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Les caractères du droit au partage: impératif, discrétionnaire et imprescriptible

Le droit au partage présente trois caractéristiques principales : il est impératif, discrétionnaire et imprescriptible. Ces trois éléments se rejoignent et se complètent pour faire du droit au partage un droit absolu, garantissant à chaque indivisaire la possibilité de mettre fin à l’indivision à tout moment.

Premièrement, le caractère impératif du droit au partage découle directement de l’article 815 du Code civil, qui énonce que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Ce droit est d’ordre public, ce qui signifie que même des conventions conclues entre les indivisaires ne peuvent priver l’un d’entre eux de cette faculté. L’indivision étant perçue en droit français comme un état transitoire et précaire, chaque indivisaire doit pouvoir retrouver, quand il le souhaite, la situation normale de la propriété individuelle.

Deuxièmement, le droit au partage est discrétionnaire, ce qui signifie que l’indivisaire peut l’exercer sans avoir à justifier de motifs particuliers. La méfiance traditionnelle à l’égard de l’indivision en droit français a conduit à consacrer ce droit comme un levier permettant à chacun de sortir de l’indivision sans contrainte. Le juge ne peut contrôler les raisons d’une demande de partage, renforçant ainsi la liberté des indivisaires de ne pas rester dans une situation collective indéfinie.

Troisièmement, le droit au partage est imprescriptible : il ne s’éteint jamais, quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis la formation de l’indivision. Chaque indivisaire conserve en permanence la faculté de demander le partage, même après une longue période. Cela reflète l’idée que l’indivision n’est qu’une parenthèse dans la jouissance des droits de propriété, et que le partage tend toujours à restaurer la propriété privative.

Ces trois caractères s’articulent pour faire du partage un droit fondamental et absolu, garantissant la possibilité de sortir de l’indivision à tout moment, ce qui illustre la précarité inhérente à cette situation juridique.

I) Un droit impératif

Le caractère impératif du droit au partage signifie qu’il s’impose à tous les indivisaires et qu’aucun d’eux ne peut renoncer de manière permanente à la possibilité de sortir de l’indivision.

Le droit au partage ne peut donc pas être écarté, ni par une convention, ni par une clause contractuelle, sauf dans les limites strictes prévues par la loi.

Cette protection absolue garantit à chaque indivisaire la possibilité de provoquer à tout moment la dissolution de l’indivision, assurant ainsi la préservation du droit de propriété individuel.

Le législateur a prévu quelques exceptions au droit immédiat au partage, notamment à travers les conventions d’indivision temporaires (articles 1873-1 et suivants du Code civil), mais celles-ci ne peuvent excéder une durée déterminée.

Toute clause qui priverait un indivisaire de ce droit de manière permanente est réputée non écrite (art. 1873-5 C. civ.).

La jurisprudence est constante à cet égard. Par exemple, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-25.098) que ce droit est absolu et que l’opposition des autres indivisaires ne peut empêcher un indivisaire, même en liquidation judiciaire, de demander le partage.

==>Le caractère impératif du partage à l’égard des indivisaires

L’une des principales conséquences du caractère impératif du droit au partage est que les indivisaires ne peuvent pas, de manière définitive, renoncer à leur droit de demander le partage.

La raison en est que l’indivision est une situation transitoire, vouée à prendre fin par le partage, car la propriété tend naturellement à se diriger vers une appropriation individuelle.

Ce droit de demander le partage est imprescriptible et peut être exercé à tout moment, dès lors que l’indivision existe, en dépit de la volonté des autres co-indivisaires.

Toute convention ou clause qui, dès lors, tenterait de priver un indivisaire de cette faculté serait réputée non écrite en vertu de l’article 1873-5 du Code civil.

La jurisprudence est constante sur ce point et a réaffirmé à plusieurs reprises l’impossibilité pour un indivisaire de renoncer définitivement à son droit au partage.

Par exemple, dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a rappelé que le droit au partage s’impose de manière absolue à tous les indivisaires, et que toute clause empêchant un indivisaire de provoquer le partage est nulle (Cass. 1ère civ., 29 juin 2011, n°10-25.098).

