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Dévolution légale: la fente successorale

La dévolution légale a été pensée par le législateur comme un dispositif visant à assurer :

  • D’un côté, une distribution juste et équilibrée des biens du défunt
  • D’un autre côté, une répartition de la succession fidèle à la hiérarchie familiale et aux liens de parenté

À cet égard, si l’on se livrait à une application stricte du classement des héritiers selon l’ordre et le degré, cela serait susceptible de conduire à deux sortes d’inégalités

  • Une inégalité entre branches
  • Une inégalité entre souches

Aussi, afin d’atténuer ces inégalités, deux mécanismes correcteurs ont été institués par les rédacteurs du Code civil : la fente et la représentation.

Tandis que la fente vise à corriger les inégalités affectant les branches, la représentation a, quant à elle, vocation à corriger les inégalités susceptibles d’affecter les souches.

Nous nous focaliserons ici sur le mécanisme correcteur qu’est la fente successorale.

==>Un mécanisme correcteur des inégalités entre branches

Supposons un défunt qui n’a pas de descendants, ni de frères et sœurs mais laisse derrière lui, d’un côté son père et, de l’autre côté, ses grands-parents maternels, sa mère étant décédée.

Si l’on s’en tient exclusivement au classement des héritiers selon leur ordre d’appartenance, tous les biens du défunt devraient revenir à son père, dans la mesure où celui-ci relève du deuxième ordre, tandis que les grands-parents relèvent, quant à eux, du troisième ordre. Or ce sont les successibles qui appartiennent à l’ordre le plus élevé qui sont appelés à hériter.

Au cas particulier, la règle de la priorité de l’ordre est manifestement de nature à créer une inégalité entre branches : l’intégralité des biens du défunt devrait être dévolue, selon cette règle, à la branche paternelle, la branche maternelle ne percevant rien.

C’est pour corriger cette inégalité que le législateur a institué le mécanisme de la fente successorale.

Classiquement, la fente se définit comme la technique consistant à diviser une succession en deux parts égales, l’une étant affectée à la branche paternelle, l’autre à la branche maternelle, sans tenir compte de l’origine des biens, chaque portion étant ensuite dévolue à l’héritier le plus proche en degré à intérieur de chaque branche.

L’application du mécanisme de la fente à l’hypothèse prise en exemple conduirait à attribuer la moitié des biens du défunt au père et l’autre moitié aux grands-parents maternels, lesquels percevraient donc ¼ chacun.

Il s’évince de cet exemple que la fente a pour fonction de garantir une équité dans la répartition de la succession, en prenant en considération la structure particulière de la famille du défunt. Ce mécanisme cherche, en somme, à éviter que certaines branches de la famille soient avantagées au détriment d’autres, en raison de leur composition.

Pour ce faire, la fente est susceptible de conduire à deux types de corrections :

  • Premier type de correction
    • Il est des cas où la fente aura pour effet de déroger à la règle de priorité de l’ordre ou du degré.
    • Autrement dit, elle permettra à un ou plusieurs successibles d’une branche de venir concurrencer les successibles de l’autre branche, alors même qu’ils sont moins bien classés selon leur ordre d’appartenance et leur degré de proximité avec le défunt.
    • Supposons, par exemple, que le de cujus laisse derrière lui sa mère et ses grands-parents paternels.
    • Si l’on applique la règle de l’ordre, la mère devrait recueillir l’intégralité de la succession.
    • La fente conduit toutefois à attribuer une moitié de la succession à la mère et l’autre moitié aux grands-parents paternels.
  • Second type de correction
    • Il est des cas où la fente dérogera à la règle d’égalité du partage en présence de successibles de même degré.
    • Supposons que le défunt laisse derrière lui un cousin germain maternel et cinq cousins germains paternels.
    • Si l’on appliquait la règle du partage par tête résultant de l’identité de degré, alors chaque cousin germain devrait recevoir 1/6e de la succession.
    • La fente conduit à un résultat tout à fait différent car, en divisant la succession par moitié entre la branche paternelle et la branche maternelle, celui conduit à attribuer au cousin germain maternel la moitié de la succession, tandis que les cousins paternels ne recevront que 1/5e de la moitié de la succession, soit 1/10e par tête.

