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Le devoir de conseil : les règles propres aux contrat d’assurance vie et de capitalisation

Le devoir de conseil en matière d’assurance fait l’objet d’un encadrement juridique à la fois général et spécial. Il obéit, d’une part, à un ensemble de règles communes applicables à tous les produits d’assurance, qu’ils relèvent du domaine des assurances de dommages ou des assurances de personnes. Il est également soumis, d’autre part, à des dispositions spécifiques, destinées à régir plus strictement la distribution des contrats d’assurance vie et de capitalisation, en particulier lorsqu’ils comportent une valeur de rachat ou sont exprimés en unités de compte.

Les règles générales, issues des articles L. 521-1 à L. 521-4 du Code des assurances, organisent les obligations pesant sur tout distributeur : devoir d’agir au mieux des intérêts du souscripteur, recueil préalable des besoins, justification du conseil formulé. Ce socle normatif encadre la distribution de l’ensemble des produits d’assurance dans une perspective de protection du consentement et d’adéquation des garanties proposées.

Mais ce cadre commun a été complété par un régime particulier, applicable aux produits d’assurance vie comportant des valeurs de rachat, aux contrats exprimés en unités de compte, ainsi qu’aux contrats de capitalisation. Ces instruments, assimilés à des produits d’investissement fondés sur l’assurance, font l’objet de dispositions particulières aux articles L. 522-1 à L. 522-7 du Code des assurances.

Nous nous focaliserons ici sur les règles propres aux contrat d’assurance vie et de capitalisation.

Le contrat d’assurance vie français occupe une place unique parmi les instruments d’épargne européens par son succès commercial et sa polyvalence juridique. Né de la tradition assurantielle du XIXe siècle comme mécanisme de protection contre les aléas de la vie humaine, il s’est progressivement métamorphosé en un instrument hybride à la croisée de l’assurance et de l’investissement.. Cette transformation s’est accélérée avec le développement des contrats en unités de compte dans les années 1980. En introduisant une exposition directe aux marchés financiers, ces contrats ont profondément modifié la physionomie juridique de l’assurance vie et contribué à la complexification de son régime.

La spécificité des contrats d’assurance vie tient à leur double nature:

  • D’une part, ils demeurent des contrats d’assurance au sens de l’article L. 310-1 du Code des assurances, mobilisant l’aléa de la durée de la vie humaine et organisant le transfert d’un risque vers l’assureur.
  • D’autre part, ils constituent des véhicules d’investissement exposant l’épargnant aux fluctuations des marchés financiers, particulièrement lorsque les garanties sont exprimées en unités de compte.

Cette double finalité – protection et placement – confère à l’assurance vie un statut hybride qui justifie pleinement l’application de règles juridiques spécifiques, distinctes de celles régissant les autres branches d’assurance.

Le périmètre des « produits d’investissement fondés sur l’assurance », tel que défini à l’article L. 522-1 du Code des assurances, englobe trois catégories de contrats soumis à des règles particulières. Il s’agit premièrement des contrats d’assurance vie individuels comportant des valeurs de rachat, deuxièmement des contrats de capitalisation, et troisièmement des contrats d’assurance de groupe comportant des valeurs de rachat ou de transfert lorsque l’adhésion n’est pas obligatoire. Ces contrats partagent la caractéristique commune d’exposer le souscripteur ou l’adhérent à un risque financier dépassant le seul aléa assurantiel traditionnel.

Cette spécificité économique et juridique des contrats d’assurance vie a conduit les autorités européennes à prendre conscience de la nécessité d’harmoniser les règles de protection des épargnants, quel que soit le support contractuel utilisé – assurance ou produit financier. En effet, des instruments différents peuvent répondre à des besoins d’épargne similaires, ce qui crée un risque de chevauchement et de conflits entre les différentes règles applicables. La directive 2016/97/UE du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances exprime cette préoccupation de manière explicite : son considérant 56 appelle à prévenir tout « arbitrage réglementaire » entre produits concurrents.

Transposée en droit français par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, cette directive a profondément modifié le régime applicable aux produits d’investissement fondés sur l’assurance.

Parmi les évolutions introduites par la réforme de 2018, le renforcement du devoir de conseil tient une place centrale. Initialement élaboré par la jurisprudence, ce devoir a été progressivement consolidé puis codifié dans le Code des assurances.

Désormais, l’article L. 522-5 du Code des assurances, dans sa version issue de l’ordonnance du 16 mai 2018, encadre rigoureusement la façon dont le distributeur doit formuler son conseil. Il définit les différentes étapes à suivre pour s’assurer que le contrat proposé correspond réellement à la situation, aux objectifs et aux connaissances du souscripteur.

Cette organisation du conseil s’inspire directement des pratiques en vigueur dans le domaine financier, notamment celles encadrant les services d’investissement. Elle témoigne d’un rapprochement assumé entre les régimes de protection des investisseurs et des assurés, dans une logique d’harmonisation des pratiques au sein du marché de l’épargne.

La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, dite « loi Industrie verte », a introduit une nouveauté importante dans le droit des assurances : l’instauration d’un devoir de conseil dans la durée. Ce dispositif, entré en vigueur le 24 octobre 2024, oblige les distributeurs à ne plus se limiter à un simple conseil au moment de la souscription du contrat. Désormais, ils doivent accompagner le souscripteur tout au long de la vie du contrat.

Concrètement, cela signifie que le distributeur doit vérifier régulièrement si le contrat d’assurance vie souscrit reste adapté à la situation du client. Cette obligation s’impose notamment :

  • lorsque la situation personnelle ou financière du souscripteur évolue (ex. : changement d’emploi, divorce, retraite),
  • ou lorsqu’une opération importante est effectuée sur le contrat, comme un rachat, un versement significatif ou un arbitrage d’actifs.

Par cette réforme, le législateur a voulu renforcer la protection de l’épargnant en faisant du devoir de conseil une obligation continue, et non plus ponctuelle.

Dès lors, une question centrale se pose : comment concilier cette exigence croissante de protection des épargnants avec les contraintes pratiques et commerciales pesant sur les distributeurs ? Plus précisément, quels sont les dispositifs juridiques qui encadrent aujourd’hui le devoir de conseil en assurance vie, à chacun des temps du contrat, et en quoi se distinguent-ils du droit commun applicable aux autres assurances ?

L’analyse de ces règles spécifiques appelle à distinguer, de manière didactique, les obligations du distributeur au moment de la formation du contrat, puis celles qui s’imposent au cours de son exécution.

A) Le devoir de conseil lors de la formation du contrat d’assurance vie

Les contrats d’assurance vie exposent le souscripteur à un risque de perte en capital qui s’ajoute à l’aléa assurantiel traditionnel. Cette particularité explique que le législateur ait soumis leur distribution à des règles de conseil substantiellement renforcées, codifiées aux articles L. 522-5 et suivants du Code des assurances.

1. Le recueil des besoins

a. L’analyse des situations et objectifs du client

L’article L. 522-5, I du Code des assurances impose au distributeur de « s’enquérir auprès du souscripteur ou de l’adhérent de sa situation financière et de ses objectifs d’investissement, ainsi que de ses connaissances et de son expérience en matière financière ». Cette obligation marque une rupture avec le régime général applicable aux autres contrats d’assurance, où le distributeur se contente d’identifier les besoins de couverture du client. Ici, le législateur exige une véritable analyse patrimoniale et financière, directement inspirée des règles MiFID applicables aux prestataires de services d’investissement.

