Par exception au principe de gestion concurrente qui préside à la répartition des pouvoirs sur l’actif commun, la loi prévoit que pour certains actes les époux sont investis d’un pouvoir exclusif.
Cette modalité de gestion de l’actif commun, qualifiée de gestion exclusive, consiste donc à conférer à un seul époux le pouvoir d’accomplir des actes d’administration ou de disposition sur certains biens communs.
Lorsque la gestion exclusive est instituée comme mode de gestion, elle vise à garantir l’indépendance des époux.
Il pourra s’agir de garantir l’indépendance professionnelle, patrimoniale ou encore bancaire des époux, mais également prévenir l’ingérence du conjoint qui sera sanctionnée par la nullité de l’acte accompli en violation du principe de gestion exclusive.
Chapitre 1: le domaine de la gestion exclusive
Section 1: La gestion exclusive comme règle visant à garantir l’indépendance professionnelle des époux
Le XXe siècle est la période de l’Histoire au cours de laquelle on a progressivement vu s’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux et plus précisément à une émancipation de la femme mariée de la tutelle de son mari.
Cette émancipation est intervenue dans tous les aspects de la vie du couple. Parmi ces aspects, l’autonomie professionnelle de la femme mariée qui a conquis :
- La liberté d’exercer une profession
- Le droit de percevoir et disposer de ses gains et salaires
- Le droit de gérer seule les biens nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle
L’autonomie dont jouit désormais la femme mariée en matière professionnelle est le produit d’une lente évolution qui, schématiquement, se décompose en plusieurs étapes :
- Première étape : la situation de la femme mariée sous l’empire du Code civil dans sa rédaction de 1804
- Dans sa rédaction initiale, le Code civil était pour le moins taiseux sur la faculté de la femme mariée à exercer une profession et, le cas échéant, à percevoir librement ses gains et salaires.
- Dans ces conditions, il était admis qu’elle ne pouvait pas exercer d’activité professionnelle sans l’accord de son mari.
- Quant à la perception de gains et salaires, elle était frappée d’une incapacité d’exercice générale.
- Aussi, est-ce à son seul mari qu’il revenait, non seulement de les percevoir, mais encore de les administrer.
- Deuxième étape : la création de l’institution des biens réservés par la loi du 13 juillet 1907
- La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée
- D’une part, le droit de percevoir librement ses gains et salaires que lui procurait son activité professionnelle
- D’autre part, le droit de les administrer seule et de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
- Par biens réservés, il faut entendre les biens acquis par la femme mariée avec ses revenus et dont la gestion lui était impérativement « réservée », alors même que, en régime communautaire, les gains et salaires endossaient la qualification de biens communs.
- Ainsi, dès 1907 la femme mariée est investie du pouvoir de percevoir et d’administrer librement ses gains et salaires
- La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée
- Troisième étape : l’abolition de l’incapacité civile de la femme mariée par la loi du 13 février 1938
- La loi du 13 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
- Il en est résulté pour elle le droit d’exercer librement une profession.
- L’article 216 du Code civil prévoyait néanmoins que « le mari peut, sauf dans les cas prévus par le troisième alinéa de l’article 213, s’opposer à ce que la femme exerce une profession séparée».
- L’alinéa 2 de ce texte précisait que « si l’opposition du mari n’est pas justifiée par l’intérêt du ménage ou de la famille, le Tribunal peut sur la demande de la femme, autoriser celle-ci à passer outre cette opposition».
- Si, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 février 1938 la femme mariée devient libre d’exercer la profession de son choix sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir l’autorisation de son mari, ce dernier conserve néanmoins le droit de contrarier l’exercice de cette liberté.
- Quatrième étape : la reconnaissance par la loi du 13 juillet 1965 de la liberté professionnelle pleine et entière de la femme mariée
- C’est la loi du 13 juillet 1965 qui a aboli la dernière restriction à l’indépendance professionnelle de la femme mariée.
- Désormais, elle est libre d’exercer la profession de son choix sans que son mari ne puisse s’y opposer.
- Cinquième étape : la reconnaissance par la loi du 23 décembre 1985 aux époux d’un monopole sur les actes nécessaires à l’exercice de leur profession
- Afin de renforcer l’indépendance professionnelle des époux, le législateur leur a conféré un pouvoir exclusif sur les actes nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.
- Cette règle vise à prévenir toute tentative d’ingérence d’un époux qui pourrait venir perturber l’exercice de la profession du conjoint.
- Ainsi, l’époux, qui exploite un fonds de commerce, une entreprise artisanale ou agricole, est seul investi du pouvoir d’en assurer la gestion courante.
- Il devra néanmoins obtenir l’accord de son conjoint pour les actes les plus graves et notamment ceux qui visent à aliéner ou grever de droits réels un fonds de commerce, une exploitation dépendant de la communauté ou encore des droits sociaux non négociables.
Au bilan, la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité dans les rapports conjugaux, mouvement qui s’est amorcé dès le début du XXe siècle, l’a conduit à octroyer à la femme mariée une sphère d’autonomie, non seulement s’agissant du choix de sa profession, mais encore pour ce qui concerne la perception et la disposition de ses gains et salaires, ainsi que pour l’accomplissement des actes nécessaires à l’exercice de sa profession.
Cette indépendance professionnelle dont jouissent les époux désormais les époux se traduit, sur le plan de la gestion de l’actif, par l’octroi d’un pouvoir exclusif sur :
- D’une part, les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée
- D’autre part, les actes portant sur les gains et salaires
§1: Les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée
L’article 1421, al. 2e du Code civil prévoit que « l’époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci. »
La règle énoncée ici instaure donc un principe de gestion exclusive pour les actes nécessaires à l’activité professionnelle des époux.
À l’analyse, cette règle peut être envisagée sous deux aspects :
- Positivement
- Elle signifie que l’époux qui exerce une activité professionnelle est seul habilité à gérer les biens nécessaires à cette activité
- Négativement
- Elle signifie qu’il est fait interdiction aux époux de s’immiscer dans les affaires qui relèvent de l’activité professionnelle de leur conjoint.
