En présence de plusieurs cautions, le cautionnement solidaire produira des effets différents, selon que les cautions sont solidaires entre elles ou seulement avec le débiteur principal.
1. La solidarité entre les cautions
Dans cette hypothèse, les cautions ont seulement renoncé au bénéfice de division. Elles ne peuvent donc pas contraindre le créancier à diviser ses poursuites entre toutes les cautions.
Ces dernières ont, en revanche, conservé leur bénéfice de discussion, de sorte qu’elles peuvent obliger le créancier à poursuivre, d’abord, le débiteur principal, préalablement à toute action en paiement contre elles.
À l’analyse, ce cas de figure est rare ; il relève du cas d’école. Les établissements de crédit exigeront toujours que les cautions renoncent à leur bénéfice de division et de discussion. Cette renonciation est une clause de style qui est ancrée, de longue date, dans la pratique bancaire.
En tout état de cause, dans l’hypothèse d’une solidarité seulement horizontale, soit résultant d’une renonciation au bénéfice de division, la solidarité ne jouera que dans les rapports entre cautions.
Dans leur rapport avec le débiteur principal les cautions seront regardées comme ayant souscrit un cautionnement simple.
S’agissant de la solidarité entre cautions, les auteurs s’accordent à dire qu’elle produit sensiblement les mêmes effets que ceux que l’on attache traditionnellement à la solidarité avec le débiteur principal.
Au nombre de ces effets on peut citer :
- La demande d’intérêts formée contre l’un des cautions
- La demande d’intérêts formulée par le créancier contre l’une des cautions solidaires fait courir les intérêts à l’égard de toutes les cautions
- La mise en demeure adressée à l’une des cautions
- La mise en demeure adressée à l’une des cautions, produit ses effets à l’égard des autres cofidéjusseurs
- L’interruption de la prescription contre l’une des cautions
- L’interruption de la prescription contre une caution est opposable aux autres cautions
- L’autorité de la chose jugée
- L’autorité de la chose jugée entre le créancier et une caution solidaire s’impose aux cofidéjusseurs ( 1ère civ. 20 janv. 1993, n°91-13.012).
- La compensation
- La Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 13 décembre 2005, que l’extinction de la dette garantie par voie de compensation bénéficiait à tous les cofidéjusseurs ( com. 13 déc. 2005, n°04-19.234).
- En revanche, si la compensation intervient entre l’une des cautions et le créancier, les cofidéjusseurs ne pourront pas s’en prévaloir.
- La remise de dette
- Le nouvel article 1350-2 du Code civil prévoit, en son alinéa 2, que « la remise consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur principal, mais libère les autres à concurrence de sa part. »
- L’alinéa 3 de ce texte précise que ce que le créancier a reçu d’une caution pour la décharge de son cautionnement doit être imputé sur la dette et décharger le débiteur principal à proportion.
- Quant autres cautions, elles ne restent tenues que déduction faite de la part de la caution libérée ou de la valeur fournie si elle excède cette part.
Certains effets sont plus spécifiques à la solidarité entre cautions :
- La révocation par une caution de son engagement
- La question s’est posée de savoir si, en présence de plusieurs cautions solidaires entre elles, la révocation par l’une de son engagement avait pour effet de libérer les autres.
- Dans un arrêt du 13 juin 1995, la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question.
- Au soutien de sa décision, elle a affirmé que « la solidarité entre cautions n’a pas pour effet leur représentation mutuelle dans l’exercice de la faculté individuelle de révocation» ( 1ère civ. 13 juin 1995, n°92-19.358).
- Dans un arrêt du 7 décembre 1999, la Première chambre civile a toutefois précisé qu’il appartient à la caution d’informer ses cofidéjusseurs de la révocation de son engagement, faute de quoi elle engage sa responsabilité à l’égard de ces derniers ( 1ère civ. 7 déc. 1999, n°97-22.505).
- La novation
- Sous l’empire du droit antérieur à la réforme du droit des contrats, dans un arrêt du 7 décembre 1999, la Cour de cassation avait jugé que « la novation opérée à l’égard de l’une des cautions n’a pas pour effet de libérer le débiteur principal et, par suite, pas davantage les autres cautions solidaires, sauf convention contraire» ( com. 7 déc. 1999, 96-15.915).
- Ainsi, en cas de substitution de l’engagement de l’une des cautions solidaires par un nouveau contrat, la novation qui en résulte n’a pas pour effet de se répercuter sur les autres cofidéjusseurs qui demeurent tenus à leur engagement.
- L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est revenue sur cette jurisprudence en prévoyant à l’article 1335 du Code civil que la novation convenue entre le créancier et la caution « libère les autres cautions à concurrence de la part contributive de celle dont l’obligation a fait l’objet de la novation.»
C) La solidarité entre les cautions et le débiteur principal
Dans cette hypothèse, les cautions ont toutes renoncé au bénéfice de discussion, ce qui signifie qu’elles sont solidaires avec le débiteur principal.
Cette situation se rencontrera lorsque plusieurs cautions se seront engagées successivement au profit du créancier aux fins de garantir la même dette.
Tantôt leur engagement garantira des fractions distinctes de cette dette, tantôt il garantira la totalité de la dette.
Les deux situations doivent être distinguées :
- Les cautions garantissent des fractions distinctes de la même dette
- Dans cette hypothèse, chaque engagement de caution a vocation à s’additionner.
- Les cautions ne seront toutefois tenues qu’à hauteur de la fraction garantie.
- Le créancier ne pourra donc pas les poursuivre pour le tout ( 1ère civ. 2 juill. 2002, n°00-11.014).
- Les cautions garantissent la totalité d’une même dette
- Dans cette hypothèse, les cautions ont seulement renoncé au bénéfice de discussion.
- En revanche, elles n’ont a priori pas renoncé au bénéfice de division, de sorte que le créancier devrait être contraint de diviser ses poursuites entre tous les cofidéjusseurs.
- Telle n’est pourtant pas la voie empruntée par la jurisprudence.
- Dans un arrêt du 27 juin 1984, la Cour de cassation a estimé que « lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions solidaires d’un même débiteur pour une même dette, elles ne peuvent, sauf convention contraire, opposer au créancier qui les poursuit solidairement en paiement le bénéfice de division» ( 1ère civ. 27 juin 1984, n°83-13.107).
- De prime abord cette décision peut surprendre dans la mesure où la solidarité ne se présume pas.
- Or dans cette affaire, les cautions ne s’étaient pas engagées solidairement entre elles, à tout le moins, cela n’était pas stipulé dans l’acte de cautionnement.
- À l’analyse, la solution entreprise par la Première chambre civile se justifie pleinement.
- En effet, en s’obligeant solidairement avec le débiteur principal, chaque cofidéjusseur s’est engagé à payer l’intégralité de la dette.
- Si toutefois on leur reconnaissait la possibilité de se prévaloir du bénéfice de division, cela reviendrait à les autoriser à se soustraire à leur engagement.
- Or le créancier, au titre de la solidarité souscrite par les cofidéjusseurs avec le débiteur principal, doit pouvoir réclamer à chacun d’eux le paiement de la totalité de la dette.
- C’est la raison pour laquelle, en présence de plusieurs cautions, le renoncement de chacune d’elles au bénéfice de discussion a pour effet de neutraliser le bénéfice de division qui ne pourra pas être opposé au créancier.
[1] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°73, p. 69.
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