Cette exigence répond à la nature particulière des contrats d’assurance vie en unités de compte, qui exposent le souscripteur à un risque de perte en capital. Contrairement aux contrats d’assurance traditionnels où l’assureur garantit le versement d’une prestation déterminée, les contrats en unités de compte transfèrent le risque financier sur le souscripteur. Cette caractéristique justifie que le distributeur dispose d’une connaissance approfondie de la capacité financière de son client et de son aptitude à supporter de telles pertes.

La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 systématise le contenu de ce recueil d’informations en distinguant trois volets complémentaires. S’agissant de la situation familiale, le distributeur doit s’enquérir du régime matrimonial, de l’identité et du nombre de personnes à charge, ainsi que des volontés du souscripteur en matière de désignation bénéficiaire. Cette dernière information revêt une importance particulière compte tenu des enjeux de transmission patrimoniale inhérents à l’assurance vie.

Le volet financier suppose un questionnement détaillé sur les revenus du souscripteur et, le cas échéant, de son conjoint, ses dépenses courantes et futures, sa capacité d’épargne, la composition et la liquidité de son patrimoine, ainsi que ses charges financières, notamment le remboursement d’éventuels emprunts immobiliers. L’ACPR recommande également de s’enquérir de la quote-part du patrimoine que le client envisage d’investir, information essentielle pour apprécier la cohérence de l’investissement projeté avec sa situation globale.

Enfin, le recueil d’informations professionnelles doit porter sur l’activité du souscripteur et celle de son conjoint, ainsi que sur la date prévisionnelle de départ à la retraite. Ces éléments permettent d’anticiper l’évolution de la situation financière du client et d’adapter en conséquence les caractéristiques du contrat proposé.

L’évaluation des connaissances et de l’expérience en matière financière constitue un aspect particulièrement délicat de ce recueil. L’ACPR recommande expressément de « ne pas recourir exclusivement à l’auto-évaluation » du client, consciente que ce dernier peut être tenté de surestimer ses compétences. La recommandation préconise de distinguer les connaissances théoriques de l’expérience pratique, en interrogeant le client sur sa détention présente ou passée de produits d’épargne et d’investissement, leur mode de gestion, ainsi que sur les gains réalisés et les pertes subies sur différents supports.

Cette approche objective vise à prévenir la surévaluation des compétences du client, source fréquente de contentieux. L’évaluation des connaissances du souscripteur constitue en effet un enjeu déterminant pour la responsabilité du distributeur, la jurisprudence considérant que l’intensité du devoir de conseil doit être calibrée en fonction du profil réel du client.

Cette problématique a été précisément tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 2010, rendu à propos d’un contrat d’assurance vie en unités de compte (Cass. com. 16 mars 2010, n°08-21.713 et 05-22.088). En l’espèce, les souscripteurs reprochaient à leur banque de ne pas les avoir suffisamment mis en garde contre les risques liés à un placement correspondant au « profil 9 », présenté dans la documentation comme une «gestion offensive et volatile». Se disant néophytes en matière boursière, ils soutenaient que cette seule qualification ne permettait pas à un investisseur non averti d’appréhender concrètement l’étendue des risques encourus.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté cette argumentation. Elle a rappelé qu’un client, même profane, « ne peut ignorer que la valeur des titres mobiliers que sont les actions est tributaire des fluctuations de la bourse ». Elle s’est appuyée sur une analyse de la documentation remise, relevant notamment que les bulletins d’adhésion mentionnaient clairement les différentes options de placement, exposaient une échelle de risques, décrivaient les profils disponibles, et présentaient les quinze supports financiers accessibles, chacun étant positionné dans une graduation de risque explicite.

Sur cette base, la Haute juridiction a estimé que les souscripteurs ne pouvaient sérieusement soutenir avoir cru souscrire un produit sans risque, dès lors que le profil choisi était explicitement défini comme offensif et volatil. Elle en conclut qu’il ne pouvait y avoir méprise sur la nature du placement souscrit.

Par cette décision, la Cour de cassation pose une méthode d’appréciation construite autour de deux critères essentiels :

  • D’une part, l’existence d’un noyau de connaissances financières présumées, applicable à tout client, y compris profane ;
  • D’autre part, l’importance attachée à la qualité de la documentation contractuelle, qui peut suffire, si elle est suffisamment claire et hiérarchisée, à démontrer que les obligations d’information et de conseil ont été correctement remplies.

Cette approche offre aux distributeurs un cadre d’analyse relativement prévisible, fondé sur des éléments objectifs. Elle leur permet notamment de démontrer, à travers la documentation contractuelle, qu’ils ont informé le client de manière adéquate : la clarté de la présentation, la précision des caractéristiques des produits, et la mise en perspective des niveaux de risque constituent autant d’éléments à forte valeur probatoire.

Toutefois, cette sécurité juridique reste relative. La solution dégagée par la Cour est intimement liée aux caractéristiques du produit en cause, à savoir un profil de gestion risqué mais dont les mécanismes restent simples. Elle ne peut être transposée sans nuance à des instruments financiers plus complexes, dont les risques ne sont pas aussi facilement compréhensibles pour un investisseur non averti. Dans ce cas, les exigences en matière d’information et de conseil s’en trouvent nécessairement renforcées.

Cette jurisprudence appelle en outre une vigilance accrue dans la conception des supports d’information. Ceux-ci doivent non seulement décrire les caractéristiques techniques des produits, mais également permettre une lecture hiérarchisée des options de placement, afin que le client puisse se situer dans l’échelle globale des risques. L’exigence de graduation claire des risques, expressément mise en avant par la Cour de cassation, suppose une présentation comparative et intelligible des différents profils d’investissement.

Enfin, la qualité du recueil d’informations conditionne directement la validité du conseil délivré. L’article L. 522-6, alinéa 2 du Code des assurances souligne à cet égard que si le client refuse de communiquer les informations demandées, le distributeur doit le mettre en garde contre le risque d’inadéquation du produit proposé. Cette obligation de mise en garde, ultime filet de sécurité, permet au professionnel de limiter sa responsabilité en cas de conseil délivré sur la base d’informations incomplètes ou insuffisantes.

b. L’évaluation du profil de risque

L’article L. 522-5, I du Code des assurances exige du distributeur qu’il « détermine objectivement le profil de risque du souscripteur ou de l’adhérent éventuel au regard du niveau de risque qu’il est prêt à supporter ». Cette obligation, empruntée au droit des services d’investissement, constitue une innovation majeure en droit de l’assurance. Elle suppose que le distributeur procède à une évaluation fine de l’appétence au risque du client, distincte de l’analyse de ses connaissances financières.

La recommandation ACPR 2024-R-03 précise la méthodologie de cette évaluation en imposant une démarche pédagogique préalable. Le distributeur doit attirer l’attention du client « sur le fait qu’un support pouvant offrir un rendement élevé est généralement la contrepartie d’une prise de risque plus élevée ». Cette obligation d’explication vise à s’assurer que le client comprend la corrélation fondamentale entre performance espérée et volatilité des supports d’investissement.

L’ACPR recommande également de présenter au client « plusieurs scénarios d’évolution de l’épargne » afin de lui permettre d’appréhender concrètement les conséquences potentielles de ses choix d’investissement. Cette approche par simulation constitue un outil particulièrement efficace pour sensibiliser le souscripteur aux risques de perte en capital, notamment sur les unités de compte les plus volatiles.

