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Prime d’assurance : imputation des paiements

Le paiement de la prime occupe une place centrale dans l’économie du contrat d’assurance. Si la prime est généralement définie comme le prix du risque transféré à l’assureur, elle constitue surtout l’obligation essentielle de l’assuré, en contrepartie de la garantie de couverture. Alors que l’assureur n’est tenu d’exécuter sa prestation que si le risque se réalise, l’assuré doit s’acquitter d’une dette certaine et exigible, indépendamment de toute occurrence aléatoire. Cette dissymétrie confère à l’obligation de paiement une importance singulière : elle conditionne la validité et l’efficacité du contrat.

L’exigence est d’autant plus forte que la prime n’est pas une prestation purement individuelle: elle participe au financement d’un mécanisme collectif de mutualisation. Par le paiement, chaque assuré contribue à un fonds commun destiné à indemniser les sinistres de la collectivité. La régularité et la rigueur du paiement ne sont donc pas seulement une exigence contractuelle ; elles répondent également à une logique économique et sociale de solidarité.

Conscient de cet enjeu, le législateur a organisé autour du paiement de la prime un régime juridique spécifique et impératif. Les articles L. 113-2 et L. 113-3 du Code des assurances définissent respectivement l’obligation de payer et les conditions de son exigibilité, en fixant des règles de forme et de délai dont la méconnaissance est sanctionnée avec sévérité. La jurisprudence veille, quant à elle, à rappeler que l’assureur ne peut invoquer la suspension ou la résiliation qu’à la condition de respecter strictement ces prescriptions. La doctrine souligne ainsi que le paiement de la prime est le pivot de la relation contractuelle : sans prime, il n’y a pas de couverture ; sans couverture, le contrat perd son objet.

Nous nous focaliserons ici sur l’imputation des paiements.

La question de l’imputation des paiements se pose lorsque l’assuré est débiteur de plusieurs primes envers un même assureur – qu’il s’agisse de primes relatives à plusieurs contrats (notamment dans le cadre d’une mutuelle où un seul numéro de sociétaire regroupe différents contrats) ou de primes impayées sur plusieurs périodes d’un même contrat. Le droit des assurances ne comportant pas de règles spécifiques, le droit commun s’applique, tel qu’il résulte de l’article 1342-10 du Code civil (anciennement art. 1253 et 1256).

1. La faculté d’indication du débiteur

Le texte reconnaît au débiteur le droit de désigner la dette qu’il entend acquitter. L’indication peut être expresse (ex. : mention dans l’ordre de virement, dans la lettre accompagnant le chèque) ou implicite (ex. : paiement correspondant exactement au montant d’une prime déterminée). Cette liberté de choix permet à l’assuré de hiérarchiser ses engagements, notamment en fonction des garanties qui lui paraissent les plus essentielles.

2. L’absence d’indication : application du droit commun

À défaut d’indication, l’imputation obéit aux règles supplétives de l’article 1342-10, alinéa 2 :

  • priorité aux dettes échues sur les dettes non échues ;
  • parmi les dettes échues, priorité à celle que le débiteur a le plus d’intérêt à acquitter (par ex. : éviter des sanctions pénales liées au défaut d’assurance obligatoire) ;
  • à égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la dette la plus ancienne ;
  • à égalité parfaite, la répartition est proportionnelle entre les différentes dettes.

Ces règles, de nature supplétive, laissent au juge une marge d’appréciation pour déterminer l’« intérêt » en cause (Cass. 1re civ., 9 déc. 1997, n° 95-19.367).

3. Portée pratique et précautions

La mise en œuvre de ces règles appelle plusieurs observations pratiques :

  • il est toujours préférable pour l’assuré de préciser expressément, lors du règlement partiel, le contrat ou la période couverte par son paiement, afin d’éviter tout litige ;
  • l’assureur, de son côté, peut préciser dans la quittance l’imputation opérée, l’acceptation par l’assuré valant accord ;
  • en l’absence de précision, l’incertitude est source de contentieux, et les juridictions n’hésitent pas à mobiliser la notion d’« intérêt du débiteur » pour orienter l’imputation dans un sens protecteur (ex. : solder intégralement une prime plutôt que d’opérer une répartition proportionnelle qui laisserait plusieurs dettes partiellement impayées).
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