==> Vue générale
Dans sa rédaction initiale, le Code civil prévoyait, en application du principe d’unité de gestion, que c’est le mari qui administrait, tant les biens relevant de la communauté, que ceux appartenant en propre à son épouse.
La seule limite qui s’imposait à lui concernait les biens personnels de cette dernière : l’ancien article 1428 du Code civil lui interdisait d’en disposer.
Reste que la femme mariée était frappée d’une incapacité d’exercice générale de sorte que pour aliéner ses biens propres elle devait obtenir le consentement de son mari.
Il a fallu attendre la loi du 13 février 1938, qui a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, pour que celle-ci recouvre une parcelle de pouvoir sur ses biens personnels.
Désormais, elle était, en effet, autorisée à disposer de leur nue-propriété. Quant à l’usufruit, il demeurait rattaché à la communauté et, par voie de conséquence, relevait toujours du pouvoir de son mai.
Par suite, la loi du 22 septembre 1942 est venue étendre un peu plus le pouvoir de la femme marée sur ses biens propres. Elle l’autorisa à saisir le juge aux fins qu’il lui confie la gestion exclusive de ses biens propres, voire l’autorise à en disposer librement.
La loi du 13 juillet 1965 a franchi un pas supplémentaire vers l’émancipation de l’épouse de la tutelle de son mari quant à la gestion de ses biens personnels.
Animé par la volonté d’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux, le législateur a soustrait de la masse commune l’usufruit des biens propres de la femme mariée, ce qui a eu pour effet de lui en attribuer la pleine maîtrise.
Cette règle a été formulée à l’ancien article 223 du Code civil qui disposait que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »
Vingt ans plus tard, le législateur a souhaité parachever la réforme qu’il avait engagé en 1965, l’objectif recherché était de supprimer les dernières marques d’inégalité dont étaient encore empreintes certaines dispositions.
Dans ce contexte, il a saisi l’occasion pour la toiletter la règle énoncée à l’article 223 qui reconnaissait à la femme mariée le pouvoir d’administrer et de disposer de ses biens propres sans le consentement de son mari.
Transférée à l’article 225 du Code civil, la nouvelle règle, toujours en vigueur aujourd’hui, prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.
Désormais, l’article 225 du Code civil confère à chaque époux un pouvoir de gestion exclusive de ses biens personnels, ce qui comprend, tant les actes d’administration, que les actes de disposition.
Afin de bien cerner le sens et la portée de cette règle il y a lieu, dans un premier temps, de s’interroger sur la notion de biens propres puis, dans un second temps, d’envisager les pouvoirs des époux sur ces derniers.
I) La notion de biens propres
Un bien propre est un bien sur lequel le droit de propriété est exercé par un seul époux qui donc est titulaire de ce droit à titre individuel.
Traditionnellement, on oppose les biens propres aux biens communs qui appartiennent aux deux époux.
À la différence des biens propres que l’on retrouve, à une exception près, dans tous les régimes matrimoniaux, les biens communs n’existent que dans les régimes communautaires.
Ces derniers ne se conçoivent, en effet, qu’en présence d’une masse commune. Or la création de cette masse suppose que les époux aient souhaité une union de leurs intérêts pécuniaires ce qui n’est pas le cas sous un régime séparatiste.
Aussi, selon que les époux ont opté pour un régime communautaire ou séparatiste, le périmètre des biens propres est plus ou moins étendu.
A) Le périmètre des biens propres en régime communautaire
La loi envisage trois sortes de régimes communautaires au nombre desquels figurent le régime légal et deux régimes conventionnels
==> Sous le régime légal
- Les biens propres par leur origine
- Les biens appartenant aux époux au jour du mariage ( 1405, al. 1er C. civ.)
- Les biens reçus par les époux pendant le mariage par succession, donation ou legs ( 1405, al. 2e C. civ.).
