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La formation du contrat d’assurance : l’échange des consentements

Le contrat d’assurance procède, à l’instar de toute convention, d’une rencontre des volontés entre les parties contractantes. Cette exigence du droit des obligations trouve une application particulière en matière d’assurance, où le principe du consensualisme gouverne la formation du contrat. La Cour de cassation rappelle ainsi systématiquement que le contrat d’assurance constitue « un contrat consensuel qui est parfait, dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré » (Cass. 1ère civ. 21 mai 1990, n°87-19.014), l’échange des consentements demeurant indépendant des écrits qui ne servent qu’à établir son existence. L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances ne pose dès lors l’exigence d’un écrit qu’à des fins probatoires, sans conditionner la validité de la convention à l’accomplissement de formalités particulières.

Cette soumission au consensualisme n’épuise cependant pas la singularité du processus de formation du contrat d’assurance. En effet, contrairement à la configuration habituelle des rapports contractuels où le professionnel propose ses services à sa clientèle en endossant la qualité de pollicitant, le mécanisme d’échange des consentements connaît en assurance une inversion remarquable des rôles. C’est le candidat à l’assurance qui se trouve en position d’offrant, tandis que l’assureur occupe celle d’acceptant. Cette particularité trouve sa justification dans la nature même de l’opération d’assurance : l’assureur ne saurait donner un consentement éclairé qu’à la condition de connaître précisément les caractéristiques du risque qu’on lui propose de garantir. L’appréciation du risque, préalable indispensable à tout engagement de l’entreprise d’assurance, commande nécessairement que l’offre émane du porteur de risques lui-même.

Cette logique économique et technique explique que l’offre, formalisée dans la proposition d’assurance, constitue l’acte par lequel le candidat à l’assurance expose à l’assureur les éléments caractéristiques du risque qu’il souhaite voir couvert. L’acceptation de cette offre par l’assureur, quant à elle, peut s’exprimer selon diverses modalités, la note de couverture constituant l’instrument privilégié de cette manifestation de volonté, notamment lorsque l’engagement de garantie précède l’établissement définitif de la police d’assurance.

Il convient toutefois de souligner que cette rencontre des volontés, pour être juridiquement opérante, suppose un accord portant sur l’ensemble des éléments essentiels du contrat. Comme l’a précisé la jurisprudence, le contrat ne saurait se former en l’absence d’accord sur des éléments fondamentaux tels que le moment à partir duquel le risque est garanti ou la durée de cette garantie. Cette exigence de complétude de l’accord contractuel témoigne de ce que le consensualisme, principe cardinal de la formation du contrat d’assurance, ne saurait s’accommoder d’un consentement imprécis ou lacunaire sur les modalités essentielles de la couverture.

1. L’offre

Si la proposition d’assurance constitue en apparence l’expression classique de l’offre de contracter émanant du candidat à l’assurance, sa nature juridique véritable demeure plus complexe qu’il n’y paraît. L’article L. 112-2 du Code des assurances, en énonçant que « la proposition d’assurance n’engage ni l’assuré, ni l’assureur », institue un régime dérogatoire au droit commun des contrats qui confère à cet acte une physionomie juridique particulière. Cette tension entre qualification théorique et portée pratique révèle les enjeux fondamentaux de l’équilibre contractuel en assurance et invite à une analyse approfondie de la nature et des effets de ce document, selon qu’il demeure sans suite ou qu’il trouve son aboutissement dans l’acceptation de l’assureur.

a. Notion

La proposition d’assurance se définit comme le document par lequel le candidat à l’assurance sollicite de l’assureur la couverture d’un risque déterminé. Cette définition, d’apparence élémentaire, révèle à l’examen une architecture juridique d’une remarquable complexité.

Il importe avant tout de distinguer la proposition d’assurance du simple « projet » qui peut la précéder dans le processus de négociation. Alors que ce dernier ne revêt aucune portée juridique et demeure un document purement informatif, la proposition constitue un acte juridique autonome dont les effets, bien que particuliers, n’en sont pas moins réels. Cette distinction, consacrée par la jurisprudence, préserve la sécurité juridique en évitant toute confusion entre des instruments de nature fondamentalement différente.

