Gdroit

Header G-droit - Design Propre

Contrat d’assurance: les déclarations tardives

L’obligation d’information qui pèse sur l’assuré pendant l’exécution du contrat implique, en cas de survenance de circonstances nouvelles susceptibles d’aggraver sensiblement le risque garanti ou d’en créer de nouveaux, une déclaration dans un délai de quinze jours à compter du moment où il en a connaissance (C. assur., art. L. 113-2, 3°). Le manquement à cette obligation, lorsqu’il ne relève ni de la mauvaise foi ni d’une volonté frauduleuse, ne tombe pas sous le coup des articles L. 113-8 ou L. 113-9 du Code des assurances. Il relève d’un régime autonome, institué par la loi du 31 décembre 1989, et organisé par l’article L. 113-2, alinéa 9.

1. Principe

Le retard dans la déclaration par l’assuré d’une circonstance nouvelle aggravant le risque assuré est encadré par un régime juridique spécifique, introduit par la loi du 31 décembre 1989. Il est régi par l’article L. 113-2, alinéa 9 du Code des assurances, qui énonce que «?lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice.?»

Ce dispositif, qui rompt avec la logique antérieure de sanction automatique, repose sur trois conditions strictement cumulatives.

a. La stipulation d’une clause contractuelle

En premier lieu, la déchéance ne peut produire d’effet que si elle est expressément stipulée dans le contrat d’assurance. Cette exigence est constante en jurisprudence : une clause générale ou implicite ne suffit pas. La Cour de cassation a ainsi jugé inopposable à l’assuré une sanction de déchéance qui n’était pas spécifiquement prévue à ce titre dans la police (Cass. 1re civ., 24 févr. 1965).

À cette exigence de fond s’ajoute une exigence de forme, issue de l’article L. 112-4, alinéa 2 du Code des assurances : la clause doit être rédigée en caractères très apparents afin que l’assuré en ait eu une connaissance effective. Cette prescription vise à garantir l’efficacité de l’information précontractuelle. La jurisprudence en a fait une condition d’opposabilité : la clause ne peut produire d’effet que si sa présentation matérielle attire suffisamment l’attention de l’assuré (Cass. 1re civ., 9 mai 1994, n° 92-12.990).

b. La démonstration d’un préjudice imputable au retard

En second lieu, l’assureur ne peut invoquer la déchéance qu’à la condition de prouver que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Cette exigence, introduite par la loi du 31 décembre 1989, marque une rupture avec le régime antérieur, qui admettait la déchéance sans exigence de justification.

Le préjudice peut résider, par exemple, dans l’impossibilité de réévaluer le montant de la prime à due concurrence du risque nouvellement aggravé, dans une perte de chance de résilier le contrat à temps, ou encore dans l’exposition à un risque qu’il n’aurait pas accepté de garantir. Il appartient à l’assureur d’en apporter la preuve concrète, et non de se contenter d’alléguer abstraitement une atteinte à l’équilibre du contrat (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997, n° 94-21.869). Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui peuvent refuser la déchéance en l’absence de démonstration suffisante du lien entre le retard et le préjudice invoqué.

c. L’absence de cause légitime justifiant le retard

La troisième condition requise pour que la déchéance soit valablement opposée à l’assuré tient à l’absence de toute cause légitime faisant obstacle à la déclaration dans le délai requis. En effet, l’article L. 113-2, alinéa 9 prévoit expressément que « […] elle [la déchéance] ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure. »

Ce correctif vise à exclure toute sanction lorsque l’assuré s’est trouvé, de manière objectivement insurmontable, dans l’impossibilité de déclarer l’aggravation du risque dans le délai de quinze jours prévu à l’article L. 113-2, 2°.

Si la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée explicitement sur les contours de cette exception, il convient de l’apprécier à la lumière des critères généraux issus du droit commun : le cas fortuit ou la force majeure se caractérisent par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté du débiteur, ici l’assuré. La preuve de cette impossibilité objective pèse sur ce dernier.

Ainsi, l’assureur ne saurait se prévaloir de la clause de déchéance si l’assuré démontre que le manquement allégué procède d’une situation sur laquelle il n’avait aucune prise, telle qu’une hospitalisation d’urgence, une incapacité cognitive temporaire, ou encore une impossibilité de communication matériellement vérifiable.

2. Limites

Le régime juridique instauré à l’article L. 113-2, alinéa 9 du Code des assurances soulève de sérieuses interrogations quant à la nature exacte de la sanction encourue par l’assuré en cas de déclaration tardive d’une aggravation du risque. Si le législateur qualifie expressément cette sanction de « déchéance », cette terminologie apparaît, à l’analyse, inadaptée.

Traditionnellement, la déchéance de garantie vise à sanctionner le non-respect, par l’assuré, de ses obligations postérieures à la réalisation du sinistre – telles que le manquement aux délais de déclaration du sinistre ou l’inobservation de mesures de sauvegarde (v. notamment : Cass. 1re civ., 15 juin 1931). Or, en matière de déclaration des circonstances aggravantes, le manquement reproché est antérieur au sinistre, puisque le retard concerne une obligation de mise à jour du risque en cours de contrat. Il s’agit donc d’un manquement pré-sinistre, ce qui rend impropre la qualification traditionnelle de « déchéance ».

Plusieurs auteurs ont relevé que le régime institué à l’article L. 113-2, alinéa 9, repose sur une logique indemnitaire, dans la mesure où l’assureur ne peut opposer la déchéance que s’il établit l’existence d’un préjudice subi du fait du retard. Cette condition essentielle – posée par le texte – rapproche davantage cette sanction du régime de la responsabilité contractuelle que de celui d’une déchéance stricto sensu (v. not. Cass. 1re civ., 7 janv. 1997, n° 94-21.869). De fait, l’obligation d’identifier et de démontrer un dommage – qu’il soit économique (non-révision de la prime), actuariel (exposition à un risque non tarifé), ou encore informationnel – en fait un outil correctif plus qu’un mécanisme répressif.

Surtout, la conséquence juridique de ce manquement – à savoir la perte totale du droit à garantie – interroge au regard du principe de proportionnalité qui irrigue par ailleurs le droit des assurances. En cas d’inexactitude – non intentionnelle – des déclarations contestées le Code prévoit une simple réduction proportionnelle de l’indemnité (art. L. 113-9 C. assur.), ce qui ménage la position de l’assuré de bonne foi. À l’inverse, la déchéance pour déclaration tardive s’applique indifféremment, sans égard à la bonne ou à la mauvaise foi de l’assuré, frappant avec la même sévérité le simple retard non intentionnel et l’omission délibérée. Une telle rigueur contraste singulièrement avec les principes de modulation des sanctions qui prévalent ailleurs en droit des assurances.

On pourrait objecter qu’un recours à une clause d’exclusion de garantie, plus cohérent conceptuellement pour sanctionner un défaut de déclaration affectant le champ du risque couvert, serait juridiquement préférable. Cependant, cette solution serait moins protectrice des tiers lésés : en matière de responsabilité, la clause d’exclusion produit des effets erga omnes et peut donc être opposée aux victimes (sous réserve des exceptions légales, v. C. assur., art. L. 124-3), contrairement à la déchéance conventionnelle, qui est inopposable aux tiers (Cass. 1re civ., 15 juin 1931, préc.). C’est sans doute pour cette raison que le législateur a maintenu ce mécanisme hybride – malgré ses faiblesses conceptuelles – dans une perspective de conciliation entre les intérêts de l’assureur et la nécessaire protection des tiers en matière d’assurance de responsabilité.

Bloc Sidebar Algoris Avocats