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Dévolution légale: les règles de classement des héritiers selon le degré

La dévolution légale est gouvernée par des principes de classement des héritiers, ce qui permet de déterminer ceux qui, parmi les membres du cercle de la parenté, ont vocation à se voir transmettre tout ou partie de la succession.

A cet égard, les textes établissent un classement des héritiers, selon :

  • D’une part, leur ordre d’appartenance
  • D’autre part, leur degré de parenté avec le de cujus.

Nous nous focaliserons ici sur le classement des héritiers selon le degré.

Après avoir établi le classement des héritiers selon leur ordre d’appartenance, il reste à déterminer qui parmi les membres de l’ordre sélectionné sera appelé à la succession. Afin de classer les héritiers à l’intérieur d’un ordre, il y a lieu de faire application de la règle du degré.

Cette règle permet d’établir l’ordre de priorité des héritiers appartenant à un même ordre dans l’appel à la succession.

Pour Jean Carbonnier « le classement par degré est une règle d’attribution essentielle en droit des successions, elle vise à garantir une distribution équitable des biens du défunt entre les membres de sa famille, en accordant une priorité aux plus proches parents ».

1. Notions

Le classement des héritiers selon leur degré est un système qui repose sur le calcul de la proximité de la relation de parenté entre le défunt et ses héritiers.

La première question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par degré.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 741 du Code civil qui prévoit que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré ».

Ainsi, le degré de parenté n’est autre que l’unité de mesure permettant de calculer la distance généalogique entre deux personnes, chaque génération correspondant à un degré.

L’article 742 du Code civil précise que la suite des degrés forme la ligne. Cette ligne peut être directe ou collatérale :

  • La ligne est qualifiée de directe lorsqu’elle est formée par une suite des degrés entre personnes qui descendent l’une de l’autre
  • La ligne est qualifiée de collatérale lorsqu’elle est formée par la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d’un auteur commun.

2. La computation des degrés

S’agissant de la computation des degrés, le Code civil distingue selon que l’héritier se situe, par rapport au de cujus, en ligne directe ou en ligne collatérale.

  • La computation des degrés en ligne directe
    • L’article 743, al. 1er du Code civil prévoit que, en ligne directe, on compte autant de degrés qu’il y a de générations entre les personnes : ainsi, l’enfant est, à l’égard du père et de la mère, au premier degré, le petit-fils ou la petite-fille au second ; et réciproquement du père et de la mère à l’égard de l’enfant et des aïeuls à l’égard du petit-fils ou de la petite-fille ; ainsi de suite.

  • La computation des degrés en ligne collatérale
    • L’article 743, al. 2e et 3e prévoit que, en ligne collatérale, les degrés se comptent par génération, depuis l’un des parents jusques et non compris l’auteur commun, et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.
    • Ainsi, les frères et sœurs sont au deuxième degré ; l’oncle ou la tante et le neveu ou la nièce sont au troisième degré ; les cousins germains et cousines germaines au quatrième ; ainsi de suite.

3. Les règles de classement selon le degré

i. Principes

Le classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le de cujus est gouverné par trois principes directeurs :

