La possession d’un bien ne produit pas seulement un effet probatoire, elle emporte également un effet acquisitif lorsque certaines conditions sont remplies. Cet effet attaché à la possession procède du jeu de la prescription acquisitive.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »
Immédiatement, il convient de distinguer la prescription acquisitive de la prescription extinctive.
- La prescription extinctive
- En application de l’article 2227 du Code civil, « le droit de propriété est imprescriptible»
- Il en résulte que la propriété ne se perd par le non-usage, raison pour laquelle la prescription extinctive est inopposable au propriétaire.
- Cette prescription extinctive joue, en revanche, s’agissant des actions réelles immobilières qui se prescrivent par trente ans.
- La prescription acquisitive
- La prescription acquisitive a pour effet de permettre au possesseur de devenir propriétaire du bien qu’il possède à l’expiration d’un certain délai.
- Cette prescription qui peut avoir pour effet de priver le propriétaire initial d’un bien à la faveur du possesseur a été jugé par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 30 2007 comme conforme à l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme (CEDH 30 août 2007, Gde ch. J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c/ Royaume-Uni, n° 44302/02).
- Les juges strasbourgeois considèrent que l’instauration d’une prescription acquisitive relève du pouvoir des États de « réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général».
S’agissant de la possession, c’est donc la prescription acquisitive qui a vocation à jouer. À cet égard, ses conditions de mise en oeuvre diffèrent selon que l’on est en présence d’un meuble ou d’un immeuble.
Par ailleurs, la présomption ne permet pas seulement d’acquérir un bien, elle emporte également l’acquisition des fruits.
I) L’acquisition du bien
L’effet acquisitif de la possession varie donc selon qu’elle porte sur un meuble ou sur un immeuble. À l’intérieur de chaque catégorie de biens, il convient encore de distinguer selon que le possesseur est de bonne foi ou de mauvaise foi.
Reste que toute possession utile, quand bien même le possesseur est de mauvaise foi, fait acquérir la propriété du bien.
Cette règle résulte clairement de l’article 2261 du Code civil qui ne fait nullement référence à l’exigence de bonne foi.
Dès lors, le principe c’est la production d’un effet acquisitif pour toute possession. La mise en œuvre de ce principe connaît néanmoins des variations selon que le possesseur est de bonne ou de mauvaise foi.
A) Le principe
- L’effet acquisitif de la possession utile
L’article 2261 du Code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
Il ressort de cette disposition que la possession produit un effet acquisitif pourvu qu’elle soit prolongée dans le temps et qu’elle ne soit affectée d’aucun vice.
Si les conditions sont remplies, le possesseur devient titulaire du droit par l’effet de la prescription acquisitive : c’est ce que l’on appelle l’usucapion.
Si la règle ainsi posée s’applique tant aux meubles qu’aux immeubles, la durée de la prescription diffère d’une catégorie à l’autre.
- Pour les immeubles, la durée de la prescription acquisitive est fixée à trente ans
- Pour les meubles, la possession produit, par principe, un effet acquisitif immédiat
2. Calcul de la prescription
==> Modalités de calcul
La prescription acquisitive ne fonde le droit de propriété du possesseur, qu’autant que le possesseur est en mesure de justifier l’écoulement d’un certain délai.
En application de l’article 2228 du Code civil, ce délai, qui est fixé en année, et qui varie selon que l’on est en présence d’un meuble ou d’un immeuble, se calcule en jours et non en heures.
Quant à l’expiration du délai, elle intervient lorsque le dernier jour du terme est accompli (art. 2229 C. civ.).
Combinées au droit commun de la computation des délais énoncé aux articles 640 et suivants du Code de procédure civile, les règles ainsi posées conduisent à envisager la détermination du point de départ de la prescription acquisitive et son expiration comme suit :
- Point de départ : le dies a quo
- Première règle
- Conformément à l’article 640 du Code de procédure civil, le délai « a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir»
- Seconde règle
- L’article 641 précise que « lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.»
- Il en résulte que le jour initial de la possession ne doit pas être compté dans le délai de prescription.
- Date d’expiration : le dies ad quem
- Le principe est désormais que les délais sont francs, ce qui signifie qu’ils expirent le dernier jour à vingt-quatre heures
- Combiné avec la règle qui s’applique au dies a quo la détermination du jour d’expiration du délai consiste à ajouter au quantième du jour de l’événement qui fait courir le délai le nombre de jours que comprend le délai
- Exemples
- L’événement se produit le 12 du mois et le délai est de 10 jours
- Le jour d’expiration du délai est le 12+10, soit le 22 du mois
- L’événement se produit le 27 du mois et le délai est de 10 jours
- Le jour d’expiration du délai est le 27+10, soit le 7 du mois suivants si mois de 30 jours et 6 si mois de 31 jours
- S’agissant de la prescription acquisitive, le dernier jour de la prescription est donc celui qui porte dans l’année finale le même quantième que le jour de la prise de possession.