Parce que les actes accomplis par un époux dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle sont susceptibles de porter sur des biens communs, la modalité de gestion instituée par l’article 1421, al. 2e du Code civil déroge à la règle.
En effet, les actes qui portent sur des éléments de l’actif commun relèvent, en principe, du domaine de la gestion concurrence.
Les époux devraient, dans ces conditions, être investis de pouvoirs égaux et concurrents sur les biens communs affectés à l’exercice d’une activité professionnelle.
L’application du principe de gestion concurrente conduirait toutefois à admettre qu’un époux puise s’ingérer dans les affaires de son conjoint, ingérence qui serait de nature à porter atteinte à l’indépendance professionnelle des époux.
Pour cette raison, le législateur a conféré aux époux un pouvoir de gestion exclusif pour les actes nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.
Dans la mesure où il s’agit d’une dérogation portée au principe de gestion concurrence, le domaine de la règle a néanmoins été strictement circonscrit.
Quant à sa sanction, elle est assurée par l’article 1427 du Code civil qui prévoit la nullité des actes accomplis en dépassement des pouvoirs d’un époux.
I) Le domaine de la gestion exclusive
Le pouvoir exclusif dont sont investis les époux au titre de l’article 1421, al. 2e du Code civil tient :
- D’une part, à l’exercice d’une profession séparée
- D’autre part, l’accomplissement d’actes nécessaires à l’activité professionnelle
A) L’exercice d’une profession séparée
Pour qu’un époux soit investi du pouvoir exclusif prévu par l’article 1421, al. 1er du Code civil, il doit exercer une profession séparée de son conjoint.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « profession séparée ».
Cette notion n’est définie par aucun texte, ni par aucune décision jurisprudentielle. C’est donc vers la doctrine qu’il y a lieu de se tourner.
À cet égard, les auteurs observent que l’identification de l’exercice d’une profession séparée ne soulèvera pas de difficulté lorsque :
- Un seul des époux exerce une activité professionnelle
- Les époux travaillent dans des entreprises différentes
- Les époux travaillent dans une même entreprise, mais exercent des fonctions distinctes
À la vérité, la détermination de l’existence d’une séparation des activités professionnelles soulèvera une difficulté lorsque l’un des époux collabore à l’activité professionnelle de son conjoint.
Une assistance ponctuelle et temporaire à l’activité du conjoint suffit-elle à priver l’époux qui collabore du pouvoir de gestion exclusif prévu par l’article 1421, al .2e du Code civil, ou faut-il une collaboration régulière et permanente ?
À partir de quelle intensité dans la collaboration doit-on considérer que les époux n’exercent pas des professions séparées. ?
Pour les auteurs il y a lieu de distinguer selon la nature de la collaboration dont il est question.
Si l’on se réfère à l’article L. 121-4 du Code de commerce, cette disposition prévoit que le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts prévus par la loi que sont :
- Le statut de conjoint collaborateur
- Le statut de conjoint salarié
- Le statut de conjoint associé
L’article 321-5, al. 7e du Code rural énonce sensiblement la même règle pour le conjoint de l’exploitant agricole.
Le premier enseignement qui peut être retiré de ces dispositions, c’est que le choix de l’un de ces trois statuts n’est obligatoire que si la collaboration du conjoint est régulière.
On peut en déduire que lorsque la collaboration est seulement ponctuelle, le conjoint du chef d’entreprise pourra n’endosser aucun statut.
Dans cette hypothèse, il ne sera donc pas privé de la faculté de prouver qu’il exerce une profession séparée au sens de l’article 1421, al. 2e du Code civil.
Au vrai, l’établissement de cette preuve ne soulèvera des difficultés que lorsque le conjoint du chef d’entreprise collabore régulièrement à son activité.
Le second enseignement qui peut être retiré de l’article L. 121-4 du Code de commerce, c’est que, lorsqu’elle est régulière, la collaboration du conjoint se traduira nécessairement par l’adoption, au choix, du statut de coexploitant, de collaborateur ou de salarié.
Ce sont là autant de statuts susceptibles de priver le conjoint du chef d’entreprise de la possibilité de se prévaloir d’un pouvoir exclusif sur les biens communs affectés à l’exercice de son activité professionnelle.
Aussi, convient-il d’envisager chacun de ces statuts pris individuellement.
==> Le statut de conjoint associé
Le conjoint optera pour le statut d’associé lorsqu’il coexploitera l’entreprise commerciale, artisanale ou agricole et plus précisément lorsqu’il détiendra des parts ou actions dans la société, ce qui exige la fourniture d’un apport.
Lorsque cette condition est remplie, les époux sont exploitants. Parce qu’ils sont placés sur un pied d’égalité, l’un et l’autre ne saurait soutenir qu’il exerce une profession séparée.
Tous deux œuvrent dans le même sens : la réalisation de l’objet social de leur entreprise.
==> Le statut de conjoint collaborateur
Il sera opté pour le statut de collaborateur lorsque le conjoint exercera une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération.
Parce que, par hypothèse, il n’est pas associé dans l’entreprise familiale, le conjoint collaborateur n’endosse pas la qualité de coexploitant : il a vocation à exécuter les missions qui lui sont confiées.
Est-ce à dire que ce statut le prive de tous pouvoirs sur les biens communs affectés à l’exploitation de l’entreprise ? Il n’en est rien.
La particularité du conjoint collaborateur est qu’il est investi d’un pouvoir de représentation de son époux quant à la gestion de l’entreprise.
L’article L. 121-6, al. 1er du Code de commerce prévoit en ce sens que « le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise. »
Est ainsi instituée une présomption légale de pouvoir qui, à l’égard des tiers, autorise le conjoint collaborateur à accomplir les actes de gestion courante de l’entreprise.
