement modifié le droit positif, il s’est simplement contenté de remanier les dispositions existantes et d’entériner les solutions classiquement admises en jurisprudence.

Aussi, ressort-il de ces dispositions que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à ses éléments constitutifs
  • D’autre part, à son origine

 A) Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :

  • L’exercice d’une contrainte
  • L’inspiration d’une crainte
  1.  Une contrainte

==> L’objet de la contrainte : la volonté de l’époux

Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée aux articles 180 et l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.

La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.

==> La consistance de la contrainte : une menace

La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.

Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.

Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens

==> Le caractère de la contrainte : une menace illégitime

La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.

A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.

La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.

En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).

Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?

Un principe assorti d’une limite

  • Principe
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant est toujours légitime lorsqu’elle consiste en l’exercice d’une voie de droit
    • Ainsi, la menace d’une poursuite judiciaire ou de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ne saurait constituer, en elle-même, une contrainte illégitime.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens, au sujet d’un cautionnement qui aurait été conclu sous la contrainte, que « la violence morale ne pouvait résulter des appels même incessants d’un banquier, dès lors qu’il existait une raison légitime comme celle de finaliser un acte de cautionnement pour garantir un concours bancaire à la société, dont le gérant n’était autre que le fils de la caution, et ce, bien avant la procédure de redressement judiciaire qui n’était intervenue que quinze mois plus tard et qu’aucun élément médical personnel ne venait corroborer la détresse psychologique dont elle se prévalait, qui l’aurait conduite à un discernement suffisamment altéré pour remettre en cause la validité de son consentement» ( com. 22 janv. 2013).
  • Limites
    • La légitimité de la menace cesse, nous dit l’article 1141, lorsque la voie de droit est :
      • Soit détournée de son but
        • Il en va ainsi lorsque l’avantage procuré par l’exercice d’une voie de droit à l’auteur de la menace est sans rapport avec le droit dont il se prévaut
        • La Cour de cassation a, de la sorte, approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette qui avait été « obtenue sous la menace d’une saisie immobilière relative au recouvrement d’une autre créance» ( 1ère civ. 25 mars 2003)
      • Soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif
        • La menace sera ainsi considérée comme illégitime lorsqu’elle est exercée en vue d’obtenir un avantage hors de proportion avec l’engagement primitif ou le droit invoqué
        • La Cour de cassation a ainsi estimé que la contrainte consistant à menacer son cocontractant d’une procédure de faillite était illégitime, dans la mesure où elle avait conduit le créancier à obtenir de son débiteur des avantages manifestement excessifs ( com. 28 avr. 1953).

2. Une crainte

La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose :

  • d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable
  • d’autre part que ce mal considérable soit dirigé
    • soit vers la personne même de la victime
    • soit vers sa fortune
    • soit vers ses proches

==> L’exposition à un mal considérable

  • Reprise de l’ancien texte
    • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
    • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
  • Notion
    • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
    • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
    • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
    • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
    • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
    • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
    • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
    • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
  • L’admission de la crainte révérencielle
    • En droit commun des contrats, la crainte référentielle ne permet pas de retenir la violence contre un contractant.
    • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait en ce sens que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
    • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
    • En matière de droit matrimonial c’est la solution inverse qui a été retenue, et par la jurisprudence, et par le législateur.
    • Ce dernier a consacré cette solution lors de l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs
    • Ainsi, l’article 180 a-t-il été complété, la précision suivante ayant été ajoutée : « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
    • La crainte révérencielle est donc bien une cause de nullité du mariage.

==> L’objet de la crainte

Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »

Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :

  • soit sa personne
  • soit sa fortune
  • soit celles de ses proches

Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

B) Les conditions relatives à l’origine de la violence

Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.

L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.

La personne qui fait l’objet de violences est donc privée de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.

En conséquence, peu importe que la violence soit exercé par un époux ou un tiers, ce qui importe c’est que le consentement du conjoint n’ait pas été donné librement.

Le régime juridique du pacs: conditions, effets, dissolution

La famille n’est pas une, mais multiple. Parce qu’elle est un phénomène sociologique[1], elle a vocation à évoluer à mesure que la société se transforme. De la famille totémique, on est passé à la famille patriarcale, puis à la famille conjugale.

De nos jours, la famille n’est plus seulement conjugale, elle repose, de plus en plus, sur le concubinage[2]. Mais elle peut, également, être recomposée, monoparentale ou unilinéaire.

Le droit opère-t-il une distinction entre ces différentes formes qu’est susceptible de revêtir la famille ? Indubitablement oui.

Si, jadis, cela se traduisait par une réprobation, voire une sanction pénale, des couples qui ne répondaient pas au schéma préétabli par le droit canon[3], aujourd’hui, cette différence de traitement se traduit par le silence que le droit oppose aux familles qui n’adopteraient pas l’un des modèles prescrit par lui.

Quoi de plus explicite pour appuyer cette idée que la célèbre formule de Napoléon, qui déclara, lors de l’élaboration du Code civil, que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ». Cette phrase, qui sonne comme un avertissement à l’endroit des couples qui ont choisi de vivre en union libre, est encore valable.

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage. Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[4] et plus encore, comme son « acte fondateur »[5].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Parce que le contexte sociologique et juridique ne permettait plus à ce silence de prospérer, le législateur est intervenu pour remédier à cette situation.

Son intervention s’est traduite par l’adoption de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, plus couramment désigné sous le nom de pacs.

Ainsi, pour la première fois, le législateur reconnaissait-il un statut juridique au couple en dehors du mariage.

Section 1: La genèse de la loi sur le pacs

L’adoption de la loi sur le pacs procède de l’émergence à la fois d’un contexte sociologique et à la fois d’un contexte juridique.

I) Le contexte sociologique et juridique

A) Le contexte sociologique

Tout d’abord, il est apparu au législateur que le concubinage hétérosexuel est devenu un fait de société impossible à ignorer.

Depuis la fin des années 60, le nombre de couples non mariés a constamment augmenté pour atteindre la proportion, en 1999, d’un couple sur six.

Ajoutées à ce constat, la signification et les motivations du concubinage ont évolué.

À côté des personnes qui, traditionnellement, réfutaient l’institution du mariage et vivaient en union libre par idéal pour garder un caractère privé à leur engagement, sont apparus dans les années 70 des jeunes couples cohabitant en prélude au mariage.

Dans les années 1980, cette cohabitation s’est installée dans la durée sans pour autant exprimer un refus explicite et définitif du mariage.

Par ailleurs, il a été constaté que la naissance d’un enfant n’entraînait plus nécessairement le mariage. Marginale dans les deux premiers tiers du siècle, la part des naissances hors mariage n’a cessé d’augmenter avec une très nette accélération au début des années 80.

Trois enfants nés hors mariage sur quatre en 1996 ont été reconnus par leur père dès la naissance. La réforme de la filiation ayant aligné en 1972 le statut des enfants naturels conçus hors mariage sur celui des enfants légitimes explique en grande partie l’évolution des comportements. Le mariage n’est plus impératif pour éviter à un enfant de naître privé de droits.

Parallèlement, le législateur a pu relever que nombre de mariages qui avait atteint son maximum en 1972 (416 500) a notablement diminué, s’établissant à 254 000 en 1994, remariages compris. En 1996, a été enregistrée une augmentation brusque de 10%, du nombre des mariages, accompagnée d’une hausse importante du nombre d’enfants légitimés (112 000).

