Gdroit

Header G-droit - Design Propre

L’action en partage: règles de compétence

Le partage judiciaire intervient lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord amiable ou lorsqu’un indivisaire est absent, défaillant ou incapable. Cette voie contentieuse, strictement encadrée par la loi, vise à garantir une répartition équitable des biens indivis sous le contrôle du juge. L’article 841 du Code civil confère au Tribunal judiciaire une compétence exclusive pour trancher les litiges relatifs aux partages successoraux, communautaires ou d’autres indivisions. Cette compétence s’étend aux demandes principales (partage, nullité, complément de part) et aux opérations accessoires (attribution préférentielle, licitation). Dans les cas particuliers de divorce, le juge aux affaires familiales peut être compétent. Cette introduction permet de cerner les règles qui encadrent la compétence dans le cadre de l’action en partage.

A) Principes généraux

1. Détermination de la juridiction compétente

==>Compétence exclusive du Tribunal judiciaire

Aux termes de l’article 841 du Code civil, il est expressément prévu que le Tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître des actions en partage et des contestations qui s’élèvent dans le cadre des successions ou des communautés dissoutes. Cette compétence générale et exclusive découle de la volonté du législateur d’unifier le traitement des litiges se rapportant au partage d’indivisions au sein d’une juridiction unique, garantissant ainsi une cohérence dans l’application du droit.

La doctrine et la jurisprudence confirment que cette exclusivité s’applique à toutes les phases du partage, depuis la demande initiale jusqu’aux contestations relatives à la nullité d’un partage ou au complément de part. La nature civile des litiges écarte par ailleurs toute compétence du Tribunal de commerce. Ainsi, il a été jugé que les litiges concernant l’homologation d’un partage successoral ou communautaire échappent à la compétence du tribunal de commerce, même lorsqu’un indivisaire est en liquidation judiciaire (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n°03-19.853).

Les juridictions spécialisées, comme la chambre des saisies immobilières, peuvent intervenir dans certains cas limités, notamment lorsqu’une licitation est liée à une procédure de saisie (Cass. 2e civ., 19 févr. 2009, n°08-11.869). Toutefois, cette compétence reste une extension de celle du tribunal judiciaire.

==>Compétence territoriale

En matière successorale, la compétence territoriale est fixée au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, conformément à l’article 841 du Code civil et à l’article 45 du Code de procédure civile. Ce lieu correspond, selon l’article 720 du Code civil, au dernier domicile du défunt. Cette règle permet une gestion des litiges au plus près des éléments matériels, tels que les biens de la succession et les témoins éventuels.

En cas de dissolution d’une communauté conjugale, les principes applicables aux successions s’étendent également au partage des biens communs. L’article 1476 du Code civil assimile ainsi les règles de compétence territoriale des partages successoraux à celles des partages communautaires. Par exemple, la jurisprudence ancienne, mais toujours pertinente, a confirmé que le tribunal compétent est celui du lieu de dissolution de la communauté (Cass. civ. 31 juill. 1918).

Pour les sociétés, la jurisprudence reconnait la compétence du Tribunal judiciaire du lieu du siège social en cas de liquidation et de partage des biens entre associés (Cass. civ., 3 déc. 1980). En revanche, une procédure collective est sans incidence sur cette répartition de compétence si le litige porte exclusivement sur des aspects civils et non commerciaux.

==>Compétence matérielle

L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour traiter l’ensemble des litiges relatifs au partage, qu’il s’agisse de successions, de communautés dissoutes ou d’autres indivisions. Cette compétence s’étend non seulement aux actions principales — telles que la demande en partage, les actions en nullité ou en complément de part, et les garanties entre copartageants — mais également à des questions accessoires qui découlent du partage ou s’y intègrent directement.

