La réforme opérée par la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 a profondément modifié le régime de la déclaration du risque en assurance. Alors que le droit antérieur imposait à l’assuré de révéler spontanément toutes les circonstances susceptibles d’influencer l’appréciation du risque, le droit actuel repose sur un mécanisme de déclaration provoquée, fondé sur un questionnaire établi par l’assureur. Ce changement de logique a renforcé la sécurité juridique du souscripteur, tout en clarifiant les responsabilités respectives des parties. Pour en comprendre les enjeux, il convient d’examiner successivement le régime de la déclaration spontanée (1) puis les principes du droit positif issu de la réforme (2).
1. Droit antérieur
Avant d’être réformé par la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989, le droit des assurances imposait à l’assuré une obligation particulièrement rigoureuse : celle de déclarer, de sa propre initiative, toutes les circonstances dont il avait connaissance et qui étaient de nature à influencer l’appréciation du risque par l’assureur. Ce devoir, énoncé à l’ancien article L. 113-2, 2° du Code des assurances issu de la loi du 13 juillet 1930, s’inscrivait dans un régime que l’on qualifie classiquement de « déclaration spontanée ». Il commandait à l’assuré de se projeter dans la position de son cocontractant, pour deviner ce qui pourrait l’intéresser dans l’évaluation du risque, sans que celui-ci ait à lui poser la moindre question.
L’exigence pouvait sembler théoriquement cohérente dans un modèle fondé sur la bonne foi contractuelle, mais elle se révélait en pratique d’une redoutable sévérité. L’assuré, souvent profane, était contraint d’apprécier seul le périmètre de son obligation de déclaration, sous peine de s’exposer aux sanctions les plus lourdes, et notamment à la nullité du contrat en cas de réticence ou de fausse déclaration même intentionnelle (C. assur., art. L. 113-8). La jurisprudence elle-même soulignait que l’assuré devait révéler tout élément de nature à influencer l’opinion de l’assureur sur les risques qu’il prenait à sa charge (Cass. 1re civ., 2 nov. 1954). Ce dispositif traduisait une conception déséquilibrée du contrat d’assurance, en faisant peser sur l’assuré seul la double charge de l’initiative déclarative et de l’appréciation des éléments pertinents à révéler.
Certes, la pratique avait progressivement vu émerger l’usage de questionnaires de risques, mais ceux-ci n’avaient, aux yeux de la jurisprudence, qu’une valeur indicative. Ils ne réduisaient en rien la portée de l’obligation spontanée. Ainsi, la Cour de cassation considérait que les questions de l’assureur n’avaient d’autre fonction que d’attirer l’attention de l’assuré sur certaines circonstances, sans limiter pour autant l’étendue de son obligation de déclaration (Cass. 1re civ., 3 déc. 1974, n° 73-12.610). Le questionnaire ne servait donc pas à borner le champ de l’obligation, mais seulement à en rappeler la gravité.
Ce régime, par trop exigeant, était à bien des égards critiqué. La doctrine dénonçait la logique implicite d’un système dans lequel l’assuré, à défaut de disposer des compétences techniques de l’assureur, pouvait omettre des éléments essentiels sans mauvaise foi, simplement faute d’en avoir perçu la pertinence. Cette situation mettait en péril l’équité de la relation contractuelle, mais aussi le bon fonctionnement du mécanisme assurantiel fondé sur la mutualisation du risque. Comme l’écrivait Pierre Catala, la justice commutative au sein de la mutualité exigeait que l’assuré, même de bonne foi, puisse être sanctionné lorsqu’il avait involontairement minoré le risque déclaré, au détriment de l’équilibre économique de l’ensemble des contrats.
La rigueur du régime antérieur se doublait d’une incertitude jurisprudentielle quant aux conditions d’engagement de la responsabilité de l’assuré en cas d’omission. Bien que la charge de la preuve incombât en principe à l’assureur, notamment s’agissant de l’inexactitude ou du caractère déterminant de l’élément non déclaré, cette exigence probatoire demeurait insuffisante pour compenser l’asymétrie structurelle entre les parties. À l’assureur, professionnel aguerri, répondait un assuré le plus souvent profane, contraint d’anticiper, sans assistance, les attentes implicites de son cocontractant. Ce déséquilibre, à la fois technique et économique, expliquait l’instabilité d’un contentieux abondant et l’appel croissant à une réforme du dispositif légal.
