Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la détermination de la loi applicable à la succession d’un ressortissant français, Maurice JARRE, domicilié et décédé dans l’État de Californie (Cass. 1ère civ. 27 sept. 2017, n°16-17.198).
La question posée à la haute juridiction était notamment de savoir quelle loi successorale avait vocation à régir la dévolution du patrimoine du défunt. Devait-on appliquer la loi californienne ou la loi française.
Indépendamment de la nouveauté de la solution retenue par la Cour de cassation, la question qui lui était soumise retient particulièrement l’attention.
Récemment, cette question a, en effet, été portée sur le devant de la scène, car se posant sensiblement dans les mêmes termes que la problématique soulevée dans le cadre de la succession de Johnny HALLYDAY.
==> Faits
Après s’être marié en date du 6 décembre 1984 avec Madame Fong F. Khong, le célèbre artiste Maurice JARRE a constitué en 1991 avec son épouse un trust family.
Ce mécanisme inconnu du droit français, consiste, selon le droit Californien, pour un ou plusieurs membres d’une même famille, appelés constituants, à transférer la propriété de tout ou partie de leurs biens à une entité tierce, le fiduciaire ou trust, aux fins de réaliser un objet conventionnellement défini à la faveur de bénéficiaires.
Tant que la condition posée par les constituants ne s’est pas réalisée, le fiduciaire demeure propriétaire des biens qui lui ont été affectés.
En l’espèce, Maurice JARRE et son épouse étaient les deux uniques constituants (trustors) et administrateurs (trustees) du trust.
En 1995, ils ont par suite constitué une société civile immobilière à laquelle ils ont apporté un bien immobilier situé à Paris et acquis en 1981.
Au décès de Maurice JARRE, le 29 mars 2009 à Los Angeles (Californie), il est ressorti de son testament, établi le 31 juillet 2008, qu’il avait entendu léguer tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire trust, déshéritant par-là même ses trois enfants, dont Jean-Michel JARRE.
Consécutivement, l’épouse a exprimé son souhait de contester à ces derniers tout droit à la succession de leur père.
==> Demande
Les enfants de Maurice JARRE ont assigné son épouse, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d’auteur sur deux fondements juridiques distincts :
- Premier fondement
- Les demandeurs invoquent, tout d’abord, le droit de prélèvement énoncé à l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de détraction.
- Aux termes de cette disposition « dans le cas de partage d’une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales. »
- Au titre de ce droit de prélèvement, lorsqu’une succession comporte un élément d’extranéité, les héritiers français disposent de la faculté de réclamer sur des biens situés en France la part successorale que lui octroierait la loi française et dont il a été exclu par la loi successorale étrangère
- Second fondement
- Au soutien de leur action, les enfants de Maurice JARRE avancent encore que, en les privant de leur part réservataire, la loi Californienne porterait atteinte à l’ordre public international français.
- C’est donc la loi française qui aurait vocation à s’appliquer par exception au principe posé par la règle de conflit qui, en l’espèce, désignait la loi Californienne
==> Procédure
Par un arrêt du 11 mai 2016, la Cour d’appel de Paris a débouté les requérants de leurs deux demandes.
- D’une part, les juges du fond ont estimé que l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne peut pas être appliqué dans le présent litige, en raison de son abrogation consécutivement à la décision n° 2011-159 QPC du 5 août 2011 rendu par le Conseil constitutionnel
- D’autre part, ils ont considéré qu’aucun élément ne permettait d’écarter l’application de la loi californienne à la faveur de la loi française
Pour ces deux raisons, la Cour d’appel de Paris rejette les prétentions des enfants de Maurice JARRE
==> Solution
Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les demandeurs.
- Sur le premier moyen
- La Cour de cassation considère que :
- En premier lieu, « aux termes de l’article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités juridictionnelles»
- En second lieu, « que, lorsque la déclaration d’inconstitutionnalité est rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n’a pas usé du pouvoir, que les dispositions de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution lui réservent, de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration».
- Après avoir relevé que, dans sa décision du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel avait abrogé l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et qu’aucune décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication de cette décision n’avait consacré le droit de prélèvement que les enfants de Maurice JARRE entendaient exercer, la première chambre civile en déduit que ces derniers ne pouvaient valablement invoquer les dispositions abrogées.
