En droit des assurances, la forme n’est pas un simple apparat : elle participe de l’équilibre contractuel et conditionne l’opposabilité de nombreuses stipulations. Trois ensembles normatifs structurent ce régime. D’abord, l’obligation d’écrit (C. assur., art. L. 112-3) — de nature probatoire et non solennelle — s’impose au contrat et à ses avenants, tout en maintenant le principe de consensualisme : le contrat existe par la rencontre des volontés, l’écrit en organise la preuve et la circulation. Ensuite, l’exigence de langue française — sauf dérogations encadrées ou régimes spéciaux (not. maritime) — vise la compréhension effective du souscripteur, dans une logique de police de protection conciliée avec l’internationalisation des opérations. Enfin, les règles de lisibilité distinguent « caractères apparents » et « très apparents » (C. assur., art. L. 112-3, L. 112-4 et L. 113-15), imposant une mise en évidence renforcée des clauses restrictives de droits (nullités, déchéances, exclusions) et, partant, un standard typographique substantiel.
À ces exigences répond un régime de sanctions graduées (clause réputée non écrite, inopposabilité), modulé par la nature légale ou conventionnelle de la stipulation et par la finalité protectrice du dispositif. La jurisprudence, constante et exigeante, en précise les lignes de crête : articulation entre preuve et validité, portée des dérogations linguistiques, niveau de visibilité requis, office du juge dans l’appréciation concrète. L’ensemble dessine une grammaire formelle au service d’un double impératif — sécurité juridique et protection du consentement — dont l’effectivité conditionne, très en amont, la lisibilité, l’opposabilité et la stabilité de la police d’assurance.
i. L’obligation d’écrit
==>Principe et fondements
L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances impose que « le contrat d’assurance est rédigé par écrit ». Cette exigence d’écrit constitue une spécificité du droit des assurances qui trouve ses origines dans l’ordonnance maritime de 1681.
L’écrit revêt ici une fonction exclusivement probatoire (ad probationem) et non solennelle (ad solemnitatem). La Cour de cassation l’a fermement rappelé dans un arrêt de principe : « si le contrat d’assurance ou tout avenant à ce contrat doit, dans un but probatoire, être rédigé par écrit, il constitue un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré » (Cass. 1re civ., 15 févr. 1978, n° 76-13.154).
Cette solution trouve une illustration concrète dans l’espèce ayant donné lieu à cet arrêt. Un assuré avait sollicité la remise en vigueur de son contrat d’assurance automobile après une période de suspension. Bien qu’un accord soit intervenu entre l’assureur et l’assuré avant la survenance de l’accident, l’assuré avait refusé, après le sinistre, de signer l’avenant et de payer la prime. La cour d’appel en avait déduit que le contrat ne s’était pas formé.
La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que « le contrat de remise en vigueur de la garantie avait été définitivement conclu antérieurement à la réalisation du risque, et que le refus de signer l’avenant et de payer la prime opposé après coup par l’assuré n’affectait pas la validité de ce contrat ». Le contrat existait donc indépendamment de sa formalisation par écrit..
==>Portée de l’obligation
L’exigence d’écrit présente une portée plus large qu’en droit commun des contrats. Elle s’impose quelle que soit la somme en jeu et même si le contrat a un caractère commercial, par dérogation expresse à l’article 1359 du Code civil (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n°94-16.306).
Cette solution se justifie par la spécificité même du contrat d’assurance. L’article L. 112-3 constitue une disposition spéciale qui régit intégralement les conditions de forme du contrat d’assurance.
L’alinéa 2 de l’article L. 112-3 étend cette exigence aux modifications contractuelles : « toute addition ou modification au contrat d’assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties ». Cette disposition assure la cohérence du formalisme tout au long de la vie du contrat.
==>Conséquences probatoires
Cette exigence d’écrit produit des conséquences importantes pour l’administration de la preuve contractuelle. La preuve par témoins n’est pas admissible pour établir l’existence ou le contenu du contrat d’assurance, même si l’intérêt litigieux était inférieur au seuil légal. Il en va de même des preuves par présomptions de fait.
