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Le recours subrogatoire de l’assureur : fondements et principes généraux du recours subrogatoire

Si le sinistre déclenche d’abord une obligation pour l’assureur — celle d’indemniser son assuré conformément au contrat —, il ouvre symétriquement des prérogatives qui tempèrent cette charge. L’assurance n’est pas un mécanisme à sens unique : elle repose sur un équilibre. L’assureur, tenu de verser l’indemnité, doit pouvoir, en retour, préserver ses intérêts et rétablir la charge définitive du dommage là où elle doit revenir.

Cette contrepartie s’exprime principalement à travers deux droits reconnus à l’assureur. Le premier est le recours subrogatoire, par lequel l’assureur, après paiement, se substitue à l’assuré pour agir contre le responsable du sinistre. Le second est le droit de résiliation, qui permet, dans certaines hypothèses, de mettre fin au contrat après sinistre afin de maîtriser le risque et d’éviter une aggravation future.

Ces prérogatives, différentes dans leur objet mais complémentaires dans leur fonction, rappellent que l’équilibre du rapport assurantiel ne réside pas seulement dans l’obligation d’indemniser : il suppose aussi que l’assureur conserve les moyens de limiter l’exposition au risque et de répercuter la charge du dommage sur son véritable débiteur.

Nous nous focaliserons ici sur le recours subrogatoire de l’assureur.

La question centrale est simple : qui doit, en définitive, porter le poids d’un dommage ? En pratique, c’est l’assureur qui intervient le premier, en exécutant la garantie due à son assuré. Mais cette intervention n’a pas pour objet de créer un gain chez la victime, ni d’effacer la dette du responsable. Le droit cherche donc à organiser le passage de la charge du dommage de celui qui a payé — l’assureur — vers celui qui devait répondre du sinistre — l’auteur ou son assureur de responsabilité.

C’est précisément la fonction du recours subrogatoire. Par ce mécanisme, l’assureur qui a indemnisé son assuré se trouve investi, à due concurrence de son paiement, des droits et actions que celui-ci détenait contre le tiers responsable. La subrogation ne crée pas une créance nouvelle, elle transfère une créance existante : la dette reste identique dans son objet et sa mesure, seul change le titulaire.

En cela, le recours subrogatoire exprime une double exigence : protéger l’assuré, indemnisé sans attendre, et rétablir l’équilibre en faisant peser, in fine, la charge sur le véritable débiteur. Il s’inscrit dans une architecture plus large, où coexistent d’autres instruments de réallocation — action directe, appel en garantie, contribution entre coresponsables — mais il occupe une place singulière : celle de l’« après-paiement », lorsque l’assureur prend la relève de son assuré pour rétablir la juste répartition des responsabilités.

Nous nous focaliserons ici sur les fondements et les principes généraux du recours subrogatoire.

a. Principe du recours subrogatoire

Née du latin subrogare, la subrogation dit l’idée de remplacement. Le droit en connaît deux visages : réelle, lorsqu’une chose en remplace une autre dans un patrimoine ; personnelle, lorsqu’une personne se substitue à une autre dans un rapport d’obligation. C’est cette dernière qui intéresse l’assurance : elle permet que celui qui a payé pour autrui prenne la place du créancier et poursuive le véritable débiteur.

En assurance de dommages, le mécanisme est d’une grande simplicité (C. assur., L.121-12). Dès qu’il a versé l’indemnité, l’assureur est subrogé “à concurrence du paiement” dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable (C. assur., L.121-12). Concrètement : le paiement éteint la dette de l’assureur envers son assuré ; dans le même temps, la créance que l’assuré détenait contre le responsable est transférée à l’assureur, avec ses accessoires (sûretés, prescriptions, etc.), et seulement dans la limite des sommes réglées (C. civ., 1346 s.).

Face à l’assureur subrogé, le tiers répond comme il répondrait à l’assuré : mêmes défenses, mêmes limites, rien de plus, rien de moins (C. civ., art. 1346-5). Il peut ainsi discuter le quantum, opposer la compensation, invoquer un partage de responsabilité et toutes exceptions inhérentes à la dette. Symétriquement, l’assuré indemnisé perd qualité à agir pour la part payée ; il ne conserve que le reliquat (franchise, insuffisance d’indemnité). En cas de paiement partiel, la loi protège le créancier d’origine : nul n’est censé s’être subrogé contre soi (nemo contra se subrogare censetur) ; l’assuré exerce par préférence ses droits pour ce qui lui reste dû, l’assureur venant après lui (C. civ., art. 1346-3).