B) Le contexte juridique

Plusieurs facteurs ont conduit le législateur à conférer un statut juridique aux couples de concubins :

  • L’élimination des discriminations à l’égard des personnes homosexuelles
    • La demande de reconnaissance sociale du couple homosexuel s’est affirmée au terme d’une évolution juridique qui, dans les années 80, a permis d’éliminer les discriminations légales fondées sur l’orientation sexuelle des individus.
      • La loi n° 82-683 du 4 août 1982
        • Cette loi a fait disparaître du code pénal la dernière disposition réprimant spécifiquement l’homosexualité.
        • Elle a en effet abrogé le deuxième alinéa de l’article 331 de l’ancien code pénal qui réprimait les attentats à la pudeur sans violence sur mineur du même sexe alors que la majorité sexuelle pour les relations hétérosexuelles était fixée à quinze ans.
        • Au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels revendiquent la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code civil.
      • La loi Quilliot du 22 juin 1982
        • Cette loi a substitué à l’obligation de « jouir des locaux en bon père de famille » celle d’en jouir paisiblement.
        • L’homosexualité cessait ainsi d’être une cause d’annulation d’un bail.
      • La loi du 13 juillet 1983
        • Ce texte a supprimé les notions de « bonne moralité » et de « bonne mœurs » du statut général des fonctionnaires.
        • Parallèlement, en 1981, le Gouvernement retirait l’approbation française à l’article 302 de la classification de l’organisation mondiale de la santé faisant entrer, depuis le début des années 60, l’homosexualité dans la catégorie des pathologies.
      • Les homosexuels se sont ensuite vus reconnaître légalement le droit de ne pas subir de discriminations en raison de leurs mœurs.
        • La loi n° 85-772 du 25 juillet 1985
          • Elle a complété le code pénal en prévoyant des dispositions, reprises à l’article 225-1 du nouveau code pénal, sanctionnant les discriminations liées aux mœurs.
        • La loi n° 86-76 du 17 janvier 1986
          • Cette loi a introduit dans l’article L. 122-35 du code du travail une disposition précisant que le règlement intérieur ne peut léser les salariés en raison de leurs mœurs et la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 a modifié l’article L. 122-45 du même code pour protéger le salarié d’une sanction ou d’un licenciement opéré en raison de ses mœurs.
          • Cet article vise aujourd’hui également les refus de recrutement.
  • La prise en compte juridique du concubinage
    • En 1804, le Code civil est totalement silencieux sur le concubinage
    • Cette indifférence du Code napoléonien à l’égard du concubinage s’est poursuivie pendant tout le 19ème siècle.
    • Depuis lors, les concubins ne jouissent d’aucun statut juridique véritable.
    • Les règles qui régissent leur union sont éparses et ponctuelles
      • Les règles légales
        • En matière de logement, l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, permet à un concubin notoire depuis un an de bénéficier de la continuation ou du transfert du bail en cas d’abandon du logement ou de décès du preneur
        • En matière civile, l’exercice commun de l’autorité parentale a été reconnu aux concubins sous les conditions posées à l’article 372 du code civil. L’assistance médicale à la procréation, au contraire de l’adoption, leur a été ouverte (art. L. 152-2 du code de la santé publique).
        • En matière pénale, une immunité est reconnue au concubin notoire pour non dénonciation d’infractions impliquant l’autre concubin (articles 434-1, 434-6 et 434-11 du code pénal ou, en matière d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945) ; en revanche le concubinage avec la victime est une circonstance aggravante de plusieurs infractions (art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal)
        • En matière de procédure civile, le décret du 28 décembre 1998 a autorisé le concubin à représenter les parties devant le tribunal d’instance et devant le juge de l’exécution (art. 828 du nouveau code de procédure civile et art. 12 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992).
        • En matière fiscale, le concubin peut bénéficier de la déduction des frais de transport (art. 83, 3° du code général des impôts et avis du Conseil d’Etat du 10 décembre 1993) ;
      • Les règles jurisprudentielles
        • La jurisprudence a élaboré une construction juridique du concubinage permettant de pallier l’absence de statut juridique et notamment de règles gouvernant la liquidation de l’union.
        • Au nombre de ces figures juridiques, figurent
          • La théorie de la société créée de fait
          • L’enrichissement injustifié
          • La théorie de l’apparence
          • L’admission de l’invocation d’un préjudice en cas de décès d’un concubin
  • Le refus de reconnaissance du concubinage homosexuel
    • La Cour de cassation a toujours refusé d’accorder aux couples homosexuels les droits reconnus par la loi aux concubins hétérosexuels.
    • Dans deux décisions du 11 juillet 1989 rendues en matière sociale, la haute juridiction avait, en effet, considéré que les couples homosexuels ne pouvaient bénéficier des avantages reconnus aux concubins par des textes faisant référence à la notion de vie maritale, à travers laquelle elle a considéré que le législateur avait entendu viser la « situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple formé d’un homme et d’une femme » ( soc. 11 juill. 1989).
    • Cette jurisprudence a été confirmée par une décision 17 décembre 1997 en matière de droit au bail, la troisième chambre civile ayant estimé que « le concubinage ne pouvait résulter que d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme» ( 3e civ. 17 déc. 1997).
    • Les homosexuels se sont ainsi vu refuser l’accès à des droits que l’épidémie de SIDA avait mis au premier rang des préoccupations de leur communauté :
      • transfert du droit au bail en vertu de l’article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989
      • affiliation à la sécurité sociale en tant qu’ayant droit de leur compagnon en application de l’article L. 161-14 du code de la sécurité sociale.
    • Hormis l’assurance maladie au bout d’un an, les couples homosexuels ne bénéficiaient, en 1999, d’aucun droit découlant de leur vie commune.
    • La jurisprudence restrictive de la Cour de cassation sur le concubinage homosexuel était, à cet égard, en phase avec la jurisprudence européenne.
    • La Cour de justice des communautés européennes, par une décision du 17 février 1998, avait, par exemple, refusé de considérer comme une discrimination au sens de l’article 119 du Traité le refus à des concubins du même sexe d’une réduction sur le prix des transports accordée à des concubins de sexe opposé, relevant qu’en « l’état actuel du droit au sein de la Communauté, les relations stables entre deux personnes du même sexe ne sont pas assimilées aux relations entre personnes mariées ou aux relations stables hors mariage entre personnes de sexe opposé» (CJCE, 17 févr. 1998, Lisa jacqueline Grant c/ South-West Trains Ltd, aff. C-249/96).
    • De son côté la Commission européenne des droits de l’Homme considérait que, en dépit de l’évolution contemporaine des mentalités vis-à-vis de l’homosexualité, des relations homosexuelles durables ne relèvent pas du droit au respect de la vie familiale protégée par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
  • Les difficultés patrimoniales auxquelles se heurtent les couples hors mariage
    • La principale difficulté à laquelle se heurtent les couples hors mariage, hétérosexuels comme homosexuels, est d’ordre patrimonial et successoral.
    • Leurs biens n’étant pas soumis à un régime légal, ils peuvent utiliser plusieurs techniques pour se constituer un patrimoine commun.
      • Ils peuvent procéder à des achats en indivision (art. 815 et suivants du code civil) et passer des conventions d’indivision (art. 1873-1 et suivants du code civil).
      • Ils peuvent procéder à des achats en tontine en vertu desquels les biens reviennent en totalité au dernier vivant.
      • Ils peuvent également procéder à des achats croisés entre la nue propriété et l’usufruit.
      • Ils peuvent enfin constituer des sociétés civiles ou à responsabilité limitée.
    • Toutefois, la transmission de ce patrimoine se heurte aux règles successorales civiles et fiscales qui considèrent les concubins comme des étrangers l’un à l’égard de l’autre.
    • En conséquence, en l’absence de testament, ils n’héritent pas l’un de l’autre.
    • En cas de dispositions testamentaires, leurs droits sont limités par la réserve légale.
    • Ils ne peuvent donc pas, contrairement à l’époux survivant, recueillir plus que la quotité disponible
    • De plus, sur la part dont ils héritent, les droits de mutation sont extrêmement élevés
    • L’adage selon lequel il faut « vivre en union libre mais mourir marié» prenait alors tout son sens, Les concubins souhaitent souvent avant tout pouvoir laisser le logement commun au survivant. La souscription d’une assurance-vie permet au bénéficiaire de toucher en franchise de droit un capital échappant en grande partie à la succession du prédécédé et pouvant être utilisé pour payer les droits de succession. Peuvent également être effectués des legs en usufruit qui permettent au légataire de conserver la jouissance d’un bien en acquittant des droits moindres.