La détermination du profil de risque suppose ensuite une définition « de manière compréhensible et précise des différents profils de risque et, le cas échéant, des termes techniques et/ou complexes ». Cette exigence de pédagogie répond à la nécessité de permettre au client de se positionner en connaissance de cause sur l’échelle des risques proposée. L’ACPR insiste sur l’importance de « se fonder principalement sur des questions en lien avec l’investissement » plutôt que sur des considérations générales ou théoriques.

L’approche recommandée privilégie la prudence en matière d’évaluation. Le distributeur doit « veiller à ne pas surévaluer le profil au regard des informations dont il a connaissance, notamment les exigences et besoins exprimés ». Cette recommandation vise à prévenir une dérive fréquemment observée consistant à attribuer au client un profil de risque inadéquat par rapport à sa situation réelle. À titre d’exemple, l’ACPR précise que « l’absence d’épargne de précaution pourrait être incompatible avec un profil de risque dynamique ».

La recommandation établit également une distinction importante en précisant qu’il convient de ne pas tenir « compte exclusivement des connaissances et de son expérience en matière financière pour déterminer son profil de risque ». Cette dissociation entre compétence technique et tolérance au risque répond à une logique économique évidente : un client techniquement averti peut légitimement souhaiter privilégier la sécurité de son épargne, tandis qu’un investisseur moins expérimenté peut accepter une prise de risque élevée.

Cette approche prudente s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence constante, qui adapte l’intensité du devoir de conseil aux caractéristiques propres du souscripteur. Toutefois, l’évaluation du profil de risque introduit une dimension nouvelle, plus subjective : il ne s’agit plus seulement d’apprécier les compétences techniques ou l’expérience financière du client, mais aussi sa tolérance personnelle au risque, autrement dit ses préférences individuelles face à la possibilité de pertes.

Or, la qualité de cette évaluation initiale conditionne directement la pertinence des recommandations formulées par le distributeur. Un profil de risque mal cerné peut aboutir à proposer un produit inadapté, trop risqué ou, inversement, insuffisamment dynamique au regard des objectifs du client. En cas de perte, cette erreur d’aiguillage expose le professionnel à une mise en cause de sa responsabilité, sur le fondement d’un défaut de conseil.

Cette exigence est d’autant plus forte que l’évaluation du profil de risque constitue un préalable obligatoire à toute recommandation personnalisée en matière d’investissements en unités de compte. Elle ne peut donc être négligée ni traitée de manière standardisée, sous peine de priver le conseil de toute portée véritable.

c. La prise en compte des préférences de durabilité

L’article L. 522-5, I du Code des assurances, modifié par la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, impose depuis le 24 octobre 2024 au distributeur de s’enquérir des « éventuelles préférences du souscripteur en matière de durabilité ». Cette obligation constitue une innovation majeure du droit français de l’assurance, résultant de la transposition du règlement délégué (UE) 2017/2359 qui étend aux produits d’investissement fondés sur l’assurance les exigences déjà applicables aux services d’investissement financier.

Cette évolution s’inscrit dans la stratégie européenne de développement de la finance durable, visant à réorienter les flux de capitaux vers des investissements respectueux des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le législateur européen a considéré que les contrats d’assurance vie, en raison de leur fonction d’épargne et de leur poids économique considérable, devaient participer à cette transition en permettant aux épargnants d’exprimer leurs préférences en matière de durabilité.

La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 détaille précisément les modalités de mise en œuvre de cette obligation. Le distributeur doit d’abord « s’enquérir auprès de l’adhérent ou du souscripteur éventuel de son intérêt pour la prise en compte de la durabilité avant la souscription ou l’adhésion à un contrat ». Cette première étape vise à identifier les clients sensibles aux questions de durabilité avant d’approfondir leurs préférences spécifiques.

Si le client exprime un intérêt pour ces questions, le distributeur doit alors procéder à un recueil détaillé de ses préférences. L’ACPR impose une démarche pédagogique préalable: le distributeur doit « expliquer préalablement à l’adhérent ou au souscripteur éventuel ce que sont les préférences en matière de durabilité, et notamment la distinction entre celles-ci ». Cette obligation d’explication répond à la technicité de la matière et à la nécessité de permettre au client de formuler des choix éclairés.

Le recueil proprement dit doit porter sur « l’ensemble des préférences en matière de durabilité », en distinguant les trois piliers de l’analyse ESG:

  • Les critères environnementaux concernent l’impact des investissements sur le climat, la biodiversité, l’utilisation des ressources naturelles ou la pollution
  • Les critères sociaux portent sur les conditions de travail, le respect des droits humains, la diversité ou les relations avec les communautés locales
  • Les critères de gouvernance visent les pratiques de direction des entreprises, la transparence, la lutte contre la corruption ou la rémunération des dirigeants.

L’ACPR recommande aux distributeurs de « préciser les critères de préférence distinctement en matière environnementale, sociale et de gouvernance » afin de permettre au client d’exprimer des préférences nuancées selon les différentes dimensions de la durabilité. Cette approche granulaire évite une vision uniforme de la durabilité et permet d’adapter l’offre d’investissement aux sensibilités particulières de chaque épargnant.

Une attention particulière doit être portée à la qualité de l’information délivrée au client. L’ACPR exige que « les modalités de questionnement, de recueil et de formalisation des préférences de durabilité, notamment les formulations et explications fournies par le distributeur, sont claires, exactes et non trompeuses ». Cette exigence vise à « réduire le risque de mauvaise compréhension par l’adhérent ou le souscripteur éventuel sur le respect de ses préférences de durabilité par le contrat et options d’investissement proposés ».

L’intégration de ces préférences dans le processus de conseil modifie substantiellement l’analyse des besoins du client. Le distributeur doit désormais articuler les objectifs financiers traditionnels (rendement, horizon d’investissement, tolérance au risque) avec les aspirations extra-financières du souscripteur. Cette double contrainte peut conduire à recommander des supports d’investissement présentant un profil de performance différent de celui qui résulterait de la seule analyse financière.

L’obligation de recueillir les préférences de durabilité s’impose quel que soit le niveau de service fourni par le distributeur. Elle concerne tant le conseil de base (niveau 1) que les services de recommandation personnalisée (niveaux 2 et 3), marquant ainsi l’importance accordée par le législateur à l’intégration des enjeux de durabilité dans toutes les formes de conseil en assurance vie.

2. La formulation du conseil

a. L’évaluation du caractère approprié du produit proposé

L’article L. 522-5, I du Code des assurances impose au distributeur de déterminer « le caractère approprié pour le souscripteur éventuel du contrat proposé ». Cette évaluation, spécifique aux produits d’investissement fondés sur l’assurance, dépasse largement l’appréciation des besoins de couverture applicable aux autres contrats d’assurance.

Le règlement délégué (UE) 2017/2359 du 21 septembre 2017 précise le contenu de cette évaluation. Le distributeur doit déterminer « si le client possède les connaissances et l’expérience nécessaires pour comprendre les risques qu’implique le produit proposé ». Cette appréciation porte sur des éléments techniques particuliers : les types de produits d’investissement fondés sur l’assurance qui sont familiers au client, la nature et la fréquence de ses transactions sur de tels produits, ainsi que son niveau d’éducation et sa profession dans la mesure où ils éclairent sa capacité de compréhension.

