Pour qu’une caution puisse valablement s’engager au profit d’un créancier, elle doit non seulement en avoir la capacité, mais encore elle doit en avoir le pouvoir.
Nous nous focaliserons ici sur la capacité juridique de la caution.
Pour mémoire, la capacité se définit comme la faculté pour une personne physique ou morale à être titulaire de droits et à les exercer.
Parce que le cautionnement est un contrat, la caution doit justifier de la capacité à contracter. Il en résulte que les personnes frappées d’une incapacité ne peuvent pas se porter caution, à tout le moins sans l’assistance d’un représentant.
Tel est le cas des mineurs et des majeurs qui font l’objet d’un régime de protection.
I) Les mineurs
La capacité à contracter d’un mineur diffère selon qu’il est émancipé ou qu’il demeure soumis à la tutelle d’un représentant légal.
A) Les mineurs non émancipés
Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est pas autorisé à se porter caution.
Pendant longtemps, cette prohibition avait une portée absolue, en ce sens que l’impossibilité pour le mineur de souscrire un cautionnement était étendue à son représentant légal.
Pour justifier la règle, il était avancé que le cautionnement est un acte qui peut être accompli en contravention des intérêts de la caution.
Par souci de protection du mineur, celui-ci devait donc ne pas pouvoir être engagé par un cautionnement.
Dans un arrêt du 2 décembre 1997, la Cour de cassation est toutefois revenue sur cette prohibition en affirmant que « l’administrateur légal peut, avec l’autorisation du juge des tutelles, faire des actes de disposition et, notamment, grever de droits réels les immeubles du mineur lorsque ces actes sont conformes à l’intérêt de celui-ci » (Cass. 1ère civ. 2 déc. 1997, n°95-20.198).
Ainsi, par cette décision, la Première chambre civile admettait-elle la possibilité pour un mineur de se porter caution, à la double condition
- D’une part, qu’il soit représenté
- D’autre part, que le représentant légal obtienne l’accord du juge des tutelles.
Bien que cette solution ait assorti l’engagement souscrit pour le compte du mineur de sérieuses garanties – dont l’intervention du juge – elle n’a finalement pas été retenue par le législateur lors de l’adoption de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Cette loi a inséré un article 509, 1° dans le Code civil qui prévoit que « le tuteur ne peut, même avec une autorisation […] accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée sauf ce qui est dit à propos des donations, tels que […] la constitution gratuite d’une servitude ou d’une sûreté pour garantir la dette d’un tiers ».
Il ressort de cette disposition que le mineur ne peut pas se porter caution, y compris par l’entremise d’un représentant légal.
Reste que, comme le soulignent certains auteurs, cette prohibition n’est pas absolue[1]. Elle ne viserait que les cautionnements à titre gratuit, soit ceux conclus en contrepartie de l’octroi d’un avantage à la caution.
L’interdiction énoncée par le texte ne porte, en effet, que sur « des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée ».
Lorsque, dès lors, le cautionnement est conclu à titre onéreux, une partie de la doctrine considère que rien interdit qu’un mineur puisse se porter caution, à la condition néanmoins qu’il soit représenté et que le représentant obtienne l’accord du juge des tutelles.
B) Les mineurs émancipés
Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (art. 413-6 C. civ.).
Il en résulte qu’il est autorisé à souscrire un cautionnement comme n’importe quel majeur doué de sa capacité de contracter.
S’agissant de la souscription d’un cautionnement à caractère commercial, le mineur émancipé peut accomplir cet acte sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé (art. 413-8 C. civ.).
II) Les majeurs protégés
A) Le majeur sous tutelle
Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
Aussi, le tuteur le représente-t-il dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
S’agissant de la souscription d’un cautionnement, la règle applicable est la même que celle qui joue pour le mineur.
Le majeur faisant l’objet d’une mesure de tutelle ne peut donc pas être lié par un engagement de caution, sauf à ce que le cautionnement soit souscrit à titre onéreux, auquel cas il devra être représenté et son représentant légal devra avoir obtenu, au préalable, l’autorisation du juge des tutelles.
Dans l’hypothèse où le cautionnement aurait été souscrit avant la mise en place de la tutelle, il n’est pas à l’abri de faire l’objet d’une annulation.
Dans un arrêt du 24 mai 2007, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’ancien article 503, que « la nullité des actes faits par un majeur en tutelle antérieurement à l’ouverture de cette mesure de protection ne suppose pas la preuve de l’insanité d’esprit au moment où l’acte a été passé mais est seulement subordonnée à la condition que la cause ayant déterminé l’ouverture de la tutelle ait existé à l’époque où l’acte a été fait » (Cass. 1ère civ. 24 mai 2007, n°06-16.957).
Cette solution adoptée par la Cour de cassation a par suite été consacrée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007
Le nouvel article 464 du Code civil issu de cette loi dispose que « les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l’altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés. »
L’alinéa 2 précise que « ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s’il est justifié d’un préjudice subi par la personne protégée. »
Quant à la prescription de l’action en nullité du cautionnement, elle doit, poursuit l’alinéa 3 du texte, « être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d’ouverture de la mesure. »
B) Le majeur sous curatelle
En application de l’article 467 du Code civil, les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.
À l’analyse, aucune disposition spécifique ne traite de la constitution d’une sûreté par un majeur faisant l’objet d’une mesure de curatelle.
Classiquement on en déduit qu’il peut se porter caution, sous réserve d’être assisté par son curateur, ce qui, concrètement, implique qu’il contresigne l’acte de cautionnement.
À cet égard, il peut être observé que, à l’instar de la tutelle, dans l’hypothèse où la curatelle aurait été mise en place postérieurement à la souscription du cautionnement, l’action en réduction de l’obligation prévue à l’article 464 du Code civil est ouverte au majeur placé sous protection.
Pour être recevable, cette action doit :
- D’une part, porter sur les actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection
- D’autre part, être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d’ouverture de la mesure
C) Le majeur sous sauvegarde de justice
- Principe
- La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
- Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se porter caution sans l’assistance d’un protecteur.
- Exception
- La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
- Lorsque la souscription d’un cautionnement relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra donc pas se porter caution seule.
- Elle devra nécessairement se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue
D) Le majeur sous habilitation familiale
La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).
Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.
L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).
S’agissant de la souscription d’un cautionnement, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.
Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra se porter caution qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.
[1] V. en ce sens M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°183, p. 124.