S’il est admis que le cautionnement puisse avoir pour objet toutes sortes d’obligations présentes ou futures, c’est à la condition que ces obligations soient déterminées ou déterminables.
Cette exigence est exprimée à l’article 2292 du Code civil, lequel ne fait, au fond, que rappeler la règle de droit commun énoncée à l’article 1163 du même code.
Appliquée au cautionnement, cette règle implique, en substance, que l’acte régularisé par la caution soit suffisamment précis pour que l’on soit en mesure d’identifier :
- D’une part, le débiteur principal
- D’autre part, l’obligation cautionnée
a. La détermination du débiteur principal
==> Principe général
L’exigence tenant au caractère déterminable de l’obligation cautionnée implique que le débiteur principal soit identifiable.
Il n’est pas nécessairement qu’il soit expressément identifié. Sa désignation dans l’acte de cautionnement doit néanmoins être suffisamment précise pour que son identification soit possible (Cass. com. 16 janv. 1978, n°76-12.127).
Il peut être observé que, pendant une période, la Cour de cassation s’est mise à systématiquement annuler les cautionnements qui ne comportaient pas l’indication du débiteur cautionné.
Dans un arrêt du 22 janvier 1985, elle a, par exemple, estimé « qu’un acte de cautionnement n’est valable que s’il comporte l’indication du débiteur de l’obligation garantie » (V. en ce sens Cass. com. 22 janv. 1985, n°83-15.235),
Sensible aux critiques de la doctrine qui jugeait cette solution sévère, elle a finalement infléchi sa position en admettant que l’absence d’indication du débiteur n’était pas une cause de nullité de l’acte de caution.
Dans un arrêt du 20 octobre 1993, la Cour de cassation a précisé que « s’il résulte de l’article 2015 du Code civil qu’un acte de cautionnement n’est pas valable lorsqu’il ne comporte pas l’indication du débiteur de l’obligation garantie, un tel acte peut néanmoins constituer un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 du même Code ».
Ainsi, admet-elle que l’acte de cautionnement signé par la caution qui ne comporte pas l’indication du nom du débiteur de la dette garantie, puisse constituer malgré tout un commencement de preuve par écrit de l’engagement contracté (Cass. 1ère civ. 20 oct. 1993, 91-21.782).
Pour établir le cautionnement, le créancier devra donc rapporter une preuve complémentaire extrinsèque (témoignage, présomption etc.).
À cet égard, il ne suffit pas que le débiteur principal soit identifiable pour que le cautionnement soit valable, il faut encore qu’il ait une existence juridique.
C’est ainsi qu’un cautionnement ne saurait garantir les obligations souscrites par une société en participation puisque dépourvue, par hypothèse, de la personnalité morale (Cass. 1ère civ. 20 déc. 1977, n°76-11.114 et 76-11.195).
La chambre commerciale a jugé, dans le même sens, dans un arrêt du 28 avril 1964, qu’un entrepreneur individuel ne pouvait cautionner les dettes souscrites au titre de son activité professionnelle.
Au soutien de sa décision, elle avance que « celui qui est débiteur d’une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution » (Cass. com. 28 avr. 1964). Est ainsi posée l’interdiction de l’engagement de caution souscrit pour soi-même.
==> Cas particulier des sociétés en formation
La question du cautionnement d’une personne qui n’a pas d’existence juridique, à tout le moins pas au jour de la souscription de l’acte, s’est posée avec une particulière acuité pour la garantie des dettes contractées par une société en formation.
Par hypothèse, une société en formation est dépourvue de toute personnalité morale tant qu’elle n’est pas été immatriculée.
- Pour les sociétés civiles, l’article 1842 du Code civil prévoit que « les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation»
- Pour les sociétés commerciales, l’article L. 210-6 du Code de commerce prévoit que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. »
Il résulte de ces deux dispositions que les engagements souscrits au nom et pour le compte de la société en formation ne devraient pas, en principe, être cautionnés.
Reste que la société en formation est une personne morale en puissance. Elle a vocation à reprendre, à son compte, les engagements souscrits par les associés.
Pour cette raison, la solution retenue par la jurisprudence s’agissant du cautionnement d’une société en formation est dégradée.
