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Les tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle: les ayants droit et les bénéficiaires

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

Nous nous focaliserons ici sur le statut des tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle.

Le contrat d’assurance mutualiste produit des effets qui débordent la seule relation entre la mutuelle et ses membres. En effet, certaines personnes, bien que n’ayant pas la qualité de membre, peuvent bénéficier des prestations assurantielles mises en œuvre par l’organisme. Ces bénéficiaires extérieurs à la mutuelle ne sont ni parties à l’acte d’adhésion, ni ne forment le corps électoral, ni ne participent à la gouvernance mutualiste. Néanmoins, leur intérêt à l’opération d’assurance résulte :

  • soit d’un lien dérivé, par l’intermédiaire d’un membre participant ;
  • soit d’un engagement contractuel spécifique, fondé sur une stipulation pour autrui.

a. Les ayants droit des membres participants

Les ayants droit sont les personnes désignées par les statuts ou les règlements mutualistes comme pouvant bénéficier des garanties souscrites par un membre participant. Leur droit est donc accessoire et dépendant de celui du membre dont ils dépendent (C. mutualité, art. L. 114-1, al. 2).

i. Une qualité accessoire, sans statut de membre

Contrairement au membre participant, l’ayant droit n’est pas adhérent à la mutuelle :

  • il ne signe aucun bulletin d’adhésion,
  • ne participe pas à la gouvernance de l’organisme,
  • et ne peut ni voter ni être élu dans les instances statutaires.

Il tire l’intégralité de ses droits des dispositions statutaires ou règlementaires applicables au membre participant dont il dépend. Par conséquent, la cessation d’adhésion du membre principal (résiliation, radiation, décès non couvert) emporte disparition du droit à prestations de l’ayant droit, sauf stipulation contraire.

ii. Définition du statut

Depuis l’abrogation de l’ancien article L. 313-3 du Code de la sécurité sociale, le législateur n’offre plus de définition de la notion d’ayant droit dans le cadre des contrats mutualistes. En conséquence, il revient désormais à chaque mutuelle de définir, dans ses statuts ou ses règlements mutualistes, les personnes qui peuvent être reconnues comme ayants droit d’un membre participant.

Cette définition est laissée à l’appréciation des mutuelles, sous réserve du respect des principes généraux du droit de la mutualité, en particulier le principe de non-discrimination (C. mutualité, art. L. 110-1 et L. 110-2). Les statuts peuvent ainsi prévoir que sont considérés comme ayants droit :

  • le conjoint marié du membre ;
  • le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;
  • le concubin notoire ;
  • les enfants mineurs ou à charge ;
  • voire, selon les cas, certains ascendants ou autres membres de la famille vivant au foyer.

Cette autonomie permet aux mutuelles d’adapter leur politique de couverture aux réalités sociales et familiales contemporaines, en intégrant, par exemple, les nouveaux modèles familiaux ou les situations de dépendance économique.

b. Les bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui

Outre les ayants droit, une autre catégorie de personnes peut bénéficier des effets du contrat d’assurance mutualiste sans pour autant être membre de la mutuelle : il s’agit des bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui, conformément au régime prévu aux articles 1205 et suivants du Code civil.

Ce mécanisme permet à l’adhérent — dit le stipulant — de prévoir, dans le contrat mutualiste, qu’un tiers bénéficiera d’une prestation déterminée, sans être lui-même partie à la convention. Ce schéma est courant dans les garanties de prévoyance, notamment pour les prestations en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, où le capital ou la rente est directement versé à un tiers désigné.

i. Un droit propre, né de la volonté du stipulant

Contrairement à l’ayant droit, dont la qualité est statutairement défini et juridiquement dérivé de l’adhésion du membre participant, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui dispose d’un droit propre, né de l’acte du stipulant.

Ce droit :

  • n’est pas subordonné à la qualité de membre du bénéficiaire ;
  • devient directement opposable à la mutuelle dès lors qu’il a été accepté ;
  • et ouvre la voie à une action personnelle en exécution de la prestation, selon les modalités prévues dans le contrat.

La stipulation produit donc un effet direct et immédiat au profit du tiers, qui peut valablement réclamer le versement des sommes ou l’exécution de l’engagement prévu, indépendamment de tout lien juridique avec la mutuelle.

ii. L’absence de qualité de membre

Malgré l’existence d’un droit sur la prestation, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui ne devient pas pour autant membre de la mutuelle. Il reste extérieur à la structure mutualiste, et n’est investi d’aucune des prérogatives attachées à la qualité d’adhérent.

Concrètement :

  • il ne participe pas à l’assemblée générale et ne dispose d’aucun droit de vote ;
  • il ne peut être éligible à aucune fonction au sein des instances dirigeantes ;
  • il n’est tenu par aucune obligation de cotisation ou de contribution ;
  • et il n’est pas soumis aux statuts ou règlements mutualistes, sauf en cas d’adhésion dûment formalisée.

Ce n’est que s’il accomplit les formalités d’adhésion — notamment la signature du bulletin et l’acceptation des statuts et règlements mutualistes — qu’il pourra acquérir la qualité de membre participant.

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