- Si toutefois, ce dernier jour est chômé ou férié, la Cour de cassation considère que la prorogation du délai prévue à l’article 642 du Code de procédure civile n’a pas lieu de s’appliquer (Cass. 2e civ. 5 févr. 2004, n°02-14217).
==> Fait générateur de la prescription
Le point de départ de la possession est, en principe, l’entrée en possession du bien, soit plus précisément le moment à partir toutes les conditions de la possession sont réunies.
Pour pouvoir prescrire, le possesseur devra donc justifier :
- D’une part, de la caractérisation du corpus et de l’animus
- D’autre part, de l’efficacité de la possession, en ce qu’elle doit être utile.
En pratique, il appartiendra au demandeur de démontrer que le délai durant lequel le possesseur a exercé son emprise sur le bien revendiqué est insuffisant pour pouvoir prescrire.
Si cela se vérifie, ce qui sera souvent le cas en matière immobilière, le possesseur pourra lui opposer la caractérisation de ce que l’on appelle une jonction de possessions.
==> La jonction des possessions
En cas d’insuffisance du délai de possession, le possesseur est autorisé à se prévaloir la règle posée à l’article 2265 du Code civil qui dispose que « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux. »
Aussi ressort-il de cette disposition que les durées de possession du bien en cas de possesseurs successifs s’additionnent. C’est la jonction des possessions. Ce mécanisme est admis, quels que soient les modes de transmission de la possession.
Dans cette perspective, afin de renforcer le titre de propriété de l’acquéreur d’un bien immobilier, les notaires s’attachent toujours à retracer dans l’acte de vente la chaîne de propriété en remontant à jusqu’à l’origine trentenaire.
Reste qu’il convient de distinguer selon que les possesseurs se sont succédé à titre particulier ou à titre universel :
- Les possesseurs se sont succédé à titre universel
- Dans cette hypothèse, il y a une continuation de la personne du possesseur originaire par le possesseur actuel.
- Il en résulte que la possession de l’ayant cause universel possède les mêmes qualités que la possession de son auteur
- Les vices affectant la possession originaire se transmettent ainsi de possession en possession.
- Il en va de même pour la mauvaise foi du premier possesseur
- Si donc la possession originaire a été interrompue, il conviendra de démontrer qu’elle a été reprise suffisamment tôt pour que la prescription acquisitive puisse jouer.
- Les possesseurs se sont succédé à titre particulier
- Dans cette hypothèse, le possesseur actuel ne tient du possesseur originaire que le droit attaché à la possession en tant que tel.
- Il en résulte que démarre une nouvelle possession, débarrassée de ses vices affectant éventuellement les possessions antérieures
- Chaque possession de la chaîne translative sera donc appréciée séparément, ce qui signifie que la possession de l’ayant cause pourra présenter des qualités radicalement différentes de celle de son auteur.
- Lorsque toutefois, la jonction porte sur une prescription trentenaire et une prescription abrégée, les délais ne pourront s’additionner qu’à certaines conditions.
- Pour rappel, tandis que la prescription trentenaire requiert seulement l’absence de vice affectant la possession, la prescription abrégée exige la réunion de deux conditions supplémentaires que sont, la bonne foi du possesseur et l’entrée en possession au moyen d’un titre.
- Deux situations doivent alors être distinguées :
- Le possesseur n’est pas fondé à se prévaloir de la prescription abrégée
- Dans cette hypothèse, la jonction ne pourra se faire qu’avec la seule prescription trentenaire
- Le possesseur est fondé à se prévaloir de la prescription abrégée
- Dans cette hypothèse, le possesseur dispose d’une option :
- Soit il décide de prescrire par lui-même au moyen de la prescription abrégée
- Soit il décide de bénéficier de la jonction de possession avec la prescription trentenaire si le délai qui reste à courir est inférieur à celui de la prescription abrégée
- En tout état de cause, la jonction ne peut valablement opérer qu’à la condition que le possesseur, qui tien la chose en sa qualité d’ayant cause à titre particulier, se la soit vue remettre au titre d’une obligation de délivrance ou de restitution.
==> Les incidents affectant le cours de la prescription
Le cours de la possession peut, en raison de vices, être soit interrompu, soit suspendu. L’article 2259 du Code civil prévoit en ce sens que sont applicables à la prescription acquisitive les causes d’interruption et de suspension de la prescription acquisitive.
- L’interruption de la possession
- À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que, en application de l’article 2231 du Code civil, l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
- Plusieurs causes sont susceptibles d’interrompre la prescription :
- Privation de jouissance
- La prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d’un bien est privé pendant plus d’un an de la jouissance de ce bien soit par le propriétaire, soit même par un tiers ( 2271 C. civ.)
- Reconnaissance des droits du propriétaire
- La reconnaissance par le possesseur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ( 2240 C. civ.)