Une présomption de pouvoirs est instituée sensiblement dans les mêmes termes par l’article L. 321-1, al. 2e du Code rural à la faveur du conjoint collaborateur de l’exploitant agricole.
Ces présomptions de pouvoirs ont pour effet de réputer les actes d’administration accomplis par le conjoint collaborateur comme ayant été conclus par le chef d’entreprise lui-même.
Aussi, se concilient-elles mal avec le pouvoir de gestion exclusive dont est investi l’époux qui exerce une profession séparée.
Celui-ci ne peut pas agir exclusivement en son propre nom et tout à la fois agir exclusivement au nom du chef d’entreprise. Il y a là des pouvoirs qui sont incompatibles.
C’est la raison pour laquelle le statut de collaborateur est exclusif de l’exercice d’une profession séparée.
Le conjoint collaborateur est, dans ces conditions, insusceptible de se prévaloir d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens communs affectés à l’entreprise au sein de laquelle il collabore à titre régulier.
À l’opposé l’époux qui endosse la qualité de chef d’entreprise pourra se prévaloir d’un tel pouvoir, cette qualité le plaçant dans une situation où il exerce bien une profession séparée de celle de son conjoint.
==> Le statut de conjoint salarié
L’article L. 121-4, I du Code de commerce prévoit que le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale peut opter pour le statut de salarié, lequel offre incontestablement la protection sociale la plus étendue.
Il peut être observé que ce statut n’a été envisagé par loi qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1982.
Sous l’empire du droit antérieur, la licéité de la conclusion d’un contrat de travail entre époux n’avait été admise que par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. civ. 8 nov. 1937). L’intervention du législateur en 1982 a, sans aucun doute, permis de clarifier les choses.
Quoi qu’il en soit, le conjoint du chef d’entreprise peut désormais librement opter pour le statut de salarié.
Dans cette hypothèse, il est admis que le conjoint est fondé à se prévaloir de l’exercice d’une profession séparée.
Lui endosse la qualité de salarié, tandis que son époux exerce la fonction de chef d’entreprise.
Aussi, l’article 1421, al. 2e du Code civil peut parfaitement trouver à s’appliquer
II) Des actes nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle
Un époux ne peut se prévaloir d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens communs affectés à son activité professionnelle que s’il démontre que les actes accomplis sont nécessaires à l’exercice de cette activité.
Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « nécessaire ». L’article 1421, al. 2e ne définit pas la notion, ni ne fournit des critères d’appréciation.
Pour les auteurs, de façon générale « on vise par là tous les actes de gestion patrimoniale qu’implique un exercice normal de la profession : ventes ou achats de marchandises, contrats de location (d’un local par exemple), d’entreprise, d’assurance, location-gérance d’un fonds de commerce, cession de tel élément du fonds etc. »[1].
Reste que cette description ne fait que dégrossir la notion de nécessité. Elle ne permet pas d’en cerner les contours avec précision.
Faute d’indications dans les textes, il y a lieu de se reporter à la doctrine qui propose deux approches :
- Première approche
- Elle consiste à appréhender le critère de nécessité en recourant à la notion de bien affecté.
- Autrement dit, il s’agirait de vérifier si un bien est affecté à l’exercice de la profession séparée de l’époux
- Dans l’affirmative, le critère de nécessité serait rempli et, par voie de conséquence, l’époux fondé à exercer un pouvoir exclusif sur le bien affecté à son activité.
- Le domaine de la gestion exclusive serait ainsi directement lié à la notion d’affectation.
- Bien que séduisante, cette approche n’en a pas moins fait l’objet de critiques.
- Les auteurs ont notamment fait remarquer qu’elle conduirait à créer une nouvelle catégorie de biens : les biens professionnels.
- Or cela reviendrait à briser l’unité de la masse commune, alors même que sur le plan du passif, il n’existe aucune catégorie de dettes qui seraient exécutoires sur les seuls biens professionnels.
- Dès lors qu’une dette est souscrite du chef d’un époux, elle peut être poursuivie sur l’ensemble des biens communs, quand bien même elle a été contractée à des fins professionnelles.
- Aussi, cette approche du critère de nécessité doit, selon nous, être écartée.
- Seconde approche
- Elle consiste à se focaliser, non pas sur les biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux, mais sur les actes accomplis dans le cadre de cette activité.
- Plus précisément, il s’agit de déterminer quels sont les actes qui répondent au critère de nécessité.
- Par la formule « actes nécessaires », d’aucuns plaident pour une interprétation extensive de la notion.
- Aussi, conviendrait-il d’inclure dans son périmètre les actes utiles à l’exercice de la profession afin de ne pas limiter le domaine de la gestion exclusive aux seuls actes indispensables.
- L’esprit du texte n’est pas, en effet, d’ériger en exception l’exercice par un époux d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens affectés à son activité professionnelle.
- Ce pouvoir lui est conféré afin qu’il soit en capacité d’assurer, seul, la gestion normale de son activité, ce qui implique que les actes de gestion courante doivent être compris dans l’exclusivité envisagée par le législateur comme une garantie à l’indépendance professionnelle des époux.
- Reste que pour les actes les plus graves et notamment les actes visant à aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, conformément à l’article 1424, al.1er du Code civil, le principe de gestion exclusive cède sous l’application du principe de la cogestion.
Au bilan, il y a lieu, selon nous, de retenir la seconde approche afin de délimiter le domaine de la gestion exclusive.
Les époux sont investis d’un pouvoir exclusif pour tous les actes d’administration et de disposition dont l’accomplissement est nécessaire à la gestion normale de leur activité professionnelle.
§2: Les actes portant sur les gains et salaires
Étonnement, la liberté pour la femme mariée de percevoir et de disposer de ses gains et salaires a été consacrée avant que ne lui soit reconnue la liberté d’exercer la profession de son choix.
La reconnaissance de cette liberté est le fruit de la loi du 13 juillet 1907 qui a donc admis que la femme mariée puisse :
- D’une part, percevoir librement les gains et salaires que lui procurait son activité professionnelle
- D’autre part, administrer seule et affecter ses revenus à l’acquisition de biens dits réservés.
