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Droits de l’assureur en cas d’indemnisation de l’assuré : la faculté de résiliation après sinistre

Si le sinistre déclenche d’abord une obligation pour l’assureur — celle d’indemniser son assuré conformément au contrat —, il ouvre symétriquement des prérogatives qui tempèrent cette charge. L’assurance n’est pas un mécanisme à sens unique : elle repose sur un équilibre. L’assureur, tenu de verser l’indemnité, doit pouvoir, en retour, préserver ses intérêts et rétablir la charge définitive du dommage là où elle doit revenir.

Cette contrepartie s’exprime principalement à travers deux droits reconnus à l’assureur. Le premier est le recours subrogatoire, par lequel l’assureur, après paiement, se substitue à l’assuré pour agir contre le responsable du sinistre. Le second est le droit de résiliation, qui permet, dans certaines hypothèses, de mettre fin au contrat après sinistre afin de maîtriser le risque et d’éviter une aggravation future.

Ces prérogatives, différentes dans leur objet mais complémentaires dans leur fonction, rappellent que l’équilibre du rapport assurantiel ne réside pas seulement dans l’obligation d’indemniser : il suppose aussi que l’assureur conserve les moyens de limiter l’exposition au risque et de répercuter la charge du dommage sur son véritable débiteur.

Nous nous focaliserons ici sur la faculté de résiliation ouverte à l’assureur après sinistre.

La survenance d’un sinistre constitue l’événement central de l’opération d’assurance : elle déclenche le droit à indemnité pour l’assuré et mobilise la prestation de l’assureur. Mais cet événement, révélateur de la réalisation du risque, peut également marquer un tournant dans la relation contractuelle. Le législateur a en effet prévu la possibilité, pour l’assureur comme pour l’assuré, de mettre un terme au contrat après la survenance d’un sinistre. Cette faculté, prévue par l’article R. 113-10 du Code des assurances, permet à l’assureur de mettre fin au contrat après un sinistre, lorsqu’il estime que la réalisation du risque révèle une aggravation du risque futur. En contrepartie, le texte accorde à l’assuré le droit de résilier ses autres contrats souscrits auprès du même assureur.

Le dispositif repose sur des règles générales valables pour l’ensemble des contrats d’assurance, mais il est assorti d’exceptions, en particulier pour l’assurance automobile obligatoire. Dans ce domaine, la résiliation n’est admise qu’en présence de comportements fautifs graves du conducteur, tels que l’alcoolémie, la consommation de stupéfiants ou certaines infractions routières (art. A. 211-1-2 C. assur.). L’objectif est double : protéger les victimes en garantissant la continuité de l’assurance, tout en permettant à l’assureur de se dégager lorsqu’un sinistre révèle un risque aggravé.

C’est dans ce cadre qu’il convient d’examiner les fondements, le champ d’application, les conditions de mise en œuvre et les effets de la résiliation du contrat d’assurance après sinistre.

1. Principe

La faculté de résiliation consécutive à un sinistre trouve son fondement dans l’article R. 113-10 du Code des assurances, qui permet à l’assureur de stipuler dans la police une clause l’habilitant à mettre fin au contrat après la survenance d’un sinistre. Cette faculté repose sur l’idée que la réalisation du risque peut révéler une aggravation du risque futur, rendant légitime une rupture anticipée de la relation contractuelle.

Toutefois, l’exercice de ce droit n’est pas absolu. Dans un arrêt du 18 janvier 2018, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait écarté tout contrôle sur les motifs de la résiliation en se bornant à relever que le sinistre était de nature à engager la garantie de l’assureur. Elle a jugé qu’il incombait aux juges du fond de rechercher si la résiliation n’avait pas été exercée de manière abusive, par exemple dans le seul but de se libérer prématurément de ses obligations et d’assainir un portefeuille en vue de sa cession à un autre assureur (Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n°16-26.494). La résiliation après sinistre doit donc être mise en œuvre dans le respect des exigences de bonne foi et de proportionnalité.