II) L’adoption de la loi sur le pacs

Deux rapports, remis à la Chancellerie au printemps 1998, respectivement par M. Jean Hauser et par Mme Irène Théry, ont proposé des solutions alternatives pour régler les questions de vie commune hors mariage :

  • Le groupe « Mission de recherche droit et justice »
    • Ce groupe de travail présidé par Jean Hauser a adopté, pour régler les problèmes de la vie en commun hors mariage, une approche purement patrimoniale, à travers le projet de pacte d’intérêt commun (PIC).
    • Inséré dans le livre III du code civil, entre les dispositions relatives à la société et celles relatives à l’indivision, ce pacte envisageait une mise en commun de biens par deux personnes souhaitant organiser leur vie commune, sans considération de leur sexe ou du type de relation existant entre elles, qu’elles soient familiales, amicales ou de couple.
    • Le PIC était un acte sous seing privé mais il était néanmoins proposé que puissent en découler, éventuellement, sous condition de durée du pacte, de nombreuses conséquences civiles, sociales et fiscales liées à la présomption de communauté de vie qu’il impliquait.
    • Cette approche avait donc pour ambition ” d’éliminer la charge idéologique de la question ” en éludant la question de la reconnaissance du couple homosexuel.
  • Le rapport d’Irène Théry intitulé « couple, filiation et parenté aujourd’hui»
    • Ce rapport choisissait une approche fondée sur la reconnaissance du concubinage homosexuel accompagnée de l’extension des droits sociaux reconnus à l’ensemble des concubins.
    • Appréhendant le concubinage comme une situation de fait génératrice de droits résultant de la communauté de vie, il a proposé d’inscrire dans le code civil que le « concubinage se constate par la possession d’état de couple naturel, que les concubins soient ou non de sexe différent».

Au total, aucune des deux solutions proposées n’a été retenue. La Présidente de la commission des Lois, a souhaité qu’un texte commun puisse être établi à partir des deux propositions de lois déposées le 23 juillet 1997 respectivement par M. Jean-Pierre Michel M. Jean-Marc Ayrault

Leurs travaux, dont le résultat a été rendu public fin mai 1998, ont donné naissance au concept de « pacte civil de solidarité ».

De cette coproduction législative est ainsi née la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[6], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles.

En contrepartie d’en engagement contractuel[7] qu’ils doivent prendre dans l’enceinte, non pas de la mairie, mais du greffe du Tribunal de grande instance[8], les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent de la sorte voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique.

C’est là une profonde mutation que connaît le droit de la famille, laquelle mutation ne faisait, en réalité, que commencer.

III) La réforme de la loi sur le pacs

A) La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités

Quelques années après l’instauration du pacs un certain nombre d’ajustements sont apparus nécessaires aux fins de remédier aux insuffisances révélées par la pratique.

Aussi, la chancellerie a-t-elle réuni un groupe de travail chargé de dresser un état des lieux, lequel déboucha sur un rapport déposé le 30 novembre 2004.

Les préconisations de ce rapport ont été, pour partie, reprises par le gouvernement de l’époque qui déposa une proposition de loi aux fins de réformer le pacs.

Cette réforme consista, en particulier, à modifier le régime patrimonial du PACS, soit plus précisément à basculer d’un régime d’indivision vers un régime de séparation de bien.

En 1999, le régime patrimonial du PACS reposait sur deux présomptions d’indivision différentes selon le type de biens :

  • les meubles meublants dont les partenaires feraient l’acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale. Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie ;
  • les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement.

Par ailleurs, le champ de l’indivision était pour le moins incertain puisque la formulation du texte ne permettait pas de savoir avec certitude s’il comprenait les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du PACS.

De surcroît, l’indivision est un régime qui, par nature est  temporaire et lourd qui plus est.

Aussi, le législateur a-t-il préféré soumettre le PACS au régime de la séparation des patrimoines, suivant les préconisations du groupe de travail.

L’idée était de le rapprocher du régime de séparation de biens prévu par la loi du 13 juillet 1965 pour les époux aux articles 1536 à 1543 du code civil.

Le choix est cependant laissé aux partenaires qui peuvent toujours opter pour un régime d’indivision organisé.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a été adoptée.

B) La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

La loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité avait fixé le lieu d’enregistrement du pacs au greffe du tribunal d’instance.

La proposition de loi à l’origine de la loi de 1999 prévoyait pourtant un enregistrement par les officiers de l’état civil.

Toutefois, lors de son examen, face à une forte opposition de nombreux maires, pour des raisons symboliques tenant au risque de confusion entre PACS et mariage, l’Assemblée nationale avait confié cette compétence aux préfectures avant, finalement, de l’attribuer aux greffes des tribunaux d’instance.

Depuis la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, les pacs peuvent également être enregistrés par un notaire.

Lors de son intervention en 2016 aux fins de moderniser la justice du XXIe siècle, le législateur a entendu transférer aux officiers de l’état civil les compétences actuellement dévolues aux greffes des tribunaux d’instance en matière de Pacs.

Pour ce faire, il s’est appuyé sur le constat que les obstacles symboliques qui avaient présidé en 1999 au choix d’un enregistrement au greffe du tribunal d’instance avaient disparu.

Le Pacs est désormais bien connu des citoyens qui ne le confondent pas avec le mariage et la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a permis d’introduire l’union homosexuelle à la mairie.

Qui plus est, ce transfert des formalités attachées au Pacs du greffe du tribunal d’instance à la mairie s’inscrit dans un mouvement qui vise à recentrer les tribunaux sur leurs activités juridictionnelles.

Désormais, ce sont donc les officiers d’état civil qui sont compétents pour connaître des formalités relatives au pacte civil de solidarité.

Section 2: Les conditions de formation du pacs

La formation du pacs est subordonnée à la satisfaction de conditions de fond et de forme.

I) Les conditions de fond

A) Les conditions tenant aux qualités physiques des partenaires

  1. L’indifférence du sexe

L’article 515-1 du Code civil que le pacs peut être conclu par deux personnes « de sexe différent ou de même sexe »

Ainsi, le législateur a-t-il accédé à une revendication pressante des couples homosexuels qui a pris racine au début des années 1990.

Ces derniers revendiquaient la création d’un statut unifiant pour l’ensemble des couples non mariés, que les partenaires soient de même sexe ou de sexe différent, ou même pour des personnes ayant un projet de vie en commun en dehors de tout lien charnel.

Une première proposition de loi tendant à instituer un contrat de partenariat civil est déposée au Sénat dès cette époque par M. Jean-Luc Mélenchon.

De nombreuses autres propositions relayées par des parlementaires de gauche vont voir le jour à partir de 1992, sous les appellations successives de contrat d’union civile, de contrat d’union sociale ou de contrat d’union civile et sociale.

Elles prévoyaient toutes l’enregistrement des unions devant l’officier d’état civil, définissaient en se référant au mariage les devoirs et le régime des biens des cocontractants et leur attribuaient des droits directement calqués sur le mariage en matière de logement, de sécurité sociale, d’impôt sur le revenu et de succession.

Les revendications portaient, en outre, sur l’élimination, à terme, de toute différence entre les couples homosexuels et hétérosexuels par l’ouverture pure et simple du mariage et du concubinage aux homosexuels.

Allant dans ce sens, le Parlement européen a adopté, le 8 février 1994, une résolution sur l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne invitant la Commission des communautés européennes à présenter un projet de recommandation devant chercher, notamment à mettre un terme à :

  • l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes : la recommandation devrait garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement de partenariats,
  • toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d’être parents ou bien d’adopter ou d’élever des enfants.

En définitive, au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels revendiquaient la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code civil.

C’est chose faite avec l’adoption sur la loi du 15 novembre 1999 qui autorise les couples homosexuels à conclure un pacte civil de solidarité.

2. L’âge des partenaires

L’article 515-1 du Code civil prévoit expressément que le « pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures »

Ainsi, pour conclure un pacs, il faut avoir atteint l’âge de dix-huit ans révolu.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar du mariage, le Procureur peut consentir des dispenses d’âge.

==> S’agissant de l’émancipation

Dans le silence des textes, le mineur émancipé ne dispose pas, a priori, de la capacité de conclure un pacs.

La question avait d’ailleurs été soulevée par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel.

Leurs auteurs de la saisine soutenaient que portaient atteinte au principe d’égalité les interdictions de conclure un pacte civil de solidarité qui visent les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle

Le Conseil constitutionnel a toutefois rejeté cet argument estimé que « sans méconnaître les exigences du principe d’égalité, ni celles découlant de la liberté définie à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur […] a pu sans porter atteinte au principe d’égalité, ne pas autoriser la conclusion d’un pacte par une personne mineure émancipée et par une personne majeure placée sous tutelle » (Cons. Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

==> S’agissant de la dispense d’âge

Pour mémoire, en matière de mariage, législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

Ce régime de dispense d’âge est-il transposable au pacs ?

Dans la mesure où aucune disposition ne le prévoit, une réponse négative doit être apportée à cette question, bien que l’on puisse s’interroger sur l’opportunité d’une telle interdiction.

