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L’obligation d’information due pour les produits d’investissement fondés sur l’assurance

À la frontière entre assurance et investissement, certains contrats d’assurance vie — notamment les contrats multisupports — ne se contentent plus de garantir un aléa de vie : ils organisent une véritable opération de placement. En permettant au souscripteur d’allouer son épargne sur des actifs financiers (actions, obligations, immobilier, etc.), ces produits exposent son capital aux risques de marché, sans qu’il ne détienne directement les actifs sous-jacents.

Cette transformation de l’assurance vie en outil d’investissement a conduit le droit européen à s’écarter des classifications juridiques traditionnelles. Plutôt que de s’en tenir à la forme du contrat, il retient une approche fonctionnelle : dès lors qu’un produit permet à un investisseur de détail de s’exposer à des actifs de marché via un contrat d’assurance, il doit relever d’un régime spécifique. C’est cette logique qui a présidé à l’adoption du règlement (UE) n° 1286/2014, instituant la catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs).

a. La notion de PRIIP

La catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, introduite par le règlement (UE) n° 1286/2014 du 26 novembre 2014, résulte d’une volonté d’harmonisation européenne de la protection des investisseurs de détail. Il s’agit de couvrir les produits hybrides situés à l’intersection de l’assurance et de la finance, en particulier les contrats d’assurance vie qui, sans renier leur finalité assurantielle, intègrent un objectif d’investissement soumis à des aléas de marché. Aux termes de l’article 4, § 3, du règlement, est considéré comme PRIIP tout produit comportant une valeur de rachat exposée, directement ou indirectement, à la performance d’un ou plusieurs actifs sous-jacents — sans que l’investisseur n’en détienne la propriété directe.

Par cette approche fonctionnelle, le droit de l’Union entend soumettre ces produits à un standard élevé de transparence, dans le but de favoriser la comparabilité entre instruments financiers concurrents, d’améliorer la lisibilité des risques assumés et de prévenir les arbitrages réglementaires entre secteurs. Ainsi, sont concernés les contrats d’assurance vie en unités de compte, les contrats multisupports, les produits structurés à formule, mais aussi, plus largement, des instruments collectifs comme les SCPI, OPCI ou fonds à formule, dès lors qu’ils sont packagés et proposés à une clientèle de détail.

Le critère déterminant tient à l’existence d’un emballage financier (packaging) faisant écran entre l’investisseur et les actifs sous-jacents, dans le cadre d’une opération standardisée, assortie d’une promesse de rendement ou d’un scénario de valorisation, souvent opaque. La dimension assurantielle, dès lors qu’elle devient accessoire à la logique d’investissement, justifie l’intégration du produit dans le champ d’application du règlement PRIIPs, lequel complète les règles de distribution posées par la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (DDA), elle-même transposée aux articles L. 521-1 et suivants du Code des assurances.

b. Les obligations d’information spécifiques liées à la qualification de PRIIP

En tant que PRIIPs, les contrats d’assurance vie en unités de compte ou multisupports sont soumis à une obligation précontractuelle d’information renforcée, matérialisée par la remise d’un Document d’Informations Clés (DIC) avant toute souscription. Ce document, qui s’est substitué depuis 2018 à l’ancien DICI (document d’information clé pour l’investisseur), vise à présenter en trois pages maximum les caractéristiques essentielles du produit, sous un format lisible, normé et comparable. Son contenu est défini aux articles 6 à 8 du règlement (UE) n° 1286/2014 et comprend : la nature du produit, son profil de risque et de rendement, des scénarios de performance (y compris défavorable), les frais directs et indirects, la durée de détention recommandée, et les conséquences d’un désinvestissement anticipé.

La remise du DIC constitue une information précontractuelle autonome, indépendante de la note d’information contractuelle exigée par les articles L. 132-5-2 et A. 132-4 du Code des assurances. Cette coexistence des instruments suppose une articulation rigoureuse. En pratique, le DIC complète et, pour une part, se substitue à l’information sur les supports, notamment lorsque ceux-ci relèvent du champ des PRIIPs. Ainsi, pour chaque unité de compte sélectionnée par le souscripteur, la remise du DIC peut valablement tenir lieu d’information spécifique, à condition d’être effectuée contre récépissé (C. assur., art. A. 132-4, annexe, A. 132-4-3 et A. 132-6).

Pour les contrats multisupports, la sophistication de l’offre justifie un degré supplémentaire d’exigence. L’article A. 132-4 du Code des assurances prévoit que la note d’information doit mentionner les unités de compte de référence, les dates de conversion des primes, les modalités d’obtention des documents réglementaires, ainsi qu’un tableau de valeurs de rachat exprimées en parts ou en unités, accompagné d’une explication littérale. L’encadré d’information prévu par l’article A. 132-8 joue un rôle clé d’avertissement sur la nature non garantie des investissements en unités de compte et la nécessité d’un conseil personnalisé. Il est exigé que l’encadré précise que la valeur des unités peut fluctuer à la hausse comme à la baisse, et que l’assureur ne garantit que leur nombre, non leur valeur.

En cas de manquement à l’obligation de remise du DIC, la responsabilité civile de l’initiateur est susceptible d’être engagée en vertu de l’article 11 du règlement PRIIPs, à la condition que le document soit trompeur, inexact, ou incohérent avec les autres documents contractuels. En France, la jurisprudence a d’ores et déjà admis que l’absence ou l’insuffisance d’information sur la structure du produit, sa durée ou ses risques spécifiques pouvait fonder une action en nullité pour vice du consentement ou engager la responsabilité de l’assureur.

La logique sous-jacente au dispositif PRIIPs est donc celle d’une responsabilisation renforcée de l’intermédiaire, tenu de proposer un produit adapté au profil de l’investisseur, dans un cadre normatif qui rapproche les standards assurantiels de ceux applicables aux instruments financiers régis par la directive MIF 2.

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