En apparence, la détermination de la date des effets du divorce ne soulève pas de difficultés particulières.
L’article 260 du Code civil prévoit que le mariage est dissous :
- Soit « par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire»
- Soit « par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »
Ainsi, conviendrait-il de distinguer selon que le divorce est contentieux ou selon qu’il est conventionnel pour déterminer la date de ses effets.
- Si le divorce est contentieux, le divorce produit ses effets à la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée
- Si le divorce est conventionnel, le divorce produit ses effets à la date la convention contresignée par les avocats des époux est déposé chez le notaire
À l’examen, les choses ne sont toutefois pas aussi simples qu’il y paraît.
Si, en effet, l’on rentre dans le détail des dispositions qui régissent la date des effets du divorce, il apparaît que, en réalité, cette date ne sera pas la même selon que l’on envisage
- les effets du divorce à l’égard des époux et à l’égard des tiers
- les effets personnels du divorce et les effets patrimoniaux du divorce
À cela s’ajoute, la possibilité pour les époux de solliciter, en certaines circonstances, le report de la date des effets du divorce, en ce qui concerne le règlement des conséquences pécuniaires.
Très vite, on s’aperçoit alors que la date des effets du divorce n’est pas unitaire, mais plurale, de sorte qu’il convient d’opérer un certain nombre de distinctions, à commencer par celle qui commande d’envisager différemment les effets personnels du divorce et ses effets patrimoniaux.
I) Les effets relatifs à la personne des époux
Les effets relatifs à la personne des époux ne sont autres que les conséquences du mariage qui sont attachées à la qualité d’époux.
Au nombre des effets d’ordre personnel nés du mariage on compte notamment :
- L’obligation de communauté de vie
- Le devoir de cohabitation
- Le devoir de fidélité
- L’obligation de respect
- L’obligation d’assistance
- Le devoir de secours
S’agissant des conséquences du mariage attachées à la qualité d’époux, il convient de distinguer selon que le divorce est prononcé par un juge ou selon que le divorce est purement conventionnel.
==> Le divorce est prononcé par un juge
L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »
Ainsi, lorsque le divorce est prononcé par un juge, il produit ses effets à la même date : la date à laquelle la décision est pourvue de la force de chose jugée.
Cette règle s’applique :
- Au divorce par consentement mutuel homologué par le juge
- Au divorce accepté
- Au divorce pour altération définitive du lien conjugal
- Au divorce pour faute
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par décision passée en force de chose jugée.
L’article 500 du Code de procédure civile prévoit que possède la « force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution »
L’alinéa 2 de cette disposition précise que « le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai. »
Il convient alors de distinguer selon que le divorce par consentement mutuel homologué par un juge des autres cas de divorce :
- Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge
- Dans la mesure où le jugement qui homologue la convention des époux est insusceptible de faire l’objet d’un appel, le jugement de divorce acquiert la force de chose jugée au jour de son prononcé
- Les divorces contentieux
- Les jugements de divorce rendus dans le cadre d’une procédure contentieuse sont susceptibles de faire l’objet d’un recours suspensif
- Il en résulte que le divorce produira ses effets à l’expiration du délai d’appel d’un mois ouvert aux époux qui court à compter du jour de la signification de la décision par exploit d’huissier
==> Le divorce par acte d’avocat
L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire »
Ainsi, lorsque le divorce se réalise sans recours au juge, il produit ses effets au jour du dépôt chez le notaire de la convention contresignée par les avocats.
L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».
II) Les effets relatifs aux biens des époux
Tandis que la date de dissolution du mariage est unitaire, la date de dissolution du régime matrimoniale est plurale.
En effet, s’agissant des conséquences pécuniaires, la date à laquelle le divorce produira ses effets est différente selon que l’on envisage :
- Les rapports entre époux
- Les rapports avec les tiers
A) Les rapports entre époux
- Principe : la pluralité de dates des conséquences pécuniaires
L’article 262-1 du Code civil prévoit que la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
- Lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
- Lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
- Lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
Il ressort de cette disposition qu’il convient de distinguer selon les cas de divorce pour déterminer la date de ses conséquences pécuniaires.
- Pour le divorce par acte d’avocat, celui-ci produit ses effets au jour du dépôt de la convention contresignée chez le notaire
- Pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, celui-ci produit ses effets à la date de l’homologation par le juge de la convention
- Pour les divorces contentieux, le divorce produit ses effets, non pas au jour où la décision du juge est passée en force de chose jugée, mais à la date de l’ordonnance de non-conciliation, soit avant l’acte introductif d’instance
2. Exception : le report de la date des conséquences pécuniaires
==> Principe
L’article 262-1, al. 5 prévoit que « à la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. »
Il ressort de cette disposition que sur demande des époux, il peut être procédé à un report de la date des effets du divorce antérieurement à l’ordonnance de non-conciliation.