Parce qu’elle n’est que l’accessoire d’un paiement, la subrogation ne transmet la créance qu’à due concurrence des sommes réglées ; les intérêts dus au subrogé obéissent, en principe, au taux légal à compter d’une mise en demeure, sauf convention nouvelle (C. civ., art. 1346-4). Pour le débiteur, la subrogation devient opposable lorsqu’il en a été notifié ou qu’il en a pris acte ; pour les tiers, elle produit effet dès le paiement (C. civ., art. 1346-5). Tout l’équilibre tient là : préserver le débiteur contre une aggravation de sa situation, sans frustrer l’équité qui commande que le payeur final ne soit pas celui qui n’était pas responsable.

Il importe, enfin, de ne pas confondre. la cession de créance transporte la créance comme on passe un flambeau. Elle n’attend aucun paiement préalable : le cessionnaire devient créancier pour le montant nominal, quel qu’ait été le prix de cession. Rien ne change pour le débiteur, sinon le nom de celui qui frappe à sa porte.

La délégation emprunte une autre voie. C’est un accord à trois voix où le débiteur présente un tiers au créancier ; ce tiers s’oblige directement envers lui. Nulle transmission de la créance initiale : on crée une dette nouvelle, parfois à côté de l’ancienne, parfois à sa place.

La subrogation, elle, ne vit qu’au rythme du paiement. Parce que quelqu’un a payé, il prend la place du créancier dans la même créance, avec ses accessoires, et à due concurrence seulement (C. civ., art. 1346 s. ; C. assur., L.121-12). La dette ne change ni d’objet ni de mesure ; seul le créancier change. Voilà pourquoi la subrogation n’est pas une simple technique de transfert, mais l’ombre portée d’un règlement : elle naît du paiement, elle se limite au paiement, elle suit le paiement.

L’action directe ne lui ressemble pas davantage. C’est un droit propre de la victime contre l’assureur du responsable : elle s’exerce sans qu’un paiement préalable ait été fait au profit de la victime par son propre assureur, et sans passer par la créance de celle-ci.

Quant à l’appel en garantie, il relève de la précaution d’avant-paiement : on appelle le garant pour qu’il prenne le relais si la condamnation survient. Le recours subrogatoire, au contraire, est un après-coup : il ne s’ouvre qu’une fois le règlement effectué, lorsque le payeur légitime vient chercher, chez le véritable débiteur, la charge finale du dommage.

b. Fondements

i. Genèse

Avant 1930, l’assureur ne disposait d’aucun recours automatique contre l’auteur du dommage. La Cour de cassation l’écartait au nom de l’effet relatif des conventions : le contrat d’assurance ne liait que l’assureur et l’assuré, le tiers responsable restant étranger au pacte (Cass. civ., 6 janv. 1914). La loi du 13 juillet 1930 a rompu avec cette position. Son article 36 — aujourd’hui codifié à l’article L. 121-12 du Code des assurances — dispose que l’assureur qui a payé l’indemnité est de plein droit subrogé, à concurrence de ce paiement, dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable. Autrement dit, le paiement opéré par l’assureur déclenche la subrogation et en fixe la mesure : l’assureur prend la place de l’assuré, mais seulement pour les sommes réglées.

Conçu d’abord pour l’assurance de dommages, ce mécanisme a été étendu par des textes spéciaux qui en ont reproduit la logique : en transport (C. assur., art. L. 172-29), en assurance aérienne et aéronautique (art. L. 175-29) et en assurance spatiale (art. L. 176-1). S’agissant des assurances de personnes, la subrogation n’a été admise que pour les prestations présentant un caractère indemnitaire, à la suite de la loi du 16 juillet 1992 désormais inscrite à l’article L. 131-2 du Code des assurances.

