Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.
En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.
Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.
Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.
==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté
Deux sortes de procédures doivent être distinguées :
- Les procédures de prévention des entreprises en difficulté
- Il s’agit ici d’intervenir, en amont, soit avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.
- Les deux principales procédures de prévention des entreprises en difficulté sont :
- le mandat ad hoc
- la conciliation
- Elles présentent l’avantage pour le débiteur
- d’une part, d’être confidentielles, l’objectif étant de ne pas effrayer les créanciers, ce qui produirait l’effet inverse de celui recherché
- d’autre part, de revêtir une dimension contractuelle, en ce sens qu’elles ont pour finalité de conduire à la conclusion d’un accord amiable
- Les procédures de traitement des entreprises en difficulté
- Il s’agit ici d’intervenir à un stade où si, la cessation des paiements n’est pas encore constatée, elle est imminente si l’on ne réagit pas
- Les procédures de traitement des entreprises en difficulté sont au nombre de trois :
- La procédure de sauvegarde
- La procédure de redressement judiciaire
- La procédure de liquidation judiciaire
- Contrairement aux procédures de préventions des entreprises en difficultés, les procédures de traitement des entreprises en difficulté empruntent, non pas la voie amiable, mais la voie judiciaire
- Il en résulte inévitablement un nombre bien plus important de contraintes pour le dirigeant, susceptible d’être dépossédés de son pouvoir de gestion de son entreprise à la faveur d’un administrateur.
==> Genèse de la procédure de sauvegarde
Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :
- La procédure de redressement judiciaire
- La procédure de liquidation judiciaire
Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.
Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.
La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.
L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :
- Tant que la cessation des paiements du débiteur n’était pas constatée, il ne pouvait faire l’objet que d’une procédure de traitement amiable, alors même que les difficultés rencontrées par l’entreprise auraient pu justifier l’ouverture d’une procédure collective.
- En revanche après la constatation de la cessation des paiements, il ne pouvait plus que faire l’objet d’une procédure judiciaire, alors que la voie amiable aurait parfaitement pu être envisagée, aux fins de résorber les difficultés traversées par l’entreprise.
En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.
Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »
Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.
Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.
Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.
==> Finalité de la procédure de sauvegarde
Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »
Ainsi poursuit-elle un triple objectif :
- La poursuite de l’activité économique
- Le maintien de l’emploi
- L’apurement du passif
Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.
Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.
Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.
- La procédure de conciliation: conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ( L. 611-7 C. com).
- La procédure de sauvegarde: faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 620-1 C. com)
- La procédure de sauvegarde accélérée: restructuration de l’endettement des grandes entreprises remplissant des conditions de seuil
- La procédure de redressement judiciaire:
- Permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 631-1 C. com.)
- Élaboration d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation ( L. 631-1 C. com.)
- La procédure de liquidation judiciaire :
- Soit, mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ( L. 640-1 C. com.)
- Soit la cession de l’entreprise ayant pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ( L. 642-1 C. com.)
==> Parachèvement de la réforme
Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.
- Première réforme : ordonnance n° 2008-1345du 18 décembre 2008
- Après trois années d’application, il est apparu nécessaire de renforcer l’efficacité des dispositifs qu’elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens.
- À cette fin, l’objectif principal poursuivi par l’ordonnance du 18 décembre 2008 était triple :
- Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
- L’ordonnance adoptée en 2008, dispense le débiteur de démontrer que les difficultés rencontrées par l’entreprise sont de nature à le conduire à la cessation des paiements
- Il est ressort de la pratique que cette preuve est trop souvent ardue à rapporter
- Sa complexité s’accroît, qui plus est, à mesure de la précocité de sa demande d’ouverture.
- Extension des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise en difficulté
- L’ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l’ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
- Ainsi, a été introduite la possibilité pour le débiteur qui demande l’ouverture d’une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix ( L. 621-4 C. com.).
- Il lui est également désormais permis de procéder lui-même à l’inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ( L. 621-4 et L. 622-6-1 C. com).
- Amélioration des conditions de réorganisation de l’entreprise
- L’ordonnance entend faciliter la poursuite de l’activité au cours de la période d’observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés.
- Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d’obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l’apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises.
- Enfin, elle s’attache à favoriser une réorganisation pérenne après l’arrêté du plan de sauvegarde.
- Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
- Deuxième réforme : loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière
- Elle est venue instituer une nouvelle procédure de sauvegarde des entreprises, intitulée « procédure de sauvegarde financière accélérée ».
- Réservée au cercle des « créanciers financiers » des entreprises, c’est-à-dire aux établissements de crédit, la sauvegarde financière accélérée permet de dépasser l’opposition des créanciers minoritaires lorsque moins d’un tiers d’entre eux ont fait échouer la conciliation préalable.
- Cette innovation juridique s’inscrit dans le droit de fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises.
- La sauvegarde est dite « accélérée », car le délai est fixé à un mois à compter du jugement d’ouverture et n’est prorogeable qu’une fois.
- Le régime de la déclaration de créance est précisé.
- La majorité des deux tiers s’apprécie conformément à la procédure de sauvegarde de droit commun, c’est-à-dire en fonction du montant des créances.
- Troisième réforme : ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
- L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
- Cette ordonnance a instauré une procédure de sauvegarde accélérée dont les principes sont inspirés de la procédure de sauvegarde financière accélérée prévue par la loi du 22 octobre 2010.
- Bien qu’il s’agisse d’une procédure collective puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquels est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire, la sauvegarde accélérée ne peut être ouverte que si le débiteur a préalablement obtenu l’ouverture d’une procédure de conciliation, en cours à la date de la saisine du tribunal.
- Précision du régime juridique de la procédure de sauvegarde classique
- Première précision
- L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
- Le texte fait néanmoins peser sur l’administrateur l’obligation de vérifier qu’en imposant la continuation du contrat il ne risque pas de créer un préjudice prévisible à l’intéressé.
- La règle du paiement comptant demeure applicable à la procédure de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-11-1 du Code de commerce.
- L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
- Deuxième précision
- à défaut de plan adopté par les comités de créanciers et lorsque la clôture de la procédure conduirait à bref délai à la cessation des paiements, l’ordonnance autorise le Tribunal à convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à la demande non seulement du débiteur, mais également des mandataires de justice ou du ministère public, ce qui élargit les passerelles entre les procédures.
- Troisième précision
- alors que le débiteur n’intervenait que pour le choix de l’administrateur judiciaire, le texte prévoit qu’il peut formuler des observations lorsqu’est envisagée la désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires, ainsi que lorsque le ministère public propose la désignation d’un ou plusieurs mandataires de justice.
- Première précision
- L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun
Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.
Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.
Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.