C’est dans ce contexte que la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 est venue refonder les modalités de déclaration du risque. En substituant au modèle de la déclaration spontanée un mécanisme fondé sur l’interrogation explicite de l’assuré — via un questionnaire formalisé — le législateur a opéré un renversement du système mis en place depuis 1930. La logique déclarative, jusque-là spontanée et extensive, a cédé la place à une logique de réponse provoquée, délimitée par les seules questions posées. Cette réforme a profondément modifié les équilibres de la phase précontractuelle, en recentrant la responsabilité de l’information sur celui qui, seul, est en mesure d’identifier les éléments déterminants pour l’appréciation du risque.
2. Droit positif
a. Le principe du questionnaire : vers une déclaration provoquée
La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 a profondément modifié le régime de la déclaration des risques en assurance, en substituant au système de la déclaration spontanée un modèle fondé sur l’interrogation explicite de l’assuré. Cette réforme, introduite à l’article L. 113-2, 2° du Code des assurances, impose désormais à l’assuré de « répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». Cette substitution d’une logique de réponse à une logique de déclaration inaugure ce que la doctrine a qualifié de « déclaration provoquée », fondée sur un principe de questionnaire préalablement établi par le professionnel.
Ce renversement s’inscrit dans la reconnaissance d’un déséquilibre économique et technique : seul l’assureur, en sa qualité de professionnel du risque, est en mesure d’identifier les données nécessaires à l’évaluation du risque, tandis que l’assuré, généralement profane, ne dispose pas des moyens de discerner ce qui mérite d’être révélé. En effet, comme le soulignait déjà la Commission des clauses abusives dès 1985, l’assuré ne peut raisonnablement savoir quelles circonstances sont de nature à influencer l’appréciation du risque par l’assureur. Il revient donc à ce dernier de poser les questions pertinentes. Le rôle de l’assuré se limite dès lors à y répondre loyalement, avec exactitude et sincérité. Ce renversement de la charge de l’initiative est au cœur de la philosophie de la réforme.
Ainsi conçu, le questionnaire constitue la modalité centrale, sinon exclusive, de la déclaration initiale du risque. Il appartient à l’assureur d’élaborer un formulaire limitatif et précis, adapté aux spécificités du risque en cause. L’assuré, quant à lui, n’est tenu de déclarer que les circonstances expressément visées par ce questionnaire. Il en résulte qu’à défaut d’interrogation sur un point déterminé, même important, l’assuré ne saurait être sanctionné d’un défaut de révélation (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994, n°90-19.022).
Cette répartition des obligations n’exclut toutefois pas la recevabilité de déclarations effectuées spontanément par l’assuré, en dehors de tout questionnaire. La jurisprudence admet qu’un mensonge sur une circonstance révélée à l’initiative de l’assuré puisse engager sa responsabilité au titre de l’article L. 113-8 du Code des assurances (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n°15-13.850). Cette solution, confirmée à plusieurs reprises, conduit à considérer que le principe du questionnaire n’exclut pas toute prise en compte des déclarations spontanées, notamment lorsqu’elles s’avèrent mensongères. Néanmoins, en l’absence d’une telle mauvaise foi, aucune obligation autonome de déclaration spontanée ne saurait être invoquée à l’encontre de l’assuré.
Il importe également de souligner la portée exacte de l’obligation de réponse mise à la charge de l’assuré. Ce dernier n’est tenu de répondre qu’aux questions relatives aux circonstances de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge, selon les termes mêmes de l’article L. 113-2. Autrement dit, une omission ou une inexactitude ne peut être reprochée à l’assuré qu’à la condition que la circonstance en cause ait eu une incidence sur l’évaluation du risque garanti, et non d’un risque exclu ou étranger au contrat. La Cour de cassation a d’ailleurs évolué sur ce point, en jugeant qu’un mensonge portant sur un risque exclu peut néanmoins influencer l’opinion de l’assureur sur le risque couvert, et donc fonder une sanction (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n°00-12.419).