- Action en justice
- L’action en justice exercée par le demandeur qui revendique la propriété du bien sur lequel le possesseur exerce son emprise ( 2241 C. civ.)
- Mesure conservatoire et exécution forcée
- Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée ( 2244 C. civ.)
- Pluralité de possesseurs
- L’interpellation faite à l’un des possesseurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le possesseur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers ( 2245 C. civ)
- La suspension de la possession
- En application de l’article 2230 du Code civil, ma suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
- Ainsi, à la différence de l’interruption un nouveau délai ne recommence pas à courir.
- Plusieurs causes de suspension de la prescription acquisitive sont prévues par le Code civil
- Force majeure
- La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ( 2234 C. civ.)
- Incapacité
- La prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle ( 2235 C. civ.)
- Mariage et pacs
- La prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité ( 2236 C. civ.)
- Conciliation et médiation
- La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ( 2238 C. civ.).
- Procédure participative
- La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative ou à compter de l’accord du débiteur constaté par l’huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution ( 2238 C. civ.).
- Mesure d’instruction avant dire droit
- La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès ( 2239 C. civ.)
3. Rôle de la volonté du possesseur
==> L’invocation de la prescription
L’article 2247 du Code civil dispose que « les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription. »
Il en résulte que l’on ne peut prescrire contre la volonté du possesseur. Autrement dit, il a seul qualité à se prévaloir de la prescription acquisitive attachée à la possession
À cet égard, l’article 2248 précise que sauf renonciation, la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour d’appel.
==> La renonciation à la prescription
La question subsidiaire qui alors se pose est de savoir dans quelles conditions le possesseur est-il autorisé à renoncer à la prescription acquisitive ?
Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 2250 à 2253 du Code civil qui traitent de la renonciation à la prescription.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces dispositions :
- L’impossibilité de renoncer à une prescription en cours
- L’article 2250 du Code civil dispose que « seule une prescription acquise est susceptible de renonciation.»
- On peut en déduire que le possesseur n’est pas autorisé, en cours de possession, à prescrire.
- Les modalités de la renonciation
- Sur la forme de la renonciation
- L’article 2251, al. 1er du Code civil prévoit que La renonciation à la prescription est expresse ou tacite.
- L’alinéa 2 du texte précise que la renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
- Sur la capacité du possesseur
- L’article 2252 du Code civil dispose que « celui qui ne peut exercer par lui-même ses droits ne peut renoncer seul à la prescription acquise. »
- Cela signifie que s’il est indifférent que le possesseur soit frappé d’une incapacité pour que la possession produise son effet acquisitif, il est, en revanche, nécessaire d’être doté de sa pleine capacité pour renoncer à la prescription acquisitive.
- Cette renonciation est regardée comme un acte de disposition, raison pour laquelle il faut être capable pour accomplir cet acte.
- Opposabilité de la renonciation
- L’article 2253 du Code civil prévoit que « les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l’opposer ou l’invoquer lors même que le débiteur y renonce. »
- Cela signifie que la renonciation à la prescription acquisitive n’est, par principe, pas opposable aux tiers.
- Pour le devenir, le possesseur doit accomplir les formalités de publicité prévues à l’article 28, 8° du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière
- À cet égard, cette disposition prévoit que « sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles […] les actes qui interrompent la prescription acquisitive conformément aux articles 2244 et 2248 du code civil, et les actes de renonciation à la prescription acquise»
==> La restitution du bien
L’article 2249 du Code civil dispose que « le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré. »
Cette disposition doit être interprétée comme posant que le possesseur, en cas de remise du bien à l’auteur de la revendication, ne dispose d’aucun recours en restitution quand bien même il démontre que la prescription acquisitive a opéré.
La raison en est que l’acquisition du délai de prescription ne fait nullement disparaître le droit du propriétaire : elle fait seulement obstacle à l’exercice d’une action en justice.
C’est la raison pour laquelle si le bien lui est remis spontanément, il est parfaitement fondé à refuser de le restituer au possesseur.
4. Aménagement conventionnel de la prescription
==> Principe
Issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l’article 2254 du Code civil traite de l’aménagement conventionnel de la prescription.
Cette disposition a, en effet, consacré et étendu les possibilités d’aménagement conventionnel de la prescription qui avaient été envisagées par la jurisprudence.
De tels aménagements étaient, en effet, déjà possibles avant la réforme, compte tenu de l’interprétation que les juridictions ont faite d’ancien article 2220 du code civil.
Cette disposition qui prohibait la renonciation à une prescription par anticipation autorisait néanmoins la stipulation de clauses contractuelles abrégeant un délai. En particulier, il était admis que le délai de prescription acquisitive soit réduit.
Désormais, les parties disposent de la faculté d’aménager
- La durée de la prescription
- Le premier alinéa de l’article 2254 du Code civil prévoit que la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties.