Par biens réservés, il faut entendre les biens acquis par la femme mariée avec ses revenus et dont la gestion lui était impérativement « réservée », alors même que, en régime communautaire, les gains et salaires endossaient la qualification de biens communs.
Ainsi, dès 1907 la femme mariée est investie du pouvoir de percevoir et d’administrer librement ses gains et salaires.
Reste qu’il a fallu attendre la loi 23 décembre 1985 pour que le système des biens réservés soit aboli à la faveur de l’instauration d’une véritable égalité dans les rapports conjugaux.
Sous l’empire du droit antérieur, l’article 223 du Code civil prévoyait, en effet, que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »
Introduite par la loi du 13 juillet 1965, cette disposition portait manifestement la marque de l’inégalité entre le mari et la femme mariée qui avait cours jadis.
Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.
Désormais, l’article 223 du Code civil prévoit que « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. ».
Afin de bien cerner le sens et la portée de cette règle il y a lieu, dans un premier temps, de s’interroger sur la notion de gains et salaires puis, dans un second temps, d’envisager les pouvoirs des époux sur ces derniers.
I) La notion de gains et salaires
Classiquement, les auteurs définissent les gains et salaires comme les revenus provenant de l’activité professionnelle des époux.
Tans les revenus principaux (salaires, traitements, honoraires, commissions, droits d’auteur etc.) que les revenus accessoires (primes, indemnités de fonction, gratifications, pourboires etc.) sont visés par l’article 223 du Code civil.
Il est par ailleurs, indifférent que ces revenus proviennent d’une activité commerciale, libérale, agricole ou encore publique, pourvu qu’il procède d’une activité exercée à titre professionnelle.
S’il s’agit d’un gain issu d’une activité qui relève d’un loisir, telle que la gratification reçue dans le cadre d’un concours, d’une loterie ou encore d’une contrepartie perçue au titre d’un service rendu à un tiers, l’article 223 ne sera pas applicable.
Quant aux revenus issus de l’exploitation d’un fonds commercial, agricole ou artisanale, les auteurs se sont interrogés sur leur qualification.
Ces revenus consistent tout à la fois en des produits du travail (industrie fournie par l’époux) qu’en des fruits du capital (bien exploité par l’époux).
Aussi, présentent-ils un caractère mixte, ce qui n’est pas sans interroger sur leur qualification. Doit-on opérer une distinction entre les produits du travail et les fruits générés par le bien comme envisagé par certains ?
De l’avis de la majorité des auteurs, une telle distinction ne serait pas heureuse, car pouvant difficilement être mise en œuvre. Comment distinguer les revenus issus du travail de ceux s’apparentant à des fruits ? Dans les deux cas, ils proviennent de l’exploitation du bien de sorte que, en réalité, ils se confondent.
Pour cette raison, les auteurs s’accordent à qualifier les bénéfices tirés d’une exploitation commerciale, agricole ou artisanale de gains et salaire, de sorte qu’ils donneraient lieu à l’application de l’article 223 du Code civil.
II) Les pouvoirs des époux sur les gains et salaires
==> Principe
L’article 223 du Code civil reconnaît aux époux le droit percevoir leurs gains et salaires et d’en disposer librement.
Cela signifie que le consentement du conjoint n’est jamais requis s’agissant de l’emploi des revenus professionnels qui peuvent être affectés par l’époux qui les perçoit à la destination qui lui sied.
Cette règle qui est d’ordre public s’impose quel que soit le régime matrimonial applicable, de sorte qu’il ne peut pas y être dérogé par convention contraire.
Un contrat de mariage ne saurait, dans ces conditions, prévoir par le biais d’une clause d’administration conjointe qu’un époux renonce à son droit de percevoir et de disposer librement de ses gains et salaires. Une telle clause matrimoniale serait réputée non écrite.
D’évidence, cette liberté reconnue aux époux d’avoir la maîtrise de leurs revenus professionnels présente un intérêt tout particulier en régime de communauté.
Lorsque, en effet, les époux sont mariés sous le régime légal, les gains et salaires sont des biens communs. Or en application de l’article 1421 du Code civil les biens communs font l’objet d’une gestion concurrente.
L’article 223 pose donc une exception de cette règle en posant un principe de gestion exclusive des gains et salaires, soit une gestion qui relève du monopole de l’époux qui les perçoit.
Là ne s’arrête pas le caractère dérogatoire de cette disposition. L’article 1422 du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ».
Est-ce dire que les époux ne peuvent pas disposer de leurs gains et salaires à titre gratuit ? Telle n’est pas la position défendue par les auteurs qui considèrent que l’article 223 du Code civil prime l’article 1422.
À cet égard dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a statué en ce sens, en affirmant que « chaque époux a le pouvoir de disposer de ses gains et salaires, à titre gratuit ou onéreux, après s’être acquitté de la part lui incombant dans les charges du mariage » (Cass. 1ère civ. 29 févr. 1984, n°82-15.712).
La donation de gains et salaires relève ainsi de la gestion exclusive de l’époux qui les perçoit, nonobstant la règle contraire énoncée par l’article 1422.
==> Limites
Les limites au principe de libre perception et disposition des gains et salaires sont au nombre de deux :
- Première limite
- Elle est expressément envisagée par l’article 223 du Code civil qui prévoit que, si les époux sont libres de disposer sans le consentement de l’autre de leurs gains et salaires, c’est à la condition d’avoir exécuté leur obligation de contribution aux charges du mariage.
- Pour mémoire, l’article 214 du Code civil prévoit que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives»
- Il échoit ainsi aux époux de s’acquitter des charges générées par la vie courante du ménage (loyer, facture d’électricité, frais de scolarité des enfants, frais d’alimentation etc.), après quoi seulement ils sont libres de disposer du reliquat.
- Seconde limite
- Elle tient à la nature des gains et salaires qui relèvent de la catégorie des biens communs.