La proposition d’assurance procède d’une double finalité qui en détermine la substance. Elle constitue d’abord l’expression de la volonté contractuelle du candidat à l’assurance, manifestant son intention d’obtenir une garantie pour les risques qu’il expose. Mais elle répond également à un impératif d’information, fournissant à l’assureur les éléments nécessaires à l’appréciation technique du risque proposé. Cette dualité fonctionnelle explique que la proposition transcende le simple échange de consentements pour s’ériger en véritable instrument de communication technique entre les parties.

Cette dimension informationnelle trouve sa traduction pratique dans le questionnaire de risques qui accompagne généralement la proposition, sauf pour les contrats les plus élémentaires. Élaboré par l’assureur selon les exigences de l’article L. 113-2, 2°, du Code des assurances, ce questionnaire structure l’obligation déclarative du candidat à l’assurance et conditionne l’exactitude des informations transmises. L’exigence de sincérité et d’exactitude qui pèse sur le déclarant confère à ces réponses une valeur juridique déterminante pour l’appréciation ultérieure de la bonne foi contractuelle.

La morphologie de la proposition varie considérablement selon la nature du risque considéré. Pour les assurances de particuliers aux caractéristiques standardisées, elle revêt une forme simplifiée où l’information et la négociation se confondent dans un processus unifié. Les assurances d’entreprises appellent en revanche des développements plus sophistiqués : questionnaires spécialisés, expertises techniques, visites de risques constituent autant d’éléments susceptibles d’enrichir le contenu de la proposition. Cette gradation reflète la proportionnalité entre la complexité du risque et l’ampleur de l’investigation nécessaire à son appréciation.

Au-delà de sa fonction immédiate dans la formation du contrat, la proposition d’assurance conserve une portée juridique durable. Lorsque le contrat se forme, elle constitue la déclaration initiale de risques au sens de l’article L. 113-2, 2°, du Code des assurances, déterminant les contours de l’engagement mutuel des parties. Cette pérennité explique que les éléments qu’elle contient demeurent opposables durant toute l’exécution du contrat, servant notamment de référence pour l’établissement de la bonne ou mauvaise foi de l’assuré en cas de sinistre.

La proposition d’assurance apparaît ainsi comme un instrument juridique aux multiples facettes, conjuguant expression du consentement, vecteur d’information technique et fondement de l’équilibre contractuel.

b. La nature juridique de la proposition d’assurance

i. La qualification traditionnelle : une offre de contracter

La doctrine et la jurisprudence s’accordent traditionnellement pour qualifier la proposition d’assurance d’offre de contracter émanant du candidat à l’assurance. Cette qualification découle naturellement de la configuration particulière du processus contractuel en assurance, où le candidat à l’assurance endosse le rôle d’offrant en sollicitant une garantie auprès de l’assureur.

Cette analyse juridique n’est pas sans conséquences pratiques. Si la proposition constitue effectivement une offre au sens du droit commun, elle devrait logiquement produire les effets attachés à cette qualification par la théorie générale des contrats. L’offrant se trouverait ainsi lié par sa proposition selon les modalités prévues par l’article 1116 du Code civil, qui prohibe la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai qu’elle fixe ou, à défaut, avant l’écoulement d’un délai raisonnable. Cette règle vise à protéger les légitimes espérances du destinataire de l’offre et à assurer la sécurité des transactions.

Appliquée strictement au domaine de l’assurance, cette logique impliquerait que le candidat à l’assurance ne puisse retirer sa proposition tant que l’assureur n’a pas eu le temps nécessaire pour l’examiner et y répondre. Une telle solution préserverait l’équilibre des positions contractuelles en évitant que l’offrant ne se dérobe après avoir incité le destinataire à engager des démarches d’évaluation du risque.

ii. La spécificité du droit des assurances : une offre sans engagement

Le législateur a toutefois rompu avec cette logique en posant, à l’article L. 112-2, alinéa 6, du Code des assurances, le principe selon lequel « la proposition d’assurance n’engage ni l’assuré, ni l’assureur ». Cette règle dérogatoire prive la proposition des effets ordinaires de l’offre et institue un régime d’exception au droit commun des contrats.

Cette solution singulière trouve sa justification dans les particularités techniques du contrat d’assurance. L’opération d’assurance repose sur une évaluation précise du risque qui conditionne tant l’acceptation de la garantie que la détermination de son prix. Cette appréciation technique peut exiger des investigations complexes, des expertises spécialisées ou des vérifications approfondies qui s’accommodent mal de la rigidité d’une offre irrévocable. Le législateur a ainsi privilégié la souplesse nécessaire à cette phase d’analyse en préservant la liberté de retrait des deux parties.

