Le fondement de l’opposabilité du questionnaire réside dans sa fonction même : permettre à l’assureur de se forger une opinion éclairée sur le risque qu’il accepte de garantir. C’est en ce sens que l’article L. 113-2, 2° du Code des assurances impose à l’assuré de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, « notamment dans le formulaire de déclaration du risque », dès lors qu’elles portent sur des « circonstances de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». La jurisprudence y rattache fermement le sort du contrat, en ce qu’une réponse inexacte portant sur un élément pertinent altérant l’appréciation du risque est susceptible d’entraîner sa nullité (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n° 00-12.419).
À cet égard, la jurisprudence admet expressément que le questionnaire puisse porter sur des circonstances relatives à un risque exclu de la garantie, dès lors que l’information sollicitée est susceptible d’influer l’opinion de l’assureur sur les risques effectivement pris en charge. Ce lien fonctionnel est particulièrement saillant en assurance de personnes, où une affection médicalement exclue peut révéler une vulnérabilité favorisant la réalisation d’un autre sinistre couvert.
L’efficacité du questionnaire suppose, corrélativement, que les réponses apportées par l’assuré soient exactes, c’est-à-dire complètes, sincères et intelligibles. Il s’agit d’un prolongement naturel du principe de bonne foi consacré aux articles 1104 et 1112 du Code civil, et qui irrigue l’ensemble du processus précontractuel.
La réponse ne peut être tenue pour fautive si l’assuré ignorait la circonstance à déclarer — par exemple, une pathologie asymptomatique non diagnostiquée (Cass. 1re civ., 1er févr. 2000, n°97-11.539). De même, l’absence de conscience de devoir déclarer la circonstance, telle qu’une myopie ancienne ou des antécédents médicaux que l’assuré croyait sans incidence, exclut toute mauvaise foi (Cass. 1re civ., 6 janv. 1994, n°91-20.095).
Cette approche fondée sur la subjectivisation de l’obligation déclarative, désormais bien ancrée dans la jurisprudence, impose à l’assureur d’établir non seulement la connaissance de la circonstance, mais aussi la conscience de sa pertinence pour l’évaluation du risque.
L’efficacité du dispositif repose enfin sur la qualité du questionnaire lui-même. L’assureur ne peut se prévaloir d’une déclaration inexacte que si elle a été fournie en réponse à une question claire, précise et individualisée, formulée avant la conclusion du contrat. Tel est l’enseignement constant de la jurisprudence depuis l’arrêt de principe de la chambre mixte du 7 février 2014 (Cass., ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85.107), réaffirmé depuis lors par de nombreuses décisions, tant civiles que pénales (v. par ex. : Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n°17-28.093 ; Cass. crim., 18 mars 2014, n° 12-87.195).
L’article L. 112-3, alinéa 4 du Code des assurances en précise les contours : « Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit […], il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise. » Autrement dit, l’imprécision de la question interdit toute sanction à l’encontre de l’assuré, fût-il de mauvaise foi (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994).
Les clauses de déclaration pré-rédigée ne peuvent suppléer à cette exigence, sauf à démontrer l’existence de réponses effectivement données à des questions précises et antérieures à la conclusion du contrat. En l’absence de telles garanties procédurales, elles sont réputées non écrites et inopposables (Cass. 2e civ., 4 avr. 2024, n°22-18.176).
Aussi, il appartient à l’assureur d’établir, cumulativement :
- que des questions précises ont été posées,
- que l’assuré y a répondu de façon erronée ou incomplète,
- que cette déclaration inexacte a exercé une influence sur son opinion du risque.
Cette triple démonstration est d’autant plus rigoureuse que la jurisprudence admet, avec nuance, la prise en compte de déclarations spontanées (Cass. 2e civ., 17 janv. 2019, n°15-18.514), voire d’aveux, pour fonder la nullité du contrat (Cass. 2e civ., 3 mars 2016, n°15-13.500). Toutefois, de telles hypothèses restent dérogatoires et strictement encadrées.
Enfin, la signature du questionnaire (ou de ses transpositions dans les conditions particulières) constitue un élément probatoire fondamental, à condition qu’elle atteste d’un réel échange déclaratif et non d’un simple acquiescement à une formulation unilatérale.