Cependant, une renonciation temporaire au droit au partage est possible, mais seulement dans le respect des conditions strictes encadrées par la loi.

La loi du 31 décembre 1976, à travers les articles 1873-1 et suivants du Code civil, permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision par laquelle ils acceptent de maintenir temporairement l’indivision. Cette convention doit être conclue à l’unanimité entre les indivisaires, et elle est limitée dans le temps : elle ne peut excéder cinq ans, bien qu’elle soit renouvelable.

Toutefois, ces conventions de maintien dans l’indivision ne privent pas les indivisaires de leur droit fondamental de sortir de l’indivision une fois le délai écoulé.

Une renonciation temporaire au partage, bien que possible dans les limites légales, ne doit jamais constituer une atteinte à l’exercice du droit au partage une fois les conditions convenues ou le délai expiré.

En vertu de la théorie de l’autonomie de la volonté, les indivisaires sont libres de convenir des modalités d’exercice de leur droit au partage, tant que ces aménagements n’affectent pas le principe même de ce droit.

Cela signifie que les indivisaires peuvent, par exemple, s’interdire temporairement de demander une licitation (c’est-à-dire la vente des biens indivis aux enchères publiques), ou encore convenir de reporter le partage sous condition suspensive ou résolutoire.

Ces aménagements sont valables tant qu’ils ne compromettent pas de manière définitive le droit au partage et respectent les conditions de durée et de consentement imposées par la loi.

Par exemple, il a été jugé que les indivisaires peuvent conclure un accord par lequel ils s’engagent à ne pas demander la licitation d’un bien indivis pendant une durée déterminée, ce qui constitue un aménagement des modalités du partage sans porter atteinte au principe même du droit au partage.

De même, les indivisaires peuvent convenir d’un partage différé sous condition, dès lors que cette condition est licite et ne contredit pas le caractère imprescriptible du droit au partage.

Ces aménagements contractuels reflètent l’idée que, bien que le droit au partage soit impératif, les indivisaires disposent d’une certaine marge de manœuvre pour organiser la gestion de l’indivision et adapter l’exercice de leurs droits aux besoins spécifiques de la situation. L’autonomie des volontés des indivisaires est donc respectée, tant qu’elle n’entrave pas le droit fondamental de demander le partage.

==>Le caractère impératif du partage à l’égard de l’auteur des indivisaires

Le caractère impératif du droit au partage s’étend également à l’auteur des indivisaires, c’est-à-dire au donateur ou au testateur qui a constitué l’indivision par une libéralité ou un testament.

En effet, la loi garantit que même dans le cadre d’une disposition à titre gratuit, le droit de demander le partage reste un droit fondamental auquel l’auteur de l’indivision ne peut déroger de manière permanente.

Il est essentiel de préserver cette faculté pour éviter qu’une indivision ne devienne perpétuelle, ce qui serait contraire à l’esprit de la propriété individuelle.

Aussi, la liberté de l’auteur de l’indivision, que ce soit un donateur ou un testateur, est strictement encadrée.

Selon l’article 815 du Code civil, il n’est pas possible d’imposer une indivision au-delà d’une certaine durée, même par disposition testamentaire ou donation.

En effet, la loi ne permet que des exceptions temporaires au droit au partage, sous certaines conditions.

Par exemple, la loi du 31 décembre 1976, à travers les articles 1873-1 et suivants du Code civil, permet aux indivisaires de conclure une convention de maintien dans l’indivision pour une durée déterminée ou même indéterminée sous certaines conditions.

Toutefois, ces conventions ne peuvent jamais empêcher un indivisaire de demander le partage à un moment donné.

Il est important de noter que, dans le cadre d’une disposition testamentaire, un testateur ne peut imposer à ses héritiers de rester dans l’indivision au-delà de cinq ans, sauf si les conditions légales strictes permettant un maintien prolongé sont remplies, notamment dans le cadre d’une gestion commune ou d’une indivision conventionnelle. Toute tentative d’imposer une indivision perpétuelle ou de priver définitivement les indivisaires de leur droit au partage serait réputée non écrite.

La jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises la nullité des clauses qui imposeraient une indivision perpétuelle ou indéfinie.

Le caractère d’ordre public du droit au partage implique que toute clause qui priverait un indivisaire de la faculté de demander le partage, au-delà des limites légales, est réputée non écrite.

Par exemple, dans un arrêt du 13 avril 2016 (Cass. 1ère civ., 13 avr. 2016, n°15-13.312), la Cour de cassation a jugé qu’une clause testamentaire visant à maintenir les indivisaires dans une indivision perpétuelle était nulle, car elle portait atteinte au droit absolu de demander le partage.

Cependant, la question de la validité des clauses testamentaires imposant un maintien temporaire dans l’indivision reste sujette à débat.

Bien que la jurisprudence soit claire sur l’impossibilité d’imposer une indivision perpétuelle, certaines dispositions peuvent être considérées comme valides lorsqu’elles visent à protéger un intérêt commun aux indivisaires.

Dans ce cas, le testateur peut limiter temporairement le droit au partage, mais sans priver définitivement les héritiers de cette faculté.

L’objectif de telles clauses pourrait être de préserver le patrimoine indivis ou de permettre une gestion collective dans l’intérêt de tous les indivisaires.

Toutefois, ces clauses doivent respecter certaines conditions, notamment qu’elles n’empêchent pas les indivisaires de sortir de l’indivision en cas de difficultés majeures ou de mauvaise foi de l’un des co-indivisaires.

Ainsi, le maintien dans l’indivision doit être justifié par un intérêt légitime et ne peut être imposé de manière arbitraire.

La loi du 23 juin 2006 a apporté des précisions sur la possibilité pour le de cujus d’imposer certaines restrictions au droit de partage.

En particulier, cette loi permet la nomination d’un mandataire à effet posthume, chargé de gérer tout ou partie de la succession pour le compte des héritiers.

Ce mandat, qui peut durer jusqu’à cinq ans, prorogeable sous certaines conditions, peut temporairement priver les héritiers de leur droit au partage, mais uniquement dans l’intérêt légitime de la gestion du patrimoine ou des besoins des héritiers.

Le mandat à effet posthume, bien que limitant temporairement le droit au partage, est lui aussi strictement encadré. Il ne peut pas aboutir à une situation où les héritiers seraient définitivement privés de leur droit de sortir de l’indivision.

Le juge peut intervenir pour mettre fin à ce mandat si les conditions légales ne sont plus remplies, assurant ainsi que le caractère fondamental du droit au partage est toujours préservé.

==>Le caractère impératif du partage à l’égard du juge

Le caractère impératif du droit au partage s’impose non seulement aux indivisaires, mais également au juge, qui doit respecter et garantir ce droit fondamental dans ses décisions.

En effet, lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à la fin de l’indivision, le juge ne peut pas, de sa propre initiative, empêcher le partage.

Le droit au partage étant un droit d’ordre public, toute décision judiciaire qui priverait un indivisaire de ce droit serait contraire à la loi.

Le juge ne peut donc ni refuser de prononcer le partage, ni en limiter l’exercice, sauf dans les cas expressément prévus par la loi.

Cette limitation du pouvoir judiciaire est une conséquence directe du caractère d’ordre public du droit au partage, qui protège les indivisaires contre toute mesure judiciaire pouvant prolonger indûment une situation d’indivision subie.

Cette règle découle du principe selon lequel « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Elle confère aux indivisaires une faculté de sortie de l’indivision qui ne peut être entravée que temporairement et sous certaines conditions strictes, prévues par le Code civil.

L’article 815-5 du Code civil prévoit une exception à ce principe en permettant au juge de surseoir temporairement au partage dans des situations bien précises. Cette disposition a été envisagée aux fins de répondre aux cas où un partage immédiat risquerait de causer un préjudice grave à un ou plusieurs indivisaires.

