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Les personnes concernées par le contrat d’assurance (Code de la mutualité)

Le contrat d’assurance mutualiste ne se comprend pleinement qu’à la lumière des règles qui gouvernent le fonctionnement des mutuelles elles-mêmes. Celles-ci relèvent d’un droit autonome, le droit de la mutualité, qui encadre la structure, les finalités et les modes d’intervention des organismes concernés.

Ce droit repose sur une logique institutionnelle particulière, où la relation d’assurance ne constitue qu’un aspect d’un lien plus large, organisé autour d’une adhésion à une personne morale à but non lucratif. Le membre d’une mutuelle n’est pas simplement un assuré : il est un participant à un groupement régi par des statuts, soumis à des règlements adoptés collectivement, et, dans certains cas, intégré à un dispositif contractuel conclu par une personne morale pour son compte ou celui d’un groupe.

La spécificité du droit de la mutualité tient à cette combinaison entre engagement personnel, cadre collectif et gouvernance démocratique. Elle s’exprime à travers trois instruments juridiques principaux, qui structurent la relation entre la mutuelle et les personnes concernées par son action :

  • les statuts, qui définissent l’organisation de la mutuelle et les conditions d’appartenance ;
  • les règlements mutualistes, qui fixent les garanties assurantielles et les obligations contributives des membres ;
  • le contrat collectif, lorsqu’une personne morale souscrit une couverture pour le compte de plusieurs individus.

C’est autour de ces trois éléments que s’articule le droit applicable à la relation mutualiste, dans ses deux dimensions fondamentales : celle de l’assurance, d’une part, et celle de l’appartenance à une communauté organisée, d’autre part.

A) Principes directeurs

Le contrat d’assurance mutualiste se distingue radicalement du contrat d’assurance de droit commun, tant par son architecture juridique que par sa finalité sociale. Loin d’un contrat bilatéral de nature commerciale conclu entre un assureur et un souscripteur, il s’agit d’un acte d’adhésion à une entité collective, structurée comme personne morale de droit privé à but non lucratif, régie par ses statuts et par le Code de la mutualité (art. L. 110-1).

Cet acte d’adhésion n’ouvre pas seulement droit à une prestation : il marque l’entrée dans un collectif de protection solidaire, où le membre participant n’est pas un client mais un assuré-citoyen, investi de droits, de devoirs et d’une vocation à la gouvernance démocratique de l’organisme. En cela, le contrat mutualiste dépasse la seule logique assurