Typologie.- Les risques professionnels formellement appréhendés par le Code de la sécurité sociale sont l’accident du travail (art. L. 411-1), l’accident de trajet (art. L. 411-2) et les maladies professionnelles (art. L. 461-1).
Il en est un dernier qui participe matériellement de la législation sociale et pour la réparation duquel la Cour de cassation applique le droit des accidents du travail : c’est l’accident de mission. A savoir un accident survenu alors que le salarié est exceptionnellement détaché de l’entreprise (Civ. 2, 12 mai 2003, n° 01-20.968, publié au bulletin : “Attendu cependant que le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue à l’article L. 411-1 css pendant le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur ou la Caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel”…ce qui, autant le dire, sera des plus difficiles. Voy. typiquement par ex. : Civ. 2, 12 oct. 2017, n° 16-22.481, publié au bulletin).
Définitions.- L’accident du travail est défini à l’article L. 411-1 css qui dispose : “est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise”. Où l’on constate que les marqueurs de généralité (fait du travail, occasion du travail, quelque titre, quelque lieu, pour un ou plusieurs) participent d’un domaine d’application du texte que le législateur a voulu des plus grands. Il y a de bonnes raisons à cela. D’abord, le branche AT-MP sert des prestations “avantageuses” en comparaison avec celles qui sont accordées par la branche maladie (mais forfaitaires ne l’oublions pas. Voy. l’article “La sécurité sociale : Tour d’horizon”). Ensuite, le système de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles étant à base assurantielle, les mauvais risques (qui ont une forte probabilité que l’événement assuré se réalise ou bien dont le risque s’est déjà réalisé) ont vocation à payer plus de cotisations sociales que les bons. Dès lors qu’un accident du travail ou une maladie professionnelle survient, il se peut fort bien que les mesures de prévention n’aient pas été suffisantes et que les travailleurs aient été mis en danger d’une manière ou d’une autre. Mais nous reviendrons sur la notion (voy. l’article “L’accident du travail”). Relativement aux maladies professionnelles, aucune approche uniciste n’a semblé praticable. Le pluriel s’est imposé à l’esprit. Le législateur social s’est contenté d’édicter une série de règles propres à la compensation des maladies d’origine professionnelle sans jamais proposer de définition. En bref, chaque maladie répond à une série de conditions précises. C’est du côté de la doctrine que nous nous tournerons pour mieux cerner l’objet d’étude (voy. l’article “Les maladies professionnelles). Pour l’heure, on se limitera à dire que la maladie est un phénomène naturel immanent à l’organisme ; qu’on la définit ordinairement comme une altération de l’état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles directement ou non, correspond à des troubles généraux ou localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une évolution. Quant à l’accident de trajet, l’approche n’est pas trop compliquée si ce n’est que le législateur dit de ce dernier accident que c’est un accident du travail…Les choses se compliquent.
Distinction accident du travail vs accident de trajet.- L’accident qui survient pendant le trajet d’aller et retour entre la maison et le travail (pour faire simple pour l’instant) ou bien entre le lieu du travail et le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas reste un accident du travail. L’article L. 411-2 css qui définit ce dernier accident est très clair à ce sujet : “est également considéré comme un accident du travail (…), l’accident survenu” entre ses deux séries de bornes (maison-travail // cantine-travail et inversement). On voit mal spontanément l’intérêt de la distinction. Il faut toutefois relever que les éléments requis pour la qualification d’accident de trajet sont propres à cette éventualité. Voilà une première explication. Il faut noter encore que le régime d’indemnisation de ce dernier accident autorise la réparation intégrale des chefs de préjudice subis via le cumul des prestations en espèce accordées par la branche AT-MP et les dommages et intérêts compensatoires payés par le tiers responsable de l’accident (pour peu qu’il y ait en un naturellement mais quelle que soit sa qualité). C’est tout à fait remarquable en droit des risques professionnels qui n’accorde en principe que des prestations forfaitaires (voy. l’article précité “La sécurité sociale : un tour d’horizon”) et ferme à la victime les voies du droit commun de la réparation du dommage corporel. Il sera indiqué enfin que dans ses rapports avec la sécurité sociale, l’employeur ne répond pas financièrement de l’accident de trajet de la même manière que s’il s’était agi d’un accident du travail. Ce dernier est l’occasion d’une majoration de ce qu’on appelle le compte AT-MP de l’employeur. En bref, une fois que le risque assuré est survenu, l’employeur subi une majoration de sa cotisation. Tandis qu’en cas d’accident de trajet, la cotisation étant conçue comme un pourcentage des salaires identiques pour toutes les entreprises, aucun malus n’est imputé.
Distinction accident du travail vs maladies professionnelles. Au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’accident a pour cause une action soudaine (Ch. réunies, 17 avr. 1921, S. 1921.1.81 ; Soc. 2 avr. 2003, n° 00-21.768. A noter que dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation ne donne plus prise au caractère violent de l’action d’un élément extérieur) et pour effet une lésion corporelle. La soudaineté est un critère de distinction (assez opératoire) de l’accident du travail et de la maladie professionnelle. La soudaineté, qui seul importe au fond, permet d’appliquer la qualification d’accident à un ensemble d’événements soudains et fortuits (chocs, chutes, noyades, électrocution, intoxications brutales, etc.) sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’accident a une origine mécanique ou qu’il résulte de l’action d’un agent chimique, thermique, lumineux ou acoustique. En toute logique, il n’y aurait pas lieu d’appliquer les dispositions de la loi lorsque le dommage a été volontairement recherché par son auteur. La jurisprudence réaffirme régulièrement le principe de cette exclusion, à tout le moins en droit des accidents de la circulation. Le droit prétorien de la sécurité sociale n’a pas cette rigueur, alors même que la lettre du Code est explicite : « ne donnent lieu à aucune prestation en argent les maladies, blessures ou infirmités résultant de la faute intentionnelle (qui a consisté à rechercher le dommage) de l’assuré » (art. L. 375-1 – branche maladie – et L. 453-1 css – branche AT-MP). Il range dans la catégorie des accidents du travail les hypothèses de suicide chaque fois que « le travail est la cause génératrice de cet acte de désespoir ». Il procède identiquement en cas d’agression sur les lieux d’exécution de la prestation de travail. Quant à la cause de l’accident, peu important qu’elle ne soit pas extérieure. La jurisprudence applique l’article L. 411-1 css en cas de crise cardiaque survenue au temps et au lieu du travail ou encore de traumatisme survenant au cours d’un effort.
Cette interprétation in favorem pourrait passer pour un tantinet audacieuse, mais l’intérêt des victimes de dommages corporels et celui de leurs ayants droit l’imposaient sûrement. Pour ces derniers, la qualification d’accident du travail ouvre droit au versement d’une rente AT-MP (art. L. 434-07 et s. css). Au reste, l’esprit de la législation sur les risques professionnels ne paraît pas tourné. C’est bien là l’essentiel. Attention, tout ce qui porte atteinte à l’intégrité corporelle du salarié n’est pas nécessairement un accident du travail. Il y a aussi la maladie. Simplement, lorsqu’elle est causée par un fait soudain, la maladie est considérée comme un accident du travail. Il y aurait de nombreux exemples à proposer. A été qualifiée de la sorte, pour n’en prendre qu’un seul, la dépression nerveuse soudaine d’un salarié consécutive à un entretien d’évaluation au cours duquel l’employeur lui a notifié un changement d’affectation (Civ. 2, 1er juill. 2003, n° 02-30.576, publié au bulletin). Il est à noter pour finir sur ce point que la jurisprudence est tenté d’abandonner le critère de la soudaineté pour verser dans la catégorie des accidents du travail de nombreuses maladies professionnelles qui ne figurent pas dans les tableaux réglementaires de l’article R. 461-3 css. La tentation est si grande, que la meilleure façon d’y résister est précisément d’y succomber…