Le Droit dans tous ses états

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Statut de conjoint survivant: le droit temporaire au logement

Le conjoint survivant n’est pas seulement investi de droits qu’il tient de sa qualité d’héritier ab intestat, la loi lui reconnaît également des droits qu’il exerce contre la succession en sa qualité de créancier de la succession.

Ces droits de créance dont est titulaire le conjoint survivant contre la succession visent à assurer sa protection et sa subsistance future.

Au nombre de ces droits figurent :

  • D’une part, un droit temporaire au logement
  • D’autre part, un droit à pension alimentaire

Nous nous focaliserons ici sur le droit temporaire au logement.

La situation de vulnérabilité dans laquelle est susceptible de se trouver le conjoint survivant confronté à la faiblesse de ses droits successoraux en l’absence de libéralités stipulées à son profit peut précipiter son départ du foyer conjugal. Cette situation ajoute une souffrance matérielle à la douleur émotionnelle déjà intense, forçant le conjoint survivant à abandonner un environnement familial ancré dans ses habitudes de vie.

Pour pallier cette rupture abrupte et adoucir les conditions de cette transition douloureuse, il est apparu nécessaire pour le législateur, à l’occasion de la réforme du droit des successions intervenue en 2001, de lui fournir une protection.

À cette fin, a été introduite dans le Code civil une disposition – l’article 763 du Code civil – conférant au conjoint survivant, de plein droit et pendant une année, la jouissance gratuite du logement qu’il occupait effectivement, à l’époque du décès, à titre d’habitation principale.

Ce droit au logement, qui s’étend également aux meubles meublants, présente la particularité d’être temporaire, de sorte qu’il se distingue du droit d’usage et d’habitation de l’article 764 qui lui est viager.

Bien que ces deux droits ne se confondent pas, ils n’en ont pas moins été pensés pour être exercés de façon successive :

  • Premier temps
    • Le droit temporaire au logement garantit au conjoint survivant la jouissance de la résidence qu’il occupait au décès du défunt pendant une période d’un an à compter du décès
  • Second temps
    • Le droit viager d’usage et d’habitation prend le relais du droit temporaire au logement dans l’hypothèse où le conjoint survivant manifeste, dans le délai d’un an, sa volonté d’en bénéficier

Parce le droit temporaire au logement s’analyse, non pas en un droit successoral, mais comme un droit de créance, son régime juridique est très différent de celui auquel est soumis le droit viager de l’article 764.

1. Conditions

Il ressort de l’article 763 du Code civil que l’ouverture du droit temporaire au logement est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions qui tiennent :

  • D’une part, à la personne du conjoint survivant
  • D’autre part, au logement

==>Les conditions tenant à la personne du conjoint survivant

L’article 763 du Code civil prévoit que le bénéficiaire du droit temporaire au logement est le « conjoint successible ».

Par conjoint, il faut comprendre la personne qui était mariée avec le défunt au jour du décès.

À cet égard, il est indifférent que les deux époux soient séparés de fait ou de corps à cette date. Ce qui importe c’est qu’ils ne soient pas divorcés.

Par ailleurs, parce que le droit temporaire constitue un effet direct du mariage (art. 763, al. 3 C. civ.), il est indifférent que le conjoint successible ait renoncé à la succession bien qu’il soit réputé, dans cette hypothèse, n’avoir jamais hérité.

Il importe peu encore que le conjoint survivant ait été exhérédé ou soit frappé d’indignité.

==>Les conditions tenant au logement

Les conditions tenant au logement sont au nombre de deux :

  • Première condition
    • L’article 763, al. 1er du Code civil prévoit que le conjoint survivant ne peut réclamer la jouissance, au titre du droit temporaire au logement, que du seul bien qu’il occupât, à l’époque du décès, « effectivement, à titre d’habitation principale »
    • Il ressort de cette disposition que le logement revendiqué par le conjoint survivant devait être un domicile :
      • D’une part, qui tenait lieu de résidence principale, ce qui exclut les résidences secondaires et autres lieux de villégiature qui ne sont occupés que ponctuellement
      • D’autre part, qui était effectivement occupé, par le conjoint survivant lui-même, au moment du décès du défunt, ce qui exclut les lieux où le conjoint survivant ne vivait plus à cette date ou qui était occupés par une tierce personne (Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, n° 12-21.569).
    • S’agissant du mobilier garnissant le logement, il s’agit des meubles meublants définis à l’article 534 du Code civil qui prévoit que « les mots “meubles meublants” ne comprennent que les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. »
  • Seconde condition
    • L’article 763, al. 1er du Code civil prévoit que le conjoint survivant ne peut réclamer la jouissance, au titre du droit viager au logement, que du seul « logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession ».
    • En application de cette disposition, le logement dont la jouissance est réclamée par le conjoint survivant doit :
      • Soit appartenir au seul défunt
      • Soit appartenir aux deux époux (bien commun ou bien indivis)
    • Est-ce à dire que lorsque l’une ou l’autre condition n’est pas remplie le conjoint survivant ne peut pas se prévaloir du droit temporaire au logement ?
    • À cette question il y a lieu de répondre par la négative.
    • Il est, en effet, indifférent que l’habitation du conjoint survivant soit assurée au moyen d’un bail à loyer ou d’un logement appartenant pour partie indivise au défunt.
    • L’alinéa 2 de l’article 763 du Code civil précise que dans l’une ou l’autre situation, « les loyers ou l’indemnité d’occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement. »
    • Que faut-il comprendre de cette disposition ?
    • Il y a lieu de retenir que lorsque le conjoint survivant réside, soit dans une habitation louée à un tiers, soit dans un immeuble appartenant au de cujus en indivision avec un tiers, cela ne fait nullement obstacle à l’ouverture du droit temporaire au logement.
    • La seule conséquence réside dans les modalités de réalisation de ce droit.