- En somme, pour la haute juridiction, dès lors que le Conseil constitutionnel n’avait pas jugé opportun dans sa décision de reporter dans le temps les effets de l’abrogation de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, celui-ci était insusceptible de recevoir une application dans l’instance en cours
- La Cour de cassation considère, en outre, que, contrairement à ce qu’ils prétendaient, les enfants de Maurice JARRE ne justifiaient d’aucune atteinte à leur droit de propriété, tel que protégé par l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
- Aux termes de cette disposition, « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international».
- Aussi, pour la première chambre civile, « le droit au respect des biens garanti par l’article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne garantit pas celui d’en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités».
- La raison en est que le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès du de cujus ne confère aucun droit héréditaire définitivement reconnu aux héritiers, de sorte qu’ils ne disposent pas de biens au sens de l’article 1er du Protocole additionnel n°1.
- D’où le rejet des prétentions des enfants de Maurice JARRE qui n’étaient donc pas fondés à exciper d’une atteinte à leur droit de propriété.
- La Cour de cassation considère que :
- Sur le second moyen
- D’abord, la Cour de cassation affirme « qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels».
- Ensuite, elle relève :
- D’une part, que le dernier domicile du défunt est situé dans l’État de Californie, que ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux États-Unis, où son installation était ancienne et durable
- D’autre part, que les requérants ne soutiennent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin
- Enfin, elle en déduit qu’il n’y avait pas lieu d’écarter la loi californienne au profit de la loi française
- La première chambre civile réfute ainsi l’argument des enfants de Maurice JARRE qui soutenaient que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l’égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l’ordre public international.
- Il en résulte que la loi californienne, qui ne connaît pas la réserve héréditaire, ne saurait être appliquée car conduisant à admettre que le de cujus puisse exhéréder totalement ses descendants.
==> Analyse
Bien que la Cour de cassation se soit prononcée sur une succession ouverte antérieurement à l’adoption du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, plusieurs enseignements peuvent être retirés par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 septembre 2017.
- Sur la notion de résidence habituelle
- Pour déterminer le lieu de la résidence habituelle du défunt, la Cour de cassation, qui indéniablement opère un contrôle sur la motivation des juges du fond, relève un certain nombre de circonstances de faits :
- Tout d’abord, elle constate que le dernier domicile du défunt était situé dans l’État de Californie
- Ensuite, elle relève que ses unions, à compter de 1965, ont toutes été contractées aux États-Unis
- Enfin, elle observe que l’installation de Maurice JARRE dans l’État de Californie était ancienne et durable
- Le contrôle ainsi exercé par la Cour de cassation sur les critères de détermination de la résidence habituelle indique qu’il appartient aux juges du fond, pour fonder leur décision, de recourir à la méthode du faisceau d’indices.
- En cas de doute ou de contradiction des circonstances de fait, le critère qui retiendra particulièrement l’attention du juge est celui du lieu où se situent les principaux intérêts du défunt.
- Il ressort, en effet, de la jurisprudence antérieure et du présent arrêt que ce critère prime sur tous les autres.
- Au cas particulier de la succession de Johnny HALLYDAY, la question qui, dès lors, sera inévitablement soumise à la juridiction saisie sera de savoir où ses principaux intérêts étaient-ils localisés ? À ne pas en douter, cette question devrait être au centre du débat judiciaire.
- Dans la mesure où l’essentiel de son public était français, il y a fort à parier que la France soit désignée comme le lieu de sa résidence habituelle.
- Si, toutefois, le juge décidait du contraire, bien qu’en mauvaise posture, tout ne serait pas perdu pour Laura SMET et David HALLYDAY.
- Le principe d’application de la loi du lieu de la résidence habituelle du défunt est, en effet, assorti de deux exceptions.
- Pour déterminer le lieu de la résidence habituelle du défunt, la Cour de cassation, qui indéniablement opère un contrôle sur la motivation des juges du fond, relève un certain nombre de circonstances de faits :
- Sur l’ordre public international
- Pour justifier l’application de la loi californienne, la Cour de cassation estime que, contrairement à ce qui était allégué par les requérants, cette loi ne portait nullement atteinte à l’ordre public international.
- Pour mémoire, l’article 35 du règlement européen du 4 juillet 2012 prévoit que « l’application d’une disposition de la loi d’un État désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for.»
- Autrement dit, en cas de contrariété de la loi étrangère à l’ordre public international, son application est écartée à la faveur de la loi du for.
- En l’espèce, la première chambre civile considère « qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels »
- Aussi, pour la Cour de cassation, la réserve héréditaire ne revêt pas un caractère d’ordre public international.
