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L’obligation de motivation du conseil délivré par un distributeur d’assurance

L’ordonnance du 16 mai 2018, transposant la directive (UE) 2016/97, a introduit deux exigences majeures dans le régime du devoir de conseil en assurance : l’obligation de motivation et la formalisation sur support durable. Ces apports renforcent la protection du souscripteur en imposant au distributeur non seulement de recommander un contrat adapté, mais aussi de justifier clairement ses choix et de documenter son intervention.

Cette évolution traduit une volonté d’objectiver le conseil, en le rendant traçable, vérifiable, et donc plus aisément contrôlable, tant par l’assuré que par l’ACPR ou le juge. Elle s’inscrit dans une tension croissante entre standardisation des pratiques et personnalisation du conseil.

Nous nous focaliserons ici sur l’obligation de motivation du conseil.

L’article L. 521-4, I du Code des assurances impose au distributeur de « préciser les raisons qui motivent ce conseil ». Issue de la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances, transposée en droit français par l’ordonnance du 16 mai 2018, cette obligation constitue l’un des apports majeurs du nouveau régime du devoir de conseil.

Cette exigence ne saurait être réduite à une simple formalité. Elle traduit une évolution fondamentale du rôle du distributeur, appelé non seulement à recommander un contrat adapté aux besoins exprimés, mais à justifier de manière argumentée les raisons qui fondent cette recommandation. Comme le souligne la doctrine, il ne s’agit pas d’ordonner un choix au souscripteur, mais de lui fournir les éléments lui permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause.

L’article L. 521-4, III ajoute que ces raisons doivent être « adaptées à la complexité du contrat d’assurance proposé ». Le législateur opère ainsi une modulation bienvenue de l’intensité de l’obligation de motivation, tenant compte de la nature et de la technicité des produits concernés. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans sa note de juillet 2018 sur les « Principes du conseil en assurance », propose à cet égard une typologie en trois niveaux :

  • Niveau 1 (obligatoire pour toute distribution) : la motivation peut être synthétique et standardisée, à condition de permettre au client de vérifier de façon effective la cohérence du contrat proposé avec ses exigences et ses besoins.
  • Niveaux 2 et 3 (services de recommandation personnalisée) : la motivation doit être spécifiquement individualisée, justifiant le choix d’un produit plutôt qu’un autre sur la base d’une analyse comparative.

La motivation du conseil revêt une dimension probatoire essentielle. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997, il appartient au distributeur de prouver l’exécution de son obligation de conseil (Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, n°94-19.685). La motivation écrite constitue ainsi un élément de preuve déterminant.

Les précisions relatives à la rationalité du choix conseillé permettent de vérifier la qualité du conseil ou de la recommandation à partir des considérations et des circonstances dont l’intermédiaire a tenu compte pour arrêter sa position.

La motivation peut être intégrée dans plusieurs documents remis au souscripteur, parmi lesquels :

  • les fiches de conseil ou documents de recommandation,
  • les annexes de diagnostic des besoins,
  • les comptes-rendus d’entretien,
  • ou encore, en cas de recommandation personnalisée, les analyses comparatives réalisées sur le marché.

La motivation du conseil s’articule enfin avec le document d’information normalisé sur le produit d’assurance (IPID), exigé par l’article L. 112-2, al. 4 du Code des assurances. Ce document, élaboré par le concepteur du produit, présente de manière synthétique les caractéristiques essentielles du contrat. Le conseil personnalisé du distributeur doit s’appuyer sur ces données, les interpréter à la lumière des besoins du client, et compléter les informations standardisées par une justification adaptée à la situation particulière du souscripteur.

 

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