Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Dévolution légale: la représentation successorale

La dévolution légale a été pensée par le législateur comme un dispositif visant à assurer :

  • D’un côté, une distribution juste et équilibrée des biens du défunt
  • D’un autre côté, une répartition de la succession fidèle à la hiérarchie familiale et aux liens de parenté

À cet égard, si l’on se livrait à une application stricte du classement des héritiers selon l’ordre et le degré, cela serait susceptible de conduire à deux sortes d’inégalités

  • Une inégalité entre branches
  • Une inégalité entre souches

Aussi, afin d’atténuer ces inégalités, deux mécanismes correcteurs ont été institués par les rédacteurs du Code civil : la fente et la représentation.

Tandis que la fente vise à corriger les inégalités affectant les branches, la représentation a, quant à elle, vocation à corriger les inégalités susceptibles d’affecter les souches.

Nous nous focaliserons ici sur le mécanisme correcteur qu’est la représentation successorale.

==>Un mécanisme correcteur des inégalités entre souches

Supposons une mère qui a deux enfants, un fils et une fille, lesquels ont chacun donné naissance à un enfant, soit à un petit-fils pour la fille et une petite-fille pour le fils.

Le fils décède avant la mère qui décède quelques années plus tard, laissant alors derrière elle une fille, un petit-fils et une petite-fille.

Selon la règle de proximité du degré, seul l’héritier au degré le plus proche devrait être désigné comme héritier légitime, ce qui, dans ce cas, désignerait la fille comme seule héritière de sa mère.

Toutefois, la situation serait particulièrement injuste dans la mesure où cela reviendrait à exclure totalement la petite-fille de la succession de sa grand-mère au seul motif que son père est décédé avant sa grand-mère.

L’application de la règle de proximité du degré serait ainsi de nature à créer une inégalité entre les souches. Au cas particulier la souche de la petite-fille serait purement et simplement écartée à la faveur de la souche du petit-fils.

Afin d’empêcher qu’une telle situation ne puisse se produire et donc garantir une stricte égalité entre les souches, le législateur a institué le mécanisme de la représentation.

==>Notion

Classiquement, la représentation se définit comme le mécanisme juridique par lequel les descendants d’un héritier prédécédé sont appelés à succéder en lieu et place de ce dernier, leur permettant d’hériter de la part de succession qui aurait dû lui revenir s’il avait été en vie au moment de l’ouverture de la succession.

L’article 751 du Code civil définit plus simplement la représentation comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

L’utilisation du concept fiction dans cette définition peut interroger ; car cela pourrait laisser à penser que la dévolution de la succession au représentant serait fictive. Or il n’en est rien. Le représentant, par le jeu de la représentation, est bien promu au rang occupé par le représenté (prédécédé) aux fins de recueillir en son lieu et place la part qui lui était initialement promise dans la succession.

Comme souligné par Raymond Le Guidec « en vérité, il faut comprendre l’idée de fiction en ce que la loi fait comme si le représenté était encore en vie, puisqu’on calcule ce qu’il aurait eu pour en faire profiter ses propres descendants »[1].

Le jeu de la représentation n’a donc rien de fictif. À cet égard, il convient de ne pas confondre la représentation successorale avec la représentation au sens du droit des obligations.

En cette matière, la représentation peut être définie comme « l’action consistant pour une personne investie à cet effet d’un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel (le représentant), d’accomplir au nom et pour le compte d’une autre – incapable ou empêchée (le représenté) – un acte juridique dont les effets se produisent sur la tête du représenté »[2].

Aussi, se distingue-t-elle très nettement de la représentation que l’on rencontre en droit des successions. La différence entre les deux mécanismes tient à leurs finalités et leurs effets respectifs qui diffèrent radicalement :

  • S’agissant de la représentation au sens du droit des obligations
    • Elle vise à permettre à une personne, le représentant, d’accomplir des actes juridiques, au nom et pour le compte d’une autre personne, le représenté.
    • Ici la représentation a pour effet de lier juridiquement le représenté à l’acte effectué par le représentant comme s’il l’avait personnellement accompli.
    • En d’autres termes, l’acte accomplit par le représentant produit ses effets sur le représenté.
  • S’agissant de la représentation successorale
    • Elle vise à hisser le représentant au rang du représenté afin qu’il prenne sa place dans la succession.
    • Ici la représentation produit des effets sur la tête, non pas du représenté, mais du représentant.
    • Le représentant vient aux droits du représentés dans la succession en son lieu en place, de telle sorte qu’il devient personnellement titulaire de ces droits.

==>Finalité

À l’analyse, le mécanisme de la représentation vise à permettre la transmission de la succession de manière linéaire et équitable, en veillant à ce que les droits de succession soient préservés au sein de la lignée descendante de l’héritier empêché.

Au fond, la représentation a été conçue pour maintenir l’intégrité et la continuité du patrimoine familial à travers les générations, en assurant que tous les descendants puissent bénéficier équitablement de l’héritage, indépendamment des aléas de la vie ou de la mort.

La finalité de la représentation vise, en d’autres termes, à corriger les effets potentiellement injustes du décès prématuré d’un héritier, en garantissant que ses descendants ne soient pas injustement privés de l’héritage auquel leur parent aurait eu droit.

L’application du mécanisme de la représentation à l’hypothèse prise en exemple conduira à attribuer la moitié des biens de la défunte à sa fille et l’autre moitié à sa petite-fille.

Il peut être observé que, si la représentation a pour effet de promouvoir un héritier à un rang supérieur dans le classement des successibles par degré, il serait faux de penser qu’elle améliore systématiquement sa position.

Reprenons l’exemple précédent et supposons que le fils et la fille soient tous deux décédés avant leur mère et que la fille ait eu deux fils au lieu d’un seul.

Dans cette hypothèse, une applicable stricte du principe d’égalité entre les successibles de même ordre et de même degré aurait commandé de diviser la succession en trois parts égales, chaque petit-enfant recueillant un tiers de la succession de sa grand-mère.

Tel n’est toutefois pas le résultat auquel conduit le mécanisme de la représentation. Tandis que la situation de la petite-fille se trouve améliorée, celle-ci percevant la moitié de la succession au lieu d’un tiers, les petits-fils voient, quant à eux, leurs droits dans la succession sont réduits à un quart.

La raison en est que la représentation vise à assurer une égalité entre les souches et non entre les têtes.

Cette finalité s’infère très clairement de l’article 753 du Code civil qui prévoit que « dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ; s’il y a lieu, il s’opère par subdivision de souche ».

