La fausse déclaration non intentionnelle du risque, lorsqu’elle résulte de la simple négligence ou de l’ignorance excusable de l’assuré, ne relève pas du régime sévère de la nullité prévu à l’article L. 113-8 du Code des assurances. C’est un régime autonome, plus clément, que consacre l’article L. 113-9 du même code. Loin d’ignorer les conséquences d’une déclaration inexacte, ce texte organise un dispositif correctif proportionné, articulé autour de deux situations distinctes : selon que l’inexactitude est révélée avant ou après la survenance du sinistre. Dans la première hypothèse, l’assureur dispose d’un droit d’option entre la résiliation du contrat ou sa continuation moyennant une augmentation de la prime. Dans la seconde, il peut obtenir une réduction de l’indemnité due, selon une règle proportionnelle fondée sur l’écart entre la prime perçue et celle qui aurait été exigée si le risque avait été correctement déclaré.
I. Hypothèse d’une découverte antérieure au sinistre : résiliation ou maintien du contrat
Lorsque l’erreur dans les déclarations de l’assuré est révélée avant la réalisation du sinistre, l’assureur dispose, en vertu de l’article L. 113-9, alinéa 2 du Code des assurances, d’un droit d’option dont la mise en œuvre est strictement encadrée. Ce texte prévoit que «?si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus. »
Ainsi, deux options s’offrent à l’assureur : conclure un avenant modifiant la prime, sous réserve de l’accord de l’assuré, ou bien résilier le contrat de manière unilatérale, dans les formes prévues. Cette résiliation ne peut produire effet qu’à l’expiration d’un délai de dix jours suivant la notification par lettre recommandée. Elle emporte, par ailleurs, l’obligation de restituer à l’assuré la part de prime afférente à la période non couverte. L’assuré, pour sa part, ne bénéficie d’aucun droit symétrique de résiliation sur ce fondement, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass., ch. réunies, 8 juill. 1953).
Toutefois, une difficulté particulière surgit dans les situations dites intermédiaires, dans lesquelles le sinistre survient après la découverte de l’irrégularité par l’assureur, mais avant que celui-ci n’ait exercé son droit d’option. Ce décalage dans le temps, qui tient à l’inertie ou à la lenteur de réaction de l’assureur, soulève une interrogation : peut-il encore, après réalisation du risque, résilier le contrat ou imposer une surprime avec effet rétroactif ?
La réponse de la jurisprudence est négative. Dans un tel cas, l’assureur est considéré comme ayant perdu le bénéfice des facultés offertes par l’article L. 113-9, alinéa 2. Il ne peut plus ni résilier, ni renégocier rétroactivement les conditions contractuelles. La Cour de cassation assimile en effet cette situation à celle d’une découverte postérieure au sinistre, neutralisant les prérogatives correctrices réservées à la phase antérieure. Seul reste alors ouvert le mécanisme de la réduction proportionnelle de l’indemnité, prévu pour les déclarations inexactes découvertes après sinistre (v. Cass. 2e civ., 2 mars 2017, n°15-27.831).
Cette solution s’explique par une exigence de cohérence procédurale et de protection de l’assuré : dès lors que le risque s’est réalisé, il ne saurait être légitime que l’assureur modifie les termes du contrat de façon rétroactive pour échapper à ses obligations indemnitaires.
II. Hypothèse d’une découverte postérieure au sinistre : réduction proportionnelle de l’indemnité
==>Principe de la réduction proportionnelle du taux de prime
Lorsque l’assureur ne découvre l’erreur ou l’omission affectant la déclaration du risque qu’à l’occasion d’un sinistre, il ne peut ni invoquer la nullité du contrat – faute d’intention dolosive – ni résilier rétroactivement la police. La sanction applicable est alors de nature économique: l’article L. 113-9, alinéa 3 du Code des assurances institue en effet une réduction proportionnelle de l’indemnité, fondée sur le déséquilibre contractuel résultant de la sous-évaluation du risque.
Le texte dispose que « dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. »
Ce mécanisme correcteur, communément désigné sous l’appellation de règle proportionnelle du taux de prime, vise à restaurer l’équilibre économique du contrat en cas de déclaration imparfaite du risque. Son application repose sur une opération arithmétique limpide : l’indemnité versée par l’assureur est ajustée à due concurrence de la cotisation réellement perçue, rapportée à celle qui aurait été légitimement exigée si l’appréciation du risque avait reposé sur des données exactes.
Indemnité versée = Préjudice subi × (Prime payée ÷ Prime exigible)
Il s’agit ici de reconstituer fictivement l’économie du contrat que l’assureur aurait conclu s’il avait été correctement informé. Il ne s’agit donc pas de sanctionner la mauvaise foi de l’assuré – absente en l’espèce – mais d’assurer un réajustement ex post de la contrepartie financière.