Cette préservation de la liberté contractuelle répond également à un impératif d’équilibre. Si l’assureur doit pouvoir refuser un risque après examen approfondi, le candidat à l’assurance doit symétriquement conserver la faculté de se tourner vers d’autres assureurs ou de renoncer à son projet. Cette réciprocité dans la liberté de désengagement évite qu’une partie ne se trouve captive durant la phase de négociation.

L’articulation entre cette règle spéciale et les dispositions générales du Code civil s’opère selon le principe de spécialité énoncé à l’article 1105. Les dispositions particulières du Code des assurances prévalent ainsi sur les règles communes, écartant l’application de l’article 1116 du Code civil en matière de proposition d’assurance.

c. Le contenu de la proposition d’assurance

i. L’évolution du contenu : de la déclaration spontanée à la déclaration provoquée

La loi du 31 décembre 1989 a opéré une transformation radicale du régime déclaratif en matière d’assurance. Le système antérieur imposait au candidat à l’assurance de déclarer spontanément « toutes les circonstances connues de lui » de nature à éclairer l’assureur sur le risque. Cette obligation de déclaration exhaustive plaçait l’assuré dans une position délicate, celui-ci ne disposant pas nécessairement des connaissances techniques requises pour identifier les éléments susceptibles d’intéresser l’assureur.

La réforme a substitué à ce mécanisme un système de déclaration provoquée par la modification de l’article L. 113-2, 2°, du Code des assurances. Le texte nouveau dispose que le candidat à l’assurance doit « répondre exactement aux questions posées par l’assureur ». Cette évolution opère un renversement fondamental : la charge d’identifier les informations pertinentes incombe désormais à l’assureur, professionnel du risque, plutôt qu’au candidat à l’assurance.

Ce nouveau régime présente l’avantage de la précision et de l’équité. L’assureur, fort de son expertise technique, formule des questions ciblées permettant d’appréhender les aspects déterminants du risque. Le candidat à l’assurance, déchargé de l’obligation d’anticiper les préoccupations de son cocontractant, peut concentrer ses efforts sur l’exactitude de ses réponses aux interrogations explicitement posées.

La Chambre mixte de la Cour de cassation a parachevé cette évolution par son arrêt du 7 février 2014 en prohibant les déclarations pré-rédigées et en exigeant que l’assureur pose des questions précises (Cass. ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85.107). Cette jurisprudence garantit l’effectivité pratique de la réforme en imposant à l’assureur une obligation positive de clarté dans la formulation de ses interrogations, écartant définitivement les pratiques consistant à faire signer à l’assuré des déclarations standardisées rédigées par avance.

ii. Les éléments essentiels de la proposition

Pour revêtir la qualification d’offre, la proposition d’assurance doit contenir les éléments essentiels du contrat projeté. Cette exigence, classique en droit des contrats, est énoncée par l’article 1114 du Code civil qui dispose que l’offre « comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

En matière d’assurance, la jurisprudence identifie trois éléments principaux : le risque à couvrir, l’étendue de la garantie et le montant de la prime. Ces composantes forment le triptyque essentiel de l’opération d’assurance et conditionnent la formation du contrat. L’absence de l’un d’entre eux prive le document de sa qualité d’offre véritable pour le réduire à une simple invitation à négocier.

Cette rigueur se manifeste particulièrement à l’égard de l’indication du prix. La Cour de cassation a ainsi refusé de reconnaître la qualité de proposition d’assurance à une demande d’adhésion mutuelle dépourvue de toute mention du montant de la cotisation (Cass. 1re civ., 19 nov. 1985). Cette solution s’explique par l’impossibilité pour le destinataire de donner un consentement éclairé en l’absence d’information sur la contrepartie financière de la garantie sollicitée.

Cependant, la jurisprudence tempère cette exigence par une appréciation contextuelle. Elle admet une certaine souplesse, notamment lorsque les relations contractuelles préexistantes permettent de déterminer les modalités tarifaires ou quand il s’agit d’avenants à des contrats en cours. Cette évolution témoigne d’un pragmatisme judiciaire qui concilie les exigences théoriques de l’offre avec les réalités pratiques de la technique assurantielle.

d. La forme de la proposition d’assurance

Le Code des assurances n’impose aucune forme particulière à la proposition d’assurance, sauf exceptions limitées à certaines assurances obligatoires comme l’assurance automobile ou l’assurance construction. Cette liberté formelle permet aux assureurs d’adapter leurs procédures aux spécificités de chaque type de risque et de clientèle.

