La règle de l’unanimité jouant en matière d’indivision n’est pas de portée absolue, elle souffre de tempéraments au nombre desquels figurent :
- D’une part, la représentation
- D’autre part, la gestion d’affaires
Nous nous focaliserons ici sur la représentation.
Le principe de l’unanimité, consacré à l’article 815-3, alinéa 3 du Code civil, constitue une garantie essentielle pour la protection des droits de chaque indivisaire.
Cependant, son application stricte peut engendrer des blocages, notamment en cas de désaccords entre coïndivisaires, rendant parfois difficile, voire impossible, une gestion efficace des biens indivis.
Pour remédier à cet écueil, le législateur a instauré des mécanismes de représentation, permettant de confier la gestion de l’indivision à un mandataire agissant au nom et pour le compte des indivisaires, sans nécessiter leur consentement unanime.
Ces mécanismes, véritables outils d’assouplissement de la règle de l’unanimité, peuvent revêtir deux formes principales : la représentation conventionnelle, qu’elle soit expresse (article 813 du Code civil) ou tacite (article 815-3, alinéa 4 du Code civil).
Par la représentation expresse, les indivisaires peuvent désigner un mandataire pour accomplir des actes de gestion, selon un mandat général ou spécial, offrant ainsi une flexibilité adaptée aux besoins de l’indivision.
Quant à la représentation tacite, elle permet de présumer l’existence d’un mandat lorsque l’un des indivisaires prend en main la gestion des biens indivis avec la connaissance et sans opposition des autres.
En complément, la possibilité d’une représentation judiciaire est prévue par l’article 815-4, alinéa 1er du Code civil, bien que cette option concerne des situations spécifiques et fera l’objet d’un traitement distinct.
Ces divers dispositifs, en conciliant efficacité et préservation des droits des indivisaires, s’inscrivent dans une volonté d’éviter l’immobilisme tout en respectant l’équilibre nécessaire à une gestion équitable de l’indivision.
I) La représentation expresse
==>Le principe du recours à la représentation expresse
Le recours à la représentation expresse constitue une dérogation majeure au principe d’unanimité traditionnellement applicable en matière de gestion des biens indivis.
Ce mécanisme, consacré par l’article 815-3 du Code civil, permet aux indivisaires de déléguer la gestion de l’indivision à l’un d’entre eux ou à un tiers, facilitant ainsi l’accomplissement des actes nécessaires à l’administration des biens.
La représentation expresse repose sur l’idée que l’unanimité peut être contournée, soit par un mandat général d’administration couvrant les actes de gestion courante, soit par un mandat spécial visant des opérations spécifiques.
Ce principe, renforcé par la réforme de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, vise à fluidifier la gestion des indivisions souvent bloquées par des désaccords entre coïndivisaires, tout en préservant les droits fondamentaux des parties concernées.
==>Les conditions du recours à la représentation expresse
- Majorité requise
- Conformément à l’article 815-3, alinéa 1er, 2° du Code civil, « le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité […] donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ».
- Cette règle marque une évolution par rapport à l’exigence d’unanimité antérieurement prévue, sauf en matière d’administration de parts sociales, où l’unanimité reste requise (Cass. 1re civ., 15 déc. 2010, n° 09-10.140).
- En matière successorale, l’article 813 du Code civil impose également un commun accord des héritiers pour la désignation d’un mandataire, ce qui n’est pas sans être en contradiction avec la règle de majorité énoncée à l’article 815-3, al. 1er, 2° du Code civil.
- La doctrine majoritaire considère toutefois que l’unanimité prévue à l’article 813 doit prévaloir, en raison de son caractère plus protecteur des droits des indivisaires minoritaires.
- Typologie de mandat
- Dans le silence des textes, le mandat donné par les indivisaires en vertu de l’article 815-3, alinéa 1er du Code civil peut être général ou spécial, selon l’objet des actes à accomplir et leur portée sur le patrimoine indivis.
- Mandat général
- Le mandat général confère au mandataire le pouvoir d’accomplir tous les actes d’administration courante relatifs aux biens indivis.
- Ces actes, définis comme ceux qui n’altèrent pas de manière significative la structure ou la valeur du patrimoine indivis, incluent notamment :
- La gestion locative, telle que la perception des loyers, la gestion des relations avec les locataires ou encore la délivrance de quittances ;
- Les travaux d’entretien, nécessaires à la conservation des biens et à leur exploitation normale, comme le nettoyage ou les petites réparations.
