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Indemnisation du sinistre : les empêchements au paiement

L’assurance ne prend tout son sens qu’au stade de son exécution. La promesse de garantie donnée lors de la conclusion du contrat doit, au moment du sinistre, se traduire par le versement effectif de la prestation due. C’est à ce stade que se mesure l’utilité économique du mécanisme assurantiel : assurer la réparation rapide et certaine des conséquences du risque garanti.

Le Code des assurances fixe un cadre général. L’article L.113-5 impose à l’assureur d’exécuter son obligation « dans le délai convenu ». À défaut de précision contractuelle, la jurisprudence et certaines dispositions spéciales (incendie, catastrophes naturelles, dommages-ouvrage, etc.) viennent encadrer la date d’exigibilité.

L’exécution soulève plusieurs questions pratiques : qui est débiteur et qui est créancier de la prestation ? À quel moment l’indemnité devient-elle exigible ? Peut-on en obtenir une partie par provision, avant la liquidation définitive du sinistre ? Quelles sont les conséquences d’un retard de paiement, en termes d’intérêts moratoires ou de dommages-intérêts ? Enfin, quels événements peuvent retarder ou empêcher le règlement ?

C’est autour de ces interrogations que s’organise l’analyse de l’exécution de la prestation d’assurance.

Nous nous focaliserons ici sur les empêchements au paiement.

Le paiement de l’indemnité n’est jamais inconditionnel. Même lorsque la garantie paraît acquise, l’assureur conserve la possibilité d’opposer certaines limites ou exceptions, issues tant du contrat que de la loi. Ces empêchements, qui visent à préserver l’équilibre du rapport d’assurance, obéissent à un régime complexe : ils traduisent la règle selon laquelle le droit de l’assuré, ou celui du tiers qui invoque le bénéfice de la police, ne peut excéder ce qui a été effectivement promis.

a. L’opposabilité des exceptions contractuelles et légales

L’article L.112-6 du Code des assurances pose le principe : l’assureur peut opposer au souscripteur, comme au tiers qui se prévaut du contrat, les exceptions qu’il aurait pu invoquer contre l’assuré originaire. Ce texte, combiné à l’article L.124-3, consacre l’idée que la victime n’a pas un droit absolu, mais un droit mesuré par l’étendue de la garantie souscrite (Cass. 1re civ., 28 juin 1989, n° 85-16.790).

Encore faut-il distinguer selon le moment où l’exception est invoquée. Seules celles qui sont antérieures au sinistre sont opposables à la victime : les déchéances ou exclusions fondées sur un comportement postérieur à l’accident ne sauraient limiter son action directe (Cass. 1re civ., 28 janv. 1975, n° 73-13.284). En revanche, peuvent lui être opposées notamment:

  • la réduction proportionnelle des capitaux prévue par l’article L.121-5 ou par l’article L.113-9 en cas de déclaration inexacte ;
  • la suspension pour non-paiement de prime (C. assur., art. L.113-3) ou la nullité pour fausse déclaration intentionnelle (C. assur., art. L.113-8).
  • la résiliation régulièrement intervenue avant le sinistre (Cass. 2e civ., 4 juill. 2007, n° 06-14.610) ;
  • les exclusions et limitations de garantie, même si elles ne figurent pas sur l’attestation délivrée;
  • la franchise;
  • le plafond contractuel de garantie;

Toutefois, c’est à l’assureur de prouver le bien-fondé de l’exception en produisant le contrat. Faute de communiquer les conditions particulières de la police, il ne peut opposer aucune limitation à la victime (Cass. 1re civ., 7 juill. 1998, n° 96-16.360). Inversement, la victime ne saurait contester la validité intrinsèque d’une clause d’exclusion : seul l’assuré est recevable à le faire (Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 01-13.490).

b. La renonciation par la direction du procès

L’article L.113-17 introduit une limite majeure au droit de l’assureur : celui qui prend la direction d’un procès intenté à son assuré est réputé avoir renoncé aux exceptions dont il avait connaissance à ce moment. Ainsi, l’assureur qui assure la défense de son assuré sans réserve ne peut ultérieurement invoquer une nullité ou une exclusion dont il savait l’existence (Cass. 1re civ., 18 mai 2004, n° 01-14.964).

Cette renonciation est toutefois strictement limitée : elle ne porte pas sur la nature du risque garanti ni sur le montant de la garantie. L’assureur conserve donc la faculté d’opposer un plafond contractuel ou une franchise, même après avoir pris en charge la défense (Cass. 2e civ., 20 janv. 2022, n° 20-17.649). De même, il peut toujours refuser sa garantie lorsque la personne mise en cause n’a pas la qualité d’assuré (Cass. 2e civ., 22 févr. 2007, n°05-18.162).

La jurisprudence veille cependant à vérifier que l’assureur a effectivement dirigé le procès. Lorsque l’assuré conserve une autonomie réelle dans sa défense, l’article L.113-17 ne joue pas (Cass. 1re civ., 23 mars 1999, n° 97-13.194).

c. L’action en restitution des paiements indus

Un autre empêchement tient au cas où l’assureur a déjà versé une indemnité qu’il n’aurait pas dû. Le droit commun lui reconnaît la possibilité d’en obtenir la restitution (C. civ., art. 1302 et 1302-1). La jurisprudence a clairement affirmé que cette action échappe à la prescription biennale de l’article L.114-1 du Code des assurances, car elle ne dérive pas du contrat d’assurance (Cass. 1re civ., 27 févr. 1996, n° 94-12.645).

La répétition est admise même lorsque le paiement procède d’une fraude de l’assuré, par exemple un incendie volontaire : dans ce cas, l’absence d’assurance est opposable à tous, et les fautes commises par l’assureur n’y font pas obstacle, sauf à justifier des dommages-intérêts imputables sur la restitution (Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-12.239). Elle est également ouverte lorsque l’assureur a payé en vertu d’une décision de justice ultérieurement réformée (Cass. 1re civ., 20 janv. 1998, n° 96-11.176).

La limite réside dans le cas des provisions judiciaires : lorsqu’elles sont allouées par un juge des référés, leur restitution relève de la prescription biennale, car elles dérivent directement du contrat d’assurance (Cass. 2e civ., 28 juin 2007, n° 06-14.428). Enfin, la répétition ne peut être exercée que contre le véritable bénéficiaire de l’indemnité indue : si l’assureur a indemnisé une victime au-delà de la garantie, il ne peut agir en restitution contre elle, mais seulement contre son assuré, bénéficiaire réel de la couverture (Cass. 1re civ., 22 sept. 2011, n° 10-14.871).

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