Enfin, la déclaration de l’assuré est conditionnée à la connaissance effective de la circonstance à révéler. La jurisprudence précise que l’assuré n’est pas tenu de répondre exactement à des questions sur des faits qu’il ignore (Cass. 1re civ., 1er févr. 2000, n°97-11.539). Elle reconnaît également que l’absence de conscience de devoir déclarer une circonstance, en raison par exemple de la confiance accordée aux affirmations médicales reçues, exclut la mauvaise foi (Cass. 1re civ., 26 mars 1996, n°93-21.727) et peut justifier l’absence de sanction même sur le fondement de l’article L. 113-9 du Code des assurances.
b. La technique du questionnaire fermé
La réforme de 1989 n’a pas seulement substitué à l’ancienne déclaration spontanée une déclaration provoquée?; elle a également consacré une technique spécifique : celle du questionnaire dit «?fermé?». Ce procédé, aujourd’hui au cœur de la phase précontractuelle en assurance, vise à structurer et à canaliser l’expression du risque à travers un support établi par l’assureur. Il en résulte un modèle de questions standardisé, reposant sur des questions fermées, précises et adaptées à la nature du contrat.
i. La contenu du questionnaire
Le questionnaire est aujourd’hui l’instrument central de la déclaration du risque. Son contenu, loin de relever d’un simple choix rédactionnel, obéit à un encadrement précis par les textes et la jurisprudence. C’est à l’assureur qu’il revient de formuler des questions claires, ciblées et adaptées, seules aptes à fonder l’obligation de réponse de l’assuré et, le cas échéant, à justifier les sanctions prévues en cas de fausse déclaration.
==>L’exigence de clarté et de précision
L’article L. 112-3, alinéa 4, du Code des assurances énonce un principe cardinal : l’assureur ne peut se prévaloir d’une réponse imprécise que s’il a lui-même posé une question claire. Ainsi, « lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise ». La jurisprudence a tiré toutes les conséquences de ce texte en exigeant des questions exemptes d’ambiguïté, dont la formulation permette à un assuré normalement avisé de comprendre l’étendue de son devoir déclaratif (Cass. 2e civ., 29 juin 2017, n° 16-18.975).
Cette exigence formelle a valeur probatoire, en ce qu’elle conditionne l’opposabilité des réponses données. L’assureur ne saurait invoquer une déclaration inexacte ou incomplète sans démontrer qu’elle répondait à une question suffisamment déterminée, au risque de voir sa prétention rejetée. Il lui appartient donc, dans un souci de loyauté contractuelle, de rédiger ses questions de manière intelligible et spécifique, en tenant compte du niveau d’information du souscripteur.
==>La formulation de questions fermées
Le questionnaire de déclaration repose sur une logique fermée : il ne s’agit pas de provoquer une narration libre des circonstances entourant le risque, mais de solliciter des réponses factuelles à des interrogations ciblées. Cette méthode suppose des formulations structurées, à visée binaire (oui/non), ou à tout le moins réductibles à des réponses objectives et vérifiables. L’objectif est de guider le souscripteur, d’orienter ses réponses, et ainsi de canaliser l’information utile à l’appréciation du risque par l’assureur.
La Cour de cassation admet qu’une question générale puisse être réputée précise lorsqu’elle ne laisse place à aucune incertitude, notamment si elle est accompagnée de compléments explicites (v. par ex., « êtes-vous atteint d’une affection quelconque ? laquelle?» : Cass. 1re civ., 27 janv. 2004, n° 00-19.402). En revanche, une formulation vague ou équivoque ne saurait fonder, en cas de réponse erronée, la mise en œuvre des sanctions prévues aux articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances (Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n° 17-28.093).
==>La diversité des questions posées
Le contenu du questionnaire peut porter tant sur des éléments objectifs relatifs au risque (nature du bien, conditions d’usage, antécédents de sinistre, situation géographique, etc.) que sur des données subjectives relatives au souscripteur (état de santé, situation familiale, profession, autres assurances souscrites). La Cour de cassation a d’ailleurs reconnu à l’assureur le droit de poser des questions relatives à des risques non garantis, dès lors que ces informations sont de nature à influencer son opinion sur le risque couvert (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n° 00-12.419).
Même en matière d’assurances de personnes, où le principe indemnitaire est inapplicable et où la possibilité de cumul contractuel est reconnue, l’assureur est en droit de solliciter la communication d’éventuels contrats antérieurs ou concomitants, dans la mesure où cette donnée peut éclairer l’acceptabilité du risque.