Le législateur a souhaité tenir compte de l’éventualité que la rupture soit consommée avant l’audience de conciliation, ce qui, en pratique, sera toujours le cas.
Aussi, afin de tenir compte de cette réalité, il est permis aux époux de faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation, à tout le moins de s’en rapprocher.
Spécialement, ce report pourra avoir un intérêt pécuniaire, lorsque l’un des époux séparé de fait avant la tentative de conciliation aura perçu des sommes importantes au titre de gains et salaires économisés ou qu’il se sera porté acquéreur d’un bien qu’il souhaite ne pas voir tomber en communauté.
==> Conditions
La possibilité pour les époux de solliciter le report de la date du divorce est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- La cessation de la cohabitation des époux
- La cessation de la collaboration entre les époux
Il ressort de la formulation de l’article 262-1 qui comporte la conjonction de coordination « et » que la cessation doit être double, de sorte que la persistance d’un seul de ces deux éléments fait obstacle au report de la date des effets du divorce (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 févr. 2006).
La question qui alors se pose est de savoir comment apprécier les deux conditions que sont la cession de cohabitation et la cession de la collaboration.
Si, la cessation de la cohabitation ne soulève pas de difficulté dans l’établissement de la preuve, il en va autrement s’agissant de la cessation de la collaboration.
En particulier, quid lorsque des mouvements de valeurs font continuer à se réaliser après l’ordonnance de conciliation et durant l’instance en divorce ?
Afin de faciliter la preuve de la cessation de la collaboration entre époux, la jurisprudence a posé une présomption en cas de cessation de la cohabitation.
Dans un arrêt du 14 mars 2012, la Cour de cassation a ainsi affirmé que « la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration » (Cass. 1ère civ., 14 mars 2012).
La conséquence en est que c’est à l’époux qui conteste le report de la date des effets du divorce de démontrer l’absence de cessation de la collaboration.
Aussi, est-ce seulement dans cette configuration-là que la question de la définition de la collaboration se posera.
Il ressort de la jurisprudence que la collaboration suppose que « les époux ont ajouté une activité commune aux devoirs légaux nés du mariage »[1].
Ainsi, n’est pas constitutif d’un acte de collaboration :
- La contribution aux charges du mariage
- Le maintien du fonctionnement d’un compte joint
- Le maintien d’une donation au dernier vivant
- Le paiement d’une dette commune
En revanche, peut s’apparenter en un acte de collaboration :
- Acquisition de biens communs
- Versement de sommes au conjoint qui excèdent la contribution aux charges du mariage
==> Effets
En cas de réunion des conditions exigées par l’article 262-1 du Code civil se pose immédiatement la question de la date du report.
Dans un arrêt du 18 mai 2011, la Cour de cassation a répondu à une partie de cette question en affirmant, au visa de l’article 262-1 « qu’il résulte du premier alinéa de ce texte qu’à défaut d’accord des époux, le jugement de divorce prend effet dans leurs rapports patrimoniaux à la date de l’ordonnance de non-conciliation ; que, dès lors, si, selon l’alinéa deux du même texte, le juge peut, à la demande de l’un d’eux, fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, cette date ne peut qu’être antérieure à celle de l’ordonnance de non-conciliation » (Cass. 1ère civ., 18 mai 2011).
Il ressort de cette décision que le report ne peut conduire à retenir qu’une date antérieure à l’ordonnance de non-conciliation.
En pratique, la date retenue correspondra au jour de la séparation effective des époux.
B) Les rapports avec les tiers
==> Principe
L’article 262 du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies. »
Autrement dit, le divorce ne produira ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de l’accomplissement des formalités de publicité.
C’est donc l’inscription du divorce en marge de l’acte d’état civil des époux qui rendra le divorce opposable aux tiers.
En l’absence de cette formalité de publicité, les époux seront réputés mariés à l’égard des tiers qui donc pourront toujours se prévaloir des règles qui gouvernent le régime matrimonial des époux.
Il convient de préciser que ces règles pourront seulement être invoquées par les tiers contre les époux, et non dans le sens inverse.
==> Exception
L’article 262-2 du Code civil prévoit que « toute obligation contractée par l’un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l’un d’eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la requête initiale, sera déclarée nulle, s’il est prouvé qu’il y a eu fraude aux droits de l’autre conjoint. »
Ainsi, en cas d’accomplissement par un époux, postérieurement à la requête initiale, d’un acte en fraude des droits de son conjoint, ledit acte est nul, ce qui dès lors affectera la situation du tiers contractant, peu importe sa bonne ou mauvaise foi.
[1] F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – La Famille, éd. Dalloz, 2011, n°273, p. 234.
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