- La décision ici rendue par la Cour de cassation a de quoi surprendre, ne serait-ce que parce qu’elle admet que, au moyen de la désignation d’une loi étrangère, un défunt puisse exhéréder ses enfants.
- Aussi, cela marque-t-il un certain déclin de la réserve héréditaire, institution qui prend ses racines dans l’ancien régime.
- La position que la haute juridiction adopte, en l’espèce, n’est toutefois pas sans nuance.
- Au soutien de sa décision elle relève :
- D’une part, que l’absence de reconnaissance de la réserve héréditaire ne conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels
- D’autre part, que les parties ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique ou de besoin
- On en déduit que dès lors que l’un de ces deux critères est rempli, la réserve héréditaire pourrait être reconnue comme relevant de l’ordre public international.
- Il appartiendra donc aux juridictions d’apprécier l’exception d’ordre public au cas par cas.
- La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « la situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels»
- D’aucuns soutiennent que la Cour de cassation vise l’hypothèse où la loi étrangère opérerait une discrimination entre les héritiers réservataires, notamment entre les enfants légitimes, naturels ou encore adultérins.
- En dehors de cette hypothèse, sauf à ce que les successibles justifient d’une situation de précarité économique, on voit mal comment la loi étrangère qui autorise le défunt à déshériter ses enfants pourrait être écartée.
- Doit-on voir dans la décision rendue par la Cour de cassation une influence du droit européen, bien que la solution rendue ait été adoptée sous l’empire du droit antérieur ?
- Pour le déterminer, il convient de se reporter au règlement européen du 4 juillet 2012 qui, dans son considérant 58, envisage les différents cas dans lesquels l’ordre public international est susceptible d’être invoqué.
- Ainsi, est-il prévu que « dans des circonstances exceptionnelles, des considérations d’intérêt public devraient donner aux juridictions et aux autres autorités compétentes des États membres chargées du règlement des successions la possibilité d’écarter certaines dispositions d’une loi étrangère lorsque, dans un cas précis, l’application de ces dispositions serait manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État membre concerné. »
- Le texte européen précise néanmoins que « les juridictions ou autres autorités compétentes ne devraient pas pouvoir appliquer l’exception d’ordre public en vue d’écarter la loi d’un autre État membre ou refuser de reconnaître — ou, le cas échéant, d’accepter —, ou d’exécuter une décision rendue, un acte authentique ou une transaction judiciaire d’un autre État membre, lorsque ce refus serait contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier à son article 21 qui interdit toute forme de discrimination.»
- Il ressort de ce considérant du règlement européen que dès lors que la loi étrangère porte atteinte, soit à l’ordre public d’un état membre, soit aux principes fondamentaux du droit européen, elle doit être écartée.
- De toute évidence, la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre 2017 est très proche des termes du règlement.
- Elle est d’autant plus conforme à ce texte que si elle avait adopté le contraire, cela serait revenu, en définitive, à altérer la liberté reconnue en 2012 au défunt de désigner la loi applicable à sa succession.
- Pour cette raison, la décision de la première chambre civile est parfaitement cohérente au regard de l’évolution du droit européen.
- Appliquée aux circonstances qui entourent la succession de Johnny HALLYDAY, il est très peu probable que Laura SMET et David HALLYDAY soient fondés à se prévaloir de l’exception d’ordre public international au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.
- Non seulement, il est peu probable qu’ils parviennent à convaincre le juge qu’ils se trouvent dans une situation de précarité, mais encore rien n’indique que le droit californien comporte des dispositions qui contreviendraient aux principes essentiels du droit français.
- Une action fondée sur ce fondement a, dès lors, quasi aucune chance de prospérer.