- Or les biens communs sont, par principe, soustraits à la gestion exclusive des époux à la faveur d’une gestion concurrente, voire d’une cogestion en certaines circonstances.
- Tel est le cas des libéralités portant sur des biens communs qui, conformément à l’article 1422 du Code civil, requièrent le consentement des deux époux.
- Si, comme vu précédemment, la donation de gains et salaires échappe à la règle, l’article 223 primant l’article 1422, la Cour de cassation a néanmoins précisé dans son arrêt rendu le 29 février 1984, que c’était sous réserve que les sommes, objets de la donation, n’aient pas été « économisées» auquel cas l’article 1422 retrouvait à s’appliquer.
- Cette réserve a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 novembre 2019 aux termes duquel elle a jugé que « ne sont pas valables les libéralités consenties par un époux commun en biens au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires lorsque ces sommes ont été économisées » ( 1ère civ. 20 nove. 2019, n°16-15.867).
- Dès lors, en effet, que les gains et salaires font l’objet d’une thésaurisation, ils deviennent des acquêts ordinaires.
- Et si, tant qu’ils sont déposés sur le compte bancaire personnel d’un époux, ils relèvent de sa gestion exclusive conformément à l’article 221, cette gestion se heurte toutefois à l’article 1422 qui interdit à l’époux titulaire du compte de consentir une donation à un tiers sans le consentement de son conjoint.
- La question qui alors se pose est de savoir à partir de quand les gains et salaires se transforment en économies.
- Pour le déterminer, d’aucuns se réfèrent à l’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution instituant en principe d’insaisissabilité des revenus du conjoint d’un époux débiteur contre lequel il mesure d’exécution est engagée.
- Cette disposition prévoit que « lorsqu’un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d’une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en biens une somme équivalant, à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant la saisie. »
- Il s’infère de la règle ainsi posée que les gains et salaires correspondraient à un mois de revenus, le surplus s’étant transformé en économies.
- Des auteurs suggèrent encore de distinguer selon les gains et salaires sont déposés sur le compte courant de l’époux ou placés sur un placement à moyen ou long terme.
- La jurisprudence n’a, toutefois, toujours pas tranché cette question qui est appréhendée au cas par cas par les juges du fond.
Section 2: La gestion exclusive comme règle visant à garantir l’indépendance patrimoniale des époux
==> Évolution
Dans sa rédaction initiale, le Code civil prévoyait, en application du principe d’unité de gestion, que c’est le mari qui administrait, tant les biens relevant de la communauté, que ceux appartenant en propre à son épouse.
La seule limite qui s’imposait à lui concernait les biens personnels de cette dernière : l’ancien article 1428 du Code civil lui interdisait d’en disposer.
Reste que la femme mariée était frappée d’une incapacité d’exercice générale de sorte que pour aliéner ses biens propres elle devait obtenir le consentement de son mari.
Il a fallu attendre la loi du 13 février 1938, qui a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, pour que celle-ci recouvre une parcelle de pouvoir sur ses biens personnels.
Désormais, elle était, en effet, autorisée à disposer de leur nue-propriété. Quant à l’usufruit, il demeurait rattaché à la communauté et, par voie de conséquence, relevait toujours du pouvoir de son mai.
Par suite, la loi du 22 septembre 1942 est venue étendre un peu plus le pouvoir de la femme marée sur ses biens propres. Elle l’autorisa à saisir le juge aux fins qu’il lui confie la gestion exclusive de ses biens propres, voire l’autorise à en disposer librement.
La loi du 13 juillet 1965 a franchi un pas supplémentaire vers l’émancipation de l’épouse de la tutelle de son mari quant à la gestion de ses biens personnels.
Animé par la volonté d’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux, le législateur a soustrait de la masse commune l’usufruit des biens propres de la femme mariée, ce qui a eu pour effet de lui en attribuer la pleine maîtrise.
Cette règle a été formulée à l’ancien article 223 du Code civil qui disposait que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »
Vingt ans plus tard, le législateur a souhaité parachever la réforme qu’il avait engagée en 1965, l’objectif recherché était de supprimer les dernières marques d’inégalité dont étaient encore empreintes certaines dispositions.
Dans ce contexte, il a saisi l’occasion pour la toiletter la règle énoncée à l’article 223 qui reconnaissait à la femme mariée le pouvoir d’administrer et de disposer de ses biens propres sans le consentement de son mari.
Transférée à l’article 225 du Code civil, la nouvelle règle, toujours en vigueur aujourd’hui, prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
==> Le pouvoir de gestion exclusif des revenus de propres
Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.
À cet égard, la règle a été reprise à l’article 1428 du Code civil qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que « chaque époux a l’administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement. »
Il ressort de ces deux dispositions que les époux sont investis d’un pouvoir de gestion exclusif sur leurs biens propres, pouvoir qui comprend notamment le droit d’en jouir et donc de percevoir et disposer des fruits produits. Pourtant, cette catégorie de revenus tombe en communauté.
En effet, dans un arrêt « Authier » rendu en date du 31 mars 1992, la Cour de cassation a jugé que les revenus de biens propres endossaient la qualification de biens communs (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).
L’entrée de ces revenus dans la masse commune n’implique pas toutefois qu’ils fassent l’objet d’une gestion concurrente, dans la mesure où l’article 1428 du Code civil vise expressément les actes de jouissance des biens propres comme relevant du domaine de la gestion exclusif.
Or la jouissance d’une chose consiste pour le propriétaire à percevoir les revenus qu’elle lui procure et à en disposer librement.
S’agissant du droit de jouissance dont sont titulaires les époux sur leurs biens propres, il y a lieu de combiner l’article 1428 du Code civil à l’article 1403.
Cette dernière disposition ajoute, en effet, que « la communauté n’a droit qu’aux fruits perçus et non consommés. »
Il ressort de cette disposition que les revenus de propres peuvent être consommés par l’époux qui les perçoit sans qu’aucune récompense ne soit due à la communauté.