Cette souplesse se traduit par une grande diversité pratique. La proposition peut ainsi prendre la forme d’un simple questionnaire papier, d’une interface numérique, d’un entretien téléphonique ou d’un dossier technique volumineux. Le choix dépend essentiellement de la complexité du risque à évaluer et du mode de distribution retenu.

Pour les assurances de particuliers aux risques standardisés – automobile, habitation, responsabilité civile – la proposition revêt généralement une forme simplifiée. Un questionnaire succinct suffit à recueillir les informations essentielles, permettant une évaluation rapide du risque et une tarification immédiate. Dans ces cas, la proposition et la conclusion du contrat s’enchaînent naturellement.

Les assurances d’entreprises appellent des procédures plus élaborées. Les risques industriels, les garanties de responsabilité professionnelle ou les contrats collectifs exigent des questionnaires détaillés, souvent complétés par des visites de sites, des expertises techniques ou des analyses financières. La proposition devient alors un véritable dossier technique dont l’instruction peut nécessiter plusieurs semaines.

Cette diversité s’enrichit constamment sous l’effet des innovations technologiques. La dématérialisation des procédures transforme les modalités traditionnelles de la proposition, substituant aux supports papier des plateformes numériques permettant une saisie et un traitement automatisés des données. Cette évolution soulève de nouvelles questions juridiques, notamment concernant la preuve de la proposition et la matérialisation du consentement.

Quelle que soit sa forme, la proposition conserve une fonction identique : permettre au candidat à l’assurance d’exprimer sa volonté de contracter tout en fournissant à l’assureur les éléments nécessaires à l’appréciation du risque.

e. Les effets de la proposition d’assurance

L’analyse des effets de la proposition d’assurance doit distinguer deux situations radicalement différentes selon qu’elle a été ou non acceptée par l’assureur.

i. Les effets en cas d’acceptation par l’assureur

Lorsque l’assureur accepte la proposition, celle-ci produit ses pleins effets contractuels et permet la conclusion du contrat d’assurance. Cette transformation de la proposition en fondement contractuel marque l’aboutissement du processus de formation et confère rétroactivement à ce document une portée juridique décisive.

L’acceptation opère une véritable métamorphose juridique de la proposition. Celle-ci, initialement dépourvue d’effet obligatoire en vertu de l’article L. 112-2, alinéa 6, du Code des assurances, devient le socle sur lequel repose l’accord contractuel. Les déclarations qu’elle contient acquièrent alors une valeur contractuelle définitive et servent de référence pour l’interprétation des droits et obligations réciproques des parties.

Cette transformation s’accompagne d’une cristallisation des éléments déclaratifs. La proposition acceptée constitue désormais la déclaration initiale de risques au sens de l’article L. 113-2, 2°, du Code des assurances. À ce titre, elle détermine les contours de la garantie et fonde l’appréciation de la bonne ou mauvaise foi de l’assuré en cas de sinistre ultérieur. Les réponses aux questionnaires de risques deviennent opposables à l’assuré durant toute l’exécution du contrat.

La proposition acceptée facilite également l’interprétation du contrat en cas de litige. La jurisprudence reconnaît régulièrement cette fonction herméneutique, utilisant les éléments de la proposition pour éclairer le sens et la portée des clauses contractuelles, particulièrement lorsque celles-ci présentent des ambiguïtés. Cette valeur interprétative témoigne de l’importance pratique durable de la proposition au-delà de la seule phase de formation.

Il convient de souligner que tant que la proposition demeure sans acceptation, l’assureur ne doit aucune garantie, principe fermement établi par la jurisprudence. Cette règle préserve la cohérence du système en évitant qu’une couverture puisse naître en l’absence d’engagement mutuel des parties. Elle souligne a contrario l’effet décisif de l’acceptation dans la naissance des obligations contractuelles.

ii. Les effets en l’absence d’acceptation

==> L’absence d’engagement contractuel

Conformément à l’article L. 112-2, alinéa 6, du Code des assurances, la proposition non acceptée demeure sans effet. Cette règle protège la liberté contractuelle des deux parties durant la phase de négociation.