Compte tenu de son régime juridique, la conclusion d’un pacs est un acte bien moins grave qu’en engagement dans les liens du mariage, ne serait-ce que parce le pacs repose sur un régime de séparation de biens, tandis que celui du mariage est communautaire.

B) Les conditions tenant à la nature contractuelle du pacs

Comme précisé par l’article 515-1 du Code civil le « pacte civil de solidarité est un contrat ».

Il en résulte que sa validité est subordonnée au respect des conditions de formation du contrat.

L’article 1101 du Code civil dispose que le contrat est « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »

Pour être créateur d’obligations, l’article 1103 du Code civil précise néanmoins que le contrat doit être « légalement formé ».

Aussi, cela signifie-t-il que les parties doivent satisfaire à un certain nombre de conditions posées par la loi, à défaut de quoi le contrat ne serait pas valide, ce qui est sanctionné par la nullité.

Les conditions de validité du contrat exigées par la loi sont énoncées à l’article 1128 du Code civil qui prévoit que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité de contracter
  • Un contenu licite et certain
  1. Le consentement

La question qui se pose ici est de savoir si les parties ont voulu contracter l’une avec l’autre ?

==> La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, les articles 1129 et suivants se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du contrat.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le contrat n’a pas pu se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
    • Dans cette hypothèse, l’absence de consentement porte dès lors, non pas sur la validité du contrat, mais sur sa conclusion même.
    • Autrement dit, le contrat est inexistant.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

a) L’existence du consentement

Le nouvel article 1129 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 apporte une précision dont il n’était pas fait mention dans le droit antérieur.

Cette disposition prévoit, en effet, que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de cette exigence

  • Contenu de la règle
    • L’article 1129 pose la règle selon laquelle l’insanité d’esprit constitue une cause de nullité du contrat
    • Autrement dit, pour pouvoir contracter il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, à défaut de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.
    • Il peut être observé que cette règle existait déjà à l’article 414-1 du Code civil qui prévoit que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. »
    • Cette disposition est, de surcroît d’application générale, à la différence, par exemple de l’article 901 du Code civil qui fait également référence à l’insanité d’esprit mais qui ne se rapporte qu’aux libéralités.
    • L’article 1129 fait donc doublon avec l’article 414-1.
    • Il ne fait que rappeler une règle déjà existante qui s’applique à tous les actes juridiques en général
  • Insanité d’esprit et incapacité juridique
    • L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique
      • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
        • Soit la loi
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
        • Soit une décision du juge
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
      • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.
    • Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.
    • Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.
    • À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.
    • En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).
    • L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.
    • Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.
  • Notion d’insanité d’esprit
    • Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit
    • Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche
    • Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).
    • Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.
    • Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000).
  • Sanction de l’insanité d’esprit
    • En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.
    • Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.
    • Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.
    • Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.
    • L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.

b) Les vices du consentement

i) Place des vices du consentement dans le Code civil

Il ne suffit pas que les cocontractants soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Cela se justifie par le principe d’autonomie de la volonté qui préside à la formation du contrat.

Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté le seul fait générateur du contrat, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation du contrat.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

ii) Énumération des vices du consentement

Aux termes de l’article 1130, al. 1 du Code civil « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

Il résulte de cette disposition que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

?) L’erreur

==> Notion

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

==> Conditions

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable

  • Une erreur déterminante
    • L’article1130 du Code civil prévoit que l’erreur vicie le consentement lorsque sans elle « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes»
    • Autrement dit, l’erreur est une cause de consentement lorsqu’elle a été déterminante du consentement de l’errans.
    • Cette exigence est conforme à la position de la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 21 septembre 2010, la troisième chambre civile a, par exemple, rejeté le pourvoi formé par la partie à une promesse synallagmatique de vente estimant que cette dernière « ne justifiait pas du caractère déterminant pour son consentement de l’erreur qu’il prétendait avoir commise» ( 3e civ., 21 sept. 2010).
    • L’article 1130, al. 2 précise que le caractère déterminant de l’erreur « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné»
    • Le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère déterminant de l’erreur
  • Une erreur excusable
    • Il ressort de l’article 1132 du Code civil que, pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être excusable
    • Par excusable, il faut entendre l’erreur commise une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n’a pas pu l’éviter.
    • Cette règle se justifie par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans.
    • Celui qui s’est trompé ne saurait, en d’autres termes, tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence refuse systématiquement de sanctionner l’erreur inexcusable (V. en ce sens par exemple 3e civ., 13 sept. 2005).
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les juges se livrent à une appréciation in concreto de l’erreur pour déterminer si elle est ou non inexcusable.
    • Lorsque, de la sorte, l’erreur est commise par un professionnel, il sera tenu compte des compétences de l’errans (V. en ce sens soc., 3 juill. 1990).
    • Les juges feront également preuve d’une plus grande sévérité lorsque l’erreur porte sur sa propre prestation.

==> L’erreur sur les qualités essentielles de la personne

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

En matière de pacs seule l’erreur sur les qualités essentielles du partenaire apparaît pertinente :

  • Principe
    • Au même titre que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, le législateur a entendu faire de l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant une cause de nullité ( 1133, al. 1 C. civ.).
    • Le législateur a ainsi reconduit la solution retenue en 1804 à la nuance près toutefois qu’il a inversé le principe et l’exception.
    • L’ancien article 1110 prévoyait, en effet, que l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
    • Ainsi, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne n’était, par principe, pas sanctionnée.
    • Elle ne constituait une cause de nullité qu’à la condition que le contrat ait été conclu intuitu personae, soit en considération de la personne du cocontractant.
    • Aujourd’hui, le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.»
    • L’exception instaurée en 1804 est, de la sorte, devenue le principe en 2016.
    • Cette inversion n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la règle dans la mesure où, in fine, l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité qu’en matière de contrats conclus intuitu personae.
  • Notion d’erreur sur la personne
    • L’erreur sur la personne du cocontractant peut porter
      • sur son identité
      • son honorabilité
      • sur son âge
      • sur l’aptitude aux relations sexuelles
      • sur la santé mentale

?) Le dol

==> Notion

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de l’erreur

Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.

En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.

En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.

==> Application

Le dol n’est pas une cause de nullité du mariage

Cette règle est associée à la célèbre formule du juriste Loysel : « en mariage trompe qui peut » (Institutes coutumières, livre Ier, titre II, no 3).

Le Code civil étant silencieux sur la question du dol en matière de mariage, la jurisprudence en a déduit que ne permettait pas d’obtenir son annulation.

Par analogie, il est fort probable que cette règle soit transposable au pacs

Admettre le contraire reviendrait à prendre le risque d’aboutir à de nombreuses actions en nullité du pacs, ne serait-ce que par le dol peut être invoqué pour tout type d’erreur, peu importe qu’elle soit ou non excusable.

?) La violence

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement
    • Il peut être observé que, depuis l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avr. 2006, la violence est expressément visée par l’article 180 du Code civil applicable au couple marié.

==> Conditions

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis : l’exercice d’une contrainte et l’inspiration d’une crainte.

  • L’exercice d’une contrainte
    • L’objet de la contrainte : la volonté du contractant
      • Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.
      • La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.
    • La consistance de la contrainte : une menace
      • La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.
      • Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.
      • Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens
    • Le caractère de la contrainte : une menace illégitime
      • La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.
      • A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
      • La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.
      • En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?
      • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
      • Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).
  • L’inspiration d’une crainte
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.»
    • Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose, d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable, d’autre part que ce mal considérable soit dirigé, soit vers la personne même de la victime, soit vers sa fortune, soit vers ses proches
      • L’exposition à un mal considérable
        • Reprise de l’ancien texte
          • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
          • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
        • Notion
          • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
          • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
          • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
          • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
          • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
          • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
          • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
          • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
        • Exclusion de la crainte révérencielle
          • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
          • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
          • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que pour qu’une telle crainte puisse entraîner l’annulation d’un contrat, cela suppose qu’elle ait pour fait générateur une menace.
          • Dans un arrêt du 22 avril 1986, la première chambre civile a ainsi admis l’annulation d’une convention en relevant que « l’engagement pris par M.Philippe X… est dû aux pressions exercées par son père sur sa volonté ; que ces pressions sont caractérisées, non seulement par le blocage des comptes en banque de la défunte suivi d’une mainlevée une fois l’accord conclu, mais aussi par la restitution à la même date d’une reconnaissance de dette antérieure ; qu’elle retient que ces contraintes étaient d’autant plus efficaces qu’à cette époque M.Philippe X… souffrait d’un déséquilibre nerveux altérant ses capacités intellectuelles et le privant d’un jugement libre et éclairé»
          • La haute juridiction en déduit, compte tenu des circonstances que « ces pressions étaient susceptibles d’inspirer à celui qui les subissait la crainte d’exposer sa fortune à un mal considérable et présent, et constituaient une violence illégitime de la part de leur auteur de nature à entraîner la nullité de la convention» ( 1ère civ. 22 avr. 1996).
          • Manifestement, le pacs se distingue sur cette question du mariage.
          • L’article 180 du Code civil prévoit, en effet, que « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
          • Ainsi, tandis qu’en matière de mariage la simple crainte révérencielle est une cause de nullité, tel n’est pas le cas en matière de pacs.
        • L’objet de la crainte
          • Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
          • Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :
            • soit sa personne
            • soit sa fortune
            • soit celles de ses proches
          • Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

2. La capacité

Conformément à l’article 515-1 du Code civil, il faut être majeur pour être en capacité de conclure un pacs.