Toutefois, les règles de preuve édictées par le Code des assurances ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent donc conventionnellement aménager l’exigence d’écrit pour l’adapter aux usages commerciaux contemporains, tout en préservant la sécurité juridique des relations contractuelles.
ii. L’usage de la langue française
==>Principe général
L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances impose que le contrat d’assurance soit rédigé « en français ». Cette obligation s’inscrit dans le cadre plus large de la défense de la langue française, généralisée par la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.
L’obligation d’utiliser la langue française en matière d’assurance est cependant plus ancienne. Elle remonte au décret du 30 décembre 1938 et avait été spécifiquement renforcée par la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989. Le législateur a ainsi reconnu la nécessité de protéger le souscripteur en lui facilitant la compréhension des documents contractuels.
Cette exigence ne vise pas seulement la police d’assurance elle-même, mais s’étend également aux informations transmises par l’assureur au souscripteur avant et pendant l’exécution du contrat.
==>Dérogations
L’ordonnance n°2001-350 du 19 avril 2001 a introduit un régime de dérogations qui tient compte de l’européanisation du marché des assurances. Ce régime distingue deux situations selon le droit applicable au contrat.
- Première hypothèse : libre choix de la loi applicable
- Lorsque les parties peuvent appliquer une autre loi que la loi française en vertu des articles L. 181-1 et L. 183-1 du Code des assurances, le choix d’une autre langue que le français devient possible.
- Ce choix doit s’effectuer d’un commun accord entre les parties.
- Toutefois, cette faculté est encadrée.
- Sauf lorsque le contrat couvre les « grands risques » au sens de l’article L. 111-6 du Code des assurances, la demande de rédaction dans une langue étrangère doit émaner du seul souscripteur et être formulée par écrit.
- Cette exigence protège le souscripteur contre une éventuelle pression de l’assureur.
- Seconde hypothèse : application nécessaire de la loi française
- Lorsque la loi française s’applique nécessairement au contrat, les possibilités de dérogation sont plus restreintes.
- L’usage du français ne peut être écarté qu’au profit de la langue ou de l’une des langues officielles de l’État dont le souscripteur est ressortissant.
- Cette dérogation suppose également une demande écrite du souscripteur et un accord entre les parties.
- Elle vise à tenir compte de la situation des ressortissants étrangers résidant en France ou y exerçant une activité professionnelle.
==>Cas particuliers
Les assurances maritimes bénéficient d’un régime particulier. L’article L. 111-1 du Code des assurances écarte l’application de l’article L. 112-3 pour ces contrats, sauf pour la navigation de plaisance. Cette exception se justifie par le caractère international du commerce maritime et les usages spécifiques de cette activité.
La Cour de cassation a confirmé cette spécificité dans une espèce où un assureur français contestait l’application d’une clause attributive de compétence rédigée en anglais. Pour la Haute juridiction, « dans les contrats internationaux de droit privé, les parties choisissent librement la langue dans laquelle elles rédigent leurs accords ; (…) s’il est fait exception à ce principe dans les contrats d’assurance des risques français qui, selon l’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances, texte auquel l’article L. 111-2 du même Code interdit de déroger, doivent être rédigés en français, cette loi de police se trouve, par application de l’article L. 111-1 du Code des assurances, écartée dans les assurances maritimes, sauf lorsqu’il s’agit de couvrir les risques de la navigation de plaisance » (Cass. com., 11 mars 1997, n° 95-13.926).
L’arrêt précise également que « dès lors que le contrat d’assurance litigieux présentait un caractère international et qu’il n’était pas soutenu que la navigation en cause n’avait pas de but lucratif », l’obligation d’utiliser le français ne s’appliquait pas. Cette solution illustre l’adaptation du droit des assurances aux spécificités du commerce maritime international.
L’assureur n’est pas tenu de fournir spontanément une traduction du contrat à son client étranger. Cette solution a été affirmée dans une espèce concernant un emprunteur étranger qui reprochait à sa banque de ne pas lui avoir fourni une traduction du contrat d’assurance de groupe. La Cour de cassation a rejeté ce grief en relevant que « le premier juge a exactement énoncé qu’aucune disposition n’oblige une banque à fournir à son client étranger la traduction des termes d’un contrat de prêt passé avec lui ; (…) la banque a fourni un contrat rédigé en français comme le lui impose l’article L. 112-3 du code des assurances» (Cass. 2e civ., 22 nov. 2007, n°06-19.852).