Le souscripteur conserve la faculté de rétracter sa proposition à tout moment, dérogeant ainsi aux règles de droit commun qui, depuis la réforme de 2016, interdisent la rétractation de l’offre avant l’expiration d’un délai raisonnable. Cette liberté permet au candidat à l’assurance de prospecter le marché et de choisir l’offre la plus avantageuse.

De son côté, l’assureur n’est tenu par aucune obligation contractuelle. Il peut refuser la proposition, s’abstenir de répondre, ou formuler une contre-proposition modifiant les conditions initialement envisagées.

==> Les responsabilités extracontractuelles

Si la proposition non acceptée ne génère aucun engagement contractuel, elle peut néanmoins être source de responsabilité extracontractuelle dans certaines circonstances.

L’assureur peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article L. 511-1 du Code des assurances lorsque l’un de ses agents généraux ne lui a pas transmis la proposition. Cette responsabilité de l’assureur pour les fautes de ses mandataires constitue une application du principe général de la responsabilité du mandant pour les actes de ses préposés.

En revanche, dans le cas d’un courtier, mandataire de l’assuré, seul l’intermédiaire pourra voir sa responsabilité engagée. Cette distinction reflète la différence de statut entre l’agent général, mandataire de l’assureur, et le courtier, mandataire de l’assuré.

Le préjudice réparable pour l’assuré se limite à la perte d’une chance de contracter. Cette limitation s’explique par l’absence d’engagement ferme de l’assureur et la nature aléatoire de l’acceptation de la proposition.

f. La portée de la proposition d’assurance

==> Un document de référence pour l’interprétation du contrat

Bien qu’elle n’engage pas les parties avant acceptation, la proposition d’assurance revêt une importance pratique considérable. Une fois le contrat conclu, elle constitue un élément d’interprétation privilégié, permettant de reconstituer la volonté commune des parties au moment de la formation du contrat.

La jurisprudence reconnaît régulièrement cette fonction interprétative, utilisant les éléments de la proposition pour éclairer le sens et la portée des clauses contractuelles, particulièrement en cas d’ambiguïté.

==> La matérialisation de la déclaration des risques

La proposition d’assurance constitue, dans l’immense majorité des cas, la déclaration des risques de l’assuré au sens de l’article L. 113-2, 2°, du Code des assurances. Cette fonction est cruciale car elle permet d’établir la bonne ou mauvaise foi du souscripteur en cas de litige avec l’assureur pour le règlement d’un sinistre.

Cette dimension de la proposition explique l’importance accordée par la jurisprudence à la précision des questions posées par l’assureur et à l’exactitude des réponses fournies par l’assuré. Elle justifie également l’évolution législative vers un système de déclaration provoquée, garantissant une meilleure sécurité juridique pour l’assuré.

==> L’adaptation aux nouveaux modes de distribution

Le développement du commerce électronique et des nouveaux canaux de distribution a conduit à une évolution des modalités pratiques de la proposition d’assurance. Les assureurs ont dû adapter leurs processus pour maintenir l’efficacité du système tout en respectant les exigences légales et jurisprudentielles.

Cette adaptation soulève des questions nouvelles, notamment concernant la preuve de la proposition et de son contenu, la matérialisation du consentement, ou encore l’application des règles de protection du consommateur dans l’environnement numérique.

La proposition d’assurance demeure ainsi un instrument juridique complexe, situé à l’intersection entre la liberté contractuelle et la protection de l’assuré, entre les exigences techniques de l’assurance et les principes généraux du droit des contrats. Son régime juridique, fruit d’un équilibre subtil entre règles spéciales et principes généraux, continue d’évoluer sous l’impulsion de la jurisprudence et des transformations du marché de l’assurance.

2. L’acceptation

L’acceptation de l’assureur constitue le second temps de l’échange des consentements, celui par lequel la proposition trouve son aboutissement contractuel. Cette manifestation de volonté, qui transforme l’offre en contrat, peut revêtir diverses modalités selon l’attitude adoptée par l’assureur face au risque qui lui est proposé.

a. Les modalités de l’acceptation

i. L’acceptation pure et simple

L’acceptation pure et simple constitue l’hypothèse la plus favorable à la formation immédiate du contrat. L’assureur, après avoir procédé à l’évaluation du risque sur la base des informations recueillies dans la proposition, manifeste son accord sans réserve aux conditions sollicitées. Cette acceptation s’exprime traditionnellement par l’envoi au candidat à l’assurance d’un exemplaire signé de la police d’assurance, accompagné des conditions particulières mentionnant la prise d’effet du contrat.