La jurisprudence a précisé, par étapes, la frontière entre prestations forfaitaires (sans subrogation) et prestations indemnitaire (ouvrant la subrogation). Par un arrêt du 17 mars 1993 (Cass. 1re civ., 17 mars 1993, n°91-11.665), la Cour de cassation décide que les prestations servies en exécution d’un contrat d’assurance de personnes « revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu’elles sont calculées en fonction d’éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi ». En l’espèce, la garantie de ressources complétait, à concurrence de 100 % du salaire de base défini par le contrat, les prestations de sécurité sociale ou les fractions de salaire : la Cour d’appel avait pu en déduire, sans dénaturation, qu’il s’agissait d’une assurance de personnes à logique non indemnitaire, excluant la subrogation.

Cette approche a été nuancée par l’Assemblée plénière le 19 décembre 2003 (Ass. plén., 19 déc. 2003, n°01-10.670). La Cour de cassation énonce dans cet arrêt d’abord que le seul mode de calcul en fonction d’éléments prédéterminés ne suffit pas, à lui seul, à exclure le caractère indemnitaire. Mais, au vu du contrat jugé, elle constate deux points : (i) le contrat de prévoyance de groupe ne comportait aucune disposition spécifique pour le cas d’accident de la circulation ; (ii) les prestations versées au titre de l’incapacité temporaire totale et de l’incapacité permanente partielle étaient indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d’attribution, des règles de la réparation du préjudice selon le droit commun. De ces constatations, l’Assemblée plénière déduit que ces prestations n’avaient pas de caractère indemnitaire et rejette le pourvoi : pas de subrogation dans ce cas.

Il s’en déduit une méthode simple : la qualification est in concreto. L’étiquette (« forfaitaire »/« indemnitaire ») ou l’existence d’un barème prédéterminé ne décident pas à elles seules. Ce qui importe, c’est de savoir si, par ses modalités de calcul et d’attribution, la prestation est arrimée aux règles de réparation du droit commun et répare effectivement un dommage objectivable : dans ce cas, elle est indemnitaire et peut ouvrir la subrogation (en assurances de personnes, C. assur., art. L. 131-2). À l’inverse, si la prestation demeure indépendante de cette logique de réparation, elle reste forfaitaire et n’ouvre pas droit à la subrogation.

Enfin, on rappelle le cadre général : la subrogation de l’assureur est une institution d’origine légale et spéciale (loi du 13 juillet 1930, aujourd’hui C. assur., art. L. 121-12), généralisée dans plusieurs branches (transports : L. 172-29 ; aérien/aéronautique : L. 175-29 ; spatial : L. 176-1). Elle suppose toujours un paiement préalable par l’assureur et se mesure à concurrence de ce paiement (L. 121-12), tandis qu’en assurances de personnes elle n’est ouverte que pour les prestations à caractère indemnitaire (L. 131-2).

ii. Ratio legis

La subrogation de l’assureur a pour finalité d’assurer l’effectivité du principe indemnitaire : l’assuré ne doit pas cumuler l’indemnité d’assurance avec la réparation due par l’auteur du dommage et le responsable ne doit pas tirer avantage de l’intervention de l’assureur. En d’autres termes, une fois l’indemnité versée, la charge finale du dommage doit revenir à celui qui l’a causé, conformément à la logique de l’article L. 121-1 du Code des assurances.

Pour atteindre ce résultat, la loi organise une substitution de créancier qui déroge à l’effet relatif des contrats. Après paiement, l’assureur est de plein droit subrogé dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable, et ce uniquement à concurrence des sommes réglées (C. assur., art. L. 121-12 ; C. civ., art. 1346). Cette substitution n’opère aucune novation : l’obligation du débiteur reste identique dans son objet, sa mesure et ses accessoires, seul change le titulaire de la créance. Le débiteur peut opposer à l’assureur subrogé toutes les exceptions qu’il pouvait opposer à l’assuré, ce que consacre l’article 1346-5 du Code civil.