1. Le domaine de la représentation

a. Le domaine de la représentation quant à la dévolution successorale

La transmission du patrimoine d’une personne décédée obéit à un ensemble de règles, visant à organiser l’attribution de ses biens selon ses volontés ou, en l’absence de testament, selon la loi.

Ces règles se regroupent principalement en deux catégories :

  • La dévolution légale, qui s’applique en l’absence de dispositions testamentaires exprimées par le défunt
  • Les dispositions testamentaires elles-mêmes, lorsque le de cujus a choisi d’attribuer un ou plusieurs biens spécifiques à une personne déterminée.

À ces deux mécanismes traditionnels de transmission successorale s’ajoute une troisième voie, régie par un corpus normatif distinct : les règles gouvernant les contrats d’assurance-vie.

Le contrat d’assurance-vie est un mécanisme contractuel permettant à une personne de désigner un ou plusieurs bénéficiaires qui recevront, à son décès, les sommes accumulées dans le cadre du contrat, indépendamment des règles de succession classiques.

Aussi, existe-t-il une distinction fondamentale entre ces trois mécanismes : tandis que la représentation successorale — c’est-à-dire la possibilité pour les héritiers d’une personne prédécédée d’hériter à sa place — trouve application dans le cadre de la dévolution légale et des dispositions testamentaires, elle ne s’applique pas aux contrats d’assurance-vie.

En effet, en présence d’un tel contrat, la désignation des bénéficiaires par le souscripteur crée un droit direct et personnel pour ces derniers sur les sommes dues par l’assureur, droit qui se matérialise indépendamment des règles de succession traditionnelles et qui ne peut être modifié par la représentation.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 10 septembre 2015. Aux termes de cette décision, elle a notamment jugé, au visa des articles L. 132-9 et L. 132-11 du Code des assurances que « si l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d’une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant » (Cass. 2e civ. 10 sept. 2015, n°14-20.017).

Il ressort donc de cet arrêt que, en l’absence de clause de représentation expressément stipulée dans le contrat d’assurance vie, le mécanisme de la représentation ne pourra pas jouer à la faveur des descendants du bénéficiaire du contrat.

La conséquence en est l’intégration du contrat d’assurance-vie dans le patrimoine du défunt. Sa transmission obéira alors aux règles de la dévolution légale et, le cas échéant, aux dispositions testamentaires.

Pour que la représentation puisse jouer en matière de contrat d’assurance-vie, le souscripteur doit expressément le prévoit dans la clause bénéficiaire qui pourrait être rédigée comme suit :

*****

Je soussigné(e), [Nom et Prénom du Souscripteur], né(e) le [Date de Naissance], souscrivant le contrat d’assurance-vie numéro [Numéro du Contrat], auprès de [Nom de la Compagnie d’Assurance], désigne comme bénéficiaires en cas de décès, dans l’ordre suivant :

  1. À mon(mes) enfant(s) [Noms des Enfants], nés le(s) [Dates de Naissance], à parts égales. En cas de prédécès ou de renonciation de l’un(e) d’entre eux(elles), la part revenant à cet(cette) enfant sera répartie, par représentation, à ses descendants, à parts égales.
  2. À défaut de bénéficiaire(s) désigné(s) au premier rang, ou en cas de prédécès ou de renonciation de tous les bénéficiaires désignés au premier rang sans laisser de descendants, je désigne mon(mes) héritier(s) légal(aux) selon la dévolution successorale prévue par le Code civil.

Cette désignation est faite sous réserve de l’existence des bénéficiaires au moment de mon décès et selon les conditions précisées dans le contrat d’assurance-vie.

Je précise que, conformément à ma volonté, la représentation est admise pour mes descendants, permettant aux petits-enfants ou arrière-petits-enfants de se substituer à leur ascendant prédécédé dans les droits à la prestation d’assurance-vie, à condition que cette substitution soit expressément mentionnée pour chaque rang de bénéficiaires.

*****

b. Le domaine de la représentation quant aux ordres successoraux

La représentation n’est pas admise dans tous les ordres successoraux. Il est, en effet, certains ordres où elle ne peut pas jouer.

i. Les ordres dans lesquels la représentation est admise

La représentation est admise dans l’ordre successoral :

  • D’une part, des descendants
  • D’autre part, des collatéraux privilégiés

==>La représentation dans l’ordre des descendants

L’article 752 du Code civil prévoit que « la représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante. »

Il est ressort de cette disposition que les descendants en ligne directe, quelle que soit la proximité de degré qu’ils entretiennent avec le de cujus peuvent, par principe, toujours venir aux droits de ce dernier en représentation de leurs parents décédés.

Autrement dit, tous les descendants – en ligne directe – du de cujus sont admis à succéder, peu importe leur éloignement générationnel du défunt.

En énonçant que la représentation pour jouer « à l’infini », le législateur a souhaité exprimer sa volonté de garantir la perpétuation du droit de succession à travers les générations, sans limitation de degré dans la filiation.

Ce mécanisme permet donc à n’importe quel descendant en ligne directe, à défaut de présence ou en cas de prédécès d’un ascendant direct (parent, grand-parent, etc.), de se voir conférer le droit de recueillir la part successorale qui aurait dû revenir à cet ascendant.

Là ne s’arrête pas l’article 752 du Code civil. L’alinéa 2 précise que la représentation « est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant prédécédé, soit que tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux. »

Il faut comprendre ici que la représentation a vocation à jouer, peu importe que le représentant occupe un rang inférieur par rapport aux autres descendants avec lesquels il est en concours.

À l’analyse, ce texte vise deux situations bien distinctes :

  • Première situation : les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant prédécédé
    • Dans cette hypothèse, la représentation successorale permet aux petits-enfants (ou autres descendants directs) d’un enfant du défunt qui est lui-même décédé, de se substituer à leur parent prédécédé.
    • Ces descendants viennent donc concourir à la succession aux côtés des oncles et tantes (les enfants survivants du défunt), quand bien même ils occupent un rang inférieur, d’où la précision « dans tous les cas », soit peu importe que les descendants en concours soient de degrés inégaux.
    • Le second alinéa de l’article 752 du Code civil vise à écarter l’application de la règle de priorité de degré en présence d’une représentation.

