Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Dévolution légale: l’absence de distinction fondée sur l’état des personnes successibles

Si, aujourd’hui, il est une évidence selon laquelle l’établissement du classement des héritiers ne saurait être fondé sur l’état des personnes, cela n’a pas toujours été le cas.

==>Époque révolutionnaire

L’abolition des privilèges et la promotion de l’égalité devant la loi après la Révolution française ont profondément transformé le droit des successions, notamment en ce qui concerne le principe de non-discrimination des héritiers selon leur personne. Avant la Révolution, le droit successoral était fortement influencé par le droit coutumier et les privilèges de la noblesse, ce qui entraînait des discriminations, notamment envers les femmes et les enfants nés hors mariage.

La Révolution française a aboli les privilèges liés à la naissance, affirmant le principe d’égalité de tous devant la loi. Cela a eu un impact direct sur les successions, où désormais aucun héritier ne pouvait être privilégié ou désavantagé en raison de son statut social ou de son origine.

L’abolition des privilèges féodaux et nobiliaires lors le 4 août 1789 a notamment entraîné la suppression des règles qui permettaient aux familles nobles de transmettre leurs biens exclusivement à l’aîné ou selon des lignes de succession privilégiées.

==>Le Code civil de 1804

Avec l’adoption du Code civil en 1804, un nouveau système de droit des successions a été mis en place, fondé sur les principes d’égalité et d’universalité.

Cela a marqué un changement radical par rapport aux pratiques antérieures, en assurant que les biens du défunt soient répartis équitablement entre ses enfants, sans distinction de sexe ou de rang de naissance.

L’article 745 du Code napoléonien disposait en ce sens que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu’ils soient issus de différents mariages ».

Reste que l’égalité n’était pas totale, une distinction subsistait entre enfants fondée sur la nature de leur lien de filiation avec le de cujus.

Aussi, postérieurement à l’adoption du Code civil, le législateur s’est-il attaché à progressivement renforcer les droits des enfants naturels et des enfants adoptés dans la succession.

1. L’égalité entre enfants légitimes, enfants naturels et enfants adultérins

==>Notions

Sous l’empire du droit antérieur, la vocation successorale des enfants du de cujus différait selon qu’ils étaient qualifiés de légitimes, naturels ou adultérins.

  • L’enfant légitime
    • Il s’agit de l’enfant né de parents unis par le mariage.
    • La légitimité confère de plein droit à l’enfant une reconnaissance juridique de la filiation à l’égard de ses deux parents, ainsi que des droits sur la succession.
  • L’enfant naturel
    • Il s’agit d’un enfant né de parents qui ne sont pas mariés l’un à l’autre au moment de sa naissance.
    • Historiquement, les enfants naturels étaient distingués des enfants légitimes, principalement en raison du statut matrimonial de leurs parents.
    • Les enfants naturels étaient souvent désignés sous le terme d'”enfants illégitimes”, bien que cette terminologie soit de moins en moins utilisée en raison de ses connotations négatives et de l’évolution du droit visant à assurer l’égalité entre tous les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance.
  • L’enfant adultérin
    • Il s’agit de l’enfant né d’une relation extraconjugale, c’est-à-dire issu d’un adultère.
    • Les enfants adultérins se distinguent des
      • D’une part, des enfants légitimes, puisque nés de parents mariés entre eux
      • D’autre part, des enfants naturels, lesquels sont nés de parents non mariés mais dont la relation n’était pas considérée comme adultérine.
    • Pendant longtemps, il était fait interdiction aux enfants adultérins d’établir leur filiation, ce qui, par voie de conséquence, les privait de tout droit sur la cession.
    • Ce traitement particulier réservé aux enfants adultérins trouvait sa source dans la manière – négative – dont la loi et la société percevaient l’adultère.