Ce droit n’est pas sans contrepartie. En effet, l’article R. 113-10 prévoit qu’en cas de résiliation du contrat sinistré par l’assureur, l’assuré dispose à son tour, dans le délai d’un mois suivant la notification, de la faculté de mettre fin aux autres contrats souscrits auprès du même assureur. L’équilibre contractuel est ainsi préservé : la résiliation post-sinistre ne profite pas exclusivement à l’assureur, mais s’accompagne d’un droit équivalent reconnu à l’assuré.

Enfin, à côté de ce dispositif général, l’article A. 211-1-2 du Code des assurances introduit un régime particulier pour l’assurance automobile obligatoire. Dans ce domaine, la résiliation n’est admise qu’en présence de comportements fautifs graves du conducteur, tels que la conduite en état alcoolique, sous l’emprise de stupéfiants ou la commission d’une infraction routière ayant conduit à une suspension ou à une annulation du permis de conduire. L’objectif est ici de concilier la liberté contractuelle de l’assureur avec l’exigence d’ordre public de protection des victimes de la circulation.

2. Domaine d’application

a. Le principe

En théorie, le droit de résiliation post-sinistre n’est pas limité aux assurances facultatives : il concerne indistinctement tous les types de contrats d’assurance. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé que l’article R. 113-10 s’applique même aux assurances obligatoires, dès lors que la clause figure expressément dans la police (Cass. 1re civ., 5 juin 1985).

b. Les exceptions

Cette extension connaît toutefois une limite notable en matière d’assurance automobile obligatoire. L’article A. 211-1-2 du Code des assurances circonscrit le droit de résiliation de l’assureur aux hypothèses où le sinistre a été causé :

  • par un conducteur en état d’imprégnation alcoolique ;
  • par un conducteur sous l’emprise de stupéfiants ;
  • ou encore à la suite d’une infraction routière entraînant une suspension du permis d’au moins un mois ou son annulation.

Cette restriction répond à un double objectif : protéger la victime en évitant les situations d’absence de couverture, et sanctionner les comportements particulièrement fautifs du conducteur.

3. Modalités d’exercice

  • Délai de notification
    • L’article R. 113-10 du Code des assurances prévoit que la police doit reconnaître à l’assuré une faculté de résiliation dans le délai d’un mois de la notification de la résiliation de la police sinistrée.
    • L’assuré devra ainsi agir dans ce délai pour dénoncer ses autres polices.
  • Forme de la notification
    • La notification de la résiliation doit se faire dans les formes prévues à l’article L. 113-14 du Code des assurances.
    • Pour rappel, cette disposition prévoit que la notification de la résiliation peut être effectuée, au choix de l’assuré :
      • Soit par lettre ou tout autre support durable ;
      • Soit par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l’assureur ;
      • Soit par acte extrajudiciaire ;
      • Soit, lorsque l’assureur propose la conclusion de contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication;
      • Soit par tout autre moyen prévu par le contrat.
    • L’article L. 113-14 du Code des assurances précise qu’il appartient à l’assureur de confirmer par écrit la réception de la notification.
    • La jurisprudence exige d’ailleurs que la notification parvienne effectivement à l’assuré, sauf comportement dilatoire de ce dernier (Cass. soc., 20 janv. 1944, RGAT 1944, p. 159, note A. Besson).

4. Effets

a. Date de prise d’effet

La résiliation prend effet un mois après la notification, que l’initiative provienne de l’assureur ou de l’assuré. Ce délai d’un mois joue le rôle de préavis minimal, destiné à permettre à l’assuré de se réassurer et d’éviter une rupture brutale de couverture.

b. Dénouement du contrat

La résiliation entraîne la restitution des primes afférentes à la période non courue. Ce principe est explicitement consacré par l’article R. 113-10 et traduit la logique indemnitaire de l’assurance : l’assureur ne peut conserver une prime correspondant à un risque qu’il n’assume plus.

5. Régimes spéciaux

Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, l’article L. 191-6 du Code des assurances prévoit un régime particulier : chaque partie peut résilier dans le délai d’un mois suivant la conclusion des négociations relatives à l’indemnité.

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