Cette évaluation du caractère approprié suppose une analyse différenciée selon la complexité des supports d’investissement proposés. Pour les contrats en euros traditionnels, l’évaluation peut être relativement simple compte tenu de la garantie en capital offerte par l’assureur. En revanche, pour les contrats en unités de compte, et particulièrement ceux investis sur des supports complexes ou non cotés, l’évaluation doit être beaucoup plus approfondie.

Le distributeur doit également s’assurer que les informations recueillies ne sont pas «manifestement périmées, erronées ou incomplètes ». Cette exigence revêt une importance particulière en assurance vie compte tenu de la durée souvent longue de ces contrats et de l’évolution possible de la situation du souscripteur.

L’issue de cette évaluation détermine la suite de la relation commerciale. Si le distributeur conclut que le produit n’est pas approprié pour le client, il doit s’abstenir de le recommander. Cette obligation d’abstention, empruntée au droit des services d’investissement, constitue une innovation remarquable du droit de l’assurance qui place l’intérêt du client au-dessus des considérations commerciales.

b. L’évaluation de l’adéquation

L’article L. 522-5, I du Code des assurances impose au distributeur de s’enquérir de la «tolérance au risque» et de la « capacité à subir des pertes » du souscripteur pour tous les contrats d’assurance vie visés à l’article L. 522-1. Cette obligation, qui dépasse la simple évaluation du caractère approprié, s’applique à l’ensemble des produits d’investissement fondés sur l’assurance, indépendamment du niveau de service fourni.

Cette évaluation répond à la nature particulière des contrats d’assurance vie en unités de compte qui exposent le souscripteur à un risque de perte en capital. Contrairement aux contrats d’assurance traditionnels où l’assureur garantit le versement d’une prestation déterminée, ces contrats transfèrent le risque financier sur le souscripteur, justifiant une analyse approfondie de sa capacité à l’assumer.

La tolérance au risque, définie par l’ACPR comme « l’appétence du client pour des actifs financiers sous-jacents présentant une volatilité élevée », constitue une donnée subjective liée aux préférences personnelles du souscripteur en matière d’investissement. Cette évaluation doit tenir compte des spécificités de l’assurance vie, notamment de l’horizon d’investissement souvent long et des objectifs poursuivis (épargne, transmission, retraite).

La capacité à subir des pertes relève d’une appréciation objective de la situation financière du client. Le distributeur doit évaluer si le client peut supporter « des pertes partielles, ou totales, voire au-delà du montant du capital investi », ou s’il « ne peut supporter aucune perte ». Cette évaluation est particulièrement délicate en assurance vie car elle doit intégrer la situation patrimoniale globale du souscripteur et la place du contrat dans sa stratégie d’épargne.

Le distributeur doit également tenir compte des préférences de durabilité exprimées par le client, conformément aux modifications apportées par la loi du 23 octobre 2023. Cette dimension supplémentaire complexifie l’analyse d’adéquation en ajoutant des critères extra-financiers aux considérations traditionnelles de rendement et de risque.

c. L’évaluation de renforcée pour les services de recommandation personnalisée

Lorsque le distributeur fournit un service de recommandation personnalisée au sens de l’article L. 522-5, II du Code des assurances, l’évaluation d’adéquation se complexifie substantiellement. Le distributeur doit expliquer « en quoi, parmi différents contrats ou différentes options d’investissement au sein d’un contrat, un ou plusieurs contrats ou options sont plus adéquats » aux exigences et besoins du client, « et en particulier plus adaptés à sa tolérance aux risques et à sa capacité à subir des pertes ».

Cette prestation suppose une démarche comparative explicite que l’ACPR définit précisément dans sa note de juillet 2018. Le distributeur doit disposer d’une offre suffisamment diversifiée pour présenter au client plusieurs solutions alternatives et procéder à leur analyse comparative approfondie. L’ACPR souligne qu’« une telle promesse de service ne se conçoit que basée sur l’analyse d’une pluralité de contrats » et que « la motivation doit être nécessairement personnalisée ».

L’évaluation d’adéquation doit alors être suffisamment fine pour permettre une hiérarchisation des différentes options selon leur degré d’adaptation au profil spécifique du client. Cette analyse comparative porte non seulement sur les caractéristiques techniques des produits (nature des garanties, frais, supports d’investissement), mais également sur leur adéquation respective aux objectifs, contraintes et préférences du souscripteur.

L’article 14 du règlement délégué (UE) 2017/2359 impose l’établissement d’une «déclaration d’adéquation » qui constitue la formalisation écrite de cette analyse comparative. Cette déclaration comprend « les grandes lignes des conseils donnés » et « les informations montrant en quoi la recommandation formulée est adaptée à la situation du client ». Elle doit également présenter « un résumé de l’analyse effectuée » et expliquer « comment la recommandation fournie répond aux objectifs d’investissement du client ».

Cette déclaration, obligatoire uniquement pour les services de recommandation personnalisée, revêt une importance juridique particulière car elle constitue un engagement formel du distributeur sur la pertinence de sa recommandation. En cas de contentieux, elle servira de référence pour apprécier la qualité du conseil fourni et peut fonder la responsabilité du distributeur si la recommandation s’avère inadéquate.

La déclaration d’adéquation doit également mentionner si les produits d’investissement fondés sur l’assurance recommandés sont « susceptibles ou non d’obliger à demander un réexamen périodique de leurs accords ». Cette information permet au client d’anticiper la nécessité d’un suivi ultérieur de son investissement et constitue un élément d’appréciation de la relation commerciale future.

Pour les services de recommandation fondée sur une analyse impartiale du marché (niveau 3), la déclaration d’adéquation doit également rendre compte de la représentativité de l’analyse effectuée et des critères ayant présidé à la sélection des produits comparés. Cette exigence de transparence vise à permettre au client de vérifier que la recommandation repose effectivement sur une analyse objective du marché.

d. Les obligations spécifiques pour les supports en unités de compte complexes

L’article L. 522-5, I, alinéa 4 du Code des assurances impose des obligations particulières pour les unités de compte « mentionnées à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 132-5-4 ». Il s’agit des organismes de placement collectif investis principalement directement ou indirectement en actifs non cotés, en titres éligibles au plan d’épargne en actions PME-ETI, ou en titres de sociétés de capital-risque.

Ces supports présentent des caractéristiques particulières qui justifient un régime d’information et de conseil renforcé. Ils peuvent notamment présenter des contraintes de liquidité, des risques de valorisation complexes, et des indemnités de sortie substantielles. Le distributeur doit communiquer « une information sur les modalités de rachat et les conséquences de l’exercice de cette faculté ».

Le décret n° 2024-551 du 18 juin 2024, entré en vigueur le 24 octobre 2024, précise le contenu de cette information. Le distributeur doit notamment indiquer « le niveau de l’indemnité prévue dans la limite du plafond prévu au 1° de l’article R. 132-5-3 », ainsi que «toutes les périodes connues où l’unité de compte peut faire l’objet de rachat sans être diminuée de ces indemnités » et « le niveau de ces indemnités si le rachat intervient en dehors de ces périodes ».

La recommandation ACPR 2016-R-04, modifiée le 6 décembre 2019, complète ce dispositif en imposant aux distributeurs de « décrire de manière compréhensible » dans le document formalisant le conseil les informations délivrées au souscripteur. Ces informations doivent permettre de comprendre « la nature du support en unités de compte proposé et des risques y afférents », « les moyens permettant de suivre l’évolution des actifs sous-jacents », « le rendement des unités de compte », ainsi que « les mécanismes contenus dans la formule de calcul permettant, à l’échéance, de déterminer la réalisation d’un gain ou d’une perte ».