Aujourd’hui, le Code civil reconnaît deux sortes de fentes : la fente dite ordinaire et la fente spéciale.

1. La fente ordinaire

a. Domaine

  • Les cas relevant du domaine de la fente ordinaire
    • Le mécanisme de la fente ordinaire à vocation à jouer dans deux cas :
      • Premier cas
        • La fente ordinaire produit ses effets lorsque la succession est dévolue à des ascendants appartenant au 3e ordre (art. 747 C. civ.)
        • Dans cette hypothèse, la succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle.
      • Second cas
        • La fente ordinaire produit ses effets lorsque la succession est dévolue à des collatéraux autres que les frères et sœurs ou leurs descendants, soit à des collatéraux appartenant au 4e ordre.
        • Dans cette hypothèse, la succession elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle.
  • Les cas exclus du domaine la fente ordinaire
    • Bien qu’aucun texte du Code civil n’exprime cette règle, le mécanisme de la fente ordinaire est écarté dans deux cas :
      • D’une part, en présence de descendants en ligne directe (membres du 1er ordre)
      • D’autre part, en présence de collatéraux privilégiés (membre du 2e ordre)
    • Dans l’une ou l’autre hypothèse, la succession est dévolue aux héritiers désignés, tantôt, par une application stricte la règle de priorité de l’ordre et du degré (en présence de descendants), tantôt par une application de règles forfaitaires (en présence de membres du 2e ordre), sans qu’aucune correction ne soit admise.

b. Mise en œuvre

i. Hypothèse d’une dévolution à des ascendants ordinaires

==>Principes généraux

  • Premier temps (art. 747 C. civ.)
    • La succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle
  • Second temps (art. 748 C. civ.)
    • Une fois la succession divisée en deux branches, il est procédé à une répartition de la portion attribuée à l’intérieur de chaque branche.
    • Pour ce faire, on établit un classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le défunt.
    • L’article 748, al. 1er du Code civil prévoit alors que « dans chaque branche succède, à l’exclusion de tout autre, l’ascendant qui se trouve au degré le plus proche ».
    • Ce sont donc les parents les plus proches du de cujus en degré qui ont vocation à recueillir la portion de la succession affectée à l’une et l’autre branche.
    • En présence de parents du même degré, il est procédé à un partage égal de cette portion de biens.
    • L’article 748, al. 2e prévoit en ce sens que « les ascendants au même degré succèdent par tête. »

==>Cas particuliers

La mise en œuvre de la fente ordinaire soulève deux difficultés que sont la refente et la vacance de branche.

  • La refente
    • Il est de principe que la fente ne peut jouer qu’une seule fois, en ce sens qu’on ne peut jamais procéder à une nouvelle division de la succession entre deux lignes à l’intérieur d’une branche ; c’est ce que l’on appelle la refente.
    • Cette prohibition est tirée de l’adage « fente sur fente ne vaut ». Elle s’évince surtout de l’article 748, al. 1er du Code civil qui précise que la dévolution de la portion de biens attribuée à une branche se faire « à l’exclusion de tout autre ».
    • Concrètement, cela signifie que la fente ne peut intervenir qu’au niveau des branches dont est issu le défunt ; elle ne saurait jouer entre la ligne maternelle et la ligne paternelle de la mère ou du père et plus généralement à toutes les lignes subséquentes.

  • La vacance de branche
    • Quid dans l’hypothèse où le défunt ne laisse des héritiers que dans une seule branche, l’autre branche n’étant représentée par aucun successible, soit parce qu’ils sont tous décédés, soit parce qu’ils ont renoncé à la succession ou sont frappés d’indignité ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à au troisième alinéa de l’article 748 du Code civil qui prévoit que « à défaut d’ascendant dans une branche, les ascendants de l’autre branche recueillent toute la succession. »
    • Il en résulte que les ascendants ordinaires ou privilégiés d’une branche ne sauraient être concurrencés par les collatéraux ordinaires de l’autre branche.
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le défunt laisserait derrière lui des ascendants ordinaires sur une branche mais que l’autre branche ne serait représentée que par des collatéraux ordinaires, alors cette seconde branche serait privée de tout droit sur la succession à la faveur de la première branche.
    • On dit alors que la fente se referme ; la succession étant dévolue à une seule branche.