- Les biens propres par nature
- Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne de l’époux ( 1404 C. civ.), tel que :
- Les vêtements et le linge à usage personnel
- L’indemnité résultant des actions en réparation d’un dommage corporel ou moral
- Les créances et pensions incessibles
- Les biens dont l’utilisation est affectée à l’activité professionnelle de l’époux, soit les instruments de travail, sauf à ce qu’ils soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation relevant de la communauté ( 1404 C. civ.)
- Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne de l’époux ( 1404 C. civ.), tel que :
- Les biens propres par rattachement
- Il s’agit de tous les biens acquis à titre d’accessoire d’un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres ( 1406 C. civ.).
- S’agissant des biens acquis par accessoire
- Cette hypothèse vise :
- Les biens acquis par accession, soit par incorporation d’un bien accessoire (une construction) à un bien principal (le sol).
- Les plus-values, c’est-à-dire l’augmentation de la valeur d’un bien.
- Les biens accessoires, soit des biens affectés au service d’un bien propre principal et qui entretiennent un lien de dépendance économique (les marchandises affectées à l’exploitation d’un fonds de commerce détenu en propre).
- Cette hypothèse vise :
- S’agissant des biens acquis par accroissement
- Il s’agit de toutes les valeurs nouvelles et autres accroissements qui se rapportent aux valeurs mobilières.
- La détention en propre de valeurs mobilières donne lieu à l’octroi de droits préférentiels de souscription ou encore de droits d’attribution à titre gratuit ou onéreux d’actions nouvelles.
- S’agissant des biens acquis par accessoire
- Il s’agit de tous les biens acquis à titre d’accessoire d’un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres ( 1406 C. civ.).
- Les quotes-parts indivises acquises par un époux indivisaire
- Lorsqu’un époux acquiert une quote-part indivise d’un bien dont il est propriétaire en indivision, cette quote-part demeure propre fût-ce-t-elle acquise pendant le mariage ( 1408 C. civ.).
- Cette règle vise à éviter qu’une indivision ne se crée au sein d’une indivision ce qui donnerait lieu à une situation complexe.
- Elle vise encore à assurer l’unification de la propriété, l’indivision étant, de principe, envisagée par la loi comme une situation temporaire.
- Les biens propres par subrogation
- La subrogation réelle réalise la substitution, dans un patrimoine, d’une chose par une autre.
- Il en va ainsi lorsqu’un bien mobilier ou immobilier dont est propriétaire une personne est remplacé par une somme d’argent correspondant à la valeur du bien remplacé.
- À cet égard, l’article 1406 prévoit que forment aussi des propres, par l’effet de la subrogation réelle,
- Les créances et indemnités qui remplacent des propres
- Il s’agit ici de toutes les sommes d’argent perçues par un époux qui se substituent au bien propre (prix de vente, indemnité d’assurance, indemnité d’expropriation etc.)
- Les biens acquis en emploi ou remploi
- L’emploi consiste à utiliser des fonds propres aux fins d’acquisition d’un nouveau bien
- Le remploi consiste à utiliser les fonds retirés de la vente d’un bien propre pour les affecter à l’acquisition d’un nouveau bien
- Les créances et indemnités qui remplacent des propres
==> Sous les régimes conventionnels
- Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
- Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, le périmètre des biens propres est réduit par rapport au régime légal.
- En effet, sous ce régime, la communauté est augmentée de tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
- Les biens propres des époux s’en trouvent diminués d’autant.
- Le régime de la communauté universelle
- La particularité de ce régime est qu’il opère une fusion des masses pour n’en constituer plus qu’une : la masse commune.
- Aussi, l’acquisition de biens propres ne se conçoit pas sous le régime de la communauté universelle où la communauté de biens est la plus étendue.
- Par exception et sauf stipulation contraire, les seuls biens qui ne tombent pas dans la communauté sont ceux que l’article 1404 déclare comme propres par leur nature.