La jurisprudence a également précisé que l’assureur n’est pas tenu d’informer le souscripteur étranger de la possibilité d’utiliser la langue de l’État dont il est ressortissant. Dans une affaire concernant un assuré de nationalité russe qui contestait l’opposabilité d’une clause d’exclusion, la Cour de cassation a jugé qu’« ayant exactement relevé que l’assureur n’est pas tenu au titre de son devoir d’information et de conseil d’informer le souscripteur qu’aux termes de l’article L. 112-3, alinéa 3, du code des assurances (…) le contrat et les informations transmises par l’assureur au souscripteur peuvent (…) être rédigés dans la langue ou dans l’une des langues officielles de l’État dont il est ressortissant, et constaté qu’en l’espèce une telle demande n’avait pas été faite, ce qui rendait inopérante la recherche visée au moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n°16-26.709).
Cette position se comprend : si la loi impose le français comme obligation principale, la traduction et l’information sur cette possibilité ne peuvent être que facultatives.
==>Sanctions
La violation de l’obligation d’utiliser la langue française peut entraîner des sanctions sévères. Cette fermeté jurisprudentielle a été illustrée dans une espèce concernant un assureur allemand qui tentait d’opposer à un assuré français une clause d’exclusion rédigée en langue étrangère.
La Cour de cassation a déclaré cette clause inapplicable en se fondant sur « la combinaison de ces textes d’ordre public ». Pour la Haute juridiction, « sans préjudice des dispositions de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relatives à l’emploi obligatoire de la langue française (…) et selon les articles L. 112-3 (…) et L. 111-2 du Code des assurances, les contrats d’assurances souscrits ou exécutés en France, sont impérativement rédigés en français ; (…) aux termes de l’article L. 112-4, du même Code, les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exceptions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; (…) il résulte de la combinaison de ces textes d’ordre public que c’est à juste titre que la cour d’appel a déclaré inapplicable l’exclusion de garantie invoquée par la compagnie Allianz, qui n’était pas rédigée en français » (Cass. 1re civ., 24 nov. 1993, n° 91-21.114).
Cette décision révèle que la sanction d’inapplicabilité résulte du cumul de deux exigences : l’obligation générale d’utiliser le français (art. L. 112-3) et le formalisme renforcé imposé aux clauses d’exclusion (art. L. 112-4). La Cour de cassation qualifie expressément ces dispositions de « textes d’ordre public », soulignant leur caractère impératif.
Il est donc probable que des stipulations qui échappent au formalisme renforcé de l’article L. 112-4 ne soient pas automatiquement déclarées inapplicables au seul motif qu’elles ne sont pas rédigées en français. En pareilles circonstances, le droit commun des obligations pourrait conduire à la mise en jeu de la responsabilité civile de l’assureur ou à la nullité du contrat pour vice du consentement.
==>Perspectives européennes
L’obligation d’utiliser la langue française s’inscrit dans un contexte européen qui reconnaît la légitimité de la protection linguistique. Cette compatibilité a été établie dans une affaire concernant l’étiquetage de denrées alimentaires où un hypermarché français était poursuivi pour avoir vendu des produits étiquetés uniquement en anglais.
La Cour de justice de l’Union européenne a distingué deux aspects de la réglementation française (CJCE, 12 sept. 2000, aff. Geffroy et Casino France SNC).
- D’une part, elle a admis qu’une réglementation nationale puisse prévoir « que l’étiquetage des denrées alimentaires et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas induire l’acheteur ou le consommateur en erreur, notamment sur les caractéristiques desdites denrées ».
- D’autre part, elle a précisé que « les articles 30 du traité et 14 de la directive 79/112 s’opposent à ce qu’une réglementation nationale impose l’utilisation d’une langue déterminée pour l’étiquetage des denrées alimentaires, sans retenir la possibilité qu’une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l’information de l’acheteur soit assurée par d’autres mesures ».
La Cour européenne a ainsi établi qu’une législation nationale prescrivant l’utilisation d’une langue déterminée demeure compatible avec le droit de l’Union, à condition de permettre l’usage alternatif d’une autre langue facilement compréhensible ou d’autres mesures d’information.
