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Fiches juridiques

Civ. 1, 18 juin 2014, n° 13-14.843 : Introduction volontaire d’un tiers dans l’exécution du contrat par le débiteur et responsabilité

L’arrêt intéresse ce qu’on appelle par commodité de langage ou par conviction – c’est selon – la responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Sa publication sur le site Internet de la Cour de cassation invite le lecteur à en prendre aussitôt connaissance. Sa portée reste toutefois relative.

En l’espèce, une association d’élèves ingénieurs organise une soirée étudiante. Une société est engagée pour assurer la surveillance et la sécurité des participants. Le corps sans vie d’un élève est retrouvé dans la Moselle. Une autopsie est faite. La cause la plus probable de la mort est une noyade par hydrocution survenue dans un contexte d’alcoolisation aigüe. Des témoignages, en l’occurrence celui d’un agent de sécurité, attestent la participation de la victime, l’aggravation de son état d’ébriété sur les lieux ainsi que son départ dans un état inquiétant d’alcoolisation. À la question de savoir si l’association est tenue d’indemniser les parents et le frère de leurs préjudices respectifs, la Cour de cassation répond par la négative. La raison est la suivante : « l’association organisatrice, débitrice d’une obligation de moyens envers les participants à la soirée, avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ceux-ci, de sorte qu’elle n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité ». Et la Cour de prendre bien soin de rappeler les termes du « contrat de partenariat » conclue avec la société de sécurité attestant l’importance du dispositif et l’attention accordée par l’association à la surveillance et à la sécurité des participants.

Est-ce à dire que l’association n’est pas responsable du fait de la personne qu’elle a introduite dans l’exécution du contrat ? Vraisemblablement pas, sans quoi l’atteinte au principe de la force obligatoire du contrat aurait été trop grande. Il faut bien avoir à l’esprit qu’on ne saurait autoriser le débiteur à échapper en tout ou partie à sa responsabilité pour la seule raison qu’il s’est agrégé un auxiliaire ou un substitut dans l’exécution du contrat. Mieux : le droit exige que l’intéressé assume le risque d’inexécution (totale ou partielle) du fait d’autrui : attentes légitimes du créancier. À noter au passage que l’avant-projet de réforme du droit des contrats en gestation ne consacre aucune disposition traitant la responsabilité que le débiteur peut encourir pour le fait d’un tiers. Sur ce point, c’est le statu quo.

En l’espèce, la Cour d’appel de Metz (15 janvier 2013) et la Cour de cassation considèrent qu’aucune faute ne peut être reprochée à l’association. Si l’on admet que le sort du donneur d’ordres et celui de l’exécutant sont nécessairement liés, cela veut dire alors que la société de sécurité n’a pas manqué à ses obligations. Ceci posé, l’arrêt semble attester la volonté de la première Chambre civile de borner l’intensité juridique de l’obligation de sécurité (F. Leduc, L’intensité juridique de l’obligation contractuelle, RRJ 2011-3, p. 1253). Il s’infère alors une modération du rayonnement de la responsabilité contractuelle. Partant, c’est un resserrement du contrat qui semble être à l’œuvre. Il sera toutefois fait remarquer que la décision est rendue dans un contexte particulier. Il n’est pas acquis que la solution aurait été semblable si la victime avait été « simplement » atteinte dans son intégrité physique. Car, c’est précisément dans le dessein de garantir une indemnisation à la victime directe que nombre de conventions ont été grossie d’une obligation de sécurité peu important au reste que le créancier encourt ou non un risque spécifique du fait du contrat. Mais, c’est une autre question.

(Article publié in JCP G. 2014.744)