- Aussi, constituent des propres :
- D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
- D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
- En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
B) Le périmètre des biens propres en régime séparatiste
- Sous le régime de la séparation de biens
- Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
- Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
- À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
- Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
- Seules exceptions au principe de séparations :
- Les biens acquis en indivision
- L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
- Sous le régime de la participation aux acquêts
- En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
- Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
- Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
- Au jour de la dissolution, en revanche, l’article 1569 du Code civil prévoit que chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
- Autrement dit, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
II) Les pouvoirs des époux sur leurs biens propres
A) Principe
L’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
- Premier enseignement
- Les biens propres des époux sous soumis à leur gestion exclusive, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire pour eux d’obtenir le consentement pour les administrer ou en disposer.
- Ils jouissent s’agissant de la gestion de leurs biens propres d’une autonomie des plus totales.
- Surtout, cette autonomie est conférée aux deux époux, ces derniers étant placés désormais sur un pied d’égalité.
- Il n’est plus besoin pour la femme mariée d’obtenir le consentement de son mari pour disposer de ses biens propres, comme c’était le cas sous l’empire de l’ancien droit.
- Second enseignement
- Les époux sont investis sur leurs biens propres des pouvoirs les plus étendus.
- En effet, ils sont autorisés à accomplir
- D’une part, des actes d’administration
- Pour mémoire, les actes d’administration se définissent comme les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne dénués de risque anormal.
- Il s’agit, autrement dit, de tout acte qui vise à assurer la gestion courante d’un ou plusieurs biens sans que le patrimoine de son propriétaire s’en trouve modifié de façon importante.
- D’autre part, des actes de disposition
- Par actes de disposition, il faut entendre les actes qui engagent le patrimoine de la personne, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
- Autrement dit, les actes de disposition correspondent aux actes les plus graves qui ont pour effet de modifier le patrimoine du propriétaire du bien sur lequel porte l’acte considéré.
- Enfin, des actes de jouissance
- Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir conféré au propriétaire de percevoir les revenus, les fruits que le bien lui procure.
- Pour le propriétaire d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers qui lui sont réglés par son locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou encore le sésame qu’il a cultivé.
- Bien que les revenus de propres soient communs, il est admis qu’ils soient exclus du domaine de la gestion concurrente à la faveur de l’application du principe de gestion exclusive.
- D’une part, des actes d’administration
- Quel que soit l’acte régularisé par un époux, il est indifférent qu’il soit accompli à titre onéreux ou à titre gratuit : le pouvoir de gestion exclusive opère dès lors que l’acte porte sur un bien qui endosse la qualification de propre ou revenus de propre
- Ainsi, les époux disposent-ils de la faculté de consentir discrétionnairement une donation de leur biens propres.
À l’analyse, la règle énoncée par l’article 225 du Code civil apparaît pour le moins redondante avec les règles spécifiques propres à chaque régime matrimonial.
Qu’il s’agisse, en effet, d’un régime communautaire ou d’un régime séparatiste, tous confèrent aux époux le droit d’administrer et de disposer seul de leurs biens propres.
Aussi, pour la doctrine, le principal de cette disposition réside dans son intégration dans le régime primaire ce qui en fait une règle d’ordre public.
Il en résulte que les époux ne peuvent pas y déroger par convention contraire. Il leur est donc fait interdiction de stipuler dans un contrat de mariage :
- Soit qu’un époux renonce à la gestion de ses biens propres, hors les cas de mandat, ce qui reviendrait à faire revivre la clause d’unité d’administration définitivement abolie par la loi du 23 décembre 1985
- Soit qu’un époux se réserve le droit d’engager les biens propres de son conjoint pour les dettes contractées à titre personnel
L’autonomie patrimoniale des époux repose ainsi sur un socle de droits irréductibles, ce qui permet, non seulement de leur garantir une certaine indépendance, mais encore de faire obstacle à toute tentative de remise en cause de l’égalité qui préside aux rapports conjugaux.
B) Tempérament
Si l’article 225 du code civil reconnaît à chaque époux le pouvoir de gérer seul ses biens propres, ce pouvoir est assorti de plusieurs limites :
==> Première limite : la protection du logement familial
L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. ».
Il ressort de cet article que l’accomplissement d’actes de disposition sur la résidence familiale est soumis à codécision.