  • Les opérations principales de partage
    • L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour toutes les questions relatives aux opérations principales de partage.
    • Cette compétence embrasse tant la demande initiale de partage que les actions en nullité, en complément de part, ainsi que les litiges liés aux garanties des lots entre copartageants.
    • Le partage, moment cardinal dans le processus de liquidation des indivisions successorales ou post-communautaires, a pour finalité d’assurer une répartition équitable des biens composant le patrimoine indivis, dans le respect des droits de chaque indivisaire.
    • En conséquence, toute contestation portant sur la validité ou l’équité de cette répartition, qu’elle soit fondée sur un vice du consentement ou une disproportion manifeste, relève exclusivement de la compétence du tribunal judiciaire, seul à même d’en garantir les droits des copartageants.
    • Cette compétence ne se limite pas aux opérations de partage proprement dites, mais s’étend également à leurs suites nécessaires, dès lors que ces dernières trouvent leur origine dans l’acte de partage initial.
    • À ce titre, des contentieux tels que la remise de sommes ou de titres devant être rapportés à la masse successorale, ou encore la reddition de comptes par un indivisaire ayant exercé des fonctions d’administration, doivent être portés devant la juridiction ayant connu du partage.
    • En outre, le Tribunal judiciaire dispose du pouvoir d’ordonner des licitations, lorsque la vente publique des biens indivis s’avère indispensable pour permettre une répartition équitable.
    • Il lui incombe également de statuer sur les contestations relatives à une déclaration de surenchère formulée dans le cadre d’une adjudication sur licitation, veillant ainsi à garantir la cohérence et l’unité de la procédure, tant dans sa mise en œuvre que dans ses effets.
  • Les opérations accessoires au partage
    • Outre les opérations principales de partage, l’article 841 du Code civil investit le Tribunal judiciaire d’une compétence exclusive pour connaître des opérations accessoires au partage, lesquelles visent à régir les conditions particulières de l’indivision, tant avant qu’au cours de la liquidation.
      • Le maintien dans l’indivision
        • En vertu des articles 820 à 823 du Code civil, le Tribunal judiciaire peut, dans certaines circonstances, ordonner un sursis au partage afin de préserver l’intérêt commun des indivisaires.
        • Ce sursis peut être motivé par la nécessité de prévenir une dépréciation des biens indivis ou de permettre à un indivisaire de reprendre une activité économique dépendant de la succession.
        • Le conjoint survivant ou les héritiers mineurs peuvent également solliciter le maintien dans l’indivision pour conserver l’usage d’un bien à des fins d’habitation ou professionnelles.
        • Ces mesures, dont la durée est strictement encadrée mais renouvelable, visent à concilier les exigences économiques et sociales des parties, tout en préservant les droits des indivisaires.
      • L’attribution préférentielle
        • L’attribution préférentielle, régie par les articles 831 à 834 du Code civil, permet à un indivisaire d’obtenir, en contrepartie d’une indemnisation, l’attribution exclusive d’un bien déterminé.
        • Ce mécanisme, intrinsèquement lié au partage, favorise la préservation de certains biens dans le patrimoine familial, tels qu’une exploitation agricole, une entreprise ou une résidence principale.
        • Le tribunal judiciaire, seul compétent pour statuer sur de telles demandes, évalue les prétentions des parties en tenant compte de leurs intérêts respectifs, ainsi que de l’aptitude du demandeur à gérer et à valoriser le bien concerné (art. 832-3 C. civ.).
        • Lorsqu’un conflit surgit entre plusieurs prétendants, il revient au tribunal de désigner le candidat le plus à même de préserver la pérennité du bien.
      • L’attribution éliminatoire
        • Lorsque certains indivisaires souhaitent demeurer dans l’indivision tandis qu’un autre sollicite un partage global, le tribunal judiciaire peut, en application de l’article 824 du Code civil, ordonner une attribution éliminatoire.
        • Ce mécanisme permet d’attribuer aux indivisaires restants la part de celui qui souhaite se retirer, moyennant une indemnisation équitable.
        • La jurisprudence exige toutefois que cette attribution soit précédée d’une demande explicite de partage global formulée par l’indivisaire concerné (Cass. 1re civ., 15 mai 2008, n° 07-13.179).

2. Caractère d’ordre public de la compétence

Il est admis que l’article 841 du Code civil, qui confère au tribunal judiciaire une compétence exclusive en matière de partage, présente un caractère d’ordre public. Ce caractère impératif interdit aux parties de déroger aux règles légales de compétence, notamment en désignant une juridiction autre que celle prévue par le texte, sous peine de nullité.