- Ce mandat présente l’avantage de ne pas nécessiter la régularisation d’un nouveau mandat pour chaque acte à accomplir par le mandataire.
- Un seul mandat général, établi une fois pour toutes, suffit à couvrir l’ensemble des actes d’administration courante, qu’ils soient présents ou futurs, dans les limites fixées par la volonté des indivisaires.
- Mandat spécial
- Les actes de disposition, en raison de leur gravité et de leurs implications patrimoniales, nécessitent un mandat spécial, conformément aux articles 1984 et 1988 du Code civil.
- Ce mandat doit définir avec précision :
- La nature des actes autorisés, tels que la vente d’un bien indivis, l’hypothèque d’un immeuble ou encore la conclusion de baux commerciaux dépassant le cadre d’une gestion normale ;
- L’étendue des pouvoirs conférés au mandataire, incluant les limites éventuelles à l’exercice de ces pouvoirs.
- Les actes de disposition ne peuvent être accomplis qu’avec une autorisation explicite, afin de préserver les droits des indivisaires et d’éviter tout abus.
- La jurisprudence veille également à encadrer ces mandats pour garantir la protection des indivisaires minoritaires.
- Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la vente d’un bien indivis ne peut être valablement réalisée qu’en vertu d’un mandat spécial (Cass. 1re civ., 12 juin 2013, n° 12-17.419).
- À la différence du mandat général, un mandat spécial doit être régularisé chaque fois qu’un acte de disposition est envisagé, ou, à tout le moins, chaque fois que les indivisaires entendent recourir au mécanisme de la représentation expresse pour accomplir un tel acte.
- Mandat général
- Dans le silence des textes, le mandat donné par les indivisaires en vertu de l’article 815-3, alinéa 1er du Code civil peut être général ou spécial, selon l’objet des actes à accomplir et leur portée sur le patrimoine indivis.
- Formalisme et preuve
- Mandat général
- Aucun formalisme spécifique n’est imposé par les textes pour le mandat général.
- Il peut être établi verbalement ou par écrit, mais un écrit est vivement conseillé pour prévenir tout litige, notamment afin de clarifier les intentions des parties et d’éviter les contestations ultérieures.
- La preuve d’un mandat verbal reste néanmoins admise dans certaines circonstances, particulièrement dans un cadre familial ou commercial, comme l’a reconnu la Cour de cassation dans un arrêt du 16 juin 1987 (Cass. 1re civ., 16 juin 1987, n° 84-17.840).
- Mandat spécial
- Contrairement au mandat général, le mandat spécial nécessite un formalisme plus strict.
- Un écrit est indispensable, car il permet de définir précisément la nature des actes autorisés et l’étendue des pouvoirs conférés au mandataire.
- Cette exigence garantit la protection des droits des indivisaires, en particulier pour les actes de disposition qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le patrimoine indivis.
- L’absence d’écrit pourrait exposer le mandat à des contestations, notamment sur l’interprétation des pouvoirs conférés ou sur la validité des actes accomplis.
- Mandat général
- Révocation
- Le mandat, qu’il soit général ou spécial, peut être révoqué par les indivisaires mandants à tout moment.
- Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un mandat d’intérêt commun – notamment lorsque le mandat a été confié à un indivisaire ou à un tiers pour protéger un intérêt partagé par tous les indivisaires – la révocation requiert également le consentement du mandataire (CA Paris, 18 déc. 1998, n° 1996/84624.
- Cette limitation vise à éviter que la révocation unilatérale ne porte atteinte à l’équilibre des intérêts en jeu dans la gestion de l’indivision.
==>Le domaine du recours à la représentation expresse
Le domaine d’application de la représentation expresse s’étend à de nombreux actes juridiques :
- Les actes d’administration
- Le mandat général confère au mandataire la possibilité de réaliser des actes relevant de l’administration ordinaire des biens indivis.
- Cela inclut, par exemple, l’encaissement des loyers, la gestion des relations locatives ou la prise en charge des travaux d’entretien.
- Ces actes sont directement rattachés à l’exploitation normale des biens indivis et ne requièrent pas l’unanimité des indivisaires (article 815-3, alinéa 1er).
- Les actes de disposition
- Les actes qui modifient de manière significative la structure du patrimoine indivis, tels que la vente ou l’hypothèque d’un bien, nécessitent un mandat spécial, en vertu de l’article 1988 du Code civil.