- Cette faculté est toutefois encadrée par une double limite
- D’une part, la durée de la prescription ne peut être réduite à moins d’un an
- D’autre part, la durée de la prescription ne peut pas être étendue à plus de dix ans
- Les causes d’interruption et de suspension de la prescription
- Le deuxième alinéa de l’article 2254 du Code civil prévoit que les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi.
- Cette faculté, qui est une reprise de la jurisprudence antérieure (V. en ce sens civ., 13 mars 1968) n’est ici assortie d’aucune restriction, à l’exception de celle qui tient à la relation entre un professionnel et un consommateur
Bien que la possibilité pour les parties d’aménager la prescription acquisitive soit prévue par la loi, elle n’en demeure pas moins théorique dans la mesure où pour ce faire, encore faut-il qu’un contrat ait été conclu.
Or le plus souvent, le possesseur et la personne qui revendique le bien sont étrangers l’un à l’autre.
==> Tempérament
L’article L. 218-1 du Code de la consommation prévoit que « par dérogation à l’article 2254 du code civil, les parties au contrat entre un professionnel et un consommateur ne peuvent, même d’un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celle-ci. »
Ainsi, dans le cadre de la relation entre un professionnel et un consommateur, l’aménagement conventionnel de la prescription acquisitif est purement est simplement prohibé.
B) La mise en œuvre du principe
Les modalités de mise en œuvre de la prescription acquisitive diffèrent selon que la possession porte sur un meuble ou un immeuble.
Lorsque certaines conditions sont remplies, les textes prévoient, en effet, des délais de prescription abrégée, l’objectif recherché étant de primer la bonne foi du possesseur.
- La prescription acquisitive des immeubles
==> Principe : la prescription trentenaire
L’article 2272 du Code civil prévoit que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».
Pour prescrire en matière immobilière il convient donc de posséder utilement le bien pendant un délai de 30 ans.
Il est ici indifférent que le possesseur soit de mauvaise foi. La bonne foi n’est pas érigée en condition d’application de la prescription trentenaire.
==> Exception : la prescription abrégée
Par exception à la prescription trentenaire, l’alinéa 2 de l’article 2272 du Code civil prévoit que « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »
Lorsqu’ainsi les conditions posées par ce texte sont remplies, la prescription acquisitive est ramenée à 10 ans en matière de propriété immobilière.
Cette mesure de faveur qui bénéficie au possesseur de bonne foi, vise à lui permettre de ne pas rester dans l’incertitude trop longtemps et à mettre fin à une situation qui est susceptible d’entraver l’exploitation économique du bien, ainsi que sa circulation.
Le législateur n’est pas allé jusqu’à assortir la possession de bonne foi d’un effet acquisitif immédiat, à l’instar des meubles.
Compte tenu de la valeur des immeubles, il convient, en effet, de laisser le temps nécessaire au vrai propriétaire (verus dominus) de se manifester et d’exercer, le cas échéant, une action en revendication.
==> Domaine
- Les biens éligibles
- La prescription abrégée je noue que pour l’acquisition d’immeubles ou de droits réels immobiliers
- Il est indifférent que le droit immobilier sur lequel elle porte soit démembré, de sorte qu’elle peut jouer en matière de d’usufruit.
- En revanche, sont exclues du champ d’application de la prescription abrégée les servitudes ( civ. 6 nov. 1889).
- Cette exclusion est d’origine légale, plusieurs dispositions du Code civil assujettissant la possession de servitudes à la prescription trentenaire (V. en ce sens 642, 685 et 690 C. civ.)
- Acquisition a non domino
- Le jeu de la prescription abrégée se limite aux immeubles et aux droits réels qui ont fait l’objet d’une acquisition a non domino, soit que le possesseur a acquis auprès du non-propriétaire.
- Ainsi, celui qui a acquis le bien auprès du véritable propriétaire, mais dont le titre est entaché d’une irrégularité (nullité, inexistence) ou privé d’efficacité (caducité, résolution), ne pourra pas se prévaloir du bénéfice de la prescription abrégée.
- La raison en est que l’usucapion vise à couvrir, non pas l’inefficacité du titre détenu par le possesseur, mais l’absence de titre du verus dominus.
==> Conditions
Les conditions exigées par l’article 2272 du Code civil sont : la bonne foi du possesseur, la justification d’un juste titre.
- Sur la bonne foi
- Pour usucaper un bien ou en droit réel immobilier au moyen de la prescription abrégée le possesseur doit être de bonne foi.
- Que doit-on entendre par bonne foi ?
- Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 550 du Code civil qui définit cette notion.
- Cette disposition prévoit, en effet, que le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
- La bonne foi s’apprécie ainsi non pas au moment de l’entrée en possession, mais au moment l’acquisition qui procède de l’obtention d’un titre, tel qu’un contrat par exemple.
- À cet égard, en application de l’article 2274 du Code civil, la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.