La subrogation redistribue ainsi les rôles. L’assuré, indemnisé, perd qualité à agir pour la part déjà payée et ne conserve que son reliquat ; en cas de paiement partiel, il est payé par préférence pour ce reliquat, l’assureur venant ensuite, conformément à l’article 1346-3 du Code civil. Sur le plan probatoire, l’assureur justifie son droit à subrogation par la production du contrat et la preuve du paiement, sans qu’une cession ni une quittance subrogative ne soient nécessaires, la jurisprudence l’ayant clairement admis sous l’empire de l’article L. 121-12.

iii. Sources

Le fondement principal du recours subrogatoire de l’assureur réside à l’article L. 121-12 du Code des assurances. La subrogation naît du paiement de l’indemnité et elle opère de plein droit. L’assureur n’a pas à procéder à une cession de créance ni à faire signer une quittance subrogative pour exercer le recours. La Cour de cassation l’a admis de longue date (Cass. 1re civ., 5 avr. 1978), et le Conseil d’État a confirmé que l’administration ne peut pas exiger une quittance pour reconnaître la subrogation (CE, 23 déc. 2011, n° 335946). En pratique, la preuve est simple : la production du contrat et la justification du paiement suffisent (Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n° 10-26.362). Le Conseil d’État a également jugé que ce droit de subrogation s’exerce quelle que soit la cause du dommage, y compris lorsque l’état de catastrophe naturelle a été déclaré, et sans que la présence d’une réassurance y fasse obstacle (CE, 31 mai 2021, n° 434733).

En dehors du droit spécial des assurances, la subrogation peut résulter du droit commun. L’article 1346 du Code civil prévoit une subrogation légale lorsque celui qui paie a intérêt à le faire et entend reprendre la créance contre le débiteur final. La Cour de cassation a ainsi admis qu’un assureur, ayant désintéressé le créancier, puisse se retourner contre la personne sur qui doit peser la charge définitive de la dette sur le fondement de l’ancien article 1251, devenu l’article 1346 (Cass., 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-25.399). L’article 1346-1 du Code civil autorise, en outre, la subrogation conventionnelle : l’assureur peut recueillir une quittance subrogative. Cette quittance n’est pas une condition de la subrogation légale de l’article L. 121-12, mais elle renforce la sécurité juridique du recours lorsque l’assureur souhaite, au besoin, cumuler les fondements.

A cet égard, ’assureur peut choisir le fondement le plus approprié à la situation (droit spécial, droit commun légal, ou subrogation conventionnelle). Il peut, en cause d’appel, invoquer un autre fondement juridique poursuivant les mêmes fins sans encourir l’irrecevabilité pour prétention nouvelle, dès lors que la demande tend au même résultat au sens de l’article 565 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-12.593). Le droit né du paiement peut aussi être exercé à un stade procédural ultérieur : l’assureur peut se substituer à son assuré en appel ou agir dans une instance distincte lorsque les conditions de la subrogation sont réunies.

c. Domaine

i. Les situations qui ouvrent droit à la subrogation

La subrogation naît d’abord du paiement effectué par l’assureur et elle opère de plein droit en assurance de dommages sur le fondement de l’article L. 121-12 du Code des assurances; la production de la police et la preuve du paiement suffisent à l’établir, sans qu’une cession de créance ni une quittance subrogative ne soient nécessaires (Cass. 1re civ., 5 avr. 1978)

Des textes spéciaux couvrent ensuite des domaines matériels où la subrogation s’applique de la même façon. En assurance maritime, l’article L. 172-29 prévoit que l’assureur acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l’assuré nés des dommages garantis ; des textes identiques existent en assurance aérienne et aéronautique (art. L. 175-29) et en assurance spatiale (art. L. 176-1), tandis que les risques de catastrophes technologiques donnent également lieu à subrogation légale au profit de l’assureur intervenant (art. L. 128-3). En assurance des véhicules terrestres à moteur, la loi organise un cas particulier de subrogation lorsque la garde ou la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, ce qui impose de démontrer la soustraction frauduleuse du véhicule ou l’absence d’autorisation (C. assur., art. L. 211-1, al. 3 ; v. notamment Cass. 1re civ., 9 juin 1993).