- Ces actes, en raison de leur gravité, doivent répondre à des exigences de forme strictes pour être valables.
- Particularités en indivision successorale
- L’article 813 du Code civil prévoit un cadre spécifique pour la désignation d’un mandataire en indivision successorale.
- Si les héritiers peuvent confier un mandat à l’un d’eux ou à un tiers, la désignation d’un mandataire judiciaire est requise lorsque l’un des héritiers a accepté la succession à concurrence de l’actif net (article 813, alinéa 2).
- Cette exigence vise à garantir une gestion impartiale dans des contextes potentiellement conflictuels.
- Mandat confié à un tiers
- Le recours à un tiers comme mandataire est désormais expressément admis par les articles 813 et 815-3 du Code civil.
- Cette option présente l’avantage de garantir une gestion neutre et impartiale, particulièrement dans les indivisions conflictuelles.
- La jurisprudence avait déjà validé cette possibilité avant la réforme entreprise par la loi du 23 juin 2006 (Cass. 1re civ., 16 juin 1987, n° 84-17.840).
II) La représentation tacite
==>Reconnaissance légale de la représentation tacite
La représentation tacite, bien qu’ayant donné lieu à des débats doctrinaux au XIXe siècle, est reconnue par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, introduit par la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976.
Cette disposition établit une présomption légale permettant à un indivisaire de représenter les autres sans qu’un mandat exprès soit nécessaire, dès lors que certaines conditions sont réunies.
Le texte prévoit en ce sens que « si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
Cette règle s’inspire des mécanismes déjà présents en matière de régimes matrimoniaux, notamment dans les articles 1432 et 1540 du Code civil, qui prévoient des présomptions similaires entre époux. Elle introduit ainsi une flexibilité dans la gestion des indivisions, permettant de contourner les rigidités inhérentes à la règle de l’unanimité.
==>Notion de représentation tacite
La représentation tacite repose sur une présomption légale, ce qui la distingue du mandat exprès.
Elle se caractérise par l’absence de manifestation formelle de volonté entre les indivisaires, tant pour le mandant que pour le mandataire.
L’article 815-3, alinéa 4, institue une fiction juridique selon laquelle un indivisaire, ayant pris en main la gestion des biens indivis au vu et au su des autres sans opposition de leur part, est réputé avoir reçu un mandat tacite.
==>Les conditions de la représentation tacite
La mise en œuvre de la représentation tacite repose sur deux conditions cumulatives clairement définies par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil : la connaissance des coïndivisaires et l’absence d’opposition.
- La connaissance des autres indivisaires
- L’établissement d’un mandat tacite suppose, en premier lieu, que les coïndivisaires soient informés des actes accomplis par l’indivisaire qui prend en main la gestion des biens indivis.
- Cette condition repose sur une exigence de transparence et d’information, nécessaire pour éviter tout abus de la part du mandataire tacite.
- L’article 815-3, alinéa 4, souligne l’importance que les actes de gestion soient réalisés « au su des autres », c’est-à-dire de manière visible et connue de tous.
- La connaissance peut résulter d’une information directe ou d’une simple constatation des actes posés par l’indivisaire mandataire.
- Il n’est pas nécessaire que les coïndivisaires soient consultés ou qu’ils aient expressément approuvé les actes, mais leur silence doit être fondé sur une prise de conscience de la gestion en cours.
- Par exemple, dans un arrêt du 12 mars 1997, la Cour de cassation a admis l’existence d’un mandat tacite dans une situation où un indivisaire avait représenté les autres lors d’assemblées générales de copropriété, sans opposition explicite de leur part (Cass. 3e civ., 12 mars 1997, n°94-16.766).
- Si les autres indivisaires n’ont pas été informés ou n’ont pas eu la possibilité de prendre connaissance des actes réalisés, la présomption de mandat tacite ne peut être retenue.
- Dans un arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation a ainsi précisé que l’absence de preuve d’une information suffisante empêchait de considérer qu’un mandat tacite avait été conféré (Cass. 1ère civ., 12 juin 2013, n°12-17.419).
- L’absence d’opposition
- La deuxième condition de validité du mandat tacite est l’absence d’opposition des coïndivisaires à la gestion entreprise par l’indivisaire.