- Il lui appartiendra ainsi d’établir que le possesseur connaissait, au jour de l’acquisition du bien, les causes d’inefficacité du titre en vertu duquel il est entré en possession.
- Plus précisément l’auteur de l’action en revendication devra démontrer que le possesseur savait qu’il acquérait le bien a non domino, soit que la personne avec laquelle il traitait n’était pas le verus dominus.
- Sur le juste titre
- Deuxième condition d’application de la prescription abrégée, le possesseur doit être entré en possession du bien en étant muni d’un juste titre.
- La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par juste titre.
- En l’absence de définition légale, il convient de se tourner vers la jurisprudence qui a défini, par touches successives, la notion.
- Un acte translatif de propriété
- Le juste titre est un acte qui opère un transfert de propriété du bien
- Il en résulte que les actes tels que le bail, le mandat ou encore le prêt ne peuvent, en aucun cas, être regardés comme des justes titre au sens de l’article 2272, al. 2e du Code civil.
- Un acte translatif de propriété à titre particulier
- Lorsque, au moment de sa délivrance, le bien relevait d’une universalité, le possesseur ne justifie pas d’un juste titre.
- Tel est le cas en matière de succession, l’ayant cause à titre universel héritant d’une masse de biens non individualisés.
- Seuls les actes qui ont opéré un transfert à titre particulier de biens sont constitutifs d’un juste titre
- Un titre réel et valable
- Pour se prévaloir d’un juste titre, le possesseur doit non seulement justifier de l’existence d’un acte translatif, mais encore de sa validité.
- Si l’acte est frappé de nullité ou qu’il ne mentionne pas, avec précision, le bien revendiqué, il ne constituera pas un juste titre
- S’agissant de la preuve du titre, elle se fait conformément au droit commun.
- Quant à la charge de la preuve, elle pèsera sur l’auteur de l’action en revendication.
2. La prescription acquisitive des meubles
En matière de meuble, le délai de la prescription varie selon que le posssesseur est de bonne ou de mauvaise foi.
Le législateur a, par ailleurs, soumis les biens perdus ou volés à un régime spécial qui offre la possibilité au véritable propriétaire de revendiquer son bien pendant un certain temps.
a) Le possesseur est de bonne foi : acquisition immédiate
i) Principe
L’article 2276 du Code civil dispose que « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Outre la fonction probatoire remplie par la règle ainsi énoncée, elle confère à la possession un effet acquisitif immédiat.
Autrement dit, la loi confère à celui qui possède, de bonne foi, un meuble un titre de propriété ; car « la possession vaut titre ». Nul besoin ici pour le possesseur de justifier d’un acte translatif de propriété : la possession utile et de bonne foi suffit à lui conférer la qualité de propriétaire.
Plus encore, elle lui confère au possesseur un droit originaire sur le meuble, soit un droit qui prime sur les droits, tant réels, que personnels, que le verus dominus a pu consentir à des tiers. Les droits de ce dernier son donc inopposables à l’acquéreur a non domino.
Manifestement, la règle ainsi posée déroge au principe nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.
En toute rigueur, il serait plus juste de considérer que le bien revendiqué demeure, jusqu’à preuve du contraire, la propriété du véritable propriétaire.
Toutefois, en raison de la nature des meubles dont la preuve se la propriété se laisse difficilement rapporter, l’action en revendication portant que cette catégorie a toujours été enfermée dans des conditions très strictes. D’où l’adage « les meubles n’ont point de suite ».
Ainsi, en matière de meuble, l’effet acquisitif immédiat attaché à la possession est de nature à exclure, par principe, l’action en revendication.
Ce n’est que par exception, visée notamment à l’article 2 de l’article 2276 du Code civil, que la revendication est admise.
Pour jouer, la règle énoncée à l’alinéa 1er de l’article 2276 est toutefois subordonnée à l’observation de plusieurs conditions. Son domaine d’application est, par ailleurs, strictement délimité.
ii) Domaine
==> Biens éligibles
L’article 2276 du Code civil vise les seuls meubles comme susceptibles de faire l’objet d’une acquisition instantanée par le possesseur.
On peut immédiatement en déduire que les immeubles sont exclus du champ d’application de la règle de sorte qu’ils ne peuvent être acquis par possession qu’au moyen de la prescription trentenaire ou abrégée.
S’agissant des meubles, la question se pose de savoir si tous sont concernés.
A l’examen, un certain nombre d’entre eux échappent à la règle « en fait de meuble possession vaut titre ».
Au nombre des exclus on compte :
- Les meubles soumis à la publicité
- Dès lors que l’acquisition d’un bien meuble suppose l’accomplissement d’une formalité de publicité, l’article 2276 du Code civil devient inapplicable
- Ainsi, la possession d’un bien immatriculé ne produit aucun effet acquisitif.
- Les meubles qui relèvent du domaine public
- Les meubles du domaine public sont inaliénables
- Aussi, cette inaliénabilité a-t-elle pour effet de neutraliser l’application de l’article 2276 du Code civil.
