Le contrat d’assurance procède, à l’instar de toute convention, d’une rencontre des volontés entre les parties contractantes. Cette exigence du droit des obligations trouve une application particulière en matière d’assurance, où le principe du consensualisme gouverne la formation du contrat. La Cour de cassation rappelle ainsi systématiquement que le contrat d’assurance constitue « un contrat consensuel qui est parfait, dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré » (Cass. 1ère civ. 21 mai 1990, n°87-19.014), l’échange des consentements demeurant indépendant des écrits qui ne servent qu’à établir son existence. L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances ne pose dès lors l’exigence d’un écrit qu’à des fins probatoires, sans conditionner la validité de la convention à l’accomplissement de formalités particulières.
Cette soumission au consensualisme n’épuise cependant pas la singularité du processus de formation du contrat d’assurance. En effet, contrairement à la configuration habituelle des rapports contractuels où le professionnel propose ses services à sa clientèle en endossant la qualité de pollicitant, le mécanisme d’échange des consentements connaît en assurance une inversion remarquable des rôles. C’est le candidat à l’assurance qui se trouve en position d’offrant, tandis que l’assureur occupe celle d’acceptant. Cette particularité trouve sa justification dans la nature même de l’opération d’assurance : l’assureur ne saurait donner un consentement éclairé qu’à la condition de connaître précisément les caractéristiques du risque qu’on lui propose de garantir. L’appréciation du risque, préalable indispensable à tout engagement de l’entreprise d’assurance, commande nécessairement que l’offre émane du porteur de risques lui-même.
Cette logique économique et technique explique que l’offre, formalisée dans la proposition d’assurance, constitue l’acte par lequel le candidat à l’assurance expose à l’assureur les éléments caractéristiques du risque qu’il souhaite voir couvert. L’acceptation de cette offre par l’assureur, quant à elle, peut s’exprimer selon diverses modalités, la note de couverture constituant l’instrument privilégié de cette manifestation de volonté, notamment lorsque l’engagement de garantie précède l’établissement définitif de la police d’assurance.
Il convient toutefois de souligner que cette rencontre des volontés, pour être juridiquement opérante, suppose un accord portant sur l’ensemble des éléments essentiels du contrat. Comme l’a précisé la jurisprudence, le contrat ne saurait se former en l’absence d’accord sur des éléments fondamentaux tels que le moment à partir duquel le risque est garanti ou la durée de cette garantie. Cette exigence de complétude de l’accord contractuel témoigne de ce que le consensualisme, principe cardinal de la formation du contrat d’assurance, ne saurait s’accommoder d’un consentement imprécis ou lacunaire sur les modalités essentielles de la couverture.
Nous nous focaliserons ici sur l’acceptation de la proposition d’assurance.
L’acceptation de l’assureur constitue le second temps de l’échange des consentements, celui par lequel la proposition trouve son aboutissement contractuel. Cette manifestation de volonté, qui transforme l’offre en contrat, peut revêtir diverses modalités selon l’attitude adoptée par l’assureur face au risque qui lui est proposé.
a. Les modalités de l’acceptation
i. L’acceptation pure et simple
L’acceptation pure et simple constitue l’hypothèse la plus favorable à la formation immédiate du contrat. L’assureur, après avoir procédé à l’évaluation du risque sur la base des informations recueillies dans la proposition, manifeste son accord sans réserve aux conditions sollicitées. Cette acceptation s’exprime traditionnellement par l’envoi au candidat à l’assurance d’un exemplaire signé de la police d’assurance, accompagné des conditions particulières mentionnant la prise d’effet du contrat.
La signature de l’assureur établit juridiquement son consentement et, sauf clause contraire, emporte perfection du contrat (Cass. 1re civ., 19 mars 1996, n°94-14.635). Cette solution, constamment rappelée par la jurisprudence, s’inscrit dans la logique consensuelle du contrat d’assurance qui se forme dès la rencontre des volontés, indépendamment des formalités ultérieures. Le caractère définitif de cette acceptation explique que le contrat soit réputé conclu même si l’assuré ne retourne pas la police signée, celui-ci demeurant néanmoins débiteur de la prime.
ii. Le refus d’acceptation
L’assureur conserve une liberté totale de refuser la proposition qui lui est soumise. Cette prérogative découle directement du principe posé par l’article L. 112-2, alinéa 6, du Code des assurances selon lequel la proposition n’engage aucune des parties (Cass. 1re civ., 21 mai 1990, n°88-20.306). Le refus peut être motivé par diverses considérations: incompatibilité du risque avec l’activité habituelle de l’assureur, danger pour l’équilibre économique de l’opération, antécédents sinistres défavorables ou encore politique de souscription restrictive.
Ce refus peut être explicite, par notification directe au candidat à l’assurance, ou implicite, par le silence gardé dans un délai raisonnable. Dans cette dernière hypothèse, le candidat à l’assurance peut, pour certaines assurances obligatoires, saisir le Bureau central de tarification qui impose alors à un assureur la prise en charge du risque selon un tarif déterminé.
iii. L’acceptation conditionnelle
L’assureur peut subordonner son acceptation à des modifications des conditions initialement proposées. Cette acceptation conditionnelle se matérialise par l’envoi d’une police signée dont le contenu déroge aux termes de la proposition d’assurance initiale, que ce soit par l’introduction d’exclusions supplémentaires, la limitation du montant des garanties, la modification de la prime ou l’altération de la durée du contrat.
Dans cette configuration, la jurisprudence considère que l’assureur devient pollicitant en formulant une contre-proposition. Le processus contractuel se trouve alors relancé, le candidat à l’assurance devant manifester son acceptation de ces conditions nouvelles pour que le contrat puisse se former. Cette acceptation peut résulter d’une manifestation expresse ou de comportements non équivoques, tel le paiement d’une prime majorée qui vaut acceptation de l’offre reformulée par l’assureur.
b. Les formes de l’acceptation
i. L’acceptation expresse
L’acceptation expresse constitue la modalité la plus claire de manifestation du consentement de l’assureur. Elle peut prendre diverses formes : envoi de la police d’assurance signée, remise d’une attestation d’assurance, émission d’une note de couverture ou simple courrier confirmant l’accord de l’assureur. Cette variété dans les modes d’expression témoigne de l’absence de formalisme particulier exigé par le droit des assurances, conformément au principe consensuel qui gouverne la formation du contrat.
L’envoi d’une lettre simple suffit à matérialiser l’acceptation, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une lettre recommandée. Cette souplesse facilite les relations contractuelles tout en préservant l’efficacité économique du processus de souscription.
ii. L’acceptation tacite
L’acceptation peut également résulter de comportements non équivoques de l’assureur, même en l’absence de manifestation expresse. Cette acceptation tacite découle de l’application du principe général selon lequel le consentement peut être déduit de circonstances ne laissant aucun doute sur la volonté de son auteur.
Ainsi, l’encaissement sans réserve des primes, l’envoi d’avenants au contrat ou la prise en charge de sinistres peuvent constituer autant d’indices révélateurs de l’acceptation implicite de l’assureur. Cette jurisprudence pragmatique évite les dénis de justice qui résulteraient d’un formalisme excessif, tout en préservant la sécurité juridique par la recherche de la volonté réelle des parties.
Il convient toutefois de préciser que le silence seul ne saurait valoir acceptation en matière de formation du contrat d’assurance, conformément au principe général énoncé à l’article 1120 du Code civil. Cette règle ne souffre exception qu’en cas de modification du contrat, l’article L. 112-2, alinéa 5, du Code des assurances conférant alors une valeur particulière au silence conservé par l’assureur.