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Fiches juridiques

Soc., 27 janv. 2015, n° 13-221179 : Égalité de traitement et protection sociale

Par une série d’arrêts rendus le 27 janvier 2015, la Cour de cassation inverse l’ordre des facteurs lorsque sont en cause des avantages catégoriels conventionnels. C’est de présomption d’objectivité dont il est question à présent. Ce faisant, la Cour redonne aux négociateurs sociaux, agissant notamment par délégation de la loi, une marge d’appréciation comparable à celle que le Conseil constitutionnel accorde au législateur.

Le sens des arrêts s’impose à l’esprit. Leur domaine d’application appelle en revanche quelques remarques en droit de la protection sociale.

Égalité de traitement et droit de la protection sociale. En effet, par un arrêt rendu le 13 mars 2013, la chambre sociale affirmait, au visa du principe d’égalité de traitement, qu’ “en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle. ” (1). Par cette décision, la Cour de cassation admettait que des différences de traitement catégorielles peuvent être opérées dans le domaine de la prévoyance par décision unilatérale. Pour mémoire, il s’agissait en l’espèce d’une mutuelle d’entreprise mise en place par décision unilatérale de l’employeur.

Depuis lors, la chambre sociale a réitéré à cinq reprises sa jurisprudence (2). Elle a notamment confirmé cette règle dans le courant de l’été dernier avec une certaine autorité et le renfort de la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (3). En l’espèce, par décision unilatérale, l’employeur met en place au profit des seuls salariés cadres une mutuelle obligatoire prenant en charge les frais médicaux avec financement de l’employeur à hauteur de 50 %. Un salarié exclu de ladite prise en charge, auquel se joint un syndicat, excipent de la violation du principe d’égalité de traitement. Saisie, la cour d’appel de Grenoble condamne l’employeur au motif « que la seule différence de catégorie professionnelle ne peut justifier en elle-même une différence de traitement et que l’employeur ne fournit pas d’éléments objectifs susceptibles de justifier cette différence de traitement. » L’arrêt est cassé. La décision est plus précise encore que celle rendue en 2013 : « Attendu cependant, qu’en raison des particularités des régimes de prévoyance incluant la protection sociale complémentaire, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle. » (4)

De son côté, le Code de la sécurité sociale a prévu la possibilité d’instituer des différences de traitement entre catégories professionnelles (5).

Pour importants qu’ils soient, les arrêts du 27 janvier 2015 ne modifient donc pas l’état du droit positif de la protection sociale complémentaire. Le communiqué de la Cour de cassation est d’ailleurs en ce sens. Il pourrait même être soutenu que ces arrêts, qui se contentent en définitive d’inverser la charge de la preuve en droit du travail, sont en-deçà de la liberté qui prévaut en droit de la protection sociale en général, et en droit de la protection sociale complémentaire en particulier.


1. Soc., 13 mars 2013, n° 11-20.490. On pouvait trouver les prémices d’une telle solution dans un arrêt Soc. 11 janv. 2012, n° 10-15.806, Bull. civ. V, 2012, n° 13 portant sur la retraite.
2. Soc. 13 mars 2013, nos 11-13.645, 11-23761 et 10-28022, inédits – 30 avr. 2014, n° 13-12.729, inédit – 09 juill. 2014, n° 12-12.121, P+B
3. Soc. 09 juill. 2014, op. cit.
4. C’est nous qui mettons en italique
5. D. n° 2012-25, 9 janv. 2012, relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire : JO 11 janv. 2012, p. 514.
(Article publié in Gazette du palais 21 avr. 2015)