- Cette absence d’opposition constitue une forme de consentement tacite, permettant à l’indivisaire gestionnaire d’agir sans formalisation préalable d’un mandat exprès.
- L’opposition doit être claire, non équivoque et portée à la connaissance de l’indivisaire gestionnaire.
- Une opposition implicite ou un simple désaccord non exprimé ne suffisent pas à faire obstacle à la présomption de mandat.
- L’opposition peut intervenir à tout moment et met immédiatement fin à la représentation tacite pour l’avenir.
- Dans un arrêt du 11 octobre 2000 a jugé en ce sens que l’opposition exprimée avant l’exécution des actes éteignait la présomption de mandat tacite (Cass. 3e civ., 11 oct. 2000, n°99-10.216).
- Une fois les actes réalisés, un coïndivisaire ne peut revenir sur son absence d’opposition pour contester rétroactivement la validité des actes.
- A cet égard, il est admis que l’opposition n’a pas à être renouvelée pour chaque acte si elle vise une gestion globale ou un domaine spécifique.
- En revanche, si l’opposition porte uniquement sur un bien indivis déterminé, le mandat tacite peut subsister pour les autres biens (V. en ce sens Cass. 3e civ., 12 avril 1995, n° 92-20.732)
==>Domaine de la représentation tacite
La représentation tacite, prévue par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, repose donc sur une présomption légale permettant à un indivisaire de gérer les biens indivis pour le compte de tous, sous réserve de certaines conditions.
Ce texte, introduit par la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976, prévoit expressément que le mandat tacite « couvre les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
Aussi, tous les actes ne sont pas couverts par le mandat tacite, l’objectif recherché par le législateur étant de préserver un équilibre entre la souplesse de gestion des biens indivis et la protection des droits des coïndivisaires.
- Actes couverts par le mandat tacite
- Conformément à l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, seuls les actes d’administration relèvent du domaine du mandat tacite.
- Ces actes, indispensables à la gestion courante, comprennent notamment :
- Travaux de conservation et d’amélioration
- Les travaux visant à maintenir ou améliorer l’état des biens indivis relèvent des actes d’administration.
- Dans un arrêt du 10 octobre 1995, la Cour de cassation a jugé que de tels travaux, entrepris par un indivisaire au su des autres et sans opposition de leur part, étaient valablement couverts par un mandat tacite.
- Les coïndivisaires, en l’espèce, ont été tenus solidairement au paiement des frais engagés (Cass. 1re civ., 10 oct. 1995, n° 93-14.788).
- Perception des loyers et entretien courant
- Les opérations régulières, telles que la perception des revenus issus des biens indivis ou leur entretien, entrent également dans le cadre du mandat tacite.
- Ces actes visent à assurer la continuité de la gestion et à préserver la valeur des biens indivis.
- Paiement des charges et taxes
- Le règlement des dépenses liées à l’entretien ou aux charges fiscales constitue un acte d’administration nécessaire, dès lors qu’il s’inscrit dans l’intérêt commun des coïndivisaires.
- Travaux de conservation et d’amélioration
- Actes exclus par le mandat tacite
- L’article 815-3, alinéa 4 précise que les actes de disposition, ainsi que la conclusion ou le renouvellement des baux, ne peuvent être accomplis sans un mandat exprès.
- Actes de disposition
- Les actes modifiant de manière significative la structure patrimoniale de l’indivision, tels que la vente d’un bien indivis ou la souscription d’une hypothèque, sont exclus du mandat tacite.
- Dans un arrêt du 23 mai 1995 la Cour de cassation a ainsi considéré que l’acceptation d’une notification relative à une condition résolutoire stipulée dans un acte de vente ne relevait pas d’un acte d’administration (Cass. 3e civ., 23 mai 1995, n° 93-10.617).
- Ce type d’acte exige un mandat exprès, garantissant une décision éclairée et concertée des indivisaires.
- Conclusion et renouvellement de baux
- En raison des droits conférés aux preneurs et de leurs conséquences sur la jouissance et la valorisation des biens, la conclusion ou le renouvellement de baux nécessite un mandat spécial exprès.
- La Cour de cassation a fait application de cette règle dans un arrêt du 25 octobre 2005 aux termes duquel elle a rappelé qu’un mandat tacite ne permettait pas de couvrir la conclusion d’un bail rural (Cass. 1ère civ., 25 oct. 2005, n°03-14.320).