==>Évolution

  • Le Code civil de 1804
    • En 1804 les rédacteurs du Code civil opéraient donc une différence de traitement entre les enfants légitimes, les enfants naturels et les enfants naturels.
    • Tandis que les enfants légitimes étaient de plein droit investis de tous les droits dans la succession du de cujus, les enfants naturels et adultérins se trouvaient en position nettement moins favorables.
      • S’agissant des enfants naturels
        • L’ancien article 756 du Code civil posait le principe selon lequel les enfants naturels ne pouvaient pas être héritiers.
        • Plus précisément, la loi ne leur accorde de droits sur les biens de leur père ou mère décédés que lorsqu’ils étaient légalement reconnus.
        • Le Code civil ne leur accordait, en revanche aucun droit sur les biens des parents de leur père ou mère.
        • L’article 757 précisait que les droits de l’enfant naturel dans la succession étaient :
          • En présence d’enfants légitimes, d’un tiers de la portion héréditaire que l’enfant naturel aurait eue s’il eût été légitime ;
          • En présence d’ascendants ou des frères ou sœurs, de la moitié de la portion héréditaire
          • En présence de collatéraux ordinaires, des trois quarts de la portion héréditaire.
        • Ce n’est que si ses père ou mère ne laissaient pas de parents au degré successible que l’enfant naturel pouvait percevoir l’intégralité de la succession.
      • S’agissant des enfants adultérins
        • L’article 762 ne leur reconnaissait qu’un droit de créance aliments contre la succession.
        • Dans la mesure où il leur était fait interdiction d’établir leur filiation, ils étaient privés de toute vocation successorale, ce qui, concrètement, les reléguait quasiment au rang de tiers à la succession.
  • La loi du 03 janvier 1972
    • La loi n°72-3 du 03 janvier 1972 représente une étape décisive dans l’évolution de l’égalité quant aux vocations successorales des enfants.
    • Cette dernière a reconnu aux enfants naturels les mêmes droits successoraux que ceux dont sont investis les enfants légitimes.
    • Désormais, les enfants naturels peuvent donc hériter de leurs parents biologiques dans les mêmes conditions que les enfants nés dans le cadre d’un mariage.
    • Par ailleurs, s’agissant des enfants adultérins, la loi ne les évince plus de la succession ; elle leur reconnaît le droit d’hériter.
    • Toutefois, l’ancien article 760 du Code civil précisait que, en cas de concours, avec des enfants légitimes, les enfants adultérins ne pouvaient recevoir « que la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si tous les enfants du défunt, y compris lui-même, eussent été légitimes ».
  • La loi du 03 décembre 2001
    • Bien que la réforme opérée par loi du 3 janvier 1972 ait marqué une étape significative vers l’égalité des droits des enfants quelle que soit la nature de leur lien de filiation avec le de cujus, certaines différences de traitement subsistaient toujours
    • Il a fallu attendre des réformes ultérieures, notamment la loi du 3 décembre 2001 pour abolir complètement les distinctions fondées sur la naissance et réaliser une égalité complète.
    • Cette loi a été adoptée sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui, dans un célèbre arrêt Mazurek rendu en date du 1er février 2000, a condamné la France au motif que la différence de traitement subie par les enfants adultérins portait atteinte à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui prohibe toute discrimination fondée notamment sur la jouissance des droits dans la naissance.
    • Souhaitant se conformer à la décision rendue par la Cour de Strasbourg, le législateur est donc intervenu le 3 décembre 2001 aux fins d’abolir les dernières discriminations instituées par la loi entre enfants légitimes, naturels, et adultérins.
    • Il en est résulté l’introduction dans le Code civil d’un article 733 qui prévoyait que « la loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder ».
    • Par suite, ce texte a été modifié par l’ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, le législateur ayant souhaité définitivement bannir du Code civil les qualificatifs d’enfants naturels, enfants légitimes et enfants adultérins.
    • Dans sa nouvelle formulation, le nouvel article 733 dispose que « la loi ne distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder. »
    • Il est complété par l’article 735 qui prévoit que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes. »
    • Désormais, il existe une égalité parfaite entre tous les enfants ; la loi leur reconnaît une vocation successorale identique, exception faite des enfants issus d’un inceste, l’article 310-2 du Code civil interdisant formellement que leur filiation soit établie par quelque moyen que ce soit.