Cette règle se justifie par la nature du pacs qui est un contrat. Or conformément à l’article 1145 du Code civil pour contracter il convient de n’être frappé d’aucune incapacité.

L’article 1146 précise que « sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

  • Les mineurs non émancipés ;
  • Les majeurs protégés au sens de l’article 425, soit « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre»

À la vérité, le cercle des personnes admises à conclure à conclure un pacs n’est pas le même que celui envisagé par le droit commun des contrats.

  • En premier, le législateur a catégoriquement refusé aux mineurs émancipés de conclure un pacs, ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 1999 ( Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999)
  • En second lieu, les majeurs frappés d’une incapacité ne sont nullement privés de la faculté de conclure un pacs

==> Les majeurs sous tutelle

Dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 1999, l’article 506-1 du Code civil disposait que « les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte civil de solidarité »

Ainsi, les majeurs protégés étaient exclus du champ d’application du pacs.

Cette interdiction a, toutefois, été levée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

L’article 462 du Code civil dispose désormais que « La conclusion d’un pacte civil de solidarité par une personne en tutelle est soumise à l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage »

Pour ce faire, « l’intéressé est assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. Aucune assistance ni représentation ne sont requises lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire prévue au premier alinéa de l’article 515-3. »

==> Les majeures sous curatelle

S’agissant des majeurs sous curatelle, ils sont également autorisés à conclure un pacs.

L’article 461 du Code civil dispose en ce sens que « la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, signer la convention par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. »

À la différence du majeur sous tutelle, la personne placée sous curatelle est dispensée de l’assistance de son curateur lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire.

==> Les majeurs sous sauvegarde de justice

Aux termes de l’article 435 du Code civil « la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437. »

Il en résulte qu’elle est parfaitement libre de conclure un pacs, sans qu’aucune restriction ne s’impose à elle.

3. Le contenu licite et certain

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Appliquée au pacs cette exigence se traduit par l’obligation, pour les prétendants, d’adhérer à la finalité que le législateur a entendu attacher au pacs : l’organisation de la vie commune des partenaires

Autrement dit, pour être valide, le pacs ne doit pas être fictif, ce qui implique que le consentement des partenaires ne doit pas avoir été simulé.

Au vrai, il s’agit là de la même exigence que celle posée en matière matrimoniale, la jurisprudence prohibant ce que l’on appelle les « mariages blancs ».

Dans un arrêt Appietto du 20 novembre 1963, la Cour de cassation avait estimé en ce sens que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale » (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1963).

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

  • Premier enseignement
    • La Cour de cassation considère que lorsque le mariage est fictif, soit lorsque les époux ont poursuivi un résultat étranger à l’union matrimonial, celui-ci doit être annulé pour défaut de consentement.
    • Il s’agit là d’une nullité absolue qui donc peut être invoquée par quiconque justifie d’un intérêt à agir et qui se prescrit par trente ans
  • Second enseignement
    • Il ressort de l’arrêt Appietto que la Cour de cassation opère une distinction entre les effets primaires du mariage et ses effets secondaires
      • Les effets primaires
        • Ils ne peuvent être obtenus que par le mariage
          • Filiation
          • Communauté de biens
      • Les effets secondaires
        • Ils peuvent être obtenus par d’autres biais que le mariage
          • Acquisition de la nationalité
          • Avantages fiscaux
          • Avantages patrimoniaux

Pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient et/ou ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

De toute évidence, le même raisonnement peut être tenu en matière de pacs, encore que celui-ci procure aux partenaires bien moins d’avantages que n’en procure le mariage aux époux.

La conséquence en est que l’intérêt pour des partenaires de conclure un pacs blanc est pour le moins limité.

C) Les conditions tenant à la filiation des partenaires

Bien que le pacs s’apparente à un contrat, le législateur a posé un certain nombre d’empêchement qui interdisent à certaines personnes de conclure un pacs entre elles, interdictions qui tienne à des considérations d’ordre public.

==> Les empêchements qui tiennent au lien de parenté

L’article 515-2 du Code civil prévoit que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacs :

  • Entre ascendant et descendant en ligne directe
    • L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption
    • Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.
    • La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres
    • Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

  • Entre alliés en ligne directe
    • Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

Schéma 2.JPG

  • Entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus
    • La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun
    • Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré
    • L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

Schéma 3.JPG

==> Les empêchements qui tiennent à la polygamie

Bien que le pacs soit ouvert aux couples formés entre deux personnes de même sexe, le législateur n’a pas souhaité reconnaître la polygamie.

Ainsi, a-t-il transposé, au pacs, l’interdiction posée à l’article 147 du Code civil qui prévoit que « on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

Dans le droit fil de cette disposition l’article 515-2 dispose que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

  • Entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage
  • Entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité

Il peut toutefois être observé que l’article 515-7, al. 3 du Code civil autorise une personne engagée dans les liens du pacs à se marier, d’où il s’ensuit une rupture de la première union.

Pacs et mariage ne sont ainsi, sur cet aspect, pas mis sur un même pied d’égalité. Si l’existence d’une union matrimoniale fait obstacle à la conclusion d’un pacs, l’inverse n’est pas.

Ces deux formes d’union conjugale se rejoignent néanmoins sur le principe de prohibition de la polygamie : dans les deux cas, l’inobservation de cette interdiction est sanctionnée par la nullité absolue.

II) Les conditions de forme

La conclusion d’un pacs est subordonnée à la réunion de trois conditions de forme

A) L’établissement d’une convention

==> Établissement d’un écrit

Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « à peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer.»

Il ressort de cette disposition que la conclusion d’un pacs suppose l’établissement d’une convention. Il s’agit là d’une condition dont l’inobservance est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande d’enregistrement du pacs.

Aussi, dans l’hypothèse où un pacs serait enregistré, en violation de cette exigence, il n’en demeurait pas moins valide.

Toutefois, l’article 515-3-1 du Code civil précise que « le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine»

D’aucuns considère qu’il s’infère de cette disposition que l’établissement d’un écrit est exigé à peine de nullité.

Selon nous, il convient néanmoins de ne pas confondre la validité du pacs de son opposabilité.

Il peut être observé que dans sa rédaction antérieure, l’article 515-3 exigeait que les partenaires produisent une convention en double original ce qui, ipso facto, excluait la possibilité de recourir à l’acte authentique celui-ci ne comportant qu’un seul original : celui déposé au rang des minutes du notaire instrumentaire.

Aussi, la convention sur laquelle était assis le pacs ne pouvait être établie que par acte sous seing privé.