Par exemple, le juge peut accorder un sursis lorsqu’il estime que le partage serait prématuré ou que certaines circonstances économiques ou personnelles justifient un délai avant de procéder au partage. Cela peut concerner des situations où la vente d’un bien indivis entraînerait une dépréciation significative de sa valeur, ou encore des situations où un indivisaire est dans une situation de vulnérabilité ou de précarité.

Cependant, ce sursis est temporaire et ne peut pas avoir pour effet de remettre en cause le caractère impératif du droit au partage. En effet, la suspension du partage ne peut être accordée que pour une durée limitée et justifiée par les circonstances. Le juge doit motiver sa décision et préciser les conditions et la durée du sursis, car l’objectif reste de préserver le droit de chacun de sortir de l’indivision, tout en évitant un préjudice disproportionné.

Même dans les cas où le juge accorde un sursis au partage, son rôle est de trouver un équilibre entre les intérêts des indivisaires. Il doit veiller à ce que le sursis n’entraîne pas une situation d’indivision prolongée qui pourrait être ressentie comme une injustice par les indivisaires désirant mettre fin à cette situation. Ainsi, tout sursis doit rester proportionné et ne peut s’appliquer que dans les conditions définies par la loi.

La jurisprudence a confirmé cette approche, rappelant que le sursis au partage ne peut être accordé que pour éviter un préjudice grave à l’un des indivisaires, mais qu’il ne peut jamais avoir pour effet de priver un indivisaire de son droit au partage de manière définitive ou prolongée au-delà de ce qui est nécessaire.

Par exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 février 2015, a rappelé que même si un indivisaire fait l’objet d’une procédure collective, cette situation ne saurait empêcher un autre indivisaire de demander le partage (Cass. 1re civ., 10 févr. 2015, n°13-24.659).

Outre l’article 815-5, le juge dispose également du pouvoir de surseoir à statuer lorsqu’une difficulté préalable doit être résolue avant de pouvoir procéder au partage.

Par exemple, si une contestation sur la validité d’un testament doit être résolue avant que le partage puisse être ordonné, le juge peut surseoir à statuer jusqu’à ce que cette question soit tranchée.

II) Un droit discrétionnaire

Le caractère discrétionnaire du droit au partage permet à tout co-indivisaire de demander le partage sans avoir à fournir de justification ou de motif légitime.

Autrement dit, l’indivisaire n’a aucune obligation de démontrer que la poursuite de l’indivision lui est préjudiciable, ni d’attendre une circonstance particulière pour demander à en sortir.

L’absence d’exigence de justification permet de garantir que l’indivision ne soit jamais subie par un co-indivisaire.

François Zenati-Castaing explique en ce sens que « la liberté d’exercer ce droit, sans condition ni justification, est une manifestation directe du droit de propriété et de la volonté du législateur d’éviter la perpétuation d’une indivision subie »[1].

Ce caractère discrétionnaire assure ainsi que l’indivisaire, qu’il s’agisse d’une indivision successorale ou de tout autre forme d’indivision, conserve à tout moment la faculté de récupérer sa part de propriété exclusive. Il s’agit d’un droit absolu, qui s’impose aux co-indivisaires sans restriction.

La jurisprudence réaffirme régulièrement cette règle en insistant sur la liberté absolue de chaque indivisaire de provoquer le partage, et ce, sans motif particulier.

Un arrêt fondateur de la Cour de cassation du 26 décembre 1866 a précisé que la demande en partage n’a pas à être fondée sur des motifs légitimes et ne peut être considérée comme un abus de droit, même si elle est désavantageuse pour les autres indivisaires.

Cela signifie qu’un indivisaire peut provoquer le partage même lorsque cette décision s’avère préjudiciable pour les autres co-indivisaires.

Ce caractère discrétionnaire est essentiel pour préserver la précarité intrinsèque du régime de l’indivision, permettant à chaque indivisaire de mettre un terme à cette situation selon sa propre volonté, et ce, sans subir d’opposition.

De manière corrélative, les autres indivisaires ne peuvent empêcher l’un d’eux de sortir de l’indivision, peu importe les circonstances.

Le caractère absolu du droit au partage s’impose également aux juridictions saisies.