2. Modalités de réalisation

Les modalités de réalisation du droit temporaire au logement diffèrent selon que le conjoint survivant occupe un logement :

  • Soit dépendant totalement de la succession
  • Soit qui appartenait aux deux époux
  • Soit qui appartenait au défunt en indivision avec un tiers
  • Soit qui est loué à un tiers

==>Le logement occupé par le conjoint survivant dépend totalement de la succession

Cette hypothèse correspond à la situation où le logement était la propriété exclusive du défunt, raison pour laquelle il dépend totalement de la succession.

Ici, la réalisation du droit temporaire se traduira par l’occupation par le conjoint survivant, du logement pendant une période d’une année, sans que les héritiers ne puissent rien lui réclamer en contrepartie.

==>Le logement occupé par le conjoint survivant appartenait aux deux époux

Cette hypothèse, correspond à l’hypothèse où le logement appartenait aux deux époux, soit dans le cadre de la communauté, soit dans le cadre d’une indivision.

Ici, la réalisation du droit temporaire prend la forme d’un droit de créance qui correspond au montant de l’indemnité d’occupation qui serait due par le conjoint survivant au titre de la jouissance du bien indivis pendant un an.

==>Le logement occupé par le conjoint survivant appartenait au défunt en indivision avec un tiers

Dans cette hypothèse, l’occupation par le conjoint survivant du bien indivis postérieurement au décès du défunt justifie qu’une indemnité d’occupation soit versée au tiers à proportion de sa quote-part indivise.

Parce que cette occupation intervient au titre du droit temporaire au logement, l’indemnité due au tiers devra être supportée par la succession.

==>Le logement occupé par le conjoint survivant est loué à un tiers

Dans cette hypothèse, la réalisation du droit temporaire au logement prend la forme d’un droit de créance qui donne lieu à la prise en charge, par la succession, de l’intégralité des loyers à verser par le conjoint survivant pendant une durée d’une année.

Pratiquement, cela implique que le conjoint survivant réclame le remboursement des loyers au fur et à mesure de leur acquittement.

3. Caractères

  • Un droit constitutif d’un effet direct du mariage
    • Le droit temporaire au logement reconnu au conjoint survivant est présenté par l’article 763, al. 3e du Code civil comme constituant un effet direct du mariage
    • Il en résulte deux conséquences :
      • Première conséquence
        • Le droit temporaire au logement échoit, de plein droit, au conjoint survivant sans qu’il lui soit besoin d’en faire la demande comme c’est le cas pour le droit viager de l’article 764.
      • Seconde conséquence
        • Le droit temporaire au logement ne s’analyse pas en une libéralité, de sorte qu’il n’a pas vocation à être imputé sur la quote-part de la succession qui revient au conjoint survivant.
  • Un droit personnel
    • Le législateur a conçu le droit temporaire au logement comme un droit personnel et non comme un droit réel.
    • Cela signifie que le conjoint survivant est dépourvu de tout pouvoir direct sur le logement qu’il occupe.
    • Plus précisément, il est insusceptible de se prévaloir des prérogatives attachées aux droits d’usage et d’habitation visés aux articles 625 et suivants du Code civil.
    • Le conjoint survivant est seulement titulaire d’un droit de créance qu’il peut exercer contre la succession.
    • Pour cette dernière, il s’agit donc d’une dette, à inscrire au passif successoral, dont le règlement s’opère par la concession d’un droit de jouissance du logement au profit du conjoint survivant pendant la durée d’un an.
  • Un droit d’ordre public
    • En application de l’article 763, al. 4e du Code civil, le droit temporaire au logement présente un caractère d’ordre public.
    • Il en résulte que le conjoint survivant ne saurait en être privé par voie de libéralité, ni même y renoncer par anticipation.

4. Extinction

Le droit au logement reconnu au conjoint survivant par l’article 763 du Code civil est un droit temporaire.

Comme précisé par cette disposition, il s’éteint à l’expiration d’un délai d’un un à compter du décès du défunt.

À cet égard, il s’agit d’un délai préfix de sorte qu’il est insusceptible de faire l’objet d’une suspension ou d’une interruption.

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