Encore faut-il néanmoins que cette consommation ne donne pas lieu à l’acquisition d’un bien durable ou se traduise par le financement de travaux d’amélioration d’un bien propre.
Comme souligné par Annie Chamoulaud-Trapiers, « la consommation doit s’entendre d’une utilisation qui n’a rien laissé subsister, aucune plus-value, aucun investissement »[2].
Autrement dit, il ne doit plus rien rester des revenus perçus, peu importe qu’ils aient été employés à des fins exclusivement personnelles.
À défaut, la communauté a droit à récompense. Tel est notamment le cas lorsque les revenus de propres sont utilisés aux fins d’acquisition ou d’amélioration d’un bien propre (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 6 juill. 1982).
Ce droit de consommer les revenus des propres conférés à chaque époux n’est pas sans limite.
L’article 1403, al. 2e du Code civil prévoit que si les revenus de propres consommés échappent à la communauté, c’est sous réserve de la fraude.
Cette fraude sera caractérisée lorsque la consommation des fruits a été dissimulée au conjoint et que la communauté s’en est trouvée lésée.
Lorsque la fraude est établie une récompense sera due à cette dernière. Son montant correspondra à l’enrichissement manqué par la communauté.
Comme pour l’hypothèse de la négligence dans la perception, seuls les revenus consommés les 5 dernières années à compter de la dissolution de la communauté pourront être intégrés dans l’assiette de calcul de la récompense.
Section 3: La gestion exclusive comme règle visant à garantir l’indépendance bancaire des époux
Dans le prolongement de l’alinéa 1er de l’article 221 du Code civil qui énonce la liberté pour les époux de se faire ouvrir un compte bancaire en leur nom personnel, l’alinéa 2 régit le fonctionnement de ce compte.
Le texte prévoit en ce sens que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
Est ainsi instituée une présomption de pouvoir au profit de l’époux titulaire d’un compte ouvert en son nom personnel qui l’autorise à accomplir toutes opérations sur ce compte, sans qu’il lui soit besoin de solliciter l’autorisation de son conjoint.
Pratiquement, cette présomption dispense le banquier d’exiger la fourniture de justifications s’agissant des dépôts et des retraits qu’un époux est susceptible de réaliser sur son compte personnel.
Plus précisément, elle a pour effet de réputer l’époux titulaire du compte « avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
C’est là une exception au principe de gestion concurrente. Par le jeu de la présomption posé à l’article 221, al. 2e du Code civil, la loi confère à l’époux titulaire d’un compte individuel un pouvoir exclusif sur les fonds qui y sont déposés.
Il est indifférent que ces fonds soient des biens communs ordinaires, et qui donc, par principe, devraient faire l’objet d’une gestion concurrente.
Dès lors que des sommes sont inscrites en compte, elles sont hors de portée du conjoint qui ne saurait exiger du banquier qu’il les lui remette ou lui octroie un quelconque pouvoir sur elles.
Plus encore, le texte interdit formellement au banquier de solliciter des justifications sur la situation matrimoniale de son client ou sur la provenance des fonds, sauf les cas de vérification qui lui incombent au titre des obligations prescrites par le Code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
En dehors de ces obligations légales, le banquier doit exécuter toutes les opérations pour lesquelles il a reçu un ordre de l’époux titulaire du compte.
Le banquier engagerait sa responsabilité s’il perturbait le fonctionnement du compte en considération de règles qui intéressent la situation matrimoniale de son client.
Dans un arrêt du 3 juillet 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que si l’article 1421 du Code civil « reconnaît à chacun des époux [mariés sous un régime de communauté] le pouvoir d’administrer seul les biens communs, l’article 221 du Code civil leur réserve la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l’autre, et que le banquier dépositaire ne doit, aux termes de l’article 1937 du même Code, restituer les fonds déposés qu’à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir » (Cass. 1ère civ. 3 juill. 2001, n°99-19.868).
Commet ainsi une faute le banquier qui remet des fonds au conjoint du titulaire du compte, alors même que, en application du régime matrimonial applicable, il serait établi que ces fonds auraient été déposés en violation des règles de pouvoirs.
Chapitre 2: le contrôle de la gestion exclusive
L’article 1427, al. 1er du Code civil prévoit que « si l’un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l’autre, à moins qu’il n’ait ratifié l’acte, peut en demander l’annulation. »
Il ressort de cette disposition que, en cas d’accomplissement d’un acte par un époux en dépassement de ses pouvoirs, cet acte encourt la nullité.
Aussi, lorsqu’un acte soumis au principe de cogestion n’a pas donné lieu à l’accord du conjoint, celui-ci est fondé à en réclamer l’anéantissement.
I) Domaine de la nullité
La nullité prévue par l’article 1427 du Code civil est encourue, à la lecture du texte, par tous les actes accomplissement en dépassement des pouvoirs d’un époux, pourvu que l’acte porte, bien évidemment, sur un bien commun.
Au nombre des actes susceptibles de faire l’objet d’un excès de pouvoir on compte on peut les classer en trois catégories
- Première catégorie d’actes
- Il s’agit de tous les actes soumis au principe de cogestion, soit ceux dont l’accomplissement requiert l’accord des deux époux.
- Tel est le cas :
- Des actes de disposition à titre gratuit entre vifs ( 1422, al. 1er C. civ.)
- Des actes visant à affecter un bien commun en garantie de la dette d’un tiers ( 1422, al. 2e C. civ.)
- Des actes visant à aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité ( 1424, al. 1er C. civ.)
- Des actes visant à percevoir les capitaux provenant des opérations ci-dessus énoncées ( 1424, al. 1er in fine C. civ.)
- Des actes visant à donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté ( 1425 C. civ.)
- Deuxième catégorie d’actes
- Cette catégorie recouvre les actes qui relève de la gestion exclusive du conjoint
- Tel est le cas notamment :
- Des actes d’administration et de disposition portant sur des biens nécessaires à l’exercice de la profession du conjoint ( 1421, al. 2e C. civ.).