En effet, à l’exception des cas prévus par la loi permettant de maintenir temporairement la situation d’indivision, comme le sursis judiciaire (article 815-5 du Code civil), toute juridiction doit accéder à une demande de partage formulée par un indivisaire. La Cour de cassation a confirmé, dès le 19e siècle, que le juge ne dispose pas de la faculté de refuser le partage, quelles que soient les circonstances.

Dans l’arrêt du 26 décembre 1866, elle affirma en ce sens que le partage peut être provoqué à tout moment, peu importe l’absence de motif sérieux ou légitime lors de la demande.

De même, la faible valeur des biens indivis ne constitue pas un obstacle à l’exercice de ce droit, comme rappelé dans un arrêt du 30 mai 1877 (Cass. civ. 30 mai 1877).

Cette liberté s’étend même aux indivisaires en situation particulière, comme ceux placés en liquidation judiciaire.

Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a, par exemple, affirmé qu’un indivisaire faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire pouvait demander le partage sans que les autres indivisaires ne puissent s’y opposer (Cass. 1ère civ. 29 juin 2011, n°10-25.098).

Par ailleurs, le droit de tout indivisaire à demander le partage, absolu et discrétionnaire, prime sur toute disposition testamentaire qui tenterait d’y porter atteinte.

Ainsi, un testateur ne saurait contraindre ses héritiers à rester en indivision, qu’il s’agisse d’une durée illimitée ou même temporaire, sans enfreindre ce droit fondamental.

La jurisprudence est constante à ce sujet : toute clause testamentaire qui restreindrait l’exercice le droit au partage, en imposant par exemple une indivision perpétuelle ou en dissuadant un héritier de demander le partage, est réputée non écrite.

C’est ce que la Cour de cassation a réaffirmé dans un arrêt du 13 avril 2016 (Cass. 1re civ., 13 avr. 2016, n° 15-13.312), en invalidant une stipulation testamentaire visant à maintenir indéfiniment l’indivision.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a été saisie d’un litige concernant une stipulation testamentaire imposant une indivision aux héritiers. Le disposant avait inséré une clause pénale dans son testament, stipulant qu’un héritier qui exercerait son droit de demander le partage se verrait infliger une réduction de sa part dans la succession.

Cette disposition avait pour objectif d’empêcher, à tout le moins de dissuader, les héritiers de rompre l’indivision établie par le défunt, même si elle n’était pas à durée déterminée.

La question soulevée devant la Cour de cassation était donc de savoir si une telle clause était valide et si elle pouvait être opposée aux héritiers indivisaires.

Le testateur, en insérant cette clause, tentait manifestement de restreindre l’exercice du droit absolu et discrétionnaire de chaque indivisaire de demander le partage.

Cependant, la Cour de cassation a rappelé que ce droit est protégé par la loi, et qu’il ne peut être entravé, même par des volontés testamentaires explicites.

Plus précisément, elle a jugé que la stipulation testamentaire en question devait être réputée non écrite, car elle portait une atteinte excessive au droit des héritiers de demander le partage.

La Haute juridiction a souligné que ce droit est absolu et ne peut souffrir aucune limitation, qu’elle soit directe ou indirecte, notamment par le biais d’une clause pénale dissuasive.

Cette décision s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence constante visant à protéger l’autonomie des héritiers indivisaires et à préserver leur faculté de sortir de l’indivision à tout moment.

En statuant ainsi, la Cour de cassation a non seulement invalidé la clause pénale insérée dans le testament, mais elle a également réaffirmé le caractère absolu et discrétionnaire du droit au partage : le testateur ne peut imposer à ses héritiers des contraintes qui porteraient atteinte à l’essence même de leur droit au partage. Ce droit prime sur toute volonté testamentaire visant à prolonger l’indivision, et toute clause contraire doit être écartée.

De même, même lorsque le testateur impose une indivision pour une durée limitée, comparable à ce qui est prévu pour l’indivision conventionnelle (limitée à cinq ans), cette contrainte ne saurait s’imposer aux héritiers.

