Gdroit

Header G-droit - Design Propre

La représentation: notion

Institution majeure du droit des obligations, la représentation permet à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, produisant ainsi des effets juridiques qui s’imputent directement au représenté. Pourtant, en dépit de son importance pratique, le Code civil demeure muet sur sa définition. Ce silence du législateur, que l’on pourrait voir comme une lacune regrettable, a laissé à la doctrine et à la jurisprudence le soin d’en préciser les contours et d’en délimiter le régime.

A) Définition

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, a introduit pour la première fois un régime général de la représentation aux articles 1153 à 1161 du Code civil. Pourtant, le législateur a délibérément choisi de ne pas définir la notion de représentation, se contentant de préciser son régime juridique et ses effets.

Cette absence de définition a été soulignée par les premiers commentateurs de la réforme qui déplorent que le législateur ait manqué l’occasion d’apporter une clarification conceptuelle. Selon eux, « la réforme aurait dû consacrer une définition générale de la représentation, afin de dissiper les incertitudes persistantes sur son champ d’application »[15].

La doctrine, quant à elle, a proposé plusieurs définitions théoriques de la représentation, s’accordant sur l’idée qu’il s’agit d’un mécanisme juridique permettant à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, tout en produisant des effets directs dans le patrimoine du représenté.

Selon André Rouast, « la représentation est une opération juridique consistant à remplacer une personne par une autre dans un acte intéressant la première, de telle manière que les effets de l’acte s’appliquent à celle-ci comme si elle y avait été effectivement partie »[16].

Ainsi, bien que le Code civil ne définisse pas la représentation, la doctrine s’accorde à en dégager deux traits essentiels :

  • Elle suppose nécessairement l’accomplissement d’un acte juridique ;
  • Les effets de cet acte sont directement rattachés au représenté, comme s’il l’avait lui-même accompli

B) Les éléments constitutifs de la représentation

1. Le cantonnement de la représentation aux actes juridiques

==>Principe

La représentation est, par nature, indissociable de l’accomplissement d’un acte juridique, c’est-à-dire d’un acte résultant d’une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. À l’inverse, elle ne saurait s’appliquer aux faits juridiques, qui surviennent indépendamment de toute volonté et ne peuvent donc faire l’objet d’une délégation à un tiers.

Comme l’a souligné M. Storck, « la représentation est un mécanisme qui suppose nécessairement une intervention volontaire du représentant, ce qui en limite le champ aux seuls actes juridiques »[17]. Cette conception a été consacrée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1968 aux termes duquel elle a confirmé que la représentation ne saurait être étendue aux faits juridiques ou aux actes purement matériels (Cass. 1ère civ. 19 févr. 1968, n° 64-14.315).

Ce principe se justifie notamment par la nature strictement personnelle de certains actes, qui impliquent l’intervention directe de leur auteur. Le mariage, par exemple, repose sur un consentement personnel et ne peut être contracté par l’intermédiaire d’un tiers. De même, la rédaction d’un testament exige une expression directe et manuscrite de la volonté du testateur, excluant toute possibilité de représentation.

À l’inverse, des actes juridiques patrimoniaux peuvent parfaitement être accomplis par un représentant. Ainsi, la conclusion d’un contrat, la signature d’un bail, la réalisation d’un paiement ou encore l’exercice d’un droit de préemption peuvent être valablement délégués à un tiers, le représenté étant juridiquement engagé comme s’il avait lui-même réalisé l’acte.

==>Tempéraments

Si la doctrine classique cantonne strictement la représentation aux actes juridiques, des développements plus récents tendent à nuancer cette position. En pratique, un représentant peut être amené à accomplir des actes matériels ou à produire des faits ayant des conséquences juridiques, ce qui interroge la rigidité du principe d’exclusion des faits juridiques.

À cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 24 novembre 1987, que le représentant pouvait réaliser certains actes matériels pour le compte du représenté, notamment dans le cadre d’un contrat de transport (Cass. com. 24 nov. 1987, n°86-14.424). Cette reconnaissance révèle un assouplissement du principe selon lequel la représentation serait strictement cantonnée aux actes juridiques.