- Actes de disposition
- L’article 815-3, alinéa 4 précise que les actes de disposition, ainsi que la conclusion ou le renouvellement des baux, ne peuvent être accomplis sans un mandat exprès.
- Actes soulevant des difficultés de qualification
- L’article 815-3, alinéa 4 du Code civil dispose que le mandat tacite ne couvre que les actes d’administration, à l’exclusion des actes de disposition, ainsi que de la conclusion ou du renouvellement de baux.
- Cette distinction, en apparence claire, peut toutefois poser des difficultés dans certaines situations, en raison de la nature hybride de certains actes, nécessitant une appréciation au cas par cas.
- Cette difficulté de qualification peut être illustrée par un arrêt de la Cour de cassation rendu le 23 mai 1995 (Cass. 3e civ., 23 mai 1995, n°93-10.617).
- Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer si l’acceptation d’une notification mettant en œuvre une condition résolutoire pouvait être couverte par un mandat tacite.
- Deux indivisaires avaient vendu un bien indivis sous condition résolutoire stipulant qu’aucun recours contre le permis de construire ne devait être engagé.
- Un recours ayant été formé, l’acquéreur notifia cette condition à l’un des indivisaires, qui avait pris en charge la gestion de la vente au su de l’autre, sans opposition.
- La Cour d’appel considéra que cet acte était bien couvert par un mandat tacite, car se limitant à porter à la connaissance du vendeur l’existence d’un fait juridique.
- Cependant, la Cour de cassation cassa cette décision considérant que l’acceptation d’une notification mettant en œuvre une condition résolutoire constituait un acte de disposition, lequel ne saurait être couvert par un mandat tacite. Un mandat exprès était donc nécessaire.
- Un autre exemple révélateur des difficultés de qualification concerne l’emprunt contracté dans le cadre d’une indivision.
- La Cour de cassation a eu à connaître de cette question dans un arrêt du 12 novembre 1986 (Cass. 1re civ., 12 nov. 1986, n° 85-12.238).
- Dans cette affaire, deux indivisaires, anciens époux, étaient copropriétaires d’une exploitation agricole acquise durant leur mariage sous le régime de la séparation de biens.
- Pendant la période d’indivision, l’un des indivisaires, le mari, avait emprunté des fonds auprès de ses parents pour régler une partie du passif de l’exploitation agricole.
- Après leur divorce, l’autre indivisaire, l’ex-épouse, fut condamnée à rembourser la moitié de cet emprunt, au titre de sa part dans l’indivision.
- La question posée ici portait sur la qualification juridique d’un emprunt contracté par un indivisaire : cet acte pouvait-il être considéré comme un acte d’administration, susceptible d’être couvert par un mandat tacite, ou devait-il être qualifié d’acte de disposition, nécessitant alors l’établissement préalable d’un mandat exprès ?
- L’hypothèse de l’acte d’administration repose sur la finalité de l’emprunt, qui visait ici à financer les frais indispensables à la gestion courante de l’exploitation agricole indivise. Dans ce cadre, un mandat tacite pourrait être reconnu, l’acte s’inscrivant dans le prolongement des opérations nécessaires à la préservation et à l’administration des biens indivis.
- L’hypothèse de l’acte de disposition, en revanche, trouve appui sur les conséquences financières importantes et durables d’un emprunt, lesquelles justifient traditionnellement qu’il soit qualifié d’acte de disposition, excluant de fait la possibilité de recourir à un mandat tacite.
- Entre ces deux approches, la Cour de cassation a retenu la première, celle adoptée par les juges du fond, qui avaient implicitement retenu l’existence d’un mandat tacite conféré par l’ex-épouse à son coïndivisaire.
- Cette dernière a, en effet, estimé que, bien que l’emprunt soit par nature un acte grave, il pouvait, au regard des circonstances spécifiques, être rattaché à l’administration de l’indivision.
- Cette solution repose sur le constat que l’emprunt avait pour objet de régler le passif de l’exploitation agricole, une opération jugée nécessaire pour assurer la gestion et la pérennité des biens indivis.
- Elle doit toutefois être appréhendée avec prudence.
- La Cour de cassation n’a nullement établi un principe général selon lequel un emprunt pourrait être systématiquement couvert par un mandat tacite.
- La qualification demeure étroitement liée aux circonstances de chaque affaire, et un mandat exprès reste requis dans les cas où l’emprunt dépasse les besoins de la gestion courante de l’indivision.