La jurisprudence l’a confirmé à plusieurs reprises (V. notamment Cass. 1ère civ. 5 janv. 1977, n°75-15.199), et cette position n’a pas été remise en cause par la réforme de 1976.

Ainsi, qu’il s’agisse d’une indivision perpétuelle ou temporaire, toute tentative du testateur d’imposer sa durée, même assortie de sanctions, contrevient au droit inaliénable de tout indivisaire de demander le partage. Toute clause allant dans ce sens se voit automatiquement privée d’effet, étant réputée non écrite.

III) Un droit imprescriptible

==>L’exclusion de la prescription extinctive

Le droit au partage se distingue par son caractère imprescriptible, c’est-à-dire qu’il ne s’éteint jamais, quel que soit le temps écoulé depuis la constitution de l’indivision.

La Cour de cassation a rappelé ce principe notamment dans un arrêt du 12 décembre 2007 aux termes duquel elle a jugé que « le droit de demander le partage étant imprescriptible, celui-ci peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention » (Cass. 1ère civ., 12 déc. 2007, n°06-20.830).

Dans cette affaire, la demande de partage concernait une succession vieille de plus de 70 ans, et la Cour a confirmé que le délai écoulé ne faisait pas obstacle à cette action. Cet arrêt illustre de manière claire l’absence de toute prescription extinctive pour l’action en partage, même en présence d’une indivision très ancienne.

Cette règle vise à protéger le droit de propriété de chaque indivisaire, en lui offrant la possibilité de retrouver à tout moment une pleine maîtrise de sa part de bien.

Des auteurs soulignent à cet égard que « le droit au partage est intrinsèquement lié à la protection de la propriété individuelle et ne saurait être anéanti par l’écoulement du temps »[2]. Dans le même sens Planiol et Ripert ont écrit que « le droit de sortir d’indivision ne se perd pas par non-usage »[3].

Cette position doctrinale met en évidence la nature temporaire de l’indivision, conçue pour cesser dès lors qu’un indivisaire le souhaite. L’imprescriptibilité du droit au partage en est la manifestation la plus claire.

En tout état de cause, bien que la prescription extinctive puisse entraîner l’extinction de certains droits par l’écoulement du temps, elle ne s’applique pas à l’action en partage.

Ce principe, fermement établi par la jurisprudence, est illustré notamment par un ancien arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 décembre 1937 (Cass. req., 13 déc. 1937).

Elle y a confirmé que le droit au partage échappe à toute forme de prescription extinctive. Cette décision réaffirme le caractère fondamentalement imprescriptible de ce droit, garantissant à tout indivisaire la faculté de provoquer la fin de l’indivision, quel que soit le temps écoulé depuis sa constitution.

Ainsi, même en cas d’indivision prolongée, chaque indivisaire conserve la possibilité de demander le partage à tout moment. Ce droit est protégé contre toute forme d’inertie, qu’elle soit intentionnelle ou non, de la part des autres indivisaires. Cela évite que l’indivision ne se perpétue simplement par défaut d’action ou par négligence de certains indivisaires.

En ce sens, l’imprescriptibilité du droit au partage agit comme une garantie contre l’inaction, préservant le droit de chaque co-indivisaire à mettre fin à cette situation à tout moment, sans qu’un quelconque délai puisse jouer en défaveur de cette prérogative.

==>Le jeu de la prescription acquisitive

Reste que si le droit au partage est imprescriptible, la prescription acquisitive constitue une exception à ce principe.

En effet, bien que la prescription extinctive ne puisse éteindre le droit de demander le partage, il est possible, sous certaines conditions, qu’un indivisaire ou un tiers acquière la propriété d’un bien indivis par possession prolongée.

L’article 816 du Code civil dispose en ce sens que « le partage ne peut être demandé s’il y a eu possession suffisante pour acquérir la prescription ».

Cela signifie que si un bien indivis a été possédé de manière continue, paisible, publique et non équivoque pendant un délai de trente ans, l’usucapion permet à l’indivisaire ou au tiers possesseur de faire sortir ce bien de l’indivision, le privant ainsi de son caractère indivis.