Cette exigence de pédagogie renforcée répond à la complexité technique de ces produits qui peuvent échapper à la compréhension d’investisseurs non avertis. L’ACPR souligne que le distributeur doit s’assurer que le client comprend effectivement les mécanismes sous-jacents et les risques spécifiques de ces supports avant toute souscription.

La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 renforce ces exigences en imposant d’« attirer l’attention de l’adhérent ou du souscripteur éventuel sur les risques liés à la sélection de ces unités de compte au regard du caractère variable de leur valeur ainsi que sur l’existence, le cas échéant, d’une indemnité diminuant la valeur de rachat ou de transfert et leurs conséquences sur les modalités d’exercice de la faculté de rachat ou de transfert ».

e. Les obligations de mise en garde

L’article L. 522-6, alinéa 2 du Code des assurances institue une obligation de mise en garde spécifique lorsque « le souscripteur ou l’adhérent ne fournit pas les informations » nécessaires à l’évaluation du caractère approprié ou adéquat du contrat. Cette mise en garde doit porter sur « le risque d’inadaptation du contrat d’assurance proposé » aux exigences, besoins, situation financière, objectifs d’investissement et niveau de connaissance du client.

Cette obligation revêt une importance particulière en assurance vie compte tenu des enjeux financiers et patrimoniaux de ces contrats, qui peuvent représenter une part significative du patrimoine du souscripteur. Elle constitue un mécanisme de protection poursuivant une double finalité: d’une part, alerter le client sur les risques qu’il encourt en refusant de communiquer les informations demandées ; d’autre part, permettre au distributeur de se prémunir contre les conséquences d’un conseil fondé sur des informations lacunaires.

La mise en garde doit intervenir « préalablement à la conclusion du contrat », imposant au distributeur d’interrompre le processus de souscription tant que les informations nécessaires ne sont pas obtenues. Cette exigence souligne l’importance accordée par le législateur à la qualité du recueil d’informations comme préalable indispensable à tout conseil valable en assurance vie.

L’article L. 522-3, 2° du Code des assurances impose également au distributeur de fournir «des orientations et des mises en garde appropriées sur les risques inhérents » aux contrats d’assurance vie ou aux stratégies d’investissement proposées. Cette obligation générale de mise en garde sur les risques s’ajoute à l’obligation spécifique de mise en garde en cas d’informations insuffisantes.

Cette exigence vise particulièrement les risques de fluctuation des actifs sous-jacents pour les contrats en unités de compte. Le distributeur doit alerter le client sur le fait que la valeur de son épargne peut fluctuer à la hausse comme à la baisse, et qu’il peut subir des pertes en capital, y compris totales dans certains cas extrêmes.

La recommandation ACPR 2024-R-03 précise que cette mise en garde doit être adaptée à la nature des supports proposés. Pour les unités de compte complexes, elle doit être particulièrement détaillée et porter sur les risques spécifiques de ces supports : risque de liquidité, risque de valorisation, risque de perte supérieure au capital investi pour certains produits dérivés.

Ces différentes obligations de mise en garde s’articulent pour former un dispositif cohérent de protection du souscripteur. La mise en garde générale sur les risques constitue un préalable qui doit permettre au client de comprendre la nature des risques qu’il encourt. La mise en garde en cas d’informations insuffisantes constitue quant à elle un mécanisme de protection ultime qui intervient lorsque le processus normal de conseil ne peut être mené à son terme.

L’ensemble de ces obligations traduit la préoccupation du législateur de protéger les épargnants contre les risques particuliers des produits d’investissement fondés sur l’assurance, tout en responsabilisant les distributeurs sur la qualité de leur conseil. Elles contribuent à élever le niveau général de protection des souscripteurs et à réduire les asymétries d’information entre professionnels et clients particuliers.

B) Le devoir de conseil lors de l’exécution du contrat d’assurance vie

L’innovation majeure de la loi du 23 octobre 2023 réside dans l’instauration d’un « devoir de conseil dans la durée » qui prolonge les obligations du distributeur au-delà de la formation du contrat. Cette évolution s’articule autour d’un mécanisme d’actualisation périodique du conseil et d’obligations spécifiques lors des opérations affectant le contrat.

1. L’actualisation périodique du conseil

a. Le principe de l’évaluation quadriennale

L’innovation la plus remarquable de la loi du 23 octobre 2023 réside dans l’institution d’une obligation d’actualisation périodique du conseil qui révolutionne la temporalité de l’accompagnement en assurance vie. L’article L. 522-5, III, 2° du Code des assurances consacre désormais une démarche proactive d’évaluation qui transcende la logique traditionnelle du conseil ponctuel pour instituer un véritable suivi dans la durée.

La périodicité de l’obligation d’actualisation n’est pas uniforme : elle dépend du degré d’accompagnement offert par le distributeur, un délai réduit s’appliquant lorsque celui-ci fournit un service de recommandation personnalisée. Le législateur a ainsi prévu un délai de quatre ans pour les contrats bénéficiant d’un conseil standard, tandis que ce délai est ramené à deux ans dans le cas d’un service à haute valeur ajoutée. Cette distinction repose sur une gradation des obligations professionnelles en fonction de l’intensité du conseil initialement fourni. Plus l’analyse du distributeur s’est révélée poussée lors de la souscription, plus le devoir de suivi s’impose à échéance rapprochée. L’obligation de conseil s’inscrit ainsi dans une logique évolutive, proportionnée à l’implication du professionnel et à la sophistication du service délivré au client.

Cette modulation procède d’une logique à la fois incitative et économique. En récompensant l’excellence du conseil par un engagement renforcé dans la durée, le dispositif encourage les distributeurs à développer une approche patrimoniale sophistiquée, tout en leur permettant de justifier la valeur ajoutée de leurs prestations les plus élaborées. L’articulation entre la qualité du service et l’intensité du suivi constitue ainsi un mécanisme d’émulation professionnelle particulièrement habile.

Le choix de ces périodicités s’avère remarquablement adapté aux spécificités de l’épargne assurantielle. Le délai quadriennal épouse naturellement les caractéristiques intrinsèques de l’assurance vie : horizon d’investissement structurellement long, stabilité relative des objectifs patrimoniaux, et faible fréquence des interventions sur les contrats. Cette périodicité évite l’écueil d’une surveillance excessive qui risquerait de dégénérer en harcèlement commercial, tout en prévenant l’abandon de l’épargnant à un produit potentiellement devenu inadéquat.

L’arrêté du 12 juin 2024 organise la mise en œuvre pratique de cette révolution conceptuelle avec un pragmatisme bienvenu. En fixant le point de départ de la première période d’observation au 24 octobre 2024, il ménage une transition équilibrée : les premières actualisations concrètes n’interviendront qu’en octobre 2028 pour les contrats standards et dès octobre 2026 pour les services personnalisés. Cette phase transitoire permet aux distributeurs d’adapter progressivement leur organisation et leurs systèmes d’information à cette nouvelle contrainte.

La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 accompagne cette montée en charge en appelant les professionnels à entreprendre dès maintenant les chantiers préparatoires nécessaires. Cette anticipation témoigne de l’ampleur de la transformation organisationnelle que suppose l’effectivité de ce nouveau devoir.

