Gdroit

Header G-droit - Navigation par Onglets

Sanction de la déclaration de sinistre frauduleuse : la réponse civile (déchéance du droit à garantie)

La déclaration de sinistre est d’abord un exercice de vérité : l’assuré doit exposer fidèlement les faits et transmettre les pièces utiles, car l’assureur instruit le dossier sur la seule base de ces éléments. Dès qu’apparaît une altération volontaire de la réalité — sinistre fictif, circonstances arrangées, surévaluation délibérée — on n’est plus dans l’approximation ou le simple retard, mais dans la fraude.

Cette qualification emporte des réponses plus fermes. Au civil, la déchéance ne peut jouer qu’en vertu d’une clause valable et opposable et suppose la preuve de la mauvaise foi ; si l’assuré a provoqué le dommage, la garantie est exclue pour faute intentionnelle. Au pénal, les mêmes faits sont susceptibles de constituer des manœuvres frauduleuses (escroquerie) ou des faux. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’examen des sanctions de la déclaration frauduleuse.

Nous nous focaliserons ici sur la réponse civile.

==>Principe

La déchéance pour déclaration frauduleuse n’opère jamais de plein droit : c’est une sanction contractuelle. Elle ne peut jouer que si la police contient une clause de déchéance, présentée en caractères très apparents (C. assur., art. L. 112-4), et si l’assureur prouve la mauvaise foi de l’assuré. La Cour de cassation est constante : une simple inexactitude, un oubli ou une approximation ne suffisent pas ; il faut une intention de tromper (Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, n° 17-20.491). À l’inverse, lorsque l’assuré provoque lui-même le dommage, on quitte le terrain de la déchéance post-sinistre : la garantie est exclue pour faute intentionnelle (C. assur., art. L. 113-1).

==>Preuve

La mise en œuvre suit un enchaînement simple. D’abord, l’assureur doit produire la clause et établir la fraude : altération volontaire des faits, mise en scène, surévaluation sciemment exagérée, etc. Ensuite, une fois la mauvaise foi caractérisée, la déchéance n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice de l’assureur : cette exigence ne vaut que pour la tardiveté visée par l’article L. 113-2, 4° (v. Cass. 1re civ., 28 nov. 2001).

==>Absence de contrôle de proportionnalité

La Cour de cassation fixe nettement la règle : la déchéance de garantie pour fausse déclaration post-sinistre, dès lors qu’elle est librement stipulée en caractères très apparents et subordonnée à la preuve de la mauvaise foi de l’assuré, « ne saurait constituer une sanction disproportionnée » (Cass. 2e civ., 15 déc. 2022, n°20-22.836). Il n’y a donc pas lieu de conduire un contrôle de proportionnalité. En pratique : à partir du moment où l’assureur prouve la mauvaise foi, le juge n’a pas à “moduler” l’effet de la clause ; l’assureur peut s’en prévaloir. Dans l’affaire jugée, la Cour d’appel avait constaté la mauvaise foi de l’assurée et appliqué la déchéance ; la Cour de cassation approuve cette démarche, relevant qu’à bon droit la cour d’appel n’a pas examiné la proportionnalité et a rejeté le pourvoi fondé sur l’art. 1er du Protocole n° 1 CEDH.

==>Sanctions civiles complémentaires

Indépendamment — ou à défaut — de la déchéance, la fraude peut justifier la résiliation pour manquement à la bonne foi (C. civ., art. 1104 ; TGI Lyon, 11 mai 1984) et la restitution de toute somme indûment versée (responsabilité contractuelle / répétition de l’indu). L’éventuelle inscription d’incidents dans des fichiers professionnels (AGIRA) relève, pour sa part, du régime des données à caractère personnel sous le contrôle de la CNIL.

Bloc Sidebar Algoris Avocats