  • Seconde situation : tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux
    • Cette situation survient lorsque tous les enfants du défunt sont décédés avant lui.
    • Les petits-enfants (ou arrière-petits-enfants, selon les cas) héritent alors directement de leur grand-parent (ou arrière-grand-parent), mais la répartition de la succession se fait selon que ces descendants sont au même degré de parenté (par exemple, tous petits-enfants du défunt) ou à des degrés de parenté différents (par exemple, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants).
    • Le principe de la représentation joue toujours, permettant à ces descendants d’hériter en lieu et place de leurs parents prédécédés, avec une répartition qui tient compte des lignes familiales respectives.
    • Là encore, il est indifférent précise le texte que les descendants des enfants prédécédés soient de degré égaux ou inégaux.
    • « Dans tous les cas », dit le texte, la représentation leur permet de venir aux droits du de cujus.
    • Comme souligné précédemment, cette règle, si elle assure une égalité parfaite entre les souches, est susceptible de créer des inégalités entre les héritiers de degrés égaux.
    • Supposons, en effet, que les enfants précédés du de cujus ne laissent pas derrière eux le même nombre d’enfants.
    • La conséquence en est que tous ne percevront pas la même part, la répartition de la succession s’opérant par souche et non par tête.

==>La représentation dans l’ordre des collatéraux privilégiés

L’article 752-2 du Code civil prévoit que « en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou sœurs du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et sœurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux ».

Il ressort de cette disposition que si la représentation peut jouer en ligne collatérale, elle est limitée aux collatéraux privilégiés.

Ainsi, contrairement à la ligne directe où la représentation est admise « à l’infini », en ligne collatérale, elle est limitée aux enfants et descendants des frères ou sœurs du défunt. Cela signifie que les neveux et nièces du défunt (ainsi que leurs descendants) peuvent hériter par représentation, mais pas au-delà de ce degré de parenté.

À cet égard, le texte envisage deux situations :

  • Première situation : des neveux et nièces concourent à la succession avec des oncles ou tantes (frères et sœurs survivants du défunt)
    • Dans cette hypothèse, la représentation permet aux neveux et nièces de venir en concours de leurs oncles et tantes, alors mêmes qu’ils sont de degré inférieur.
    • Il peut être observé que, pour les collatéraux privilégiés, la représentation peut jouer à l’infini, ce qui concrètement signifie qu’elle peut bénéficier à tous les descendants des frères et sœurs et limitation de degré.
    • Selon la doctrine, cette disposition vise à préserver l’équité dans la répartition des biens du défunt, en permettant une distribution qui reflète plus fidèlement les liens familiaux et les intentions probables du défunt.
    • S’agissant de la limitation de la représentation en ligne collatérale elle reflète un choix législatif pragmatique, visant à équilibrer l’équité successorale avec la nécessité de ne pas trop compliquer la dévolution des successions.
    • Certains auteurs ont toutefois pu critiquer la portée limitée de la représentation en ligne collatérale, arguant qu’elle pourrait exclure injustement certains héritiers méritants.
    • D’autres, cependant, considèrent que cette limitation est justifiée par les complexités administratives et les difficultés pratiques qu’une application plus large pourrait engendrer.

  • Seconde situation : tous les frères et sœurs du défunt sont prédécédés
    • Dans cette hypothèse, l’article 752-2 du Code civil prévoit que la succession est dévolue aux descendants respectifs des frères et sœurs prédécédés (neveux et nièces, voire petits-neveux et petites-nièces), indépendamment du degré de parenté entre eux.
    • Ici aucun des frères ou sœurs du défunt n’est en vie pour hériter directement.
    • La succession passe donc aux descendants de rang subséquent, c’est-à-dire aux descendants des frères et sœurs du défunt.
    • Le texte précise qu’il est indifférent que ces héritiers soient à des « degrés égaux ou inégaux ».
    • Cela signifie que des descendants de frères et sœurs sont susceptibles de venir en concours d’autres collatéraux privilégiés occupant des rangs supérieurs.

    • Par ailleurs, comme pour la représentation jouant en ligne directe, lorsque les souches ne comptent pas le même nombre de collatéraux privilégiés, cette situation peut conduire à une inégalité entre successibles de même degré, dans la mesure où la répartition se fera par souche et non par tête.

ii. Les ordres dans lesquels la représentation n’est pas admise

Il ressort des articles 752-1 et 752-2 du Code civil que la représentation n’est pas admise :

  • D’une part, pour les ascendants en ligne directe
  • D’autre part, pour les collatéraux ordinaires

==>S’agissant des ascendants en ligne directe

L’article 752-1 du Code civil prévoit que « la représentation n’a pas lieu en faveur des ascendants ; le plus proche, dans chacune des deux lignes, exclut toujours le plus éloigné. »

Cela signifie que, en présence de plusieurs ascendants à l’intérieur d’une ligne, la règle de proximité de degré ne souffre d’aucune exception.

Aussi, dans l’hypothèse où l’ascendant de parents prédécédés du de cujus se retrouverait en concours avec un ascendant plus proche en degré, c’est ce dernier qui percevrait l’intégralité de la part de la succession dévolue à sa ligne d’appartenance.

Supposons que le défunt laisse derrière lui son père et, du côté de la branche maternelle, son grand-père et les parents de sa grand-mère.

Si l’on appliquait le mécanisme de la représentation, la succession devrait être répartie comme suit :

  • ½ pour le père
  • ¼ pour le grand-père maternel
  • ¼ pour les arrière-grands-parents qui viendraient en représentation de la grand-mère maternelle

En présence d’ascendants, la représentation, dit l’article 752-1 du Code civil, ne peut pas jouer.

Il en résulte que la succession sera répartie comme suit :

  • ½ pour le père
  • ½ pour le grand-père maternel qui exclut les arrière-grands-parents

À l’analyse, l’exclusion par le législateur de la représentation à la faveur des ascendants procède de la volonté de préserver une certaine cohérence dans la logique à laquelle obéit la dévolution successorale.

Cette dernière repose, en effet, sur le principe selon lequel la succession doit, dans la mesure du possible, refléter l’ordre naturel des choses, notamment l’ordre chronologique des décès au sein de la famille.

En permettant à un arrière-grand-parent de représenter un grand-parent décédé et ainsi de recueillir une part de la succession qui, selon l’ordre naturel des décès, ne lui serait normalement pas échue, le droit successoral introduirait une anomalie. Cette situation serait encore plus accentuée par le fait qu’il est déjà exceptionnel qu’un grand-parent hérite de son petit-enfant : permettre à un arrière-grand-parent de le faire par représentation aggraverait cette situation exceptionnelle.

Aussi, l’exclusion de la représentation pour les ascendants vise ainsi à neutraliser certains effets du hasard dans l’ordre chronologique des décès. Il s’agit, autrement dit, éviter que le hasard des décès au sein d’une famille ne vienne perturber la transmission logique du patrimoine. Si la représentation était permise en faveur des ascendants, cela pourrait en effet conduire à des situations où un ascendant éloigné serait avantagé par le décès prématuré d’un ascendant plus proche, ce qui irait à l’encontre de l’ordre naturel et présumé des successions.

