Parce que les époux se sont mutuellement obligés à une communauté de vie, ils doivent affecter un lieu à leur résidence familiale. C’est le logement de la famille.
Ce logement de la famille a pour fonction première d’abriter la cellule familiale et plus précisément d’être le point d’ancrage de la vie du ménage. C’est lui qui assure l’unité, la cohésion et la sécurité de la famille. D’une certaine manière, ainsi que l’observe Anne Karm, il la protège des « agressions matérielles et morales extérieures »[1].
Pour toutes ces raisons, le logement familial bénéficie d’un statut particulier, l’objectif recherché par le législateur étant de faire primer l’intérêt de la famille sur des considérations d’ordre purement patrimonial.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par logement de famille, l’enjeu étant de pouvoir déterminer quels sont les lieux éligibles à la protection instituée par la loi.
==> Notion de logement familial
Les textes sont silencieux sur la notion de logement familial. L’article 215 du Code civil, qui régit son statut, ne fournit aucune définition.
Ainsi que le relèvent des auteurs, la notion de logement de la famille « à la différence du domicile, notion de droit […] est une notion concrète qui exprime une donnée de fait »[2].
En substance, il s’agit de l’endroit où réside la famille et plus encore du lieu où le ménage, composé des époux et de leurs enfants, s’est établi pour vivre.
Aussi, le logement familial correspond nécessairement à la résidence principale du ménage, soit le lieu, pour reprendre la formule d’un auteur, « où se concentrent les intérêts moraux et patrimoniaux de la famille »[3].
Pratiquement, il s’agit donc de l’endroit qui est effectivement occupé par le ménage et qui est donc susceptible de changer autant de fois que la famille déménage.
Il s’en déduit que la résidence secondaire ne peut jamais, par hypothèse, endosser la qualification de logement familial au sens de l’article 215, al. 2e du Code civil.
La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 19 octobre 1999, aux termes duquel elle a affirmé « qu’un immeuble qui sert de résidence secondaire aux époux, et non de résidence principale, ne constitue pas le logement familial » (Cass. 1ère civ. 19 oct. 1999, n°97-21.466).
Seule la résidence principale est ainsi éligible à la qualification de logement de la famille.
Quant au logement de fonction, il ressort d’un arrêt du 4 octobre 1983 (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1983, n°84-14093), qu’il se voit appliquer d’un statut hybride. Il convient, en effet, de s’attacher à la situation du conjoint qui bénéficie de ce logement :
- Tant que l’époux exerce ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle endosse le statut de résidence familiale, dès lors que c’est à cet endroit que le ménage vie
- Il en résulte qu’il lui est fait défense de renoncer à son logement de fonction pour des convenances d’ordre personnel, à tout le moins sans obtenir le consentement de son conjoint.
- Il lui faudra donc observer les règles énoncées à l’article 215, al. 3e du Code civil.
- Lorsque, en revanche, l’époux quitte ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle perd son statut de résidence familiale
- La conséquence en est que le conjoint ne peut pas s’opposer à la restitution de ce logement.
- La première chambre civile justifie cette position en arguant que l’application du dispositif posé à l’article 215, al. 3e du Code civil serait de nature à porter atteinte à la liberté d’exercice professionnel de l’époux auquel est attribué le logement de fonction.
Enfin, il convient de préciser que le logement de la famille ne se confond pas nécessairement avec la résidence des époux qui peuvent, pour de multiples raisons, vivre séparément.
Dans un arrêt du 22 mars 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le logement de la famille ne s’identifie pas nécessairement avec le domicile conjugal » (Cass. 1ère civ. 22 mars 1972, n°70-14.049).
Toute la question est alors de savoir quel est le logement familial lorsque les époux ne résident pas au même endroit.
==> Logement familial et séparation des époux
La plupart du temps, tous les membres du ménage vivent sous le même toit, de sorte que l’identification de la résidence familiale ne soulèvera aucune difficulté.
Il est néanmoins des circonstances, de droit ou de fait, susceptibles de conduire les époux à vivre séparément. En pareil cas, la question se pose inévitablement du lieu de situation du logement de la famille.
Pour le déterminer, il y a lieu de distinguer deux situations :
- Première situation : l’un des époux occupe la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
- Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que la séparation est sans incidence sur le lieu de la résidence familiale.
- Ce lieu ne change pas : il demeure celui choisi en commun par les époux avant que la situation de crise ne surgisse (v. en ce sens 1ère civ. 14 nov. 2006, n°05-19.402).
- Dans un arrêt du 26 janvier 2011, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser en ce sens que « le logement de la famille ne perd pas cette qualité lorsque sa jouissance a été attribuée, à titre provisoire, à l’un des époux pour la durée de l’instance en divorce» ( 1ère civ. 26 janv. 2011, n°09-13.138).
- Seconde situation : les époux ont tous deux quitter la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
- Dans cette hypothèse, le juge est susceptible de désigner le lieu qu’il considérera comme constituant le logement de la famille en se laissant guider par un faisceau d’indices.
- Il pourra notamment prendre en compte le lieu de résidence des enfants où encore l’endroit où l’un des époux a décidé d’installer son conjoint.
- Quid néanmoins lorsqu’aucun élément tangible ne permet de désigner le lieu de situation de la résidence familiale, notamment lorsque les époux n’ont pas d’enfants, à tout le moins à charge ?
- Doit-on considérer les logements occupés séparément par les époux endossent tous deux la qualification de résidence familiale ou peut-on admettre que le logement de la famille n’a tout bonnement pas survécu à la séparation du ménage ?
- La doctrine est partagée sur ce point. Quant à la jurisprudence, elle ne s’est pas encore prononcée.
Au total, l’identification du logement familial présente un enjeu majeur, dans la mesure où elle permet de déterminer quelle résidence est protégée par le régime primaire.
À cet égard, ce statut protecteur attaché au logement de la famille repose sur deux dispositifs énoncés aux alinéas 2 et 3 de l’article 215 du Code civil :
- Le premier dispositif vise à encadrer le choix du logement familial qui ne peut procéder que d’un commun accord des époux
- Le second dispositif vise quant à lui à protéger le logement familial d’actes accomplis par un époux seul qui porterait atteinte à l’intérêt de la famille
[1] A. Karm, Mariage – Organisation de la communauté conjugale et familiale – Communauté de résidence, Jurisclasseur, fasc. 30, n°3.
[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°123, p. 113.
[3] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux, éd. LGDJ, 2010, n°53, p. 42.
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