En doctrine, plusieurs auteurs observent que certaines institutions traduisent une forme de représentation dans l’accomplissement de faits juridiques. Il en va ainsi de la responsabilité du fait d’autrui, où un employeur peut être tenu responsable des actes commis par son préposé, ou encore de la possession corpore alieno, où une personne peut être reconnue possesseur d’un bien alors même qu’un tiers en a la détention matérielle.

Comme le souligne Ph. Didier, « bien que le droit français réserve traditionnellement la représentation aux actes juridiques, la réalité démontre que, dans l’exercice de sa mission, le représentant accomplit inévitablement des actes matériels ayant des conséquences juridiques pour le représenté »[18].

Dès lors, si la représentation demeure fondamentalement attachée aux actes juridiques, l’analyse pragmatique révèle qu’elle peut, dans certaines hypothèses, intégrer des situations où l’accomplissement d’un fait matériel est le support d’un effet de droit.

2. L’imputation des effets de l’acte au représenté

==>La représentation comme fiction juridique

La représentation repose sur une construction juridique singulière : bien que l’acte soit accompli par le représentant, ses effets sont directement rattachés au représenté, comme si ce dernier l’avait lui-même accompli. Ce mécanisme s’éloigne ainsi des principes traditionnels du droit des obligations, notamment du principe d’effet relatif des conventions consacré par l’article 1199 du Code civil, selon lequel un contrat ne peut produire d’effet qu’entre les parties qui l’ont conclu.

L’article 1154 du Code civil consacre cette logique en disposant que lorsque le représentant agit dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés, seul le représenté est juridiquement engagé. Cette imputation s’opère de plein droit, sans qu’aucune formalité supplémentaire ne soit requise et sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un quelconque transfert des effets de l’acte.

Derrière ce mécanisme se dessine une dissociation fondamentale entre l’auteur matériel de l’acte (le représentant) et celui qui en supporte les effets juridiques (le représenté). Cette distinction a été parfaitement formulée par C. Larroumet « la représentation est une technique d’imputation dérogatoire, qui dissocie la formation de l’acte juridique de ses effets, permettant ainsi au représenté d’en supporter les conséquences sans y avoir directement pris part »[19].

Ce mode d’imputation distingue la représentation des autres techniques de gestion d’intérêts pour le compte d’autrui, notamment du contrat de commission. Dans cette dernière hypothèse, le commissionnaire agit certes dans l’intérêt d’un tiers, mais en son propre nom, de sorte que ce tiers ne se trouve pas immédiatement engagé par l’opération. La représentation, à l’inverse, établit un lien juridique direct entre le représenté et le tiers contractant, le représentant n’étant qu’un intermédiaire juridiquement transparent.

Ainsi, la représentation constitue bien plus qu’un simple mécanisme de substitution: elle permet au représenté de bénéficier des effets d’un acte auquel il n’a pas directement pris part, tout en préservant la sécurité des transactions en garantissant aux tiers un engagement clair et stable.

==>L’articulation entre représentation parfaite et imparfaite

La distinction entre représentation parfaite et représentation imparfaite éclaire les modalités précises de cette imputation juridique.

  • Dans la représentation parfaite, le représentant agit au nom et pour le compte du représenté. L’acte est directement rattaché à ce dernier, qui est seul engagé vis-à-vis des tiers. Le représentant, quant à lui, n’est qu’un intermédiaire sans obligation propre. Cette situation se rencontre notamment dans le cadre du mandat, de la gestion d’affaires, ou encore de la représentation légale d’un incapable.
  • Dans la représentation imparfaite, le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son propre nom. Dans ce cas, il contracte personnellement avec le tiers, ce qui le rend directement tenu à l’égard de celui-ci. Toutefois, il est ensuite tenu de répercuter les effets de l’acte sur le représenté, selon les modalités convenues. C’est notamment le cas dans certains contrats de commission ou de prête-nom, où l’engagement initial pèse sur l’intermédiaire avant d’être retransmis au bénéficiaire final.

L’ordonnance de 2016 a renforcé cette distinction en intégrant la représentation imparfaite dans le droit commun des obligations. Cette évolution a été saluée par une partie de la doctrine, tout en suscitant des critiques sur le risque de dilution de la notion même de représentation, traditionnellement attachée à une imputation directe.

Bloc Sidebar Algoris Avocats