Pour remédier à cette anomalie le législateur a modifié, à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, l’article 515-3 lequel prévoit désormais en son alinéa 5 que « lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclaration conjointe, procède à l’enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l’alinéa précédent. »

==> Le contenu de la convention

La circulaire n°2007-03 CIV du 5 février 2007 relative à la présentation de la réforme du pacte civil de solidarité est venue préciser ce qui devait être prévu par la convention conclue par les partenaires

  • Sur la convention en elle-même
    • Aucune forme ni contenu particulier autres que ceux prévus par les règles de droit commun applicables aux actes sous seing privé ou authentiques ne sont requis, de sorte que la convention peut simplement faire référence aux dispositions de la loi du 15 novembre 1999 et aux articles 515-1 à 515-7 du code civil.
    • La convention doit toutefois être rédigée en langue française et comporter la signature des deux partenaires.
    • Si l’un des partenaires est placé sous curatelle assortie de l’exigence de l’autorisation du curateur pour conclure un pacte civil de solidarité, la convention doit porter la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée.
    • Il appartient au greffier de vérifier la qualité du curateur contresignataire de la convention en sollicitant la production de la décision judiciaire le désignant, ainsi que la photocopie d’un titre d’identité.
    • Il ne revient pas au greffier d’apprécier la validité des clauses de la convention de pacte civil de solidarité, ni de conseiller les parties quant au contenu de leur convention. S’il est interrogé par les partenaires sur ce point, il importe qu’il les renvoie à consulter un notaire ou un avocat.
    • Si la convention paraît contenir des dispositions contraires à l’ordre public, le greffier informe les partenaires du risque d’annulation. Si les intéressés maintiennent ces dispositions, il doit enregistrer le pacte en les informant qu’il en saisit le procureur de la République
    • À titre d’exemple, il pourra être considéré que seraient manifestement contraires à l’ordre public des dispositions d’une convention de PACS qui excluraient le principe d’aide matérielle et d’assistance réciproques entre partenaires ou le principe de solidarité entre partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par chacun d’eux au titre des dépenses de la vie courante.
    • Enfin, l’officier de l’état civil vérifiera qu’ont été respectées les conditions prévues aux articles 461 et 462 du code civil applicables lorsque l’un des partenaires est placé sous curatelle ou sous tutelle
  • Documents annexes à produire
    • Pièce d’identité
      • Le greffier doit tout d’abord s’assurer de l’identité des partenaires.
      • À cette fin, chaque partenaire doit produire l’original de sa carte nationale d’identité ou de tout autre document officiel délivré par une administration publique comportant ses noms et prénoms, la date et le lieu de sa naissance, sa photographie et sa signature, ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance de celui-ci.
      • Il en va de même chaque fois que les partenaires doivent justifier de leur identité.
      • Le greffe conserve une copie de ce document.
    • Pièces d’état civil
      • La production des pièces d’état civil doit permettre au greffier de déterminer qu’il n’existe pas d’empêchement légal à la conclusion du pacte civil de solidarité au regard des articles 506-1, 515-1 et 515-2 du code civil.
      • Les pièces permettant de vérifier que ces trois séries de conditions sont réunies diffèrent selon que l’état civil des partenaires est ou non détenu par l’autorité française.
      • Dans tous les cas, doit être jointe une déclaration sur l’honneur par laquelle les partenaires indiquent n’avoir entre eux aucun lien de parenté ou d’alliance qui constituerait un empêchement au pacte civil de solidarité en vertu de l’article 515-2 du code civil.

B) L’enregistrement du pacs

==> Enregistrement auprès de l’officier d’état civil

  • Le transfert de compétence
    • Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. »
    • Dorénavant, c’est donc auprès de l’officier d’état civil qu’il convient de faire enregistrer un pacs.
    • En 1999, le législateur avait prévu que le pacs devait être enregistré auprès du greffe du Tribunal d’instance.
    • Les députés avaient voulu marquer une différence avec le mariage.
    • Lors de son intervention en 2016, le législateur n’a toutefois pas souhaité conserver cette différence de traitement entre le pacs et le mariage.
    • Pour ce faire, il s’est appuyé sur le constat que les obstacles symboliques qui avaient présidé en 1999 au choix d’un enregistrement au greffe du tribunal d’instance avaient disparu.
    • Ainsi, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a-t-elle transféré aux officiers de l’état civil les compétences anciennement dévolues aux greffes des tribunaux d’instance.
  • La procédure d’enregistrement
    • La circulaire du 10 mai 2017 de présentation des dispositions en matière de pacte civil de solidarité issues de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de l’état civil de l’enregistrement des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité précise la procédure d’enregistrement du pacs.
    • Elle prévoit notamment qu’il appartient au maire de chaque commune de déterminer s’il souhaite faire enregistrer les PACS dès que les partenaires se présentent en mairie ou s’il souhaite mettre en place un système de prise de rendez-vous de déclaration conjointe de PACS.
    • Par ailleurs, le formulaire Cerfa de déclaration de PACS, accompagné des pièces justificatives, pourra être transmis par les partenaires par correspondance à la mairie chargée d’enregistrer le PACS en amont de l’enregistrement de la déclaration conjointe de conclusion de PACS.
    • Cette transmission peut s’effectuer par voie postale ou par téléservice et permettra une analyse du dossier de demande de PACS par les services de la commune en amont de la déclaration conjointe.
    • Un téléservice, reprenant les champs du formulaire Cerfa, pourra être mis en œuvre par les communes qui le souhaitent dans le respect du référentiel général de sécurité des systèmes d’information.

==> Compétence territoriale

  • Le lieu de la résidence commune
    • L’article 515-3 prévoit que les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune
    • La circulaire du 10 mai 2017 précise que les intéressés n’ont pas besoin de résider déjà ensemble au moment de la déclaration.
    • En revanche, ils doivent déclarer à l’officier de l’état civil l’adresse qui sera la leur dès l’enregistrement du pacte.
  • La notion de résidence commune
    • La « résidence commune » doit s’entendre comme étant la résidence principale des intéressés quel que soit leur mode d’habitation (propriété, location, hébergement par un tiers).
    • La résidence désignée par les partenaires ne peut donc correspondre à une résidence secondaire.
    • En particulier, deux ressortissants étrangers résidant principalement à l’étranger ne peuvent valablement conclure un PACS.
  • La preuve de la résidence commune
    • Les partenaires feront la déclaration de leur adresse commune par une attestation sur l’honneur.
    • Aucun autre justificatif n’est à exiger mais l’officier de l’état civil doit appeler l’attention des intéressés sur le fait que toute fausse déclaration est susceptible d’engager leur responsabilité pénale.
  • L’incompétence de l’officier d’état civil
    • Lorsque la condition de résidence n’est pas remplie, l’officier de l’état civil rendra une décision d’irrecevabilité motivée par son incompétence territoriale.
    • Cette décision est remise aux intéressés avec l’information qu’ils disposent d’un recours devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.
    • S’agissant des décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci pourront être contestées auprès du président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Comparution conjointe des partenaires

  • Principe
    • Il ressort de l’article 515-3 du Code civil que pour faire enregistrer leur déclaration de pacte civil de solidarité, les partenaires doivent se présenter en personne et ensemble à la mairie dans laquelle ils fixent leur résidence commune.
    • En raison du caractère éminemment personnel de cet acte, ils ne peuvent recourir à un mandataire.
    • Il est par ailleurs rappelé qu’en l’absence de dispositions en ce sens, les partenaires ne peuvent exiger la tenue d’une cérémonie pour enregistrer leur PACS, contrairement aux dispositions régissant le mariage.
    • Toutefois, le maire de chaque commune pourra prévoir à son initiative l’organisation d’une telle célébration qui pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une délégation des fonctions d’officier de l’état civil à l’un ou plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune au même titre que l’ensemble des attributions dont l’officier de l’état civil a la charge en matière de PACS.
  • Exceptions
    • En cas d’empêchement momentané de l’un des partenaires
      • Si l’un des deux partenaires est momentanément empêché, l’officier de l’état civil devra inviter celui qui se présente seul à revenir ultérieurement avec son futur partenaire pour l’enregistrement du PACS.
    • En cas d’empêchement durable de l’un des partenaires
      • Lorsque l’un des partenaires est empêché et qu’il ne paraît pas envisageable de différer l’enregistrement dans un délai raisonnable, l’officier de l’état civil pourra se déplacer jusqu’à lui.
      • En cas d’hospitalisation ou d’immobilisation à domicile, l’impossibilité durable de se déplacer jusqu’à la mairie devra être justifiée par un certificat médical.
        • Si le partenaire empêché se trouve sur le territoire de la commune, l’officier de l’état civil se déplacera auprès de lui pour constater sa volonté de conclure un PACS avec le partenaire non empêché.
          • Il importe que l’officier de l’état civil dispose de la convention de PACS et s’assure que le partenaire empêché est bien le signataire de celle-ci.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra aussitôt à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
        • Si le partenaire empêché se trouve hors le territoire de la commune, l’officier de l’état civil transmettra à l’officier de l’état civil de la commune de résidence du partenaire empêché une demande de recueil de déclaration de volonté de conclure un PACS, précisant l’identité des intéressés et l’adresse du lieu dans lequel se trouve le partenaire empêché.
          • À la réception de cette demande, l’officier de l’état civil destinataire se déplacera pour constater la volonté de l’intéressé de conclure un PACS, qu’il consignera par tous moyens et transmettra à l’officier de l’état civil qui l’a saisi.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra alors à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
          • Une telle organisation pourra notamment être retenue lorsque l’un des partenaires est incarcéré pour une longue période et se trouve ainsi durablement empêché.