Le mécanisme joue aussi en assurance de responsabilité. L’assureur de responsabilité qui a indemnisé la victime est subrogé dans ses droits contre les autres tiers responsables, à proportion de leur part, et il n’a pas besoin d’une décision préalable établissant la faute de son assuré pour exercer son action contre ces tiers (Cass. 3e civ., 25 avr. 2007, n°05-17.839). Plus largement, la Cour de cassation rappelle que même le débiteur qui s’acquitte d’une dette personnelle peut prétendre à la subrogation, légale ou conventionnelle, s’il a libéré, envers le créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette (Cass. 1re civ., 24 oct. 2000, n° 98-22.888). Le Conseil d’État admet, dans la même logique, la possibilité d’une double subrogation au profit de l’assureur, à la fois dans les droits de la victime sur le fondement de l’article 1346 du Code civil et dans les droits de son assuré sur le fondement de l’article L. 121-12 (CE, 20 déc. 2022, n° 445319).

En assurances de personnes, la subrogation est ouverte lorsque les prestations présentent un caractère indemnitaire au sens de l’article L. 131-2 du Code des assurances ; c’est aussi le cas lorsque l’assureur intervient comme tiers payeur au sens des articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, pour les frais médicaux et de rééducation, les indemnités journalières, les prestations d’invalidité et les salaires maintenus qui sont alors subrogatoires de plein droit. L’assurance dite « d’avance sur recours », prévue par l’article L. 131-2, alinéa 2, combiné avec l’article L. 211-25, ouvre également le recours subrogatoire contre le tiers responsable dans la limite du solde subsistant après les paiements des tiers payeurs de la loi de 1985 ; la subrogation demeure ainsi possible lorsque la prestation est véritablement indemnitaire dans sa logique de calcul et d’attribution.

D’autres acteurs bénéficient d’un droit de subrogation légal, ce qui étend encore le domaine. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (art. L. 421-9 à L. 421-13), le Fonds de garantie des assurés contre la défaillance d’entreprises d’assurance de personnes (art. L. 423-1 et s.) et le FIVA (loi du 23 décembre 2000, art. 53, VI) sont subrogés à due concurrence des prestations servies ; la juridiction administrative admet que cette action s’exerce aussi contre des personnes publiques lorsqu’aucune disposition n’y fait obstacle (CAA Versailles, 13 mars 2007). En coassurance, la société apéritrice est présumée investie d’un mandat général de représentation et peut agir par subrogation pour la totalité de l’indemnité, sous réserve d’établir la coassurance, sa qualité d’apériteur et la quittance subrogative mentionnant le règlement par tous les coassureurs (Cass. com., 21 nov. 2018, n° 17-23.598). Lorsque plusieurs lignes de garantie interviennent, le bénéfice du recours revient par priorité à l’assureur de seconde ligne dans la limite de ce qu’il a versé, le solde revenant à la première ligne (Cass. 1re civ., 28 nov. 1995, n° 93-12.904). En protection juridique, les frais engagés pour la défense des intérêts de l’assuré peuvent être recouvrés contre le tiers responsable sur le fondement de l’article L. 121-12 (Cass. 3e civ., 23 févr. 2017, n°16-11.740). En assurance-crédit, l’article L. 121-12 est applicable par renvoi légal (L. n° 72-650, 11 juill. 1972, art. 22), et en assurance-caution, l’article L. 443-1 autorise, par référence à l’article 1346 du Code civil, un recours subrogatoire contre le donneur d’ordre, ses coobligés et les autres cautions, ce texte ayant un caractère interprétatif confirmé par la jurisprudence (Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n° 17-22.624).

Enfin, lorsque l’assureur n’a pas lui-même la qualité d’assureur au sens de L. 121-12 (par exemple un GIE gestionnaire), la subrogation demeure ouverte sur le terrain conventionnel si une quittance subrogative a été donnée et si les contrats gérés sont produits pour établir l’étendue des garanties ; à défaut, l’article L. 121-12 est inapplicable en tant que tel, mais l’article 1346-1 du Code civil permet de fonder le recours (Cass. 1re civ., 2 oct. 2001, n°99-15.828).

ii. Les situations qui n’ouvrent pas droit à la subrogation

La subrogation ne s’exerce jamais contre l’assuré lui-même lorsque l’assureur lui a versé des prestations au titre d’une atteinte à la personne ; la seule action ouverte est l’action subrogatoire contre le tiers responsable ou son assureur, et non une action directe en remboursement contre l’assuré, sous peine de contourner la règle de priorité des tiers payeurs et la limite posée à l’article L. 211-25 (Cass. 2e civ., 23 oct. 2008, n°07-18.234). De manière plus générale, l’article L. 121-12, en son alinéa 1er, limite le périmètre personnel du recours « contre les tiers », ce qui exclut l’idée d’un recours de l’assureur contre son propre cocontractant au titre des sommes versées en exécution de la garantie.