Aussi, quand bien même le logement de famille appartient en propre à un époux, celui-ci doit obtenir le consentement de son conjoint pour réaliser l’acte envisagé.
La violation de cette règle est sanctionnée par la nullité – relative – de l’acte accomplir par un époux en dépassement de ses pouvoirs.
L’article 215, al.3e prime ainsi l’article 225 du Code civil qui s’efface donc lorsque le bien en présence est le logement familial.
Encore faudra-t-il endosse cette qualification, ce qui ne sera notamment pas le cas pour une résidence secondaire.
==> Deuxième limite : la préservation de l’intérêt de la famille
L’article 220-1 du Code civil dispose, en effet, que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le président du tribunal de grande instance peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »
Aussi, dans l’hypothèse, où la gestion par un époux de ses biens propres serait de nature à mettre en péril les intérêts de la famille, le juge serait investi du pouvoir d’intervenir.
Reste que pour donner lieu à la prescription de mesures urgentes, la mise en péril des intérêts de la famille doit avoir pour cause, prévoit le texte, des manquements graves aux devoirs du mariage.
Or on voit mal comment la gestion des biens propres fût-ce-t-elle illégale serait constitutif d’une violation des devoirs du mariage.
À supposer que cela soit le cas, ce qui correspondra à des situations très marginales, le juge ne pourra prescrire que des mesures temporaires dont la durée ne peut pas excéder trois ans.
==> Troisième limite : le retrait des pouvoirs d’un époux sur ses biens propres
L’article 1429 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d’administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l’article précédent. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande. »
Il s’agit autrement dit ici de transférer les pouvoirs dont est investi un époux sur ses biens propres à son conjoint.
Ce transfert pourra intervenir, soit dans l’hypothèse se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, car gravement malade par exemple, soit dans l’hypothèse où il menacera, par sa conduite, les intérêts de la famille.
Lorsque l’une ou l’autre circonstance se rencontre, le texte prévoit que sauf à ce que la nomination d’un administrateur judiciaire n’apparaisse nécessaire, le juge octroie au conjoint le pouvoir d’administrer les propres de l’époux dessaisi, ainsi que d’en percevoir les fruits, qui devront être appliqués par lui aux charges du mariage et l’excédent employé au profit de la communauté.
Corrélativement, l’époux dessaisi ne peut disposer seul que de la nue-propriété de ses biens. Il est donc privé de son pouvoir de gestion exclusive sur l’usufruit de ses biens propres.
==> Quatrième limite : la conclusion d’un mandat
Si, la stipulation d’une clause d’unité d’administration dans le contrat de mariage est prohibée en raison du caractère d’ordre public de l’article 225, rien n’interdit un époux de confier la gestion de ses biens propres à son conjoint par voie de conclusion d’un contrat de mandat.
À cet égard, l’article 218 du Code civil prévoit que « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue ».
Seule condition pour que ce mandat soit valable, outre les conditions de droit commun, il doit être révocable ainsi que le prévoit l’article 218 in fine.
==> Cinquième limite : le jeu des présomptions de pouvoirs
Autre limite au principe de gestion exclusive des biens propres : les règles instituant des présomptions de pouvoirs conférant aux époux la faculté de disposer librement, à titre individuel, de certains biens.
Tel est notamment le cas des présomptions instituées en matière bancaire et mobilière ou encore en matière d’exploitation commune d’une entreprise commerciale, artisanale, libérale ou agricole :
- S’agissant de la présomption de pouvoir instituée en matière bancaire
- L’article 221, al. 2e du Code civil prévoit que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
- Est ainsi instituée une présomption de pouvoir au profit de l’époux titulaire d’un compte ouvert en son nom personnel qui l’autorise à accomplir toutes opérations sur ce compte, sans qu’il lui soit besoin de solliciter l’autorisation de son conjoint.
- Pratiquement, cette présomption dispense le banquier d’exiger la fourniture de justifications s’agissant des dépôts et des retraits qu’un époux est susceptible de réaliser sur son compte personnel.