Dans la ligne descendante, la représentation a pour effet de rétablir cet ordre lorsque, par exemple, un enfant décède avant ses parents, en permettant à ses descendants (les petits-enfants du de cujus) de recueillir sa part. Cependant, en ligne ascendante, cette logique ne tient plus : plutôt que de rétablir un ordre naturel, l’application de la représentation accentuerait le désordre en conférant des droits successoraux à des individus normalement éloignés de la succession par l’ordre des naissances et des décès.

À cet égard, il peut être observé que l’égalité successorale entre ascendants est assurée par le mécanisme de la fente qui opère, non pas par souche, mais par branche.

==>S’agissant des collatéraux ordinaires

Il s’évince d’une lecture a contrario de l’article 752-2 du Code civil que la représentation ne peut pas jouer pour les collatéraux ordinaires, soit les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

Cela implique qu’en présence de plusieurs collatéraux ordinaires à l’intérieur d’une même ligne, la règle de proximité de degré n’admet aucune exception.

Ainsi, dans l’hypothèse où plusieurs collatéraux ordinaires se retrouvent en concours pour la succession, c’est le collatéral le plus proche en degré qui percevra l’intégralité de la part de la succession dévolue à sa ligne d’appartenance.

Prenons l’exemple d’un défunt qui laisserait derrière lui pour seule descendance une tante et des cousins germains issus d’un oncle prédécédé.

Si l’on appliquait le mécanisme de la représentation, la succession devrait théoriquement se répartir comme suit :

  • ½ pour la tante
  • ½ pour les cousins germains venant en représentation de l’oncle du de cujus

Toutefois, en présence de collatéraux ordinaires, la représentation, conformément à l’article 752-2 du Code civil, ne peut pas jouer. Par conséquent, l’intégralité de la succession reviendra à la tante qui exclut les cousins de la succession qui donc n’hériteront de rien, sauf disposition testamentaire contraire.

Comme souligné par les auteurs, l’exclusion des collatéraux ordinaires de la représentation tient au caractère hautement exceptionnel de leur appel à la succession. Dans l’ordre naturel des choses, l’occurrence où un collatéral ordinaire hériterait directement est déjà en elle-même un événement rarissime, supposant qu’aucun héritier plus proche ne soit en vie ou capable d’hériter, et que le défunt n’ait pas exprimé de volontés testamentaires spécifiques.

Aussi, le législateur a-t-il cherché ici à refléter et à respecter cet ordre naturel des choses. Introduire la représentation pour ces collatéraux reviendrait à permettre une rectification artificielle de l’ordre accidentel des décès, ce qui serait en contradiction flagrante avec cet ordre naturel. Il s’agirait, dans un sens, de permettre au hasard, à la chance, voire à la bonne fortune, de jouer un rôle prépondérant dans la dévolution du patrimoine, ce qui n’est pas l’objectif du droit successoral.

À fond, la représentation, si elle était étendue à ces cas, ne ferait qu’amplifier l’impact de tels hasards, en permettant potentiellement à des collatéraux encore plus éloignés de bénéficier d’une fortune inattendue, à la suite de séquences de décès tout aussi inattendues.

2. Les conditions de la représentation

a. Condition préalable : l’existence d’une pluralité de souches

La représentation ayant pour fonction d’assurer une égalité entre les souches, pour que ce mécanisme puisse jouer encore faut-il qu’existe une pluralité de souches.

Prenons l’exemple d’un grand-père, nommé Georges, qui a trois enfants : Denis, Élise, François. Supposons que Denis décède avant Georges.

Georges (Grand-père) décède en laissant deux enfants vivants (Élise, François) et plusieurs petits-enfants.

Par application de l’article 752 du Code civil, les enfants de Denis (par exemple, Hélène et Igor) peuvent « représenter » leur père Denis dans la succession de Georges. Cela signifie qu’ils prendront collectivement la part qui aurait été attribuée à Denis s’il avait été vivant. De leur côté, Élise et François héritent chacun leur part.

Supposons maintenant que Denis était le seul enfant de Georges et qu’il décède avant son père.

Dans cette hypothèse, la question se pose de savoir à quel titre Hélène et Igor ont-ils vocation à hériter ? Vont-ils hériter de Georges en représentation de leur père ou vont-ils hériter de leur propre chef ?

La question n’est pas sans importante, car il est des configurations où selon que l’on retient l’une ou l’autre solution la part revenant à Hélène et Igor peut varier.

Supposons, en effet, que Georges ait consenti de son vivant une donation à son fils rapportable à la succession et qu’il ait légué tout ou partie de la quotité disponible à un tiers.

Ici, selon que l’on considère que Hélène et Igor succèdent à Georges en représentation de leur père (Denis) ou de leur propre chef, la part qui leur revient n’est pas la même.

  • Option 1 : Hélène et Igor succèdent à Georges en représentation de leur père
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu d’avoir à l’esprit que la représentation a pour effet de faire venir les représentants dans les droits du représenté.
    • Dès lors, en cas de libéralités consenties à un tiers par voie testamentaire, la seule réserve héréditaire dont ils pourront se prévaloir (part de la succession dont ne peut pas disposer librement le testateur car elle est réservée par la loi à certains héritiers, appelés héritiers réservataires) n’est autre que celle du représenté.
    • À cet égard, il peut être observé que les donations faites par le défunt de son vivant à des héritiers en ligne directe, doivent être rapportées à la succession.
    • Aussi, ces libéralités viennent-elles s’imputer sur la réserve de l’héritier réservataire et par voie de conséquence sur celle des descendants qui le représentent en cas de prédécès.
    • Au cas particulier, pour calculer la part qui revient à Hélène et Igor la libéralité consentie à Denis doit être imputée sur leur réserve et non sur la quotité disponible, de sorte que la part revenant au tiers ne s’en trouvera pas affectée.
    • La part revenant à Hélène et Igor sera en revanche diminuée du montant de la donation consentie du vivant de Georges à Denis, sauf à ce que cette donation soit toujours présente dans son patrimoine en valeur ou en nature.
  • Option 2 : Hélène et Igor succèdent à Georges de leur propre chef
    • Dans cette hypothèse, Hélène et Igor succèdent à Georges de leur propre chef.
    • Ils peuvent dès lors se prévaloir d’une réserve héréditaire qui leur est propre, en ce sens qu’elle est distincte de celle dont était titulaire leur ascendant.
    • La conséquence en est que la libéralité consentie à Denis ne pourra pas être rapportée à la succession ; elle doit être regardée comme si elle avait été faite au profit d’un tiers.
    • Afin de calculer la part revenant à Hélène et Igor dans la succession de Georges, il convient dès lors d’imputer la donation consentie au tiers, non pas sur leur réserve propre, mais sur la quotité disponible.
    • La part revenant à Hélène et Igor s’en trouve dès lors augmentée (à hauteur du montant de la donation consentie à Denis), tandis que le legs attribué au tiers est, quant à lui, diminué d’autant.