==>La personnalisation des questions
L’assureur, en sa qualité de professionnel, assume la responsabilité de formuler un questionnaire adapté à la nature du contrat et au profil du souscripteur. Cette exigence, bien que contraignante, s’explique par l’objectif poursuivi : fournir à l’assureur les informations pertinentes tout en ménageant un cadre protecteur pour l’assuré. En cas de contentieux, les juridictions n’hésitent pas à sanctionner l’imprécision ou l’absence de personnalisation, qu’il s’agisse d’une clause de style ou d’une formulation trop générale.
En définitive, la rigueur attendue dans la rédaction des questions n’est pas une simple exigence de forme : elle est le corollaire de la répartition équilibrée des charges déclaratives entre les parties. Dans le modèle issu de la réforme de 1989, l’assureur ne peut revendiquer une information qu’il n’a pas pris soin de solliciter avec suffisamment de précision.
ii. La forme du questionnaire
==>Questions orales
L’article L. 113-2, 2° du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, oblige l’assuré à répondre exactement aux questions posées par l’assureur, « notamment dans le formulaire de déclaration du risque ». L’usage de l’adverbe notamment traduit une volonté claire du législateur : celle de ne pas enfermer l’obligation déclarative dans la seule formalisation écrite. Autrement dit, le droit positif n’exige pas que les questions posées à l’assuré soient nécessairement couchées sur un support écrit, ni même qu’elles prennent la forme d’un questionnaire formel et standardisé.
Cette souplesse permet d’admettre, sous réserve de garanties suffisantes, la validité des interrogations verbales, y compris par téléphone ou en face-à-face. La Cour de cassation l’a expressément reconnu dans un arrêt du 4 février 2016, en affirmant que l’article L. 113-2 n’imposait nullement la remise d’un questionnaire écrit préalable (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-13.850). L’obligation de l’assureur ne porte donc pas sur la forme du questionnement, mais sur sa substance : les questions doivent être précises, loyales et de nature à permettre à l’assuré d’y répondre utilement. C’est ce que rappelle également l’article L. 112-3, alinéa 4, qui vise les questions « par écrit », sans exclure d’autres procédés équivalents, pourvu que la preuve de leur existence soit rapportée.
Ainsi, la déclaration de risque peut valablement découler d’un échange oral, à condition que le souscripteur ait ensuite été mis en mesure de vérifier, de confirmer ou de corriger ses réponses. Tel fut le cas dans une affaire concernant une souscription téléphonique, où la haute juridiction a validé la procédure suivie dès lors que l’assuré avait signé, ultérieurement, les conditions particulières récapitulant les réponses fournies verbalement (Cass. 2e civ., 16 déc. 2010, n° 10-10.859). Cette possibilité est également transposable à d’autres supports, tels que les parcours numériques, où le questionnaire est rempli avant toute interaction directe avec l’assureur.
La reconnaissance de la validité des questions orales n’implique pas pour autant une absence de contrôle. Il appartient aux juges du fond de s’assurer que ces questions ont bien été posées, que leur contenu était compréhensible, et que l’assuré a pu y répondre de manière éclairée. À défaut, la nullité du contrat ne saurait être prononcée sur le fondement des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances. La jurisprudence constante exige que la fausse déclaration ou la réticence reprochée procède de la réponse apportée à une question loyale, précise et intelligible, quelle que soit sa forme initiale.
==>Déclarations pré-rédigées
L’essor des pratiques de souscription standardisée a vu se généraliser l’usage de «déclarations pré-rédigées», insérées directement dans les conditions particulières des polices d’assurance. Ces clauses, par lesquelles l’assuré est réputé avoir fourni certaines informations déterminantes, posent la question de leur opposabilité en l’absence d’un véritable dialogue interrogatif. Le droit positif, éclairé par une abondante jurisprudence, en a progressivement précisé le régime.
Par un arrêt de principe du 7 février 2014, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a solennellement consacré les limites juridiques opposables aux déclarations pré-rédigées, lorsqu’elles sont invoquées par l’assureur à l’appui d’une demande de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle (Cass. ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85.107). Saisi d’un litige opposant un assureur à un souscripteur auquel il reprochait une fausse déclaration intentionnelle quant à l’existence d’antécédents de retrait de permis, la Cour de cassation rappelle que la validité d’une telle sanction suppose, à peine de nullité, que les déclarations incriminées procèdent de réponses apportées à des questions précises posées lors de la phase précontractuelle, conformément aux articles L. 113-2, 2°, L. 112-3, alinéa 4 et L. 113-8 du Code des assurances.