L’actualisation ainsi instituée transcende la simple prise de contact pour exiger une véritable mise à jour de la connaissance client. Le distributeur doit identifier et évaluer toutes les évolutions susceptibles d’affecter la pertinence du contrat : modifications de la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale, évolution des objectifs d’investissement, variation de la tolérance au risque et de la capacité à subir des pertes, mais aussi nouvelles préférences de durabilité. Cette exigence d’exhaustivité traduit l’ambition d’une adaptation continue du produit aux besoins évolutifs de l’épargnant.

Lorsque cette évaluation révèle une inadéquation, naît une obligation de conseil correctif qui constitue l’une des innovations les plus significatives du dispositif. Le distributeur doit alors informer son client des écarts constatés et lui recommander les adaptations nécessaires sur support durable. Cette démarche proactive consacre un nouveau paradigme professionnel : le distributeur ne peut plus se contenter du seul acte de vente mais devient comptable d’un accompagnement patrimonial continu.

Toutefois, ce devoir d’actualisation respecte scrupuleusement l’autonomie du souscripteur. Si celui-ci refuse de répondre aux sollicitations ou maintient un silence prolongé malgré relance, le distributeur se trouve libéré de son obligation. Ce mécanisme de sauvegarde prévient toute dérive vers le démarchage commercial abusif tout en préservant la liberté individuelle.

Cette mutation du devoir de conseil, d’acte ponctuel en processus continu, marque une transformation paradigmatique de la relation contractuelle en assurance vie. Elle impose aux distributeurs un changement à la fois culturel et opérationnel, les plaçant désormais au cœur d’un accompagnement patrimonial dynamique et responsable.

b. L’actualisation en cas d’évolution de la situation du client

L’article L. 522-5, III, 1° impose au distributeur d’actualiser son devoir de conseil « lorsqu’il est informé d’un changement dans la situation personnelle et financière du souscripteur ou dans ses objectifs d’investissement ». Cette obligation marque l’avènement d’un conseil véritablement dynamique qui rompt avec la conception traditionnelle limitant les obligations du distributeur à la phase précontractuelle. Elle institue un devoir de veille permanent qui transforme la relation contractuelle d’une logique de vente unique vers un modèle d’accompagnement continu.

L’aspect révolutionnaire de cette disposition réside dans sa dimension transversale. Cette obligation s’applique que l’information soit recueillie dans le cadre du contrat d’assurance vie lui-même ou « dans le cadre de la gestion d’un autre contrat d’assurance ou de produits et services bancaires ». Cette approche globale bouleverse l’organisation traditionnelle en silos pour imposer une vision client intégrée.

Concrètement, un changement de situation professionnelle signalé lors d’une demande de crédit immobilier doit déclencher un réexamen des contrats d’assurance vie. Une évolution familiale (mariage, divorce, naissance, décès) mentionnée pour un contrat d’assurance automobile doit entraîner une vérification de la clause bénéficiaire en assurance vie. Un départ en retraite dans le cadre d’un plan d’épargne entreprise doit questionner l’ensemble de la stratégie d’épargne du client.

Cette transversalité de l’information marque une évolution significative vers une approche globale de la relation client. Elle suppose une coordination entre les différents services du distributeur et une circulation fluide de l’information pertinente. Cette exigence impose une refonte organisationnelle majeure : coordination entre tous les services client, formation des collaborateurs à l’identification des informations pertinentes quel que soit leur contexte de recueil, adaptation des systèmes d’information pour centraliser et partager les données dans le respect du RGPD.

La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 illustre cette obligation : «lorsqu’un distributeur est informé de la perte d’emploi de l’adhérent ou du souscripteur dans le cadre d’un contrat d’assurance-emprunteur, ou du départ en retraite à l’occasion de la liquidation d’un contrat de retraite supplémentaire». Ces événements, captés dans un contexte spécifique, peuvent bouleverser l’ensemble de la stratégie patrimoniale et justifier une révision complète des contrats d’assurance vie.

L’actualisation doit être proportionnée à l’ampleur du changement. Une modification mineure des revenus peut justifier une simple vérification de la capacité d’épargne, tandis qu’un bouleversement majeur (divorce, héritage, départ en retraite) nécessite une réévaluation globale incluant objectifs de transmission, préférences fiscales, et allocation d’actifs. Le distributeur doit adopter une approche patrimoniale globale tenant compte de l’impact sur l’ensemble de la situation du client.

Lorsque l’actualisation révèle une inadéquation, le distributeur doit informer le client de manière circonstanciée et lui conseiller les adaptations nécessaires : arbitrages, modification des versements, révision de la clause bénéficiaire, voire rachat ou souscription d’un nouveau contrat. Cette obligation de conseil correctif constitue la finalité du mécanisme et garantit une adaptation continue de la stratégie d’épargne aux évolutions de la vie du client.

2. Le conseil lors des opérations affectant le contrat

Au-delà de l’actualisation périodique, la loi du 23 octobre 2023 complète le dispositif en instaurant une obligation de conseil déclenchée par certaines opérations. L’article L. 522-5, III, 3° du Code des assurances soumet désormais le distributeur à un devoir de conseil « à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative ».

Cette disposition révèle une logique nouvelle : elle fait de chaque intervention importante sur le contrat l’occasion d’une réévaluation de son adéquation. Contrairement au conseil périodique qui intervient selon un calendrier prédéterminé, ce conseil « à la demande » se déclenche au gré des initiatives de l’épargnant, transformant chaque versement, arbitrage ou rachat substantiel en moment de vérification de la pertinence du contrat.

Cette innovation marque une rupture conceptuelle majeure. Là où l’épargnant pouvait jusqu’alors modifier librement son contrat, toute opération d’ampleur devient désormais prétexte à un nouvel examen de ses besoins et de la cohérence de sa stratégie patrimoniale.

a. La définition des opérations déclenchant l’obligation de conseil

Il faut définir quelles opérations justifient ce nouveau conseil. L’arrêté du 12 juin 2024 établit des seuils chiffrés pour éviter qu’un distributeur soit tenu de conseiller à chaque micro-opération.

Le système retenu distingue selon l’importance du contrat. Pour les contrats de moins de 100 000 euros, toute opération de 2 500 euros minimum et représentant au moins 20 % de l’encours déclenche l’obligation. Pour les contrats plus importants (100 000 euros et plus), les seuils montent à 30 000 euros et 25 % de l’encours.

Cette graduation s’explique aisément : une opération de 5 000 euros sur un contrat de 25 000 euros (soit 20 %) peut bouleverser significativement la stratégie d’épargne, tandis que la même somme sur un contrat de 500 000 euros demeure marginale.

Le dispositif prévoit une exception notable : tout investissement dans les actifs non cotés visés à l’article L. 132-5-4 déclenche automatiquement le conseil, quel que soit le montant. Cette règle absolue traduit la méfiance du législateur envers ces supports complexes et souvent illiquides, dont les risques justifient un accompagnement systématique.

b. La différenciation du conseil selon la nature de l’opération

Le contenu du conseil varie selon le type d’opération envisagée.

==>Pour les versements et arbitrages

Le distributeur doit justifier ses préconisations. La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 l’oblige à « exposer les raisons qui ont motivé la préconisation des supports et de l’allocation proposés au regard du profil de risque de l’adhérent ». En pratique, cela signifie qu’il ne peut plus se contenter de proposer un placement : il doit expliquer pourquoi ce placement convient à ce client précis.