2. L’égalité entre enfants légitimes et enfants adoptés

==>Le Code civil de 1804

Lors de sa promulgation, le Code civil de 1804 ne reconnaissait quasiment aucun droit aux enfants adoptés, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’une légitimation.

Tout au plus, ces derniers pouvaient bénéficier de dispositions testamentaires en leur faveur, mais ils n’étaient pas automatiquement comptés dans la succession de l’adoptant comme des enfants biologiques.

L’adoption était perçue plus comme un moyen pour des personnes sans enfants de léguer leurs biens et d’assurer leur nom que comme un moyen de créer une véritable relation parent-enfant ; d’où l’indifférence du législateur s’agissant de la situation juridique de l’enfant adopté.

==>La loi du 11 juillet 1966

Loi du 11 juillet 1966, qui a introduit l’adoption plénière dans le Code civil, a marqué un tournant en reconnaissant à l’enfant adopté des droits successoraux équivalents à ceux d’un enfant biologique dans la famille adoptive.

L’adoption plénière rompt les liens de l’enfant avec sa famille biologique et l’intègre pleinement dans sa nouvelle famille, y compris en matière de succession.

==>La loi du 3 décembre 2001

En s’attaquant à la question de l’égalité des droits successoraux entre les enfants légitimes et naturels, la loi du 3 décembre 2001 a indirectement consolidé la position des enfants adoptés, en affirmant le principe d’égalité de traitement au sein de la famille, quelle que soit l’origine de la filiation.

Ainsi, désormais, plus aucune distinction n’est faite entre les enfants biologiques et les enfants adoptés (art. 733 C. civ.).

Une différence existe néanmoins, bien que ténue, entre l’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière et l’enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple :

  • L’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière
    • Pour mémoire, l’adoption plénière crée un lien de filiation irrévocable entre l’adopté et les adoptants, rompant alors le lien de filiation entre l’adopté et sa famille biologique.
    • Il en résulte deux conséquences :
      • D’une part, l’enfant adopté bénéficie des mêmes droits successoraux que les enfants biologiques de l’adoptant. Il est considéré à tous égards comme un enfant biologique de l’adoptant et entre dans sa famille, ayant droit à hériter sur un même pied d’égalité que tout enfant biologique.
      • D’autre part, l’adoption plénière entraîne la rupture des liens juridiques avec la famille biologique, ce qui signifie que l’enfant adopté n’a plus de droits successoraux vis-à-vis de sa famille d’origine.
  • L’enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple
    • La situation de l’enfant adopté simple est nécessairement particulière dans la mesure où il bénéficie d’une double filiation, ce qui lui confère une position unique dans le droit des successions.
    • Il peut hériter tout à la fois dans sa famille biologique et dans sa famille adoptive.
      • Les droits de l’enfant adopté dans sa famille adoptive
        • L’enfant adopté par adoption simple a le droit d’hériter de ses parents adoptifs tout comme un enfant biologique (art. 365 C. civ.)
        • Il est donc intégré dans l’ordre successoral de la famille adoptive.
        • L’article 365 du Code civil prévoit toutefois que « l’adopté et ses descendants n’ont cependant pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant. ».
        • Cela signifie que, l’adoptant peut l’exhéréder en cas de concours avec des ascendants.
        • C’est là une différence majeure avec l’adoption plénière qui confère à l’enfant adopté la qualité d’héritier réservataire dans sa famille adoptive.
      • Les droits de l’enfant adopté dans sa famille biologique
        • L’adoption simple ne rompt pas les liens de filiation entre l’enfant et sa famille biologique.
        • L’enfant adopté conserve donc tous ses droits successoraux dans sa famille d’origine, pouvant ainsi hériter de ses parents biologiques et autres membres de sa famille biologique selon les règles du droit commun des successions.
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