Dans cette affaire, le contrat d’assurance automobile conclu par le souscripteur avait été établi sur la base de conditions particulières mentionnant notamment, sous une rubrique intitulée « Déclaration », que celui-ci n’avait pas fait l’objet, dans un certain délai, d’une suspension ou d’une annulation de permis. Ces mentions, pré-imprimées dans le corps du contrat, avaient été signées par le souscripteur avec la formule usuelle « lu et approuvé ». L’assureur, confronté à la révélation d’une annulation de permis antérieure à la souscription, avait opposé la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle.
La Cour d’appel, accueillant cette argumentation, avait prononcé la nullité du contrat d’assurance, estimant que la déclaration inexacte, formalisée dans les conditions particulières, révélait l’intention frauduleuse du souscripteur. La Cour de cassation censure cette décision. Elle énonce que la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré ne peut être sanctionnée que si elle résulte des réponses qu’il a effectivement apportées à des questions précises posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque utilisé lors de la conclusion du contrat.
Autrement dit, la seule présence d’une clause pré-rédigée dans les documents contractuels, fût-elle signée, ne saurait tenir lieu de réponse au sens des dispositions légales. Elle ne permet pas à l’assureur de justifier d’un manquement à l’obligation de déclaration de l’assuré, dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’un dialogue formalisé, structuré autour d’interrogations explicites.
Ce principe, désormais fermement établi, tranche une divergence ancienne entre la chambre criminelle — traditionnellement stricte sur l’exigence de questions préalables posées par écrit — et la deuxième chambre civile, plus encline à admettre la force probatoire des déclarations pré-imprimées. Il en résulte que l’assureur ne peut se prévaloir d’une fausse déclaration intentionnelle fondée sur une clause pré-rédigée si elle ne repose pas sur une interrogation individualisée et circonstanciée. La jurisprudence récente le confirme avec constance, tant en matière d’assurance automobile (Cass. 2e civ., 3 juill. 2014, n° 13-18.760) que d’assurance habitation (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-15.204) ou de prévoyance (Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-14.336).
Pour être opposable, la déclaration pré-rédigée doit ainsi répondre à une double exigence : d’une part, elle doit découler d’un questionnaire effectivement soumis à l’assuré, d’autre part, celui-ci doit avoir été mis en mesure de lire, comprendre et éventuellement contester le contenu des affirmations portées à sa signature. Cette rigueur protectrice découle directement du principe de personnalisation de la déclaration du risque, qui fonde l’équilibre économique du contrat d’assurance.
L’exemple emblématique en la matière est celui de la « déclaration de bonne santé », fréquemment exigée en assurance emprunteur ou en prévoyance. L’assuré y atteste ne pas souffrir d’affection connue susceptible de modifier l’appréciation du risque. Toutefois, cette clause ne produit d’effet qu’à condition d’être rédigée en des termes compréhensibles, exempts d’ambiguïté, et accompagnée d’une information suffisante sur les conséquences d’une inexactitude. À défaut, l’assureur encourt la déchéance de son droit à se prévaloir de l’article L. 113-8 du Code des assurances.
Il appartient donc au juge du fond de vérifier, concrètement, si l’assuré a été placé en situation de consentir librement et en connaissance de cause aux déclarations mentionnées dans le contrat. Ce contrôle, empreint de pragmatisme, peut conduire à rejeter l’argument d’une déclaration mensongère lorsque l’assuré n’a pas eu l’opportunité réelle de répondre à une question individualisée, ou lorsque la clause se borne à reproduire des formules impersonnelles et générales.
Ce faisant, la jurisprudence renforce l’obligation de loyauté dans l’élaboration de l’instrumentum contractuel. Elle rappelle à l’assureur que la mise en œuvre du mécanisme déclaratif suppose non seulement la transparence du processus de souscription, mais également l’effectivité de la participation de l’assuré à la construction du contenu du contrat. Le procédé des déclarations pré-imprimées, s’il n’est pas interdit per se, demeure ainsi placé sous haute surveillance.