L’usucapion, qui repose sur des conditions rigoureuses de possession, s’applique donc uniquement à des biens spécifiques au sein de l’indivision, et non à l’ensemble d’une succession ou d’un patrimoine indivis dans son intégralité.

Cela se justifie par la nature même de l’indivision, qui repose sur une co-titularité de droits de propriété, chacun des indivisaires jouissant de l’ensemble des biens indivis sans en détenir la propriété exclusive.

Certains auteurs soutiennent qu’une succession, en tant qu’universalité juridique, ne peut faire l’objet d’une possession prolongée dans son ensemble, car il serait difficile, voire impossible, de posséder une telle universalité de manière non équivoque et exclusive.

En raison de la diversité des biens qui la composent et de la nature collective des droits indivisaires, ils estiment que la possession, pour être effective et produire des effets juridiques, doit porter sur des biens déterminés, spécifiquement identifiés, plutôt que sur l’ensemble des biens formant l’indivision.

Les tenants de cette thèse considèrent que « l’usucapion ne peut jouer que relativement à des biens envisagés ut singuli », c’est-à-dire individuellement, et non sur l’intégralité d’une succession ou d’une indivision, laquelle est perçue comme une universalité juridique insusceptible de possession exclusive[4].

Cependant, d’autres auteurs adoptent une approche plus large et nuancée de l’usucapion.

Ils soutiennent qu’il serait possible, sous certaines conditions, d’acquérir par prescription acquisitive non seulement des biens spécifiques, mais également un ensemble de biens constituant l’actif successoral, dès lors que ces biens sont suffisamment identifiés au sein de l’universalité juridique de la succession.

Selon cette approche, l’usucapion ne porterait pas sur l’universalité en tant que telle, mais sur les éléments patrimoniaux qui la composent, ce qui permettrait à un indivisaire de prescrire l’intégralité de l’actif successoral ou de l’indivision.

Cette position a trouvé un certain écho dans la jurisprudence. En effet, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 4 juillet 1853, que la prescription acquisitive pouvait, dans certaines circonstances, s’appliquer à l’ensemble des biens dépendant d’une succession.

Cet arrêt confirme l’interprétation selon laquelle l’usucapion, bien qu’habituellement limitée à des biens déterminés, peut dans des cas particuliers s’étendre à un ensemble de biens indivis, lorsque les conditions de la possession sont réunies.

L’article 816 du Code civil, qui dispose que « le partage ne peut être demandé s’il y a eu possession suffisante pour acquérir la prescription », consacre ce mécanisme, en permettant qu’un bien indivis puisse être usucapé et sortir ainsi de l’indivision, rendant le partage inapplicable à ce bien.

Quoi qu’il en doit, l’application de l’usucapion, même sur des biens indivis, repose sur le respect strict des conditions de la prescription acquisitive, telles qu’énoncées dans l’article 2261 du Code civil.

Pour que la possession puisse conduire à l’acquisition d’un bien par usucapion, elle doit être paisible, continue, publique et non équivoque, et ce, pendant un délai de trente ans, si aucun titre translatif de propriété n’est invoqué.

La jurisprudence et la doctrine insistent sur le caractère exclusif de la possession, particulièrement en matière d’indivision, où les actes accomplis par un indivisaire tendent souvent à être interprétés comme des actes de gestion collective plutôt que comme des manifestations d’une volonté d’exclusivité.

A cet égard, la possession en situation d’indivision présente une difficulté particulière : les actes de gestion ou d’usage par un coïndivisaire sont généralement équivoques, car ils peuvent être perçus comme l’exercice normal des droits indivis, et non comme une appropriation exclusive.

Selon Planiol et Ripert, la possession d’un bien indivis par un coïndivisaire est souvent indéterminée, car elle reflète une jouissance commune plutôt qu’une propriété individuelle. Les actes de possession ne peuvent donc permettre l’usucapion que s’ils traduisent une intention manifeste de se comporter en propriétaire exclusif, incompatible avec la qualité d’indivisaire.