- Les meubles gagés
- Lorsque le meuble fait l’objet d’un gage sans dépossession, il n’est, par hypothèse, pas dans les mains du constituant.
- Est-ce à dire que son débiteur peut se prévaloir du jeu de l’article 2276 du Code civil en cas d’actionnement de la garantie ?
- Il n’en est rien dans la mesure où le gage sans dépossession confère au créancier constituant un droit de rétention sur le bien gagé.
- Les meubles incorporels
- Les meubles incorporels sont exclus du champ d’application de l’article 2276 du Code civil
- La raison en est que pour être applicable, encore faut-il que puisse s’exercer sur le bien une possession prise dans tous ses éléments constitutifs
- Or lorsqu’il s’agit d’une chose incorporelle, la condition tenant au corpus ne peut pas être remplie (V. en ce sens civ., 11 mars 1839).
- Dans un arrêt du 7 mars 2006, la chambre commerciale a par exemple jugé que « l’article 2279 du Code civil ne s’applique qu’aux seuls meubles corporels individualisés ; que la licence d’exploitation d’un débit de boissons ayant la même nature de meuble incorporel que le fonds de commerce dont elle est l’un des éléments et ne se transmettant pas par simple tradition manuelle, c’est à bon droit que la cour d’appel a écarté pour la dite licence d’exploitation la présomption prévue par ce texte»
- Les meubles par anticipation ( 3e civ., 4 juill. 1968)
- Pour mémoire, les meubles par anticipation sont tous les biens qui sont des immeubles par nature, mais qui, dans un futur proche, ont vocation à être détachés du sol.
S’agissant des meubles qui rentrent dans le champ d’application de l’article 2276 du Code civil, on compte, les meubles corporels susceptibles de tradition, d’aliénation.
S’agissant de la monnaie scripturale la Cour de cassation considère qu’elle échappe à l’effet acquisitif de la possession, dans la mesure où seuls les meubles corporels individualisés peuvent donner lieu à l’application de l’article 2276 du Code civil et peuvent être l’objet d’une revendication (Cass. 1re civ., 10 févr. 1998, n°96-12.711).
Cette position vaut-elle pour toutes les choses fongibles ?
Il convient manifestement de répondre par la négative à cette question.
L’article 2369 du Code civil prévoit, en effet, que « la propriété réservée d’un bien fongible peut s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même nature et de même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte. »
Il s’infère de cette disposition que l’action en revendication portant sur un bien fongible est permise dès lors que le demandeur est en mesure d’identifier chez le défendeur un bien de même nature et de même qualité.
Réciproquement, le possesseur d’un bien fongible individualisé doit pouvoir se prévaloir de l’effet acquisitif attaché à la possession.
iii) Acquisition a non domino
À l’instar de la prescription abrégée, l’application de la règle en fait de meuble possession vaut titre se limite aux meubles qui ont fait l’objet d’une acquisition a non domino, soit que le possesseur a acquis auprès du non-propriétaire.
Ainsi, celui qui a acquis le bien auprès du véritable propriétaire, mais dont le titre est entaché d’une irrégularité (nullité, inexistence) ou privé d’efficacité (caducité, résolution), ne pourra pas se prévaloir du bénéfice de la prescription abrégée.
La raison en est que la règle posée à l’article 2276 du Code civil vise à couvrir, non pas l’inefficacité du titre détenu par le possesseur, mais l’absence de titre du verus dominus.
iv) Conditions
- La possession
- Pour que la possession d’un meuble produise un effet acquisitif, encore faut-il
- D’une part, qu’elle soit caractérisée dans tous ses éléments que sont le corpus et l’animus
- D’autre part, qu’elle soit utile, c’est-à-dire affectée d’aucun vice
- La charge de preuve pèse sur le verus dominus qui exercera l’action en revendication.
- Bonne foi
- Pour opérer, la règle posée à l’article 2276 du Code civil suppose la bonne foi du possesseur.
- Dans la mesure où, en application de l’article 2274, la bonne foi est toujours présumée c’est, là encore, au verus dominus de prouver que le possesseur est de mauvaise foi.
- Pour mémoire, l’article 550 du Code civil dispose que le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
- La bonne foi s’apprécie ainsi non pas au moment de l’entrée en possession, mais au moment l’acquisition qui procède de l’obtention d’un titre, tel qu’un contrat par exemple.
- Il appartiendra au demandeur d’établir que le possesseur connaissait, au jour de l’acquisition du bien, les causes d’inefficacité du titre en vertu duquel il est entré en possession.
- Plus précisément l’auteur de l’action en revendication devra démontrer que le possesseur savait qu’il acquérait le bien a non domino, soit que la personne avec laquelle il traitait n’était pas le verus dominus.
- À cet égard, il convient d’observer que le possesseur de mauvaise foi ne peut pas se prévaloir de l’article 2276 du Code civil.