Historiquement, la reconnaissance de ce caractère d’ordre public à cette règle de compétence a été le fruit d’une lente maturation jurisprudentielle. Sous l’empire des anciennes dispositions des articles 822 du Code civil et 59 de l’ancien Code de procédure civile, la jurisprudence oscillait entre la reconnaissance d’une compétence impérative et une certaine souplesse dans son application.

Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la Cour de cassation s’est fermement prononcée en faveur de l’attribution exclusive de compétence au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, par des arrêts marquants tels que celui du 20 juin 1898, qui opéra une véritable consolidation de ce principe.

La loi du 15 mars 1928 a achevé de consacrer cette évolution en érigeant, à peine de nullité, le respect des règles de compétence territoriale en matière successorale en un principe impératif.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 841 ne mentionne plus explicitement la nullité comme sanction de la violation des règles de compétence, mais il ne fait aucun doute que ce caractère impératif subsiste. Les travaux préparatoires de la réforme n’apportent aucun élément suggérant un abandon du caractère d’ordre public de la règle.

Quoi qu’il en soit, ce caractère d’ordre public impose une stricte application des règles de compétence, sous le contrôle exclusif du Tribunal judiciaire territorialement compétent. Même lorsque certaines opérations, comme la licitation d’immeubles, sont déléguées à une autre juridiction ou à un notaire, le Tribunal du lieu d’ouverture de la succession demeure seul compétent pour connaître, en dernier lieu, des opérations de partage.

Néanmoins, l’impérativité attachée à cette compétence n’exclut pas la possibilité d’aménagements procéduraux dictés par les exigences d’une bonne administration de la justice. Il est ainsi permis d’autoriser la jonction d’instances lorsque plusieurs successions ouvertes dans des ressorts différents révèlent une connexité manifeste, permettant de les regrouper devant une même juridiction pour en garantir une gestion cohérente et harmonieuse.

De surcroît, il peut être admis qu’une action relative à la liquidation d’une communauté dissoute et aux successions indivises des époux soit portée devant le tribunal compétent pour la première dissolution, dès lors que cette concentration des contentieux apparaît conforme à l’exigence d’efficacité procédurale, tout en assurant une unité dans le traitement des intérêts en cause.

B) Règles spécifiques en matière matrimoniale

Sous l’empire du droit antérieur, c’est le principe général de la compétence du Tribunal judiciaire pour le partage de la succession qui s’appliquait au partage judiciaire consécutif à la dissolution d’une communauté le juge du divorce n’étant pas investi d’une compétence spécifique pour en connaître. Ce dernier, limité à statuer sur la rupture du lien conjugal et ses conséquences immédiates, était dépourvu de toute compétence pour trancher les questions relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux. Cette dichotomie procédurale marquait une stricte séparation entre le contentieux matrimonial et les aspects patrimoniaux, lesquels devaient être portés devant le tribunal compétent pour connaître du partage, souvent le tribunal du lieu de dissolution du régime matrimonial. Cette situation, source de complexité et de dédoublement des instances, imposait aux époux des démarches souvent longues et coûteuses, prolongeant inutilement les litiges liés à la désunion.

Cette stricte séparation entre le contentieux du divorce et celui du partage de l’indivision post-communautaire s’inscrivait dans une vision procédurale fragmentée, où chaque étape relevait de procédures distinctes. En pratique, cela signifiait que, même une fois le divorce prononcé, les époux devaient introduire une nouvelle instance, distincte et autonome, pour régler la liquidation et le partage de leur communauté. Cette démarche, non seulement chronophage, mais également économiquement contraignante, imposait souvent une double mobilisation des juridictions et des professionnels du droit, sans garantir pour autant une réelle coordination entre les décisions.

La situation évolua progressivement sous l’impulsion du législateur, qui prit conscience des écueils liés à une telle dispersion. La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 marqua un premier tournant en introduisant dans le Code civil un article 264-1, prévoyant que le juge statuant sur le divorce pouvait également ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, ainsi que trancher sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision ou l’attribution préférentielle. Cette disposition initia une certaine concentration des contentieux matrimoniaux dans une logique d’efficience procédurale.