- Plus précisément, elle a pour effet de réputer l’époux titulaire du compte « avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
- Le texte n’opérant aucune distinction entre les actes à titre onéreux et les actes à titre gratuit, il est admis que la présomption ainsi instituée prime sur l’article 1422 qui pose un principe de cogestion pour les donations de biens communs.
- Aussi, lorsque des fonds communs sont déposés sur le compte personnel d’un époux, celui-ci est investi d’un pouvoir exclusif sur ces fonds.
- Il est donc libre d’en disposer à titre gratuit sans que son conjoint ne puisse s’y opposer ou exiger du banquier qu’il lui octroie un quelconque pouvoir sur elles.
- S’agissant de la présomption de pouvoir instituée en matière mobilière
- L’article 222 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. »
- Est ainsi instituée une présomption de pouvoir en matière mobilière, laquelle n’est autre que le corollaire de la présomption qui joue en matière bancaire.
- Concrètement, cela signifie que la responsabilité du tiers ne saurait être recherchée au motif qu’il n’aurait pas exigé de l’époux avec lequel il a traité des justifications sur ses pouvoirs.
- Les époux sont réputés, à l’égard des tiers, avoir tous pouvoirs pour accomplir les actes d’administration, de jouissance et de disposition sur les biens meubles qu’ils détiennent individuellement.
- Là encore, le texte ne distingue pas selon que l’acte est accompli à titre onéreux ou à titre gratuit.
- Il en résulte que lorsqu’un époux consent à un tiers une donation portant sur un meuble commun, l’acte n’encourt pas la nullité dès lors que le donataire est de bonne foi, étant précisé que, en matière civile, la bonne foi est toujours présumée ( 2274 C. civ.).
- C’est là une autre dérogation au principe de cogestion posé par l’article 1422 du Code civil applicable aux actes de disposition à titre gratuit portant sur les biens communs.
- S’agissant de la présomption instituée en matière d’exploitation commerciale, artisanale et libérale
- Lorsque le conjoint d’un commerçant ou d’un artisan a opté pour le statut de conjoint collaborateur au sens de l’article L. 121-4 du Code de commerce, la loi lui confère un pouvoir de représentation du chef de l’entreprise.
- L’article L. 121-6 du Code de commerce prévoit en ce sens que « le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise. »
- Le pouvoir de représentation conféré au conjoint collaborateur s’ajoute à ceux dont il est investi au titre de son régime matrimonial.
- L’intérêt d’autoriser le conjoint du commerçant ou de l’artisan à accomplir des actes de gestion de l’entreprise est double :
- D’une part, cela permet de protéger le patrimoine du conjoint qui n’est pas engagé par les actes qu’il accomplit dans le cadre de la gestion de l’entreprise, dans les mesures où ces actes sont réputés avoir été passés par l’exploitant lui-même
- D’autre part, cela permet de protéger les tiers qui, lorsqu’ils traitent avec le conjoint du chef d’entreprise ont la garantie que les actes conclus avec ce dernier ne pourront pas être remis en cause
- Ce sont ces deux raisons qui ont conduit le législateur à instituer, lors de l’adoption de la loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, une présomption de mandat au profit du conjoint collaborateur.
- S’agissant de la présomption instituée en matière d’exploitation agricole
- L’article L. 321-1 du Code rural institue une présomption de mandat en cas de participation des époux à une même exploitation agricole, quand bien même cette exploitation appartient en propre à un seul époux.
- Cette disposition prévoit en ce sens que le mandataire est réputé avoir reçu le pouvoir « d’accomplir les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation. »
- Ainsi, l’époux mandataire est-il autorisé à accomplir des actes de gestion de l’entreprise pour le compte de son conjoint et s’il est coexploitant pour son propre compte.
- Autrement dit, il ne lui est pas nécessaire, et c’est là une dérogation au droit commun, de justifier d’un mandat exprès ou tacite, pour agir dans les rapports avec les tiers.
- À l’instar du mandataire social de l’entreprise, le pouvoir de représentation dont le mandataire est titulaire lui est directement conféré par la loi.
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