- Faut de pouvoir acquérir immédiatement le bien, il ne pourra compter que sur la prescription acquisitive.
- La dépossession volontaire
- Pour jouer, la règle en fait de meuble possession vaut titre exige que le verus dominus se soit volontairement dépossédée du bien revendiquée
- Cette condition s’infère du second alinéa de l’article 2276 du Code civil qui prévoit que, en cas de perte ou de vol, l’action en revendication peut être exercée pendant un délai de trois ans contre celui dans les mains duquel il la trouve.
- Par dépossession volontaire, il faut entendre la régularisation d’un contrat non translatif de propriété par lequel le propriétaire a remis le bien entre les mains d’un tiers, lequel l’a aliéné à la faveur de l’auteur de la possession.
- L’effet acquisitif immédiat de la possession fait ici obstacle à toute action en revendication contre le possesseur de bonne foi.
- Le verus dominus disposera seulement d’une action récursoire contre son cocontractant qui a transmis plus de droits qu’il n’en avait sur la chose ( 2276, al. 2e in fine), ce qui est de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
v) Exception
==> Perte et vol
L’article 2276, al. 2 du Code civil dispose que « celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »
La règle en fait de meuble possession vaut titre est ainsi assortie d’une exception qui tient à la dépossession involontaire du verus dominus.
Cette dépossession involontaire peut procéder du vol ou d’une perte.
- S’agissant du vol, il est défini comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ( 311-1 C. pén.)
- S’agissant d’une perte, il s’agit de l’hypothèse où le verus dominus s’est dessaisi involontairement de la chose
==> Acquisition sous condition suspensive
Dans ces deux situations, le verus dominus dispose d’une action en revendication qui, si elle est exercée, neutralise la règle énoncée à l’alinéa 1er de l’article 2276 du Code civil.
Contrairement à ce que suggère l’alinéa 2 de cette disposition, la possession produit bien un effet acquisitif. Toutefois cet effet peut être anéanti rétroactivement en cas d’action en revendication.
==> Délai de l’action en revendication
Cette action peut être exercée pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel la chose se trouve.
Ce délai étant un délai préfix, il est insusceptible de faire l’objet d’une suspension ou d’une interruption.
==> Mise en œuvre de l’action
S’agissant de la mise en œuvre de l’action en revendication elle est subordonnée au remboursement du possesseur par le verus dominus.
C’est le sens de l’article 2277 du Code civil qui dispose que « si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l’a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d’un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu’en remboursant au possesseur le prix qu’elle lui a coûté. »
Il en va de même selon l’alinéa 2 du texte pour le bailleur qui « revendique, en vertu de l’article 2332, les meubles déplacés sans son consentement et qui ont été achetés dans les mêmes conditions ». Ce dernier se doit également de « rembourser à l’acheteur le prix qu’ils lui ont coûté ».
Dans cette configuration, l’action en revendication exercée par le verus dominus n’aura d’intérêt pour lui qu’à la condition que le bien revendiqué possède une valeur particulière pour lui.
==> Actions récursoires
En cas de succès de l’action en revendication contre le possesseur, la question se pose des recours contre celui qui a aliéné la chose au mépris de la règle nemo plus juris.
- Le recours du possesseur
- L’article 2276, al. 2e du Code civil confère une action récursoire au possesseur contraint de restituer la chose revendiquée au verus dominus contre le détenteur indélicat.
- Ce recours s’analyse en l’exercice de droit d’éviction prévu à l’article 1626 du Code civil qui prévoit que « quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente. »
- Il s’agit ainsi de la mise en œuvre de la garantie d’éviction dont bénéficie l’acquéreur d’une chose.
- Au titre de cette garantie, le possesseur évincé sera fondé à réclamer la restitution du prix de la chose, des frais accessoires attachés à cette restitution et, le cas échéant des frais de procédure engagés dans le cadre de l’action en revendication et de mise en œuvre de la garantie d’éviction.
- La question qui alors se pose est de savoir si, dans l’hypothèse où le possesseur évincé a été indemnisé par le verus dominus en application de l’article 2277 du Code civil, il conserve son droit d’agir contre son vendeur.
- À cette question, la jurisprudence a répondu par la négative, considérant que son action devenait sans objet (V. en ce sens 1ère civ. 26 nov. 1956).
- Il convient néanmoins de nuancer cette solution qui ne devrait pas faire obstacle à une demande d’indemnisation liée à la perte d’exploitation susceptible d’être occasionné par la restitution de la chose, outre les frais d’entretien et de procédure engagés.
- Dans un arrêt du 7 novembre 1995, la Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que « l’acquéreur de bonne foi d’une chose volée qui s’est volontairement dessaisi perd de son propre fait le droit d’obtenir du propriétaire le remboursement du prix qu’il a payé et ne peut en conséquence rechercher la garantie de son vendeur» ( 1ère civ., 7 nov. 1995 n° 93-15.840).