Par un arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a opté pour la seconde option.

Aux termes de cette décision, elle a jugé « qu’il ne peut y avoir représentation dans la ligne directe descendante que si le défunt a eu plusieurs enfants » (Cass. 1ère civ. 25 sept. 2013, n°12-17.556).

En l’absence d’une pluralité de souches, les descendants de l’enfant unique du défunt ne viennent pas à la succession par représentation, mais « de leur propre chef », soit en leur propre nom, directement en tant qu’héritiers de leur grand-père.

Ils ne sont donc pas tenus de rapporter les donations que leur père avait reçues, puisqu’ils ne représentent pas leur père mais héritent directement de leur grand-père.

b. Les conditions tenant au représenté

i. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les règles de la représentation successorale étaient bien plus restrictives qu’elles ne le sont aujourd’hui.

En effet, avant les réformes du droit des successions opérées par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 et la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, la représentation n’était pas admise dans certains cas où le représenté était jugé indigne ou avait renoncé à la succession.

Aussi, le mécanisme de la représentation ne pouvait jouer que si le représenté était prédécédé.

L’ancien article 744, al. 1er du Code civil disposait en ce sens que « on ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes. »

On en déduisait qu’une personne indigne ne pouvait pas succéder, puisque vivante. Pour mémoire, l’indignité est une situation dans laquelle un héritier est exclu de la succession car il a commis un acte jugé gravement répréhensible à l’égard du de cujus, comme un homicide ou une tentative d’homicide. Sous l’ancien droit, un héritier déclaré indigne ne pouvait donc pas être représenté dans la succession.

La solution retenue était la même en cas de renonciation à la succession par le représenté. Si, en effet, un héritier renonçait à la succession, ses descendants ne pouvaient pas le représenter pour hériter à sa place. La renonciation bloquait donc la transmission de la succession aux descendants du renonçant.

L’ancien article 754, al. 1er du Code civil disposait en ce sens que « on représente les prédécédés, on ne représente pas les renonçants ».

Jugées obsolètes et en décalage avec l’évolution des mœurs, ces règles ont été assouplies pour permettre une plus grande fluidité et justice dans la transmission patrimoniale, notamment pour protéger les intérêts des descendants qui ne devraient pas être pénalisés par les actions de leurs ascendants.

ii. Droit positif

Les réformes entreprises par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 et la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 ont donc assoupli les conditions de la représentation tenant au représenté.

Aujourd’hui, la seule condition devant être remplie pour que la représentation puisse jouer, c’est que le représenté ne puisse pas venir aux droits du de cujus :

  • Soit parce qu’il est prédécédé (art. 754, al. 1er C. civ.)
  • Soit parce qu’il est frappé d’indignité (art. 729-1 C. civ.)
  • Soit parce qu’il est renonçant (art. 754, al. 1er C. civ.)

Envisageons successivement les trois situations :

==>Le représenté est prédécédé

Le prédécès du représenté est le principal cas ouvrant droit à la mise en œuvre du mécanisme de la représentation.

L’ancien article 744, al. 1er du Code civil énonçait en ce sens que « on ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes ».

S’il n’est désormais plus exigé que le représenté soit mort pour que la représentation puisse jouer, le prédécès n’en reste pas moins l’une des conditions alternatives avec l’indignité et la renonciation.

Aussi, le nouvel article 754, al. 1er du Code civil prévoit que « on représente les prédécédés ».

Si donc il ne fait aucun doute que la représentation peut jouer en cas de prédécès du de cujus, la question s’est posée de savoir s’il en allait de même en cas d’absence.

Pour mémoire, l’absence est définie à l’article 112 du Code civil comme la situation d’une personne qui « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles ».

Il s’agit, autrement dit, de l’hypothèse où une personne ne s’est pas manifestée auprès de ses proches pendant une période prolongée, de sorte que l’on ignore si elle est encore en vie ou si elle est décédée.

Cette situation se rencontrera essentiellement à des époques troublées par la guerre, la révolution ou encore des catastrophes naturelles.

Afin de déterminer si l’on peut ou non représenter une personne absente, il y a lieu de distinguer selon que cette personne est présumée absente ou déclarée absente :

  • Le représenté est présumé absent
    • L’article 112 du Code civil prévoit que « lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu’il y a présomption d’absence. »
    • Durant toute la période au cours de laquelle la présomption d’absence joue l’absent est présumé en vie, ce qui signifie que, à ce stade, non seulement sa succession ne saurait s’ouvrir, mais encore il conserve sa capacité à hériter comme précisé par l’article 725, al. 2e du Code civil.
    • Il en résulte que l’on ne saurait représenter une personne présumée absente.
  • Le représenté est déclaré absent
    • Lorsque la période de présomption d’absence arrive à son terme, s’amorce une seconde phase, celle de la déclaration d’absence qui conduit à présumer l’absent décédé.
    • L’article 122 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsqu’il se sera écoulé dix ans depuis le jugement qui a constaté la présomption d’absence, soit selon les modalités fixées par l’article 112, soit à l’occasion de l’une des procédures judiciaires prévues par les articles 217 et 219, 1426 et 1429, l’absence pourra être déclarée par le tribunal judiciaire à la requête de toute partie intéressée ou du ministère public ».
    • Il ne s’agit donc plus ici d’assurer la protection de l’absent dont on présume qu’il est en vie, mais d’organiser la liquidation de ses intérêts, puisqu’on présume dorénavant qu’il est mort.
    • Car en effet, conformément à l’article 128 du Code civil « le jugement déclaratif d’absence emporte, à partir de la transcription, tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eus. »
    • Ce jugement produit donc l’effet inverse que la présomption d’absence : l’absent bascule du statut de présumé en vie en présumé mort.
    • Compte tenu de ce que la personne déclarée absente est présumée décédé, elle peut parfaitement être représentée.

==>Le représenté est frappé d’indignité

Envisagée aux articles 726 à 729-1 du Code civil, l’indignité successorale est classiquement définie comme la déchéance du droit de succéder au défunt à raison d’atteintes graves portées à son encontre.