La signature de l’assureur établit juridiquement son consentement et, sauf clause contraire, emporte perfection du contrat (Cass. 1re civ., 19 mars 1996, n°94-14.635). Cette solution, constamment rappelée par la jurisprudence, s’inscrit dans la logique consensuelle du contrat d’assurance qui se forme dès la rencontre des volontés, indépendamment des formalités ultérieures. Le caractère définitif de cette acceptation explique que le contrat soit réputé conclu même si l’assuré ne retourne pas la police signée, celui-ci demeurant néanmoins débiteur de la prime.

ii. Le refus d’acceptation

L’assureur conserve une liberté totale de refuser la proposition qui lui est soumise. Cette prérogative découle directement du principe posé par l’article L. 112-2, alinéa 6, du Code des assurances selon lequel la proposition n’engage aucune des parties (Cass. 1re civ., 21 mai 1990, n°88-20.306). Le refus peut être motivé par diverses considérations: incompatibilité du risque avec l’activité habituelle de l’assureur, danger pour l’équilibre économique de l’opération, antécédents sinistres défavorables ou encore politique de souscription restrictive.

Ce refus peut être explicite, par notification directe au candidat à l’assurance, ou implicite, par le silence gardé dans un délai raisonnable. Dans cette dernière hypothèse, le candidat à l’assurance peut, pour certaines assurances obligatoires, saisir le Bureau central de tarification qui impose alors à un assureur la prise en charge du risque selon un tarif déterminé.

iii. L’acceptation conditionnelle

L’assureur peut subordonner son acceptation à des modifications des conditions initialement proposées. Cette acceptation conditionnelle se matérialise par l’envoi d’une police signée dont le contenu déroge aux termes de la proposition d’assurance initiale, que ce soit par l’introduction d’exclusions supplémentaires, la limitation du montant des garanties, la modification de la prime ou l’altération de la durée du contrat.

Dans cette configuration, la jurisprudence considère que l’assureur devient pollicitant en formulant une contre-proposition. Le processus contractuel se trouve alors relancé, le candidat à l’assurance devant manifester son acceptation de ces conditions nouvelles pour que le contrat puisse se former. Cette acceptation peut résulter d’une manifestation expresse ou de comportements non équivoques, tel le paiement d’une prime majorée qui vaut acceptation de l’offre reformulée par l’assureur.

b. Les formes de l’acceptation

i. L’acceptation expresse

L’acceptation expresse constitue la modalité la plus claire de manifestation du consentement de l’assureur. Elle peut prendre diverses formes : envoi de la police d’assurance signée, remise d’une attestation d’assurance, émission d’une note de couverture ou simple courrier confirmant l’accord de l’assureur. Cette variété dans les modes d’expression témoigne de l’absence de formalisme particulier exigé par le droit des assurances, conformément au principe consensuel qui gouverne la formation du contrat.

L’envoi d’une lettre simple suffit à matérialiser l’acceptation, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une lettre recommandée. Cette souplesse facilite les relations contractuelles tout en préservant l’efficacité économique du processus de souscription.

ii. L’acceptation tacite

L’acceptation peut également résulter de comportements non équivoques de l’assureur, même en l’absence de manifestation expresse. Cette acceptation tacite découle de l’application du principe général selon lequel le consentement peut être déduit de circonstances ne laissant aucun doute sur la volonté de son auteur.

Ainsi, l’encaissement sans réserve des primes, l’envoi d’avenants au contrat ou la prise en charge de sinistres peuvent constituer autant d’indices révélateurs de l’acceptation implicite de l’assureur. Cette jurisprudence pragmatique évite les dénis de justice qui résulteraient d’un formalisme excessif, tout en préservant la sécurité juridique par la recherche de la volonté réelle des parties.

Il convient toutefois de préciser que le silence seul ne saurait valoir acceptation en matière de formation du contrat d’assurance, conformément au principe général énoncé à l’article 1120 du Code civil. Cette règle ne souffre exception qu’en cas de modification du contrat, l’article L. 112-2, alinéa 5, du Code des assurances conférant alors une valeur particulière au silence conservé par l’assureur.

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