L’application de la réduction proportionnelle est indépendante de toute incidence causale entre l’erreur déclarative et la réalisation du dommage : même si l’irrégularité a été sans influence sur le sinistre, la réduction s’applique (Cass. 2e civ., 17 avr. 2008, n° 07-13.053). Cette solution découle de l’économie technique du contrat d’assurance : ce n’est pas l’événement dommageable qui fonde la garantie, mais la sincérité de l’évaluation du risque.
Dès lors, l’assuré ne peut utilement opposer que le risque litigieux aurait été couvert aux mêmes conditions même si la déclaration avait été exacte : le seul critère est celui de la prime qui aurait été exigée en connaissance de cause.
==>Mise en oeuvre de la réduction proportionnelle du taux de prime
Encore faut-il que l’assureur soit en mesure de démontrer le bien-fondé de sa prétention. Il lui incombe d’établir, par des éléments objectifs (grille tarifaire, simulation de tarification, clauses types…), le montant de la prime qu’il aurait appliquée en cas de déclaration conforme (Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-26.245). À défaut, la réduction proportionnelle ne peut être légalement prononcée (v. Cass. 1re civ., 6 juin 2000, n° 97-19.241).
Les juges du fond conservent ici un pouvoir souverain pour déterminer le taux de prime “normal”, en l’absence d’accord entre les parties. Il ne peut toutefois retenir une réduction forfaitaire en substitution de la règle mathématique prévue par la loi, sous peine de censure (Cass. 1re civ., 16 déc. 1998).
==>Opposabilité de la réduction proportionnelle du taux de prime
Sauf disposition contraire, la réduction proportionnelle de l’indemnité est opposable à toute personne invoquant le contrat d’assurance, y compris les bénéficiaires et les victimes dans les assurances de responsabilité (Cass. 1re civ., 15 févr. 1977, n°75-14.244). Cette solution repose sur le principe selon lequel les droits du tiers s’adossent à ceux de l’assuré, et ne sauraient excéder ce que l’assureur aurait dû s’engager à couvrir.
Des exceptions textuelles existent cependant, en particulier en matière d’assurance automobile obligatoire, où l’article R. 211-13, 3° du Code des assurances interdit expressément l’opposabilité de la réduction proportionnelle à la victime, tout en préservant un recours subrogatoire de l’assureur contre son assuré.
==>Régime procédural de la demande en réduction proportionnelle
La demande en réduction proportionnelle ne peut être soulevée d’office par le juge : elle doit être expressément formulée par l’assureur (Cass. 1re civ., 16 oct. 1990, n°88-20.481). L’office du juge est en effet limité par l’article 4 du Code de procédure civile aux prétentions des parties. En revanche, elle est recevable en cause d’appel sur le fondement de l’article 564, dès lors qu’elle tend seulement à limiter le montant de l’indemnité réclamée (Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n°11-13.245).
Enfin, le régime dérogatoire applicable en Alsace-Moselle en matière de réduction proportionnelle d’indemnité a été censuré par le Conseil constitutionnel, rétablissant ainsi l’unité du droit des assurances sur le territoire national. Jusqu’en 2014, l’article L. 191-4 du Code des assurances prévoyait que, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la réduction proportionnelle ne pouvait être appliquée si le risque omis ou dénaturé était sans incidence sur la réalisation du sinistre ou n’en modifiait pas la couverture contractuelle. Ce régime dérogatoire interdisait l’application de toute sanction, même en présence d’une déclaration erronée ayant altéré l’évaluation du risque par l’assureur, dès lors que cette inexactitude était restée sans incidence sur le sinistre ou sur l’étendue de la garantie.
À l’occasion d’un litige opposant un assureur à des héritiers d’un souscripteur décédé, relatif à la déclaration erronée de la superficie d’un bien immobilier, la Cour de cassation a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. 1re civ., 26 juin 2014, n° 13-27.943). Il était demandé si l’article L. 191-4, dans la mesure où il interdisait la réduction proportionnelle dans certains départements sans considération de l’équilibre économique du contrat, ne portait pas atteinte au principe d’égalité devant la loi tel que garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil constitutionnel, par décision du 26 septembre 2014, a fait droit à cette analyse (Cons. const. 26 sept. 2014, n°2014-414) Il a jugé que la disposition contestée, issue de la loi du 6 mai 1991, aggravait une différence de traitement injustifiée entre assurés selon leur lieu de résidence. La règle spéciale n’était ni fondée sur une différence de situation pertinente, ni justifiée par un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi. Elle a donc été déclarée contraire à la Constitution, au visa du principe d’égalité.
L’abrogation de l’article L. 191-4, prononcée avec effet immédiat pour toutes les affaires non jugées définitivement, a ainsi mis un terme à un régime local dérogatoire en matière de déclaration du risque, en réaffirmant la pleine applicabilité de l’article L. 113-9 du Code des assurances, y compris en Alsace-Moselle. Cette censure marque un retour à l’unité du droit des assurances, fondée sur une conception objective et économique du contrat, indépendante de toute considération géographique ou territoriale.