- Le recours du verus dominus
- Le succès de l’action en revendication exercée par le verus dominus contre le possesseur est subordonné au remboursement du prix de la chose revendiquée.
- Le revendiquant aura ainsi été contraint d’exposer des frais pour obtenir la restitution de son bien.
- La question qui a lors se pose est de savoir si celui-ci dispose d’un recours contre le vendeur du bien.
- À l’examen, tout dépend si ce dernier est de bonne ou de mauvaise foi.
- En effet, dans un arrêt du 11 février 1931 la Cour de cassation a jugé que « le propriétaire qui, pour se faire rendre une chose volée ou perdue, a dû rembourser au possesseur actuel le prix qu’elle lui a coûté, ne saurait puiser dans les articles 2276, 2277 et 1251 du Code civil le principe d’une action en indemnité contre celui qui a cessé d’avoir la possession de la chose volée ou perdue ; que la seule action appartenant dans ce cas au propriétaire doit être fondée, par application de l’article 1382 du Code civil, sur l’existence d’une faute commise par le défendeur et qu’elle ne saurait être accueillie qu’alors que cette faute est préalablement constatée par le juge» ( civ., 11 févr. 1931).
- Il ressort de cette décision que le verus dominus ne peut agir contre le vendeur qu’à la condition qu’il démontre que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité délictuelle sont réunies.
- Autrement, il lui appartient d’établir que le vendeur était de mauvaise foi, laquelle mauvaise foi constitue une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, anciennement 1382 à l’époque de l’arrêt.
- Lorsque, dès lors, le vendeur est de bonne foi, le verus dominus ne dispose d’aucun recours contre lui, ni sur le fondement de la subrogation légale, ni sur le fondement de l’enrichissement injustifié (action de in rem verso).
b) Le possesseur est de mauvaise foi : acquisition différée
Lorsque le possesseur est de mauvaise foi, la règle « en fait de meuble possession vaut titre est écartée » de sorte que l’acquisition du bien n’est pas immédiate.
Elle est, en effet, soumise à la prescription acquisitive dont le délai était fixé à trente ans avant la réforme opérée par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
L’ancien article 2262 du Code civil prévoyait en ce sens que « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme la question du délai de la prescription acquisitive en cas de possession de mauvaise foi d’un meuble n’est envisagée par aucun texte.
Tandis que le délai de droit commun intéresse la seule prescription extinctive, la prescription acquisitive trentenaire ne vise que les immeubles.
En l’absence de texte tranchant cette question, plusieurs thèses peuvent être retenues :
- Première thèse
- Lorsque le possesseur est de mauvaise foi, la possession ne produit aucun effet acquisitif
- La propriété des meubles est ainsi imprescriptible pour les possesseurs de mauvaise foi
- Deuxième thèse
- Il convient d’appliquer le délai de droit commun de la prescription énoncé par l’article 2224 du Code civil qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
- Bien que ce délai de 5 ans soit prévu pour la prescription extinctive, il pourrait être appliqué, par extinction, à la prescription acquisitive en cas de mauvaise foi du possesseur
- Troisième thèse
- On pourrait appliquer aux meubles, par analogie aux règles qui régissent la possession de mauvaise foi d’un immeuble, la prescription trentenaire visée à l’article 2272 du Code civil.
- La possession produirait ainsi, en matière de meuble, un effet acquisitif à l’expiration d’un délai de trente ans lorsque le possesseur est de mauvaise foi.
À l’examen, la doctrine serait plutôt favorable à cette dernière option, ce qui conduit à envisager l’effet acquisitif de la possession des meubles comme suit :
- En cas de bonne foi du possesseur, la possession produit un effet acquisitif immédiat, conformément à la règle énoncée à l’article 2276 du Code civil.
- En cas de mauvaise foi du possesseur, la possession produit un effet acquisitif différé à trente ans, en application de l’article 2272 du Code civil.
II) L’acquisition des fruits
L’acquisition des fruits produit par le bien revendiqué dépend de la bonne ou mauvaise foi du possesseur :
- Le possesseur est de bonne foi
- L’article 549 du Code civil prévoit que « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. »
- Le possesseur de bonne foi conserve ainsi le bénéfice des fruits du bien, quand bien même il serait tenu de le restituer au verus dominus
- Le possesseur est de mauvaise foi
- Dans cette hypothèse, l’article 549 du Code civil prévoit que le possesseur « est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique»
- Le texte précise que si les fruits ne se retrouvent pas en nature dans le patrimoine du possesseur de mauvaise foi, leur valeur est estimée à la date du remboursement.
- Autrement dit, il appartient à ce dernier de restituer au verus dominus les fruits perçus par équivalent, soit en valeur.
- Se posera également la question d’une restitution de la valeur de jouissance procurée par la possession de la chose (V. en ce sens Fiche consacrée à la restitution des fruits et de la valeur de jouissance procurés par la chose)