Cette exigence atteint son intensité maximale pour les unités de compte non cotées. Ces supports, par leur complexité et leur illiquidité potentielle, appellent un devoir d’alerte renforcé. Le distributeur doit alors exposer clairement les risques spécifiques de ces placements : absence de cotation quotidienne, difficultés de sortie, volatilité accrue, ou encore opacité des actifs sous-jacents. Cette vigilance particulière s’inscrit dans une jurisprudence constante qui impose une information adaptée à la sophistication du produit proposé.

==>Pour les rachats

Les rachats appellent une attention particulière car leurs conséquences sont souvent irréversibles. L’ACPR impose trois obligations principales:

  • D’abord, lorsque le rachat intervient avant huit ans, le distributeur doit informer de ses conséquences fiscales. Cette obligation répond à une logique patrimoniale évidente : l’assurance vie constituant souvent un instrument d’optimisation fiscale, un rachat prématuré peut anéantir l’avantage recherché et compromettre la stratégie globale de l’épargnant.
  • Ensuite, duand le rachat concerne une unité de compte bénéficiant d’une garantie en capital, le distributeur doit avertir de la perte irréversible de cette protection. Cette vigilance se justifie pleinement : la garantie perdue ne peut être reconstituée, et sa disparition peut contrarier fondamentalement les objectifs de sécurisation poursuivis par l’épargnant.
  • Enfin, pour les unités de compte non cotées, le distributeur doit révéler l’existence d’éventuelles pénalités de rachat. Ces indemnités, parfois substantielles, peuvent considérablement réduire le produit de l’opération et doivent être intégrées dans l’évaluation de son opportunité.

==>Pour les changements d’orientation de gestion

Toute modification de la stratégie d’investissement exige une justification circonstanciée qui transcende la simple recommandation commerciale. Le distributeur doit expliquer les raisons qui motivent le conseil de cette nouvelle orientation au regard de la capacité à subir des pertes de l’adhérent et de son profil de risque.

Cette obligation suppose une démarche méthodique en plusieurs étapes. Le distributeur doit d’abord actualiser le profil du client, en vérifiant que ses caractéristiques patrimoniales, ses objectifs et sa tolérance au risque n’ont pas évolué. Il doit ensuite analyser l’adéquation de la nouvelle stratégie avec cette situation actualisée, en démontrant que le changement préconisé améliore effectivement la correspondance entre le contrat et les besoins de l’épargnant.

Cette approche révèle l’ambition du législateur de transformer chaque intervention sur le contrat en occasion de vérification de sa pertinence globale. Le distributeur ne peut plus concevoir les modifications de manière isolée mais doit les inscrire dans une vision patrimoniale cohérente et évolutive.

c. Les exigences organisationnelles

L’effectivité du conseil dans la durée impose aux distributeurs une profonde transformation de leur organisation. Cette mutation dépasse la simple adaptation réglementaire pour questionner l’ensemble des processus commerciaux et des outils de gestion de la relation client.

Le défi principal réside dans la conciliation de deux exigences apparemment contradictoires: fournir un conseil approfondi tout en préservant la fluidité des opérations. La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 impose au distributeur de « mettre en place des moyens suffisants et proportionnés pour permettre la fourniture d’un conseil dans un délai permettant de ne pas retarder l’opération ou entraîner la réalisation de l’opération dans des conditions moins favorables ».

Cette contrainte s’avère particulièrement critique pour les opérations de marché. Un versement différé ou un arbitrage retardé peut faire perdre à l’épargnant le bénéfice d’une conjoncture favorable ou l’exposer à une évolution défavorable des cours. Le conseil, conçu pour protéger l’épargnant, ne doit pas se retourner contre lui par excès de formalisme.

Face à cette équation complexe, la digitalisation s’impose comme une solution incontournable. L’ACPR préconise le développement d’« outils en ligne qui permettent d’automatiser l’actualisation des informations » et la mise en place de « formulaires permettant de collecter les informations nécessaires ».

Cette transformation technologique suppose la mise en place de questionnaires en ligne adaptatifs, capables de cibler les informations pertinentes selon le type d’opération envisagée. Elle exige également le développement d’algorithmes de scoring permettant d’évaluer rapidement l’adéquation de l’opération avec le profil client actualisé.

L’enjeu dépasse la simple efficacité opérationnelle pour toucher à la qualité même du conseil. Les outils numériques doivent permettre une personnalisation fine des recommandations, en intégrant l’ensemble des paramètres patrimoniaux et familiaux de l’épargnant. Cette ambition suppose des investissements technologiques substantiels et une refonte complète des systèmes d’information.

Toutefois, cette logique d’efficacité connaît une limite absolue que pose l’ACPR : « la formalisation du conseil ne peut jamais conduire au non-respect des exigences contractuelles et réglementaires en matière de délais de règlement et de valorisation ». Cette priorité accordée aux délais traduit un équilibre délicat entre protection renforcée et fluidité opérationnelle.

En pratique, cette contrainte impose aux distributeurs de concevoir des processus de conseil suffisamment agiles pour s’adapter aux urgences opérationnelles. Elle suppose également la mise en place de procédures dégradées permettant de traiter les demandes lorsque le conseil complet ne peut être délivré dans les délais impartis.

Cette évolution dessine les contours d’une nouvelle organisation de la distribution d’assurance vie. Le distributeur traditionnel, organisé autour de la vente ponctuelle, doit se transformer en conseiller patrimonial permanent, capable d’accompagner l’évolution des besoins de ses clients sur la durée.

Cette mutation suppose une révision complète des modèles économiques, des compétences requises et des outils de travail. Elle exige également une adaptation des systèmes de rémunération, pour valoriser l’accompagnement dans la durée autant que l’acte de vente initial.

L’enjeu final demeure la capacité des distributeurs à concilier excellence du service client et efficacité commerciale, dans un environnement réglementaire de plus en plus exigeant et complexe.

3. La responsabilité du distributeur en cas de manquement

La mise en œuvre du conseil dans la durée transforme profondément le régime de responsabilité applicable aux distributeurs de contrats d’assurance vie. Cette évolution s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel désormais bien établi, qui précise tant la nature de l’obligation de conseil que ses modalités d’appréciation.

a. Une obligation de moyens

La jurisprudence constante considère que l’obligation de conseil pesant sur les distributeurs est une obligation de moyens, et non de résultat. Cette qualification protège le professionnel contre les aléas propres aux marchés financiers, tout en lui imposant une réelle rigueur dans l’élaboration de son conseil.

Un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 18 janvier 2005 illustre cette position : le juge a précisé que l’obligation de conseil « ne peut aboutir à faire endosser à ces professionnels les conséquences d’une dégradation des valeurs de référence ». Il ne s’agit donc pas de garantir la performance du produit recommandé, mais bien de s’assurer que le conseil donné était adapté, au moment où il a été formulé, à la situation du client.

Cette qualification n’affaiblit cependant en rien l’intensité de l’obligation. La Cour de cassation a, au contraire, renforcé son exigence lorsque le produit recommandé se révèle inadapté au profil de l’épargnant. Ainsi, dans un arrêt du 13 juillet 2006, elle a condamné un assureur pour avoir commercialisé un contrat dont les charges étaient « manifestement disproportionnées par rapport aux revenus du souscripteur ».

Plus récemment, dans un arrêt du 15 septembre 2022, la Cour a affirmé que l’assureur qui omet de recommander une garantie mieux adaptée cause nécessairement un préjudice à son assuré (Cass. 2e civ., 15 sept. 2022, n° 20-22.363).

b. Une obligation dont l’intensité diffère selon le profil du souscripteur

L’intensité du devoir de conseil dépend du niveau de compétence et d’expérience du souscripteur. Ce principe, désormais bien établi en jurisprudence, conduit à adapter le contenu du conseil aux capacités réelles de compréhension du client.