==> Vérification des pièces produites par les partenaires

L’officier de l’état civil qui constate que le dossier est incomplet devra inviter les partenaires à le compléter.

Il n’y a pas lieu, dans cette hypothèse, de rendre une décision d’irrecevabilité, sauf à ce que les partenaires persistent dans leur refus de produire une ou plusieurs pièces justificatives.

En revanche, si l’officier de l’état civil constate, au vu des pièces produites par les partenaires, soit une incapacité, soit un empêchement au regard des articles 515-1 ou 515-2 du code civil, il devra refuser d’enregistrer la déclaration de PACS.

Ce refus fera alors l’objet d’une décision motivée d’irrecevabilité dont l’officier de l’état civil conservera l’original, une copie certifiée conforme étant remise aux partenaires.

Cette décision d’irrecevabilité est enregistrée, au même titre que les déclarations, modifications et dissolutions de PACS, l’enregistrement devant préciser la date et le motif de la décision d’irrecevabilité

La décision d’irrecevabilité mentionne par ailleurs que les partenaires peuvent exercer un recours devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés

S’agissant des contestations relatives aux décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci seront portées devant le président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Modalités d’enregistrement

Après avoir procédé aux vérifications décrites ci-dessus et s’être assuré que les partenaires ont bien entendu conclure un pacte civil de solidarité, l’officier de l’état civil enregistre la déclaration conjointe de PACS.

Les déclarations conjointes de PACS sont enregistrées, sous forme dématérialisée, au sein de l’application informatique existante dans les communes pour traiter des données d’état civil

Ce n’est qu’à défaut d’une telle application informatique que l’enregistrement des PACS s’effectue dans un registre dédié, qui devra satisfaire aux conditions de fiabilité, de sécurité et d’intégrité fixées par arrêté à paraître du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des affaires étrangères.

S’il ne s’agit pas d’un registre de l’état civil, les pages de ce registre doivent néanmoins être numérotées et utilisées dans l’ordre de leur numérotation.

Ce registre dédié fait par ailleurs l’objet d’une durée de conservation particulière, qui est de 75 ans à compter de sa clôture ou de 5 ans à compter du dernier PACS dont la dissolution y a été enregistrée, si ce dernier délai est plus bref.

Conformément à l’article 4 du décret n° 2006-1807 du 23 décembre 2006 modifié, l’officier de l’état civil enregistre :

  • Les prénoms et nom, date et lieu de naissance de chaque partenaire
  • Le sexe de chaque partenaire
  • La date et le lieu d’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS
  • Le numéro d’enregistrement de cette déclaration.
  • Le numéro d’enregistrement doit être composé impérativement de 15 caractères comprenant :
    • le code INSEE de chaque commune (5 caractères)
    • l’année du dépôt de la déclaration conjointe de PACS (4 caractères)
    • le numéro d’ordre chronologique (6 caractères).
  • La numérotation étant annuelle, elle ne doit pas s’effectuer de manière continue mais recommencer à la première unité au début de chaque année.
  • De manière concomitante à l’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS, l’officier de l’état civil vise en fin d’acte, après avoir numéroté et paraphé chaque page et en reportant sur la dernière le nombre total de pages, la convention qui lui a été remise par les partenaires.
  • Le visa consiste en l’apposition du numéro et de la date d’enregistrement de la déclaration, de la signature et le sceau de l’officier de l’état civil :
  • La date portée par l’officier de l’état civil sur la convention est celle du jour de l’enregistrement de la déclaration de PACS.

L’officier de l’état civil restituera aux partenaires la convention dûment visée sans en garder de copie.

Il rappelle à ces derniers que la conservation de la convention relève de leur responsabilité et les invitera à prendre toutes mesures pour en éviter la perte

==> Conservation des pièces

L’article 7 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 modifié dispose que: « Sans préjudice de la sélection prévue à l’article L.212-3 du code du patrimoine, les pièces suivantes sont conservées, pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la dissolution du pacte civil de solidarité, par l’officier de l’état civil auprès duquel la convention est enregistrée ou par les agents diplomatiques et consulaires lorsque le pacte civil de solidarité a fait l’objet d’une déclaration à l’étranger :

  • Les pièces, autres que la convention, qui doivent être produites en application du présent décret en vue de l’enregistrement de la déclaration de pacte civil de solidarité, parmi lesquelles la photocopie du document d’identité ;
  • La déclaration écrite conjointe prévue au quatrième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • La copie de la signification prévue au cinquième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • L’avis de mariage ou de décès visé à l’article 3 du présent décret. »

Ainsi, l’officier de l’état civil devra conserver, après enregistrement d’un PACS conclu :

  • La pièce d’identité et les pièces d’état civil
  • le formulaire Cerfa de déclaration de PACS contenant les informations relatives aux futurs partenaires ainsi que leur déclaration sur l’honneur de résidence commune et d’absence de lien de parenté ou d’alliance
  • les récépissés des avis de mention transmis à/aux officier(s) de l’état civil dépositaire(s) des actes de naissance des partenaires et/ou au service central d’état civil assurant la publicité des PACS dont l’un au moins des partenaires est de nationalité étrangère né à l’étranger.

La convention de PACS doit être restituée aux partenaires de sorte qu’aucune copie ne peut être conservée par l’officier de l’état civil.

Les pièces précitées devront être conservées pendant une durée de cinq ans à compter de la date de dissolution du PACS.

À l’issue de ce délai, ces pièces feront l’objet d’une destruction,

Enfin, il est précisé que la conservation des pièces ayant permis l’enregistrement de la déclaration de PACS s’effectue en principe sous un format papier.

Toutefois, leur conservation électronique est possible si les modalités de leur conservation respectent les conditions fixées dans le cadre de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

En effet, l’article 1379 du code civil présume « fiable jusqu’à preuve contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »

Si une telle option était privilégiée par la commune, cette dernière devrait ainsi respecter les conditions de l’archivage électronique des données prévues par le décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 relatif à la fiabilité des copies et pris pour l’application de l’article 1379 du code civil.

La possibilité de détruire les pièces papier devra être validée par l’accord écrit de la personne en charge du contrôle scientifique et technique sur les archives, à savoir, pour les communes, le directeur des archives départementales territorialement compétent.

C) La publicité du pacs

  • Principe
    • Aux termes de l’article 515-3, al. 4 du Code civil « l’officier de l’état civil enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité. »
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste l’accomplissement des formalités de publicité pour l’officier d’état civil.
    • Pour le déterminer, il convient de se tourner vers l’article 515-3-1 qui précise que « il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité, avec indication de l’identité de l’autre partenaire ».
    • Cette disposition précise que « pour les personnes de nationalité étrangère nées à l’étranger, cette information est portée sur un registre tenu au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères.»
    • Par ailleurs, les conventions modificatives sont soumises à la même publicité
    • Enfin, il peut être observé que lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire, en plus de recueillir la déclaration conjointe, de procéder à l’enregistrement du pacte, il lui appartient d’accomplir les formalités de publicité du pacs
    • Pour ce faire, il doit transmettre à l’officier de l’état civil du lieu de naissance des partenaires un avis aux fins d’inscription à l’état civil.
  • Modalités de publicité
    • L’officier de l’état civil ayant enregistré la déclaration de PACS doit envoyer sans délai un avis de mention aux officiers de l’état civil dépositaires des actes de naissance des partenaires.
    • Ces avis de mention sont envoyés par courrier ou, le cas échéant, par voie dématérialisée dans le cadre du dispositif COMEDEC (COMmunication Electronique de Données d’Etat Civil), plateforme d’échanges mise en œuvre par le décret n° 2011-167 du 10 février 2011.
    • Dans l’hypothèse de la mise à jour d’actes de l’état civil étranger, l’officier de l’état civil saisi transmet l’avis de mention correspondant à l’autorité désignée pour le recevoir, conformément à la convention bilatérale ou multilatérale applicable.
    • À défaut, l’officier de l’état civil saisi rappelle à l’intéressé, d’une part, qu’il lui appartient d’effectuer des démarches auprès de l’autorité locale compétente tendant à la reconnaissance du PACS et, d’autre part, que cette décision pourrait ne pas être reconnue par les autorités de cet Etat.
    • Les officiers de l’état civil destinataires de l’avis de mention doivent procéder à la mise à jour des actes de naissance des partenaires dans les trois jours (article 49 du code civil).
    • Après avoir apposé la mention de déclaration de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, l’officier de l’état civil retourne à l’autorité ayant enregistré le PACS (officier de l’état civil, poste diplomatique ou consulaire, notaire) le récépissé figurant sur l’avis de mention.
    • Il est précisé que la date d’apposition de la mention de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire n’a pas à être enregistrée par l’officier de l’état civil ayant reçu la déclaration de PACS.
    • En revanche, ledit récépissé devra être classé au dossier contenant les autres pièces dont l’officier de l’état civil doit assurer la conservation.