Cependant, c’est la réforme opérée par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 qui consacra véritablement une évolution majeure dans l’organisation procédurale du partage consécutif au divorce. En instaurant une architecture procédurale profondément renouvelée, cette réforme attribua au juge aux affaires familiales une compétence exclusive en matière de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux. Désormais, conformément à l’article 267 du Code civil, le juge est chargé de statuer, à défaut d’un règlement amiable entre les époux, sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision, l’attribution préférentielle ou encore l’avance sur part de communauté ou de biens indivis. Cette centralisation des contentieux sous l’autorité d’un magistrat unique répondait à une double exigence : simplifier les procédures et renforcer leur efficacité, tout en garantissant une cohérence décisionnelle accrue.

Dans le droit fil de cette réforme, l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 vint renforcer et préciser le cadre procédural, introduisant des exigences destinées à structurer et encadrer les litiges patrimoniaux. Les époux, lorsqu’ils ne parviennent pas à un règlement amiable, doivent désormais justifier de leurs désaccords par la production d’une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire ou d’un projet de liquidation établi par un notaire désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil. Ce dispositif vise à faciliter le travail juridictionnel en circonscrivant précisément les points de contentieux. En l’absence de telles diligences, les parties doivent engager une nouvelle procédure devant le Tribunal judiciaire, compétent pour statuer sur les litiges relatifs à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux.

Depuis ces réformes, le juge aux affaires familiales s’est affirmé comme un acteur central dans la résolution des différends patrimoniaux consécutifs au divorce. L’article 267 du Code civil, dans sa version issue de l’ordonnance de 2015, confère à ce magistrat une large latitude pour statuer sur des enjeux essentiels à la préservation des droits des parties. Parmi ces prérogatives figurent notamment la possibilité d’ordonner le maintien de certains biens en indivision, d’attribuer des biens à titre préférentiel, en particulier lorsqu’il s’agit du logement familial ou de biens à usage professionnel, ou encore d’accorder des avances sur les parts de communauté ou de biens indivis.

Le rôle du notaire dans ce dispositif a également été consolidé. Désigné par le juge, le notaire est chargé d’établir un inventaire détaillé des biens, de proposer un projet de partage et de clarifier les points de désaccord entre les époux. Ces missions, prévues à l’article 255, 10° du Code civil, constituent une étape préparatoire cruciale pour orienter les décisions judiciaires et, lorsque cela est possible, favoriser une résolution amiable des conflits. Toutefois, la suppression de l’ordonnance de non-conciliation par la réforme de 2019 a significativement réduit les délais de la procédure de divorce, soulevant des inquiétudes quant à la capacité des notaires à mener à bien ces expertises dans un temps désormais plus restreint.

Le partage consécutif à un divorce ne saurait être réduit à une simple opération comptable. En vertu de l’article 1476 du Code civil, le partage de la communauté est régi, mutatis mutandis, par les règles successorales, lesquelles encadrent les formes du partage, le maintien dans l’indivision, la licitation des biens, les garanties des lots et les soultes éventuelles. Cette assimilation témoigne de la volonté du législateur d’assurer une cohérence procédurale et substantielle entre ces deux régimes, tout en adaptant leurs mécanismes aux spécificités du contentieux matrimonial.

Cependant, lorsque le partage de la communauté s’entrelace avec une succession, notamment en cas de décès de l’un des époux, la compétence revient au Tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession. Cette articulation délicate entre compétences matrimoniales et successorales illustre la complexité des enjeux patrimoniaux, tout en visant à concilier les exigences d’équité et d’efficacité procédurale.

Enfin, conformément à l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales conserve une compétence élargie pour statuer sur des demandes connexes, telles que celles relatives aux régimes matrimoniaux des concubins ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Toutefois, les règlements successoraux et les partages non matrimoniaux restent de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, garantissant ainsi une répartition claire des compétences juridictionnelles.

Bloc Sidebar Algoris Avocats