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Les exclusions de garantie conventionnelles dans le contrat d’assurance : preuve

L’exclusion de garantie n’est jamais qu’un outil de délimitation de l’engagement de l’assureur. Mais sa force juridique ne tient pas qu’à sa rédaction : elle dépend tout autant de la preuve. Trois enjeux s’entrecroisent alors : (i) l’équilibre contractuel — ne pas libérer trop aisément l’assureur d’une obligation promise ; (ii) la prévisibilité pour l’assuré — savoir, ex ante, ce qui est couvert ; (iii) la protection des tiers victimes — en action directe, ne pas faire peser sur elles des fautes contractuelles étrangères à la définition objective de la garantie (C. civ., art. 1353 ; C. assur., art. L. 113-1 et L. 112-4 ; sur l’action directe, art. L. 124-3). Dans cette perspective, la charge et l’objet de la preuve, comme son intensité, deviennent décisifs.

1. Qui doit prouver ?

Le droit commun trace la ligne : à celui qui réclame l’exécution de prouver l’obligation ; à celui qui s’en prétend libéré de justifier le fait extinctif (C. civ., art. 1353). Transposé à l’assurance, cela signifie :

  • À l’assuré — et, en cas d’action directe, à la victime (C. assur., art. L. 124-3) — d’établir l’existence du sinistre et son rattachement positif au périmètre de la garantie ; à ce titre, l’impossibilité de produire la police opposable ou un écrit probant sur l’étendue de la couverture fait obstacle à la demande (Cass. 2e civ., 13 mai 2004, n°03-10.964). Il en va de même pour les conditions de garantie : c’est à l’assuré d’en démontrer la réalisation (par ex. exigence technique préalable, attestation requise, etc.) (Cass. 3e civ., 7 sept. 2011, n° 09-70.993 ; v. aussi, en matière de garantie « conducteur », la preuve du caractère accidentel : Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 18-13.347).
  • À l’assureur, lorsqu’il entend écarter sa garantie, de rapporter la preuve stricte des conditions de fait de l’exclusion : la Cour de cassation l’énonce de longue date et «nonobstant toute convention contraire » (Cass. 1re civ., 2 avr. 1997, n° 95-13.928). L’exigence vaut jusqu’aux segments terminaux d’une clause — y compris la partie introduite par « sauf » — que l’assureur doit pareillement établir (Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-15.517).

Cette répartition n’est pas neutre : elle arme la protection de l’assuré (et, par ricochet, de la victime) en empêchant qu’une exclusion « flottante » ou invérifiable ne détruise, par simple allégation, l’équilibre contractuel.

2. Quoi prouver ?

==>Les conditions de l’exclusion

La preuve doit coller à la lettre de la clause : c’est à l’assureur de démontrer que les circonstances du sinistre entrent exactement dans l’hypothèse envisagée. Lorsque l’exclusion requiert un lien causal qualifié, celui-ci doit être établi et non présumé.

Ainsi, s’agissant d’une clause « alcoolémie », l’assureur doit prouver non seulement l’imprégnation alcoolique mais encore que celle-ci est cause exclusive de l’accident lorsque le texte le commande (Cass. 2e civ., 4 déc. 2008, n° 08-11.158). De même, lorsque l’exclusion vise une circonstance de sécurité (ex. non-port de la ceinture) comme condition d’écartement ou de réduction de garantie, la causalité exigée par la clause doit être établie (Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-15.517).

À l’inverse, des présomptions générales ou indices vagues ne suffisent pas : la Cour rappelle régulièrement l’exigence d’éléments objectifs (procès-verbaux, analyses, expertises) et censure les motifs imprécis (Cass. 2e civ., 8 janv. 2009, n° 08-10.016).

==>L’opposabilité de la clause d’exclusion

Preuve des faits, certes ; mais aussi preuve du droit applicable entre les parties. L’assureur doit établir que la clause qu’il invoque figure bien dans la police applicable et qu’elle a été portée à la connaissance de l’assuré en temps utile, dans le respect du formalisme propre aux exclusions : caractère formel et limité (C. assur., art. L. 113-1) et présentation en caractères très apparents (C. assur., art. L. 112-4).

À défaut de production de la police opposable (ou si ne circule qu’un extrait incertain), l’exclusion est écartée (Cass. 2e civ., 25 oct. 2012, n° 11-25.490). Il lui incombe pareillement de démontrer que la clause a été effectivement communiquée à l’assuré au moment de la souscription, ou à tout le moins avant le sinistre (Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 98-10.706).

Pour mémoire, s’agissant de la présentation, les juridictions exigent un véritable « signal visuel » : une typographie ou une mise en page qui attire spécialement l’attention (Cass. 1re civ., 11 déc. 1990, n° 89-15.248).

3. Comment prouver ?

Deux idées gouvernent les modalités de la preuve.

a. La rigueur de l’exigence de preuve à l’égard de l’assureur

Parce qu’une exclusion réduit la promesse d’assurance, la preuve exigée est resserrée : elle ne supporte ni approximations rédactionnelles ni « raccourcis » sémantiques. Une clause ambiguë ou générale, qui appelle interprétation pour recevoir application, est réputée non écrite au regard de l’article L. 113-1 (ex. notions médicales ou techniques floues ; listes non limitatives ; renvoi global à des « règles en vigueur ») — la Cour de cassation censure alors les validations de clause trop indulgentes (Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-19.646).

Corrélativement, lorsque la clause est claire et précise, le juge n’a pas à l’« améliorer » par interprétation extensive : il doit s’en tenir à ses termes, ni plus ni moins (v. par ex. Cass. 2e civ., 2 févr. 2017, n° 16-12.266). Dans tous les cas, la preuve de la réunion de l’ensemble des conditions d’exclusion reste à la charge de l’assureur (Cass. 2e civ., 9 nov. 2023, n°22-11.570).

b. Le pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond

Les juges du fond apprécient la valeur des éléments produits ; la Cour de cassation veille à la bonne répartition des charges probatoires, au respect des exigences de forme (L. 112-4) et à la qualité juridique de la clause (exclusion « formelle et limitée » au sens de L. 113-1).

Elle censure ainsi : tantôt l’insuffisance d’apparence typographique (Cass. 1re civ., 11 déc. 1990, n° 89-15.248), tantôt l’application d’une exclusion sujette à interprétation (Cass. 2e civ., 16 juill. 2020, n° 19-15.676).

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