D) L’opposabilité du pacs

  • L’opposabilité du pacs entre les partenaires
    • L’article 515-3-1, al. 2 prévoit que le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine.
    • Afin que les partenaires puissent justifier immédiatement du PACS enregistré, l’officier de l’état civil leur remet un récépissé d’enregistrement
    • La preuve de l’enregistrement du PACS peut également être effectuée par les partenaires au moyen du visa apposé par l’officier de l’état civil sur leur convention de PACS.
    • Il est noté que l’officier de l’état civil peut délivrer un duplicata du récépissé d’enregistrement en cas de perte par les partenaires de l’original de la convention de PACS et sur production d’une pièce d’identité.
  • L’opposabilité du pacs à l’égard des tiers
    • Il ressort de l’article 515-3-1, al. 2 que, à l’égard des tiers, le pacs est opposable, non pas à compter de son enregistrement, mais à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies.
    • Ainsi, l’officier de l’état civil ayant enregistré le PACS avise sans délai, par le biais d’un avis de mention, l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance de chaque partenaire afin qu’il y soit procédé aux formalités de publicité.
    • Si l’un des partenaires est de nationalité étrangère et né à l’étranger, l’avis est adressé au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, à charge pour celui-ci de porter sans délai la mention de la déclaration de PACS sur le registre mentionné à l’article 515-3-1 alinéa 1er du code civil.
    • Enfin, si l’un des partenaires est placé sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA, l’avis est adressé à cet office (Décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006, article 6).

Section 3: Les effets du pacs

À l’instar du mariage le pacs produit deux sortes d’effets :

  • Des effets personnels
  • Des effets patrimoniaux

I) Les effets personnels du pacs

A) Les effets positifs

  1. L’obligation de vie commune

L’article 515-4 du Code civil prévoit que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune »

Parce que le pacs est avant tout une union entre deux personnes qui envisagent de vivre ensemble, l’obligation de vie commune est consubstantielle de cette institution.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par vie commune et plus précisément qu’est-ce que cette obligation recoupe.

Dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a apporté un élément de réponse en affirmant que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel le pacs est bien plus qu’une communauté d’intérêt, telle que peut l’être, par exemple, une société.

L’obligation de vie commune suppose pour les partenaires d’observer trois règles auxquelles ils ne sauraient déroger par convention contraire :

  • Le devoir de cohabitation
    • Le devoir de cohabitation est expressément visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 1999.
    • Partager une vie commune c’est, avant tout, cohabiter, soit vivre sous le même toit. Il appartiendra donc aux partenaires de déterminer leur lieu de résidence.
  • Le devoir charnel
    • Le Conseil constitutionnel considère que, plus qu’une communauté d’intérêts, l’obligation de vie commune suppose « une vie de couple»
    • Autrement dit, le pacs n’implique pas seulement une communauté de vie, il invite à une communauté de lit.
    • Aussi, les partenaires s’engagent-ils à avoir des rapports sexuels entre eux.
  • Devoir de fidélité
    • La question s’est posée de savoir si, à l’instar des époux, à qui s’impose un devoir de fidélité, s’il en allait de même pour les partenaires.
    • Trois arguments peuvent être avancés au soutien d’une réponse positive à cette interrogation.
      • En premier lieu, en ce que le pacs est un contrat, les partenaires sont, tenus, comme les contractants à une obligation de loyauté et de bonne foi conformément à l’article 1104 du Code civil.
      • En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel, l’obligation de communauté de vie suppose une « vie de couple», cela signifie que les partenaires doivent exercer une certaine exclusivité l’un sur l’autre.
      • En troisième lieu, pourquoi le législateur a-t-il institué des d’empêchement qui tiennent au lien de parenté sinon pour prévenir les cas d’inceste, le pacs impliquant nécessairement l’entretien de rapports sexuels.
    • Pour l’heure, on ne recense qu’une seule décision sur l’obligation de fidélité dont serait assorti le pacs.
    • Elle a été rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Lille qui a été amené à statuer en référé sur cette question.
    • Dans cette décision il a estimé que, sur le fondement de l’obligation de loyauté rattachée à l’ancien article 1134 du Code civil que l’obligation de vie commune commande de « sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires» (TGI Lille, ord., 5 juin 2002).
    • Bien qu’il ne s’agisse que d’une ordonnance de référé, il est de fortes chances que la Cour de cassation adopte une solution similaire, si elle était amenée à statuer sur cette question.

2. L’obligation d’assistance

L’obligation d’assistance a été introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cette obligation est prévue à l’article 515-4 du Code civil qui dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une assistance réciproque ».

Elle implique pour les partenaires de se prêter une aide morale et psychologique. Ils doivent, autrement dit, se soutenir l’un l’autre afin d’affronter ensemble les difficultés de la vie.

3. L’aide matérielle

==> Contenu de l’obligation

Aux termes de l’article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle] ».

Cette disposition précise que «  si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

De toute évidence, il s’agit là d’une transposition de l’article 214 applicable aux époux qui édicte à leur endroit une obligation de contribution aux charges ménagères.

Pour mémoire, cet article dispose que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

La règle posée à l’article 515-4 est sensiblement la même, de sorte que les partenaires sont également tenus de contribuer aux charges du ménage à hauteur de leurs facultés respectives.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste cette obligation. Deux éléments doivent être envisagés pour le déterminer :

  • Quelles sont les charges du ménage ?
    • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
    • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
    • Les charges du ménage correspondent au train de vie des partenaires
      • Exemples: nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
  • Quelle est étendue de la contribution des partenaires ?
    • Chaque partenaire doit contribuer aux charges du ménage en proportion de ses facultés.
    • Le conseil constitutionnel a précisé que « dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires».
      • Exemple: si un partenaire gagne 1000 euros et l’autre 2000 euros alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du ménage.

==> Sanction de l’obligation

À la différence de l’article 214 du Code civil, l’article 515 ne prévoit pas d’action en contribution en cas de défaillance de l’un des partenaires.

En matière matrimoniale, il est, en effet, prévu que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Est-ce à dire que les partenaires ne disposeraient d’aucune action pour obliger l’autre à contribuer aux charges du ménage ? On peut en douter.

==> Caractère de l’obligation

On observera que, dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a affirmé, s’agissant de l’aide matérielle à laquelle s’obligent les partenaires que « si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ».

Aussi, cela signifie-t-il que cette obligation est d’ordre public. Si, dès lors, les partenaires peuvent en aménager les modalités, ils ne sauraient la supprimer.

3. Statut fiscal

Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.

Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)

Les partenaires sont solidairement tenus au paiement :

  • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
  • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit ( 1691 bis I CGI)
  • de l’impôt de solidarité sur la fortune ( 1723 ter-00 B CGI).

4. Droit sociaux

Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).

Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).

S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.

Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.

Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

5. Droit au logement

Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.

Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.

Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

B) Les effets négatifs

À la différence du mariage, le pacs ne produit pas un certain nombre d’effets qu’il convient de lister afin de dresser une comparaison.

==> Sur le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (article 225-1 du code civil).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom. Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple

==> Sur la filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – article 312 du code civil).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (article 343 du code civil) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 du code civil).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (article 343 du code civil) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> Sur la nationalité

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 et s. du code civil).
    • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
    • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : articles 21-14-1 et suivants du code civil).

II) Les effets patrimoniaux du pacs

L’étude des effets patrimoniaux du pacs suppose de distinguer les rapports des partenaires entre eux de ceux qu’ils entretiennent avec les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre partenaires

  1. Principe

==> La répartition des biens

Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».

Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.

Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.

Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.

La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.

En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.

  • S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
    • Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la