La jurisprudence est venue confirmer cette exigence. Ainsi, dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond doivent rechercher si le possesseur indivis s’est comporté en propriétaire exclusif, c’est-à-dire s’il a accompli des actes montrant son intention de s’approprier le bien pour lui seul (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 27 oct. 1993, n° 91-13.286). En l’absence d’actes exclusifs et non équivoques, la prescription acquisitive ne peut prospérer, et le bien demeure dans l’indivision.

Il peut être observé que le vice d’équivoque est l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de l’usucapion dans le cadre de l’indivision.

Ce vice se manifeste lorsque la possession invoquée par l’indivisaire n’est pas clairement distincte de celle que pourrait exercer un autre indivisaire.

Par exemple, un indivisaire qui se contente d’occuper un bien indivis ou d’en tirer des revenus comme le ferait tout autre coïndivisaire ne pourra prétendre à l’usucapion, car ces actes ne montrent pas une volonté d’exclusivité (Cass. 3e civ., 27 nov. 1985, n°84-15.259). À l’inverse, des actes significatifs, tels que l’accomplissement de travaux importants sans en informer les autres indivisaires ou la perception exclusive des fruits du bien, peuvent constituer des indices d’une volonté d’exclusivité, susceptibles de permettre l’usucapion (Cass. 3e civ., 25 févr. 1998, n° 96-15.045).

Pour que la prescription acquisitive puisse être opposée avec succès aux autres indivisaires, il est nécessaire que l’indivisaire prétendant à l’usucapion se soit comporté en véritable propriétaire exclusif. Cette exclusivité doit être démontrée par des actes incompatibles avec la qualité d’indivisaire, c’est-à-dire des actes qui ne relèvent pas simplement de la gestion ordinaire de l’indivision, mais qui traduisent une appropriation personnelle du bien.

Le délai de prescription requis pour l’usucapion en matière d’indivision est de trente ans. La prescription abrégée de dix ans, applicable dans certains cas lorsque le possesseur dispose d’un juste titre, ne trouve pas à s’appliquer dans ce contexte, en raison de l’absence de titre translatif au profit de l’indivisaire.

Ce principe a été établi par la jurisprudence, qui exclut la possibilité pour un indivisaire de prescrire en moins de trente ans en invoquant un partage irrégulier ou un acte de gestion comme titre translatif (V. en ce sens Cass. req., 4 août 1870).

Cependant, dans le cadre de la copropriété, il est possible pour l’ensemble des copropriétaires d’acquérir des parties communes par prescription abrégée, comme rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 30 avril 2003 .

Aux termes de cet arrêt, elle a, en effet, jugé que « les actes de vente de biens immobiliers, constitués par des lots de copropriété qui sont nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes, peuvent être le juste titre qui permet à l’ensemble des copropriétaires de prescrire, selon les modalités de l’article 2265 du Code civil, sur les parties communes de la copropriété, les droits indivis de propriété qu’ils ont acquis accessoirement aux droits exclusifs qu’ils détiennent sur les parties privatives de leurs lots » (Cass. 3e civ., 30 avr. 2003, n° 01-15.078).

Au total, l’usucapion, bien que potentiellement applicable à des biens indivis, reste un mécanisme d’exception nécessitant des conditions strictes. La possession doit être exclusive, continue, paisible, publique et non équivoque, et ce, pendant une période de trente ans.

Si ces conditions ne sont pas réunies, le bien demeurera dans l’indivision et restera éligible au partage, étant précisé que la jurisprudence exclut toute possibilité d’usucapion lorsque la possession invoquée par l’indivisaire se confond avec l’usage ordinaire d’un bien indivis, ce qui nécessité alors une véritable appropriation exclusive pour que la prescription acquisitive puisse produire ses effets.

 

  1. F. Zenati-Castaing, Les biens, éd. PUF, 2008, p. 347. ?
  2. Ph. Malaurie, L. Aynès et M. Julienne, Les biens, éd. Lextenso, p. 819. ?
  3. M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. IV, par J. Maury et H. Vialleton, éd. LGDJ, 1956, n° 495, p. 693. ?
  4. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil, Les successions, les libéralités,éd. Dalloz, 2014, n° 1013, p. 893. ?

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