La loi institue ensuite une immunité familiale qui fait obstacle au recours contre certaines personnes : l’assureur n’a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques et, plus largement, contre toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf malveillance (C. assur., art. L. 121-12, al. 3). Cette immunité ne s’étend pas à l’assureur de la personne protégée, de sorte qu’un recours demeure possible contre l’assureur de responsabilité de celle-ci, ce qu’a jugé la Cour de cassation en 2012 ; la jurisprudence admet en outre une articulation avec l’article L. 121-2 (garantie des personnes dont l’assuré répond), sous réserve de l’exclusion légale de l’article L. 121-8 en cas d’émeutes ou de mouvements populaires, qui prévaut sur l’ordre public de L. 121-2 (Cass. 2e civ., 8 mars 2006). La malveillance, longtemps définie par l’intention de nuire à la victime, a été précisée par l’Assemblée plénière afin d’éviter de vider la garantie de sa substance en présence d’actes volontaires de mineurs (Ass. plén., 13 nov. 1987, n°86-17.185).

La subrogation n’est pas davantage recevable devant la juridiction répressive puisque l’assureur ne dispose d’aucun recours subrogatoire devant le juge pénal ; le recours doit être exercé devant la juridiction civile compétente (Cass. crim., 9 févr. 1994, n°93-83.047). Elle peut encore échouer lorsque, par le fait de l’assuré, elle ne peut plus s’opérer ; la loi prévoit alors une sanction consistant à décharger l’assureur de tout ou partie de sa garantie (C. assur., art. L. 121-12, al. 2), hypothèse illustrée lorsque le comportement de l’assuré fait perdre le droit au recours, par exemple par une déclaration tardive ayant empêché l’exercice utile de l’action.

En assurances de personnes, la subrogation n’est pas ouverte lorsque les prestations servies sont véritablement « forfaitaires » au sens où leur calcul est indépendant du préjudice subi ; dans ce cas, elles ne relèvent pas de la logique indemnitaire visée par l’article L. 131-2 et ne peuvent fonder un recours subrogatoire, en dehors des cas où la loi l’organise comme tiers payeur (loi du 5 juillet 1985, art. 29 et 30) ou au titre de l’« avance sur recours » strictement encadrée par l’article L. 211-25. À l’inverse, si la prestation est indemnitaires dans ses modalités de calcul et d’attribution, la subrogation redevient possible, mais elle reste limitée par la priorité des tiers payeurs et par l’interdiction faite à l’assureur d’agir contre son assuré, même lorsque le contrat parle d’« avance ».

Des limites existent également du côté de l’assureur de responsabilité. Lorsqu’il exerce son recours contre un co-responsable, il doit conserver à sa charge la part de responsabilité imputable à son assuré dans la dette solidaire envers la victime ; il ne peut se subroger au-delà de ce que l’assuré devait supporter in fine (Cass. 2e civ., 24 oct. 2013, n°12-21.861). De plus, l’article L. 121-12 ne profite qu’aux véritables assureurs et non aux structures de gestion ; un GIE ne peut donc pas invoquer la subrogation légale spéciale et doit, à défaut, se placer sur le terrain de la subrogation conventionnelle, sous réserve d’en rapporter la preuve utile (Cass. 1re civ., 2 oct. 2001, n° 99-15.828).

La renonciation contractuelle au recours constitue enfin une cause d’exclusion volontaire de la subrogation. L’assureur peut valablement renoncer, par convention avec l’assuré, à exercer son recours contre le responsable, y compris lorsque la responsabilité encourue est délictuelle ou quasi délictuelle ; toutefois, sauf stipulation contraire, cette renonciation n’emporte pas renonciation à agir contre l’assureur de responsabilité de ce responsable, la jurisprudence ayant abandonné l’ancienne solution plus stricte (Cass. 1re civ., 26 mai 1993, n°91-11.362 et 91-11.770).

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