Cette jurisprudence européenne légitime l’approche française en matière d’assurance, qui concilie protection de la langue nationale et nécessités du commerce international par un système de dérogations encadrées. Les dispositions de l’ordonnance de 2001 permettant l’usage d’autres langues dans certaines conditions s’inscrivent parfaitement dans cette logique européenne de conciliation.
iii. Les exigences de lisibilité
==>Principe général : les caractères apparents
L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances exige que le contrat d’assurance soit rédigé « en caractères apparents ». Cette obligation s’applique à toutes les clauses du contrat et impose qu’elles soient facilement lisibles.
Cette exigence répond à un objectif de protection du souscripteur. Elle garantit que l’assuré puisse effectivement prendre connaissance du contenu de son contrat sans difficulté matérielle. L’apparence des caractères conditionne donc la capacité de l’assuré à comprendre ses droits et obligations.
L’appréciation du caractère apparent d’une clause relève du pouvoir souverain des juridictions du fond (Cass. 1re civ., 27 mai 1998, n°95-19.967). Toutefois, l’inapplicabilité des stipulations illisibles constitue une sanction appropriée, faute pour le souscripteur d’avoir pu consentir à la mise en œuvre d’une clause dont il n’a pas pu prendre connaissance.
==>Exigence renforcée : les caractères très apparents
Certaines clauses sont soumises à un formalisme renforcé et doivent figurer en caractères très apparents. L’article L. 112-4, alinéa 2, du Code des assurances dispose que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
Cette exigence s’étend également à la durée du contrat. L’article L. 113-15 du Code des assurances impose que « la durée du contrat doit être mentionnée en caractères très apparents », sans toutefois prévoir de sanction spécifique.
Ce formalisme renforcé s’explique par la nécessité d’attirer particulièrement l’attention du souscripteur sur des clauses susceptibles de le priver de garantie ou d’affecter ses droits. Il s’agit de clauses restrictives de droits qui justifient une protection accrue.
La jurisprudence a précisé le contenu de cette exigence. L’obligation de faire figurer certaines mentions en caractères très apparents « n’est satisfaite qu’à la condition que, grâce à leur grande lisibilité, la teneur de ces mentions ne puisse échapper à l’assuré » (Cass. civ., 14 mai 1946).
Les caractères très apparents doivent permettre à ce que grâce à leur grande lisibilité, la teneur des mentions ne puisse échapper à l’assuré. Il faut que les clauses concernées se détachent du contexte et puissent être vues d’un seul coup d’œil, de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré.
Cette différence peut résulter de divers procédés typographiques : taille des caractères, attributs particuliers (caractères gras ou soulignés) ou couleur spécifique. Les caractères utilisés ne doivent pas forcément différer de ceux employés pour l’impression d’autres clauses situées à proximité, dès lors que le procédé typographique utilisé permet à la stipulation litigieuse de se détacher du contexte (Cass. 1re civ., 28 juin 1988).
Toutefois, une jurisprudence contraire exige une différence effective entre les caractères (Cass. 1re civ., 25 mars 1991).
==>Appréciation de l’exigence
La jurisprudence se montre particulièrement rigoureuse dans l’appréciation de cette exigence. La Cour de cassation estime que la totalité du texte de la clause édictant l’exclusion ou la déchéance doit être rédigée en caractères très apparents.
Cette rigueur est illustrée par un arrêt où l’assureur contestait l’annulation d’une clause d’exclusion relative aux dommages subis par le matériel loué. La cour d’appel avait considéré cette clause comme non valable car, bien que « les cas d’exclusion étaient énumérés en caractères gras », « les termes “restent exclus” figuraient en caractères ordinaires ne les distinguant pas du contexte imprimé ». La Cour de cassation a validé cette analyse en relevant que « la cour d’appel a pu en déduire que la clause d’exclusion n’était pas rédigée en caractères très apparents conformément aux exigences de l’article L. 112-4, dernier alinéa, du Code des assurances » (Cass. 1re civ., 25 mars 1991, n°89-18.682).