En substance, trois situations doivent être distinguées :
- Première situation : la société en formation n’a pas été immatriculée
- Dans cette hypothèse, le cautionnement est privé d’efficacité dans la mesure où la société en formation n’a pas pu accéder à la personnalité, faute d’immatriculation.
- Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a ainsi prononcé la nullité d’un cautionnement qui avait été souscrit aux fins de garantir le prêt souscrit par une société en formation dont les formalités d’immatriculation n’avaient jamais été effectuées.
- La chambre commerciale a considéré que « le prêt contracté au nom d’une société en formation, qui, n’ayant pas été immatriculée, est dépourvue de la personnalité morale, n’engage que celui qui agit en son nom, de sorte que l’obligation de restituer les fonds est à la charge d’une personne distincte de la personne morale prévue dans le contrat de prêt et de cautionnement et que la caution ne peut être tenue à garantir la dette d’une personne autre que celle désignée dans l’acte de cautionnement» ( com. 16 juin 2016, n°01-15.146).
- Deuxième situation : la société en formation a été immatriculée sans que l’engagement cautionné n’ait été repris
- Dans cette hypothèse, la jurisprudence que le cautionnement n’est pas valable, les engagements garantis devant impérativement être repris par la société en formation dans les conditions prévues par la loi.
- Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Première chambre civile a, par exemple, estimé qu’un cautionnement souscrit en faveur d’une société en formation n’était pas valable dans la mesure où l’obligation garantie n’avait pas été régulièrement reprise ( 1ère civ. 26 avr. 2000, n°98-10.917).
- Pour être valable, la reprise peut résulter :
- Soit de la signature des statuts lorsque l’engagement de caution souscrit au nom de la société en formation a été préalablement annexé à ses statuts
- Soit d’un mandat donné avant l’immatriculation de la société et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités les engagements à prendre
- Soit d’une décision prise à la majorité des associés lorsque l’engagement de caution est repris après l’immatriculation de la société
- Troisième situation : la société en formation a été immatriculée et l’engagement cautionné régulièrement repris
- Dans cette hypothèse, le cautionnement est pleinement valable, quand bien même, au jour de sa souscription, la société en formation est dépourvue de la personnalité morale (V. en ce sens 1843 C. civ. pour les sociétés civiles et art. L. 210-6 C. com pour les sociétés commerciales).
- Par ailleurs, à l’instar de n’importe quelle obligation cautionnée, il n’est pas nécessaire que les engagements garantis soient déterminés dans leur montant. Il suffit qu’ils soient déterminables.
b. La détermination de l’obligation cautionnée
L’exigence tenant à caractère déterminable de la dette cautionnée, implique en principe que celle-ci soit visée avec suffisamment de précision dans l’acte, à tout le moins qu’elle y soit mentionnée.
Cette exigence n’est pas sans avoir soulevé des difficultés s’agissant du cautionnement dit « omnibus » qui consiste à garantir toutes les dettes à venir du débiteur principal.
Dans un arrêt du 19 avril 1983, la Cour de cassation a, par exemple, considéré qu’un tel cautionnement devait être annulé au motif qu’il « était exprimé en des termes très généraux ne contenant aucune précision ni sur la nature des dettes ni sur leur montant » (Cass. 1ère civ. 19 avr. 1983, n°82-11.080).
Dans d’autres décisions, qui n’ont pas été remises en cause après, elle a toutefois retenu la solution inverse.
Dans un arrêt du 22 février 1994, elle a, par exemple, jugé qu’un cautionnement qui garantissait l’ensemble des obligations futures d’une société n’était « pas nul pour indétermination de son objet, quand bien même le montant de ces obligations n’aurait pas été chiffré à la date de sa souscription » (Cass. com. 22 févr. 1994, n°91-22.364).
Ce qui donc importe, ce n’est pas que les obligations soient déterminées dans leur montant, mais qu’elles déterminables.
Autrement dit, l’acte doit être suffisamment précis pour que l’on soit en mesure d’identifier les obligations couvertes par le cautionnement (V. en ce sens Cass. com. 3 nov. 2015, n°14-26.051 et 15-21.769).
No comment yet, add your voice below!