Dans un arrêt du 16 mars 2010 , la Cour de cassation a jugé qu’« un client même profane ne peut ignorer que la valeur des titres mobiliers est tributaire des fluctuations de la bourse» (Cass. com., 16 mars 2010, n° 08-21.713). Cet arrêt instaure une présomption de connaissance élémentaire des mécanismes financiers, du moins pour les produits les plus courants. Il en découle que le distributeur n’est pas tenu d’expliciter les risques les plus manifestes lorsque ceux-ci relèvent du bon sens ou d’un savoir de base largement partagé.

À l’inverse, lorsque le client dispose d’une expérience ou d’une expertise particulière, les juridictions exigent de lui une vigilance accrue. Dans un arrêt du 11 juin 2009, la deuxième chambre civile a jugé qu’un gérant professionnel spécialisé « ne pouvait ignorer le sens de la limite de tonnage prévue dans la police d’assurance » (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-17.586). Ce raisonnement revient à réduire l’obligation d’information pesant sur l’assureur, dès lors que le client est en mesure de comprendre seul les implications du contrat, compte tenu de sa profession ou de son expérience avérée.

Cette modulation du devoir de conseil trouve une traduction concrète dans les exigences relatives au recueil d’informations imposées au distributeur. La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 interdit expressément de se fonder exclusivement sur les déclarations subjectives du client concernant ses connaissances en matière financière. Elle impose au contraire une démarche d’évaluation rigoureuse, fondée sur des éléments objectivables et vérifiables.

Le distributeur doit notamment distinguer les connaissances théoriques du client — telles qu’elles peuvent apparaître dans un questionnaire ou être déclarées oralement — de son expérience effective, appréciée à travers la détention passée ou actuelle de produits similaires, la nature des investissements réalisés, ou encore la fréquence et la complexité des opérations antérieures. Cette double analyse vise à ajuster la teneur du conseil au degré réel de compréhension du souscripteur.

En pratique, cela signifie que le distributeur ne peut se contenter d’un simple formulaire d’auto-évaluation. Il lui revient de croiser les déclarations du client avec des éléments objectifs, comme les caractéristiques de son portefeuille, ses précédents arbitrages, ou son historique d’investissement. Cette précaution est destinée à prévenir les erreurs d’appréciation susceptibles de conduire à une recommandation inadaptée : soit parce qu’elle serait trop complexe pour un client mal préparé, soit parce qu’elle sous-exploiterait les capacités d’un client expérimenté.

c. Une responsabilité étendue dans le temps

L’instauration d’un devoir de conseil dans la durée transforme en profondeur le régime de responsabilité applicable aux distributeurs. Ceux-ci ne sont plus uniquement tenus de délivrer un conseil adapté au moment de la souscription ; leur responsabilité peut désormais être engagée en cas de défaut de suivi, d’absence d’actualisation, ou d’inadéquation persistante du contrat avec les besoins évolutifs du client.

Deux obligations codifiées illustrent cette évolution:

  • La première est l’obligation d’actualisation périodique prévue à l’article L. 522-5, III, 2° du Code des assurances. Elle impose au distributeur, tous les quatre ans (ou deux ans en cas de service de recommandation personnalisée), de vérifier que le contrat demeure adapté à la situation du souscripteur. Si cette actualisation est omise, ou réalisée de manière superficielle, le distributeur peut se voir reprocher une carence fautive, notamment en cas de préjudice lié à une inadaptation non détectée ou non signalée.
  • La seconde est l’obligation de conseil déclenchée à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter significativement le contrat, en vertu de l’article L. 522-5, III, 3°. À ce titre, le distributeur doit analyser l’impact d’un rachat partiel, d’un versement complémentaire, d’un arbitrage ou de toute autre opération substantielle, et alerter le client sur les éventuelles conséquences de cette modification. Une recommandation absente, imprécise ou inappropriée peut, là encore, constituer une faute génératrice de responsabilité.

Face à cette extension du risque contentieux, le régulateur a précisé les attentes en matière de preuve. La recommandation ACPR 2024-R-03 du 21 novembre 2024 impose aux distributeurs de conserver l’ensemble des éléments relatifs aux informations recueillies, aux conseils fournis et aux décisions prises. Ces données doivent non seulement être archivées de manière sécurisée, mais également rester accessibles pour être produites, en tant que de besoin, devant un juge ou dans le cadre d’un contrôle de l’Autorité.

Cette exigence de traçabilité constitue une garantie essentielle de sécurité juridique pour le distributeur. Elle permet, en cas de litige, de démontrer la réalité du conseil prodigué, son adéquation aux circonstances connues, et l’absence de manquement aux obligations légales et réglementaires.

 

  1. D. Langé, « Le devoir de conseil de l’intermédiaire en assurance après la loi du 15 décembre 2005 », Mélanges Bigot, p. 259 ?
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  3. L. Mayaux, « Les assurances de personnes », Traité, t. IV, n° 435 ?
  4. H. Groutel, Traité du contrat d’assurance terrestre, Litec, 2008, n° 298 ?
  5. P.-G. Marly, « Le mythe du devoir de conseil (à propos du conseil en investissement assurantiel) », Mél. Daigre, Lextenso, 2017, p. 561 ?
  6. A. Pélissier, « Devoir de conseil de l’assureur et de la banque », RGDA 2019, n° 1169, p. 7 ?
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  10. L. Mayaux, « Les assurances de personnes », Traité, t. IV, n° 435 ?
  11. H. Groutel, Traité du contrat d’assurance terrestre, Litec, 2008, n° 298 ?
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  14. H. Groutel, “Le devoir de conseil en assurance”, Risques 1990, n° 2, p. 89 ?
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  25. Cass. 1re civ., 10 nov. 1964, RGAT 1965, p. 175, note A. Besson ?
  26. J. Lasserre Capdeville, “Le conseil en investissement”, Rev. dr. bancaire et fin. 2018, dossier 15 ?
  27. Directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers ?
  28. ACPR, Principes du conseil en assurance, juillet 2018, p. 12 ?
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  31. Malaurie Ph., Aynès L., Stoffel-Munck Ph., Droit des obligations, LGDJ ?
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  34. H. Groutel, « Le devoir de conseil en assurance », Risques 1990, n° 2, p. 89. ?
  35. Cass. 1?? civ., 10 nov. 1964, JCP G 1965, II, 13981, note PP ?
  36. P.-G. Marly, « Le mythe du devoir de conseil », Mél. Daigre, Lextenso, 2017, p. 561 ?
  37. J.-C. Heydel, « L’agent général d’assurance », LGDJ, 2019, n° 156 ?
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  39. L. Mayaux, Les assurances de personnes, Traité, t. IV, n° 835 ?
  40. D. Lange, « Les limites du devoir de conseil », RGDA 2019, p. 456 ?
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  46. J. Bigot, « Les courtiers grossistes », in Traité de droit des assurances, t. 6, n° 234 ?
  47. Cass. com., 18 avr. 2019, n° 18-11108 ?
  48. CA Lyon, 18 févr. 2003, RGDA 2003, p. 371, obs. J. Kullmann ?
  49. Cass. 1re civ., 31 mars 1981, Bull. civ. I, n° 108 ; D. 1982, IR, p. 97, note Berr et Groutel. ?

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