De même, la Cour de cassation a confirmé l’annulation d’une clause où une partie seulement du texte respectait les exigences typographiques. Dans cette espèce, la GMF contestait la décision des juges du fond qui avaient déclaré non valable une clause d’exclusion. La Haute juridiction a validé le raisonnement de la cour d’appel qui avait «retenu non seulement que celle-ci était imprimée dans les mêmes caractères que ceux employés pour l’impression des articles voisins mais encore qu’aucun moyen typographique n’avait été mis en œuvre pour attirer spécialement l’attention de l’assuré sur cette clause dont la disposition finale relative à l’unicité du passager transporté n’était pas imprimée en caractères gras ou soulignés ». La Cour de cassation a approuvé cette analyse en considérant qu’« en déduisant de l’ensemble de ces éléments que ladite clause ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 112-4 du Code des assurances, ils ont, de ce chef, légalement justifié leur décision » (Cass. 1re civ., 11 déc. 1990, n° 89-15.248).
L’appréciation des caractères très apparents peut donner lieu à des comparaisons entre différents procédés utilisés dans le même contrat. La Cour de cassation a ainsi estimé, en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond, que lorsque des clauses d’exclusions en caractères gras cohabitent avec des clauses de couleur rouge, seules les secondes respectent les prescriptions légales, sans doute parce qu’elles attirent plus l’attention du lecteur (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n°96-18.993).
Bien que l’appréciation des caractères très apparents relève du pouvoir souverain des juridictions du fond (Cass. 1re civ., 26 avr. 2000), la Cour de cassation exerce un contrôle de la motivation des décisions rendues au fond. Cela oblige les tribunaux à préciser en quoi les stipulations litigieuses respectent ou non l’exigence relative aux caractères très apparents.
==>Sanctions
La violation de l’exigence légale est sanctionnée par la neutralisation de la clause litigieuse, sans affecter la validité du contrat dans son ensemble. Cette sanction prend deux formes selon le texte applicable.
Pour les clauses visées par l’article L. 112-4, la clause non conforme est réputée non écrite (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-18.993). Pour celles visées par l’article L. 113-15, elle est déclarée inopposable à l’assuré (Cass. 1re civ., 14 nov. 1979).
La jurisprudence a appliqué ces sanctions dans diverses situations. Une clause contractuelle de déchéance de garantie ne répondant pas aux dispositions de l’article L. 112-4 a été déclarée inopposable à l’assuré (Cass. 2e civ., 15 déc. 2011, n° 10-26.983).
De même, une cour d’appel était tenue de rechercher si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré sur la nullité qu’elle édictait (Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-11.667).
Cette nullité ne peut être soulevée que par les parties au contrat et non par la victime exerçant l’action directe (Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 01-13.490). L’idée est que l’exigence de lisibilité vise à protéger le consentement et ne peut donc profiter à la victime qui est tiers au contrat.
==>Limites
La jurisprudence a précisé que l’exigence de caractères très apparents ne concerne que les stipulations d’origine conventionnelle. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation a affirmé que l’article L. 112-4 « n’est pas applicable, sauf dispositions particulières, aux nullités, déchéances ou exclusions prévues par la loi » (Cass. 1re civ., 1er déc. 1993, n°89-12.854).
Cette solution trouve son illustration dans l’exclusion de la faute intentionnelle. Bien qu’elle constitue une cause d’exclusion de garantie, cette exclusion résulte directement de la loi et n’a pas à figurer en caractères très apparents dans la police d’assurance.
Cette jurisprudence restreint considérablement la portée du formalisme protecteur. Elle aboutit au paradoxe suivant : les exclusions les plus graves, parce qu’elles sont prévues par la loi, échappent à l’obligation d’information renforcée, tandis que des exclusions conventionnelles moins importantes y sont soumises.
Cette limitation s’avère particulièrement préjudiciable s’agissant des causes de nullité. La nullité sanctionnant un manquement survenu lors de la formation du contrat relève par nature du domaine légal. En conséquence, ces causes de nullité n’ont jamais à figurer en caractères très apparents, privant l’assuré d’une information pourtant essentielle sur les risques d’annulation de son contrat.
Cette évolution jurisprudentielle a suscité des réserves doctrinales. Certains auteurs dénoncent les excès d’un formalisme devenu contre-productif. La multiplication des exigences de forme et la rigueur excessive dans leur appréciation peuvent paradoxalement nuire à l’efficacité du dispositif protecteur en créant une instabilité contractuelle préjudiciable à tous les acteurs du marché de l’assurance.