Cass. 1ère civ. 27 sept. 2017 | |
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Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2016), que Maurice X..., compositeur de musique, de nationalité française, s’est marié le 6 décembre 1984 avec Mme Z... ; qu’en 1991, Maurice X... et son épouse ont constitué, selon le droit californien, le X... family trust, dont ils étaient les deux uniques “trustors” et “trustees”, et auquel ont été transférés tous les biens de Maurice X... ; qu’en 1995, ils ont constitué une société civile immobilière (la SCI), à laquelle a été apporté le bien immobilier sis à Paris, acquis par celui-ci en 1981 ; qu’il est décédé le [...] à Los Angeles, Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique), laissant à sa survivance son épouse, deux enfants issus de précédentes unions, Jean-Michel et Stéphanie (les consorts X...), et un fils adoptif, Kevin, en l’état d’un testament du 31 juillet 2008 léguant tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire du trust ; qu’en 2010, Mme Z... leur ayant contesté tout droit à la succession de leur père, les consorts X... l’ont assignée ainsi que Kevin X..., décédé en cours de procédure, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d’auteur, afin de voir juger les tribunaux français compétents à l’égard des héritiers réservataires français pour connaître de l’exercice du droit de prélèvement prévu à l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi dans une autre instance, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ; Sur le premier moyen, pris en ces cinq premières branches : Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de dire que l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne peut pas être appliqué dans le présent litige et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen : 1°/ que la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a point d’effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l’ouverture de la succession ; que l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l’étendue de la part successorale d’un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu’une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu’au cas présent, la succession de Maurice X... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l’abrogation de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu’en écartant l’application de cette loi pour cela qu’il ne s’agirait pas d’une règle relative à la dévolution successorale mais d’une exception à la règle de conflit de lois, la cour d’appel a violé l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l’article 2 du code civil ; 2°/ qu’à supposer que l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l’application des règles en vigueur au moment de l’ouverture de la succession ; qu’en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d’appliquer la loi en vigueur au moment de l’ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts X... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d’appel a violé l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l’article 2 du code civil ; 3°/ que la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a point d’effet rétroactif ; qu’une règle de conflit de lois n’a pas davantage d’effet rétroactif qu’une règle substantielle ; qu’une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu’à supposer donc même que l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu’au cas présent, la succession de Maurice X... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l’abrogation de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu’en écartant l’application de cette loi au motif qu’il ne s’agirait pas d’une règle relative à la dévolution successorale mais d’une exception à la règle de conflit de lois, la cour d’appel a violé l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l’article 2 du code civil ; 4°/ que l’application immédiate de la loi nouvelle, ou d’une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s’oppose à l’application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d’exception ; qu’au cas présent, après avoir énoncé que la décision d’inconstitutionnalité n’était pas rétroactive, la cour d’appel a, par motifs adoptés, estimé qu’« il y a lieu de constater l’application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi », lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l’article 2 du code civil ; 5°/ qu’au jour de l’ouverture de la succession, l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu’à cette date, les consorts X... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l’effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’en faisant rétroagir la décision d’abrogation du 5 août 2011 et en les privant ainsi rétroactivement de leur part dans la succession de leur père, la cour d’appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Mais attendu, d’une part, qu’aux termes de l’article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que, lorsque la déclaration d’inconstitutionnalité est rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n’a pas usé du pouvoir, que les dispositions de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution lui réservent, de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que dans sa décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel avait abrogé l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et qu’aucune décision revêtue de l’autorité de la chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication de cette décision, le 6 août suivant, n’avait consacré le droit de prélèvement que les consorts X... entendaient exercer, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’ils ne pouvaient invoquer les dispositions abrogées ; Attendu, d’autre part, qu’après avoir relevé que le droit au respect des biens garanti par l’article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne garantit pas celui d’en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, et constaté que les consorts X..., auxquels le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès de leur père n’avait conféré aucun droit héréditaire définitivement reconnu, ne disposaient pas de biens au sens de l’article précité, elle a exactement retenu que ceux-ci n’étaient pas fondés à exciper d’une atteinte à leur droit de propriété ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le deuxième moyen : Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de dire que la réserve héréditaire ne relève pas de l’ordre public international français et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l’égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l’ordre public international ; qu’au cas présent, en refusant d’écarter la loi californienne, qui, pourtant, ne connaît pas la réserve et permet ainsi au de cujus d’exhéréder complètement ses descendants, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil ; Mais attendu qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ; Et attendu qu’après avoir énoncé que la loi applicable à la succession de Maurice X... est celle de l’Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve, l’arrêt relève, par motifs propres, que le dernier domicile du défunt est situé dans l’Etat de Californie, que ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable et, par motifs adoptés, que les parties ne soutiennent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’y avait pas lieu d’écarter la loi californienne au profit de la loi française ; que le moyen n’est pas fondé ; Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, et le troisième moyen, ci-après annexés : Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Par ces motifs : REJETTE le pourvoi ; |
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Il est stipulé, en haut du dernier jugement en cassation, du 27 septembre 2017 : « Droit International Privé »… Peut-être serait-il temps, non pas d’opposer Loi californienne à Loi française, mais plutôt d’expliquer ce qu’est un droit international privé…