- Des actes qui portent sur les gains et salaires du conjoint ( 223 C. civ.)
- Des actes qui portent sur les revenus des propres du conjoint ( 225 et 1428 C. civ.)
- Des actes accomplis dans le cadre de l’exercice du droit moral dont est titulaire le conjoint sur les œuvres de l’esprit dont il est l’auteur ( L. 121-9 CPI)
- Troisième catégorie d’actes
- Il s’agit des actes accomplis par un époux un dépassement des pouvoirs qui lui seraient conférés par un mandat consenti par son conjoint ( 218 C. civ.) ou par une décision judiciaire (art. 217, 219 et 220-1 C. civ.)
- La sanction de la nullité est également applicable aux actes accomplis par un époux au mépris d’une décision de justice qui lui aurait retiré ses pouvoirs et les aurait transférés à son conjoint ( 1426 C. civ.)
II) Action en nullité
Le régime de l’action en nullité prévue par l’article 1427, al. 1er du Code civil est défini au second alinéa de ce même texte.
La règle énoncée prévoit que « l’action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté. »
Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
==> Titularité de l’action
La nullité prévue par l’article 1427 du Code civil est une nullité relative.
La raison en est que la règle instituée par le texte vise à protéger le conjoint des actes susceptibles d’être accomplis par son époux en dépassement de ses pouvoirs.
Il est, par ailleurs, précisé que l’acte peut donner lieu à ratification postérieure par le conjoint.
Ce sont là autant d’indices qui conduisent à qualifier la nullité prescrite par l’article 1427 de relative.
Il en résulte que l’action qui y est attachée appartient au seul conjoint.
Aussi, ne saurait-elle être exercée :
- Ni par l’auteur de l’acte qui pourrait être animé par la volonté de se dédire de son engagement ( 1ère civ. 20 janv. 1998, n°96-10.433).
- Ni par le tiers cocontractant qui pourrait trouver un intérêt à ce que l’acte soit remis en cause postérieurement à son établissement ( 3e civ. 8 janv. 1992, n°90-11.921).
En revanche, la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 6 novembre 2019 que l’action en nullité puisse être exercée par les ayants droit du conjoint.
Elle a jugé en ce sens que « l’action en nullité relative de l’acte que l’article 1427 du code civil ouvre au conjoint de l’époux qui a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, est, en raison de son caractère patrimonial, transmise, après son décès, à ses ayants cause universels » (Cass. 1ère civ. 6 nov. 2019, n°18-23.913).
==> Prescription de l’action
- Principe
- L’article 1427, al. 2e du Code civil prévoit expressément que « l’action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.»
- L’action en nullité est ainsi enfermée dans un double délai :
- Premier délai
- L’action doit être engagée dans le délai de deux ans à compter du jour où le conjoint a découvert l’irrégularité de l’acte
- Second délai
- L’action ne peut jamais être engagée au-delà du délai de deux ans à compter de la dissolution du mariage
- Premier délai
- Il résulte de ce dispositif que, dans l’hypothèse où le conjoint déciderait d’agir moins de deux ans à compter de la découverte de l’irrégularité de l’acte, mais passé un délai de deux ans après la dissolution du mariage, l’action sera malgré tout prescrite.
- Dès lors, une fois l’union matrimoniale dissoute, l’action en nullité devra nécessairement être engagée dans le bref délai de deux ans peu importe la date où le conjoint a pris connaissance de l’acte litigieux.
- S’il découvre l’irrégularité 18 mois après la dissolution du mariage, il ne lui restera plus que 6 mois pour agir.
- À l’expiration de ce délai, l’action sera, en tout état de cause, prescrite.
- Cette règle a été instaurée par le législateur afin de prévenir les contentieux susceptibles de se prolonger dans le temps.
- La période post-communautaire est un terrain particulièrement fertile aux actions judiciaires entre époux.
- À cet égard, il peut être observé que le bref délai prévu par l’article 1427 n’est pas un délai préfix. Il s’agit d’un délai de prescription.
- Il en résulte que le Juge n’est pas tenu de relever d’office la prescription de l’action.
- Par ailleurs, il est admis que la suspension de la prescription entre époux prévue par l’article 2236 du Code civil n’est pas applicable, à l’action en nullité de l’article 1427 du Code civil.
- Pour mémoire, le texte prévoit que la prescription extinctive « ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité. »
- Aussi, cette suspension ne pourra pas faire échec au bref délai de deux ans.
- Tempérament
- Si l’action en nullité prévue par l’article 1427 du Code civil est enfermée dans un double délai de deux ans, lorsque la nullité de l’acte contesté est invoquée par voie d’exception, soit lorsque le conjoint qui la soulève est le défendeur à l’instance, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.
- Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »
- Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.
- Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles.
- Concrètement, cela signifie que lorsqu’une action en justice est engagée par une partie à l’acte aux fins d’obtenir son exécution, le conjoint pourra toujours se prévaloir de la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.
- La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt rendu en date du 12 juillet 1982 aux termes duquel elle a jugé que « le délai de deux ans à compter du jour de la connaissance de l’acte, imparti par l’article 1427, alinéa 2, du code civil pour l’exercice de l’action en nullité contre la vente d’un immeuble commun est un délai de prescription, qui ne s’applique pas lorsque le moyen de nullité est invoqué en défense à une action de l’acquéreur tendant à la réalisation de la vente» ( 1ère civ. 12 juill. 1982, n°80-13.242).
- Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.
- Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies
- Première condition
- Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté» ( 1ère civ. 1er déc. 1998).
- Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte.
- Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
- Deuxième condition
- Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
- Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 ( 1ère civ. 4 mai 2012).
- Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté»
- Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
- Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement ( 1ère civ. 1er déc. 1998)
- Que la nullité invoquée soit absolue ou relative ( 1ère civ. 24 avr. 2013).
- Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité ( 1ère civ. 13 mai 2004).
- Troisième condition
- Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
- Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
- Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
- Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée» ( 30 CPC).