ii. Hypothèse d’une dévolution à des collatéraux ordinaires

==>Principes généraux

  • Premier temps (art. 749 C. civ.)
    • La succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle
  • Second temps (art. 748 C. civ.)
    • Une fois la succession divisée en deux branches, il est procédé à une répartition de la portion attribuée à l’intérieur de chaque branche.
    • Pour ce faire, on établit un classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le défunt.
    • L’article 750, al. 1er du Code civil prévoit alors que « dans chaque branche succède, à l’exclusion de tout autre, le collatéral qui se trouve au degré le plus proche. ».
    • Comme pour les ascendants ordinaires, ce sont donc les collatéraux ordinaires les plus proches du de cujus en degré qui ont vocation à recueillir la portion de la succession affectée à l’une et l’autre branche.
    • En présence de collatéraux ordinaires du même degré, il est procédé à un partage égal de cette portion de biens.
    • L’article 750, al. 2e prévoit en ce sens que « les collatéraux au même degré succèdent par tête. »

==>Cas particuliers

La mise en œuvre de la vente en présence de collatéraux ordinaires est soumise aux mêmes règles spécifiques que celles applicables lorsque la fente joue en présence d’ascendants :

  • La refente
    • la fente ne peut jouer qu’une seule fois, de sorte qu’il ne saurait y avoir refente à l’intérieur d’une banche.
    • Concrètement, cela signifie que la branche maternelle ou la branche paternelle ne saurait être refendue. Il en va de même pour les autres branches subséquentes.
  • La vacance d’une branche
    • En cas d’absence de collatéraux ordinaires sur une branche, la succession est dévolue dans son intégralité à l’autre branche.
    • L’article 750 al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « à défaut de collatéral dans une branche, les collatéraux de l’autre branche recueillent toute la succession. »

2. La fente spéciale

==>Domaine

En application de l’article 366 du Code civil, le mécanisme de la fente a vocation à jouer en cas de décès d’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple.

Le domaine de la fente dans le cadre d’une adoption simple connaître toutefois deux limites :

  • Première limite
    • L’article 366 du Code civil écarte le mécanisme de la fente lorsque l’adopté laisse derrière lui :
      • Soit des descendants
      • Soit un conjoint survivant
  • Seconde limite
    • Le mécanisme de la fente ne peut jouer que pour les biens dont l’acquisition ne résulte pas d’une donation.
    • En effet, l’article 366 du Code civil prévoit en ce sens :
      • D’une part, que les biens donnés par l’adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à l’adoptant ou à ses descendants, s’ils existent encore en nature lors du décès de l’adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers
      • D’autre part, que les biens que l’adopté avait reçus à titre gratuit de ses parents retournent pareillement à ces derniers ou à leurs descendants
    • Autrement dit, les biens reçus à titre gratuit par l’adopté ont vocation à retourner à l’une et l’autre famille selon leur origine.

==>Mise en œuvre

Dans le cadre d’une adoption simple, la fente réalise une division, non pas entre deux branches, mais entre deux familles : la famille biologique et la famille adoptive.

Une fois la fente réalisée entre la famille biologique et la famille adoptive, la dévolution successorale s’opère, à l’intérieur de chaque famille, selon les règles de priorité de l’ordre et du degré.

==>Cas particulier : l’admission de la refente

Dans l’hypothèse où le défunt ne laisserait derrière lui dans l’une ou l’autre famille, que des ascendants ou que des collatéraux ordinaires, alors il pourra être procédé à une nouvelle fente.

Il s’agit là d’une exception au principe « fente sur fente ne vaut ». Dans le cadre d’une adoption simple, il est donc permis, lorsque les conditions sont réunies, de refendre, ce qui conduit à diviser la famille adoptive ou la famille biologique en deux branches.

Enfin, il peut être observé que, en cas de vacances d’une branche à l’intérieur de l’une ou l’autre famille, l’autre branche recueille l’intégralité de la portion qui dévolue à sa famille d’appartenance.

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