  • Subsidiarité du classement par degré
    • Il s’infère de la combinaison des articles 734 et 744 du Code civil que le classement des héritiers par ordre prime sur le classement par degré.
    • Aussi, le classement des héritiers par degré n’est que subsidiaire, en ce sens qu’il n’a vocation à jouer qu’à l’intérieur d’un ordre.
    • Cela signifie qu’un parent relevant d’un ordre supérieur sera toujours préféré à un parent appartenant à un ordre inférieur, quand bien même ce dernier serait plus proche du de cujus en degré.
    • À titre d’illustration, supposons un de cujus qui laisserait derrière lui une petite-fille et son père.
    • Quand bien même le père du défunt est plus proche de celui-ci en degré (1er degré en ligne directe ascendante), c’est la petite-fille (2e degré en ligne directe descendante) qui a vocation à hériter dans la mesure où elle relève du premier ordre, tandis que les ascendants privilégiés appartiennent au deuxième ordre.
    • Au bilan, les héritiers sont d’abord classés selon l’ordre successoral prévu par la loi. Puis, si aucun héritier n’appartient au même ordre, alors on passe au classement par degré.
  • Proximité du degré de parenté
    • L’article 744, al. 1er du Code civil prévoit que « dans chaque ordre, l’héritier le plus proche exclut l’héritier plus éloigné en degré. »
    • Il ressort de cette disposition que, au sein d’un même ordre, afin de déterminer l’ordre dans lequel les héritiers sont appelés à la succession, il y a lieu de procéder à un classement selon leur proximité de parenté avec le de cujus.
    • La priorité est donnée à l’héritier qui est le plus proche du défunt en degré.
    • Pratiquement, cela signifie que les enfants seront toujours préférés aux petits-enfants, les parents aux frères et sœurs, les oncles et tantes aux cousins et cousines, etc.
  • Répartition de la succession
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • Le classement selon le degré désigne un seul successible
        • Dans l’hypothèse où le plus au rang du classement par degré est occupé par un seul héritier, la succession lui revient dans son intégralité.
        • Il n’est procédé à aucun partage avec les héritiers de rang subséquent.
        • Gérard Cornu justifie cette règle en avançant qu’« elle s’appuie sur l’idée que la volonté du défunt serait, en l’absence d’indications contraires, de privilégier la transmission de son patrimoine à l’héritier le plus proche ».
        • De son côté, Pierre Catala a pu soutenir que l’exclusion des héritiers de rang subséquent dans le cadre du classement par degré « reflète une rationalité juridique et sociale, visant à simplifier la succession et à éviter les conflits potentiels entre héritiers de différents degrés. Elle souligne l’importance accordée par le législateur à la clarté et à la prévisibilité dans la transmission des biens à la génération suivante ».
      • Le classement selon le degré désigne plusieurs successibles
        • Dans l’hypothèse où plusieurs successibles se trouvent à égalité de degré, l’article 744, al. 2e du Code civil prévoit que « les héritiers succèdent par égale portion et par tête. »
        • Ainsi, lorsque plusieurs successibles occupent le rang le plus haut dans le classement par degré, la succession est partagée équitablement entre ces derniers.
        • Pour François Terré, « le principe d’égalité entre les héritiers du même degré s’inscrit dans une volonté de justice distributive, assurant une équité entre les membres de la famille. Ce principe reflète l’idéal républicain d’égalité devant la loi et devant les charges comme les bénéfices de la succession ».

ii. Exception

Le classement des héritiers au sein d’un même ordre selon la règle du degré souffre d’une dérogation lorsqu’il y a lieu de départager des successibles appartenant au deuxième ordre.

En effet, dans cette hypothèse, le classement s’opère, non pas selon la règle du degré, mais selon une règle de partage forfaitaire.

Pour mémoire, le deuxième ordre réunit :

  • D’une part, les père et mère (ascendants privilégiés)
  • D’autre part, les frère et sœur ainsi que leurs descendants (collatéraux privilégiés)

Les positions respectives de ces derniers dans la hiérarchie au sein du deuxième ordre diffèrent, selon que le de cujus laisse ou non des collatéraux privilégiés et selon que ses pères et mère lui survivent.

Aussi, il ressort de la combinaison des articles 736, 737 et 738 du Code civil que deux situations doivent être distinguées :

==>Le de cujus ne laisse aucun collatéral privilégié

Lorsque le défunt ne laisse ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, l’article 736 du Code civil prévoit que ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié.

Ainsi, la succession sera-t-elle intégralement dévolue aux ascendants privilégiés du de cujus.

Les ascendants et collatéraux ordinaires sont quant à eux totalement exclues du partage.

==>Le de cujus laisse un ou plusieurs collatéraux privilégiés

Lorsque le défunt laisse un ou plusieurs collatéraux privilégiés derrière lui, il y a lieu de distinguer selon que ses père et mère lui ont ou non survécu :

  • Les père et mère du défunt n’ont pas survécu au de cujus
    • L’article 737 du Code civil prévoit que lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt et que celui-ci ne laisse pas de postérité, les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants lui succèdent, à l’exclusion des autres parents, ascendants ou collatéraux.
    • Ainsi, la succession sera-t-elle dévolue en intégralité à l’ensemble des frères et sœurs du défunt et, le cas échéant à leurs descendants.

  • Les père et mère du défunt ont l’un et/ou l’autre survécu au de cujus
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que les père et mère du défunt lui ont tous deux survécu ou selon qu’il en est qu’un seul qui lui a survécu
      • Les pères et mères ont tous deux survécu au défunt
        • L’article 738, al. 1er du Code civil prévoit que lorsque les père et mère ont tous deux survécu au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est alors dévolue
          • Pour un quart, à chacun des père et mère
          • Pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants
        • Autrement dit, une moitié de la succession est dévolue aux ascendants privilégiés et l’autre moitié aux collatéraux privilégiés.
        • Il s’agit là d’une dévolution forfaitaire qui s’applique sans tenir compte de la règle du degré qui devrait faire primer, en principe, celui qui entretient la plus grande proximité de parenté avec le défunt sur les autres membres de l’ordre.

      • Un seul des père et mère a survécu au défunt
        • L’article 738, al. 2e du Code civil prévoit que, lorsqu’un seul des père et mère survit au défunt, alors la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts restants aux frères et sœurs ou à leurs descendants.
        • Il peut être observé que, en présence de plusieurs collatéraux privilégiés, c’est la règle du degré qui sera appliquée pour les départager.

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