- Première condition
III) Effets de la nullité
Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des époux des effets à l’égard des tiers.
A) Les effets de la nullité à l’égard des époux
À l’égard des parties, les effets de la nullité sont au nombre de trois.
==> L’effet rétroactif de la nullité
Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.
Cela signifie, autrement dit, que l’acte est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
À cet égard, dans un célèbre arrêt Couka rendu le 27 juin 1978, la Cour de cassation a jugé que « l’action accordée à l’épouse par l’article 1427 du code civil, dans le cas où le mari a passé seul, relativement aux biens communs, un acte qui exigeait le consentement de la femme, tend […] non pas à une inopposabilité de l’acte, mais a une nullité qui prive cet acte de ses effets, non seulement à l’égard de la femme, mais aussi dans les rapports du mari et de l’autre contractant » (Cass. 1ère civ. 27 juin 1978, n°76-15.546).
Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.
Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.
==> Les restitutions
Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.
Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.
L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.
Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?
Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.
==> L’octroi de dommages et intérêts
En droit commun, il est admis que la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts.
L’article 1178, al. 4 du Code civil prévoit en ce sens que « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »
Cette règle est-elle transposable à la situation du tiers victime de l’annulation d’un acte irrégulier sur le fondement de l’article 1427 du Code civil ?
Dans l’arrêt Couka du 27 juin 1978, la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en jugeant que l’annulation « qui sanctionne un dépassement de pouvoirs, ne peut, sauf stipulation particulière, faire naître à la charge du mari une obligation de garantie » (Cass. 1ère civ. 27 juin 1978, n°76-15.546).
Aussi, seule une clause spécifique serait susceptible de fonder une action en responsabilité contre l’époux qui a agi en dépassement de ses pouvoirs.
Il peut être observé que dans un arrêt du 24 mars 1981, la Cour de cassation a estimé que le dépassement de pouvoirs ne constituait pas en lui-même une faute de nature à engager la responsabilité de l’auteur de l’acte, quand bien même l’annulation de l’acte a causé un préjudice à un tiers (Cass. 1ère civ. 24 mars 1981, n°79-14.965).
La position adoptée par la haute juridiction s’explique – sans doute – par sa volonté de responsabiliser les tiers qui traitent avec des personnes mariées sous le régime légal. Il appartient à ces tiers de vérifier, avant de conclure l’acte, de vérifier les pouvoirs de leur cocontractant.
Une autre raison a été avancée pour justifier cette position. À supposer que l’on admette que la violation des règles de répartition des pouvoirs soit constitutive d’une faute délictuelle, cela reviendrait à faire peser le poids de la dette, à tout le moins temporairement, sur le conjoint victime de l’annulation dans la mesure où, au plan de l’obligation, elle pèserait sur la communauté et pourrait donc être poursuivie sur les biens communs, déduction faites des gains et salaires du conjoint.
B) Les effets de la nullité à l’égard des tiers
==> Principe
Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.
C’est la position qui a été prise par la Cour de cassation dans l’arrêt Couka rendu le 27 juin 1978.
Pour rappel, dans cette décision, elle a affirmé que « l’action accordée à l’épouse par l’article 1427 du code civil, dans le cas où le mari a passé seul, relativement aux biens communs, un acte qui exigeait le consentement de la femme, tend […] non pas à une inopposabilité de l’acte, mais a une nullité qui prive cet acte de ses effets, non seulement à l’égard de la femme, mais aussi dans les rapports du mari et de l’autre contractant » (Cass. 1ère civ. 27 juin 1978, n°76-15.546).
Dans une décision rendue le même jour, l’arrêt Pourtoy, la haute juridiction a en a déduit que « la nullité prononcée en vertu de ce texte a pour effet de remettre les choses dans l’état ou elles se trouvaient avant la formation du contrat et ne laisse pas subsister les clauses destinées a sanctionner l’inexécution dudit contrat » (Cass. 1ère civ. 27 juin 1978, n°76-10.145).
Pour la Cour de cassation, parce que l’acte est anéanti, la clause pénale stipulée dans cet acte est privée de tous ses effets.
Cette solution s’applique à toutes les clauses du contrat qui donc ne survivent pas à son annulation.
Par ailleurs, il résulte de l’anéantissement rétroactif de l’acte que toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans l’acte annulé doit normalement être anéantie.
Exemple :
- Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
- L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
- Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
- Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.
==> Correctifs
Manifestement, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.
Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.
C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.
- La possession mobilière de bonne foi: aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
- Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
- Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
- La prescription acquisitive immobilière
- Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
- Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
- Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi ( 2272 C. civ.)
- Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »
IV) Le remède à la nullité
Le vice qui affecte la validité d’un acte n’est pas sans remède. Il est possible de sauver l’acte de la nullité, en se prévalant de sa confirmation.
Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ».
Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.
C’est ce que prévoit spécifiquement l’article 1427 du Code civil en disposant que l’acte accompli par un époux en dépassement de ses pouvoirs peut toujours être ratifié par son conjoint postérieurement à l’établissement de l’acte.
Dans un arrêt du 17 mars 1987, la Cour de cassation a précisé que la ratification de l’acte « peut résulter de tout acte qui implique, sans équivoque, sa volonté de la confirmer » (Cass. 1ère civ. 17 mars 1987, n°85-11.507).
Il n’est donc pas nécessaire qu’elle soit expresse et notamment formalisée dans un écrit.
Une fois l’acte ratifié, la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés.
Cela signifie que la confirmation d’un acte fait obstacle à ce que son auteur, en l’occurrence le conjoint, après avoir renoncé à son droit de critiquer l’acte, soit exerce une action en nullité, soit oppose une exception tirée de l’existence d’une irrégularité.
En définitive, une fois confirmé, l’acte ne pourra donc plus être remis en cause.
[1] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, éd. 2001, n°359, p. 350
[2] A. Chamoulaud-Trapier, « Communauté légale : actif des patrimoines », Rép. de Droit civil, Dalloz, n°357.
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