Si, sous l’empire du droit antérieur, on ne pouvait pas représenter une personne frappée d’indignité successorale, cela est désormais permis.

L’article 729-1 du Code civil dispose en ce sens que « les enfants de l’indigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur, soit qu’ils viennent à la succession de leur chef, soit qu’ils y viennent par l’effet de la représentation »

Cette disposition, qui est issue de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, met fin à l’injustice dont étaient victimes les enfants de l’indigne : ceux-ci, qui n’ont commis aucune faute, peuvent désormais représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu.

Si la plupart des auteurs ont salué cette réforme considérant qu’elle constituait un pas supplémentaire vers une application plus juste et plus humaine du droit successoral, d’autres, ont critiqué la possibilité d’une porte dérobée permettant à l’indigne de bénéficier indirectement de la succession à travers ses descendants.

Dans le prolongement de l’admission de la représentation d’une personne frappée d’indignité, la question s’est posée de savoir si l’on pouvait représenter un héritier exhérédé, c’est-à-dire expressément écarté de la succession par voie testamentaire.

Plus précisément, l’exhérédation est un acte par lequel le testateur exclut de sa succession une personne qui aurait autrement été héritière légale.

Dans la mesure où l’on peut désormais représenter un indigne, pourquoi ne pas admettre que la représentation puisse également jouer à la faveur des descendants d’une personne exhérédée ?

Par un arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation a purement et simplement exclu cette possibilité au motif que « loi ne prévoit pas la représentation de l’héritier exhérédé par testament » (Cass. 1ère civ. 17 avr. 2019, n°17-11.508).

À l’analyse, cette décision peut surprendre. En effet, à l’instar des héritiers de l’indigne, les descendants de la personne exhérédée n’ont pas nécessairement contribué à la décision d’exhérédation et peuvent se retrouver pénalisés pour des actions ou des décisions qui ne sont pas les leurs.

Par ailleurs, permettre la représentation successorale en cas d’exhérédation pourrait prévenir des situations d’injustice où des enfants ou petits-enfants perdent leur droit à l’héritage en raison de conflits auxquels ils n’ont pris aucune part.

En n’admettant pas que l’on puisse représenter une personne exhérédée, la Cour de cassation fait primer la volonté du testateur exprimée clairement dans son testament.

Si le testateur a choisi d’exhéréder une personne, il n’est pas illogique de supposer qu’il a souhaité également exclure les descendants de cette personne.

Ignorer cette volonté pourrait être perçu comme une atteinte à l’autonomie personnelle du testateur dans la gestion de ses biens après sa mort.

En outre, si les descendants d’une personne exhérédée peuvent hériter par représentation, cela pourrait potentiellement encourager des comportements où des individus chercheraient à contourner les intentions claires d’un testateur, érodant ainsi la sécurité juridique des testaments.

Au total, il est autant d’arguments pour et contre la position adoptée par la Cour de cassation. La question de fond qui se pose est de savoir comment concilier l’autonomie de la volonté du testateur et la justice familiale.

==>Le représenté a renoncé à la succession

L’article 754, al. 1er du Code civil prévoit que « on ne représente les renonçants que dans les successions dévolues en ligne directe ou collatérale. »

Cette disposition a été introduite dans le Code civil par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006.

Elle permet donc aux descendants de représenter un ascendant qui a renoncé à sa succession.

Cette évolution législative marque un changement significatif en revenant sur une règle bicentenaire qui empêchait toute représentation des renonçants vivants, limitant cette possibilité aux cas des prédécédés.

Cette ancienne règle créait, en effet, une iniquité manifeste : si un enfant renonçait de son vivant à la succession de ses parents, ses propres enfants se voyaient privés de la part d’héritage qui aurait dû revenir à leur parent renonçant, alors que si ce dernier décédait avant l’ouverture de la succession, la transmission de la part se faisait normalement à ses descendants.

La loi du 3 décembre 2001 avait déjà étendu la possibilité de représentation aux descendants de l’héritier jugé indigne, même encore vivant, permettant ainsi la représentation des indignes vivants.

La loi du 23 juin 2006 poursuit le même objectif : pallier les situations où la stricte application des règles antérieures aurait résulté en une exclusion injuste des descendants directs du renonçant.

Il peut être observé que, initialement, le législateur avait envisagé de limiter le domaine de la règle au bénéfice des seuls descendants en ligne directe.

Un amendement est toutefois venu étendre son champ d’application aux collatéraux privilégiés.

Il peut être observé que lorsque cet amendement a été intégré au projet de loi définitif, les parlementaires n’ont pas pris le soin de revoir la construction grammaticale du texte.

Or comme souligné très justement par des auteurs la restriction « ne…que » suggère que l’admission de la représentation des renonçants serait limitée à certains cas, alors qu’il n’en est rien[3].

c. Les conditions tenant au représentant

Pour venir en représentation des droits du représenté, le représentant doit être apte à succéder au de cujus.

Cela signifie qu’il doit remplir plusieurs conditions cumulatives :

  • Première condition
    • Le représentant doit répondre à l’exigence énoncée à l’article 725 du Code civil qui prévoit que « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable ».
    • Ainsi, la représentation ne pourra jouer que si le représentant était né, à tout le moins conçu et viable au jour du décès du de cujus.
    • Ce qui importe c’est donc que le représentant ait existé, ce qui implique qu’il se soit vu reconnaître la personnalité juridique avant le décès du défunt.
    • Il est en revanche indifférent que le représentant soit frappé d’une incapacité d’exercice, tel que peut l’être le mineur ou un majeur protégé
  • Deuxième condition
    • Pour que la représentation puisse jouer, le représentant doit être un descendant direct de la personne représentée.
    • La représentation est principalement admise dans la ligne directe descendante (enfants, petits-enfants, etc. du défunt), et dans la ligne collatérale pour les descendants des frères et sœurs du défunt.
    • Parmi les descendants du défunt, la personne qui est admise à représenter le prédécédé est celle qui est le plus proche en degré de parenté.
    • Par exemple, si un enfant du défunt est décédé, ses propres enfants (les petits-enfants du défunt) le représenteront dans la succession. Cette règle assure que la succession reste aussi proche que possible du défunt en termes de lignées familiales.
    • Par ailleurs, pour que la représentation puisse être mise en œuvre, tous les degrés intermédiaires entre le représentant et le représenté doivent être vacants.
    • Cela signifie que chaque ascendant intermédiaire (par exemple, un parent ou un grand-parent dans la ligne directe) doit être soit décédé, soit incapable de succéder (par exemple, à cause de l’indignité ou de la renonciation à la succession).
  • Troisième condition
    • Le représentant ne doit pas être frappé d’indignité successorale, c’est-à-dire qu’il ne doit pas avoir commis d’actes graves contre du de cujus qui pourraient le rendre indigne de succéder (comme une tentative de meurtre sur le de cujus).
    • Le représentant ne doit pas non plus avoir été expressément exhérédé par le de cujus.

Il peut être observé que si, pour que la représentation puisse jouer, le représentant doit être apte à succéder au de cujus, il est en revanche indifférent qu’il remplisse cette condition à l’égard du représenté.

Cela signifie que le représentant est admis à succéder au de cujus, peu importe qu’il soit frappé d’indignité à l’égard du représenté.

L’article 754, al. 4 du Code civil ajoute, par ailleurs, que « on peut représenter celui à la succession duquel on a renoncé. »

Autrement dit, la renonciation par le représentant à la succession du représenté, ne fait pas obstacle à ce qu’il succède au de cujus par le jeu de la représentation.

Aussi, faut-il comprendre qu’une personne peut toujours faire valoir ses droits en tant que représentant dans la succession d’un autre, même s’il a précédemment renoncé à sa propre part de l’héritage de cette personne, ou s’il a été déclaré indigne de recevoir cet héritage.

La raison en est que le représentant tient ses droits dans la succession du de cujus non pas du représenté, mais directement de la loi.

En d’autres termes, le fondement des droits du représentant ne réside pas dans la transmission des biens du représenté prédécédé, mais découle directement des dispositions légales qui régissent la succession du de cujus.

Cette attribution du droit de succéder sur une base légale distincte, permet d’isoler les droits du représentant des potentielles circonstances affectant la situation du représenté, telles que l’indignité, la renonciation à la succession, ou d’autres facteurs qui pourraient disqualifier le représenté de la succession.

Par conséquent, même si le représenté est jugé inapte à hériter pour une raison quelconque, cela n’affectera pas l’aptitude du représentant à accéder aux droits successoraux dont aurait été titulaire le représenté.

3. Les effets de la représentation

Classiquement, on reconnaît la représentation plusieurs effets qui tiennent à la transmission des droits de successions et au partage de la succession.

a. Les effets tenant à la transmission de la succession

L’effet le plus direct de la représentation successorale est la transmission des droits successoraux de l’héritier prédécédé à ses descendants.

La représentation a, plus précisément, pour effet de hisser un héritier de rang inférieur, tel que les petits-enfants, de se hisser à un rang supérieur, occupant ainsi la place de leur parent prédécédé dans la succession.

Cet effet de la représentation est clairement exprimé à l’article 751 du Code civil qui prévoit que la représentation « a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

Cela signifie que les descendants peuvent hériter directement de leur grand-parent, recevant ainsi les droits et les parts que leur parent aurait normalement reçus s’il avait survécu.

La conséquence de cet effet de la représentation est qu’il est dérogé à la règle de proximité de degré.

En principe, selon cette règle, lorsqu’un successible du de cujus prédécède, ses descendants devraient être écartés de la succession en présence d’héritiers occupant le même rang que la personne prédécédée.

La représentation, parce qu’elle permet aux descendants de se prévaloir du même rang que leur auteur, déroge à la règle de priorité du degré et permet ainsi à un héritier de rang inférieur de venir en concours avec des héritiers de rang supérieur.

b. Les effets tenant au partage de la succession

Les effets tenant au partage de la succession dans le cadre de la représentation sont au nombre de deux :

  • Le partage par souche
  • Le rapport à la succession de certains biens

i. Le partage par souche

==>L’effet principal

L’autre effet de la représentation est qu’elle conduit à un partage par souche. L’article 753 du Code civil prévoit en ce sens que « dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ».

Pour mémoire, le partage par souche signifie que la succession est divisée en parts égales correspondant à chaque ligne descendant du défunt, chaque ligne représentant une « souche ».

Chaque souche reçoit la part qui aurait été attribuée à l’héritier représenté s’il avait été apte à succéder. L’objectif recherché ici est de garantir une égalité entre les souches, en s’assurant que chaque souche reçoive une part équivalente à celle qu’elle aurait reçue si tous les descendants prédécédés avaient survécu et accepté leur part dans la succession.

Il peut être observé que le principe d’égalité entre les souches est un principe d’ordre public.

Dans un arrêt du 26 octobre 1982, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait dérogé à cette règle en rappelant que « lorsque le partage se fait, soit par têtes, soit par souches, il doit être procédé à la composition d’autant de lots égaux qu’il y a d’héritiers copartageants ou de souches copartageantes » (Cass. 1ère civ. 26 oct. 1982, n°81-13.346).

L’article 753 du Code civil poursuit en disposant que « s’il y a lieu, [le partage] s’opère par subdivision de souche. »

Cela signifie que, à l’intérieur d’une même souche, si l’un des héritiers prédécède et laisse derrière lui des descendants, alors la part qui lui revenait sera également partagée par souche. Il est donc admis que puissent se créer des sous-souches. Autrement dit, le partage par souche peut jouer à plusieurs degrés et se renouveler, potentiellement, à l’infini.

En revanche, dit l’article 753, « à l’intérieur d’une souche ou d’une subdivision de souche, le partage se fait par tête ».

Cela signifie que le partage se fera de manière égale entre tous les descendants présents à l’intérieur de la souche ou de la sous-souche, indépendamment de leur génération ou degré de parenté direct avec le défunt.

==>Les effets secondaires

Il peut être observé que le partage par souche produit d’autres effets qualifiés par la doctrine de secondaires :

  • Les effets tenant à l’option successorale
    • Il est reconnu à tout héritier, dans le cadre de l’option successorale, la faculté de renoncer à ses droits dans la succession
    • Cette décision peut être motivée par diverses raisons, notamment le désir d’éviter d’hériter de dettes ou simplement une volonté personnelle de ne pas participer à la succession.
    • À cet égard conformément au principe du partage par souche en cas de représentation, lorsqu’un héritier renonce à sa part, celle-ci n’est pas répartie entre tous les héritiers de la succession acceptants, mais uniquement entre ceux appartenant à la même souche que l’héritier renonçant.
    • Ce mécanisme vise à garantir que les biens restent au sein de la souche familiale du renonçant, renforçant ainsi la cohésion patrimoniale de cette souche.
    • Au fond, cela procède de la recherche d’une certaine équité, évitant que les membres d’une souche familiale particulièrement nombreux ou favorisés ne diluent les parts d’héritiers relevant d’autres souches moins représentées.
  • Les effets tenant à la réserve héréditaire
    • En cas de représentation d’un héritier réservataire, la question se pose du calcul de la quotité disponible.
    • Pour mémoire, la réserve héréditaire est plus ou moins étendue selon le nombre d’enfants du de cujus. Elle sera de la moitié du patrimoine en présence d’un seul enfant, de deux tiers en présence de deux enfants et de trois quarts en présence de trois enfants ou plus.
    • Lorsqu’un héritier réservataire prédécède, doit-on calculer la réserve en se situant au niveau des représentés ou au niveau des représentants.
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 913-1 du Code civil qui prévoit que « sont compris dans l’article 913, sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit, encore qu’ils ne doivent être comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant. »
    • Il s’infère de cette disposition que si tous les descendants doivent être pris en compte dans le calcul de la réserve, ils ne sont comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession.
    • Cela signifie que si un enfant du disposant est décédé et laisse derrière lui des propres enfants (les petits-enfants du disposant), ces petits-enfants ne sont comptés que pour une seule part, celle de leur parent prédécédé.
    • Ils ne multiplient donc pas les parts réservataires mais héritent collectivement de la part qui aurait été attribuée à leur parent.
  • Les effets tenant au passif successoral
    • Il est de principe que les dettes du défunt doivent être divisées entre tous les héritiers.
    • Cette division est proportionnelle à la part de l’héritage que chaque héritier reçoit.
    • Cela signifie que chaque héritier est responsable d’une fraction des dettes du défunt qui correspond à sa part de l’héritage.
    • En cas de représentation, le principe de division des dettes demeure applicable.
    • Toutefois, le partage des dettes s’opère, non pas par tête, mais, comme pour les biens, par souche.
    • La succession doit, en effet, être divisée en parts égales selon les souches, et non individuellement entre tous les héritiers.
    • À cet égard, si un héritier d’une souche renonce à la succession, sa part des dettes ne disparaît pas mais est redistribuée entre les autres membres de sa souche.
    • Ces derniers doivent, autrement dit, se répartir la part de la dette du renonçant.
    • Bien que les héritiers de la même souche reprennent la part de dettes du renonçant, il n’y a pas de solidarité entre eux pour ces dettes. Chacun est responsable uniquement de sa propre part.
    • Si, enfin, une souche est subdivisée en plusieurs souches, la répartition des dettes se fait à l’intérieur de chacune de ces sous-souches selon une seconde division.
    • Chaque souche supporte alors la part du passif successoral qui lui est dévolue sans que les membres des autres souches ne soient affectés par le poids de ce passif.

ii. Le rapport à la succession de certains biens

Supposons une famille où le père, Jean, renonce à hériter de son propre père, Jacques. Jean a trois enfants, Alice, Bruno et Claire, tous nés avant l’ouverture de la succession de leur grand-père.

L’application du principe de la représentation conduit à admettre que Alice, Bruno et Claire puisse venir aux droits de leur père Jean, bien que renonçant.

Si cette configuration ne soulève aucune difficulté depuis que la renonciation ne fait plus obstacle au jeu de la représentation, quid dans l’hypothèse où le représenté, qui est toujours vivant, aurait un nouvel enfant postérieurement à l’ouverture de la succession du de cujus ?

Si l’on s’en tient à une application stricte de l’article 725 du Code civil qui prévoit que « pour succéder il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable », il y a lieu de considérer que le dernier enfant de Jean ne peut pas hériter de son grand-père, puisque né postérieurement à l’ouverture de sa succession.

Bien que cette solution paraisse s’imposer, elle n’est pas sans interroger quant au principe d’égalité qui préside au partage d’une succession entre descendants d’une même souche et occupant le même rang.

C’est pour assurer cette égalité que le législateur a introduit dans le Code civil une dérogation à l’exigence d’existence de la personne de l’héritier au jour d’ouverture de la succession du de cujus.

Cette dérogation est énoncée à l’article 754, al. 2, lequel prévoit que « les enfants du renonçant conçus avant l’ouverture de la succession dont le renonçant a été exclu rapportent à la succession de ce dernier les biens dont ils ont hérité en son lieu et place, s’ils viennent en concours avec d’autres enfants conçus après l’ouverture de la succession. »

Il peut être observé que, conformément à l’article 755, al. 2 du Code civil, la règle trouve également à s’appliquer aux enfants du représenté frappé d’indignité.

De l’avis des auteurs, le dispositif de contournement élaboré par le législateur est « assez complexe »[4], puisqu’il consiste à recourir au mécanisme du rapport à la succession.

Le texte prévoit, en effet, que, à la mort du renonçant, les enfants qui sont venus à ses droits par le jeu d’une représentation pour succéder à leur ascendant, doivent rapporter à la succession du représenté la part qu’ils ont perçue afin que cette part puisse être partagée avec les enfants nés postérieurement à l’ouverture de la première succession.

Ce mécanisme vise donc à assurer l’équité entre tous les enfants d’un renonçant, qu’ils soient nés avant ou après l’ouverture de la succession. La loi cherche à prévenir une situation où les enfants nés avant l’ouverture de la succession bénéficieraient indûment des biens de la succession à l’exclusion des enfants nés ultérieurement.

Si la règle ainsi posée se justifie pour des raisons d’équité, elle n’est pas sans avoir fait l’objet de critiques.

L’une des principales critiques du dispositif réside dans sa mise en œuvre et plus précisément dans la difficulté qu’il y a à identifier des biens plusieurs années après le décès du de cujus, surtout lorsque les biens ont été intégrés au patrimoine des enfants ou ont changé de nature (transformation, vente, etc.). Cette intégration peut rendre la distinction entre les biens hérités et les autres biens acquis par les enfants extrêmement compliquée.

Une autre critique formulée par les auteurs, consiste à réfuter l’idée que la différence de traitement faite entre les enfants conçus avant l’ouverture de la succession et ceux conçus après s’analyserait en une discrimination.

Car en effet, dans la mesure où ces enfants se trouvent dans des situations différentes au moment de l’ouverture de la succession, il peut être apparaître justifié que leur soit réservé un traitement différent, soit de n’admettre que ne peuvent succéder que les seuls enfants conçus avant l’ouverture de la succession.

  1. R. Le Guedec, Succession : dévolution, Dalloz, Rép. Droit civil, 2022, n°259. ?
  2. G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. PUF, 2005, p. 795. ?
  3. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil – Les successions – Les libéralités, éd. Dalloz, 2014, n°105, p. 119. ?
  4. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil – Les successions – Les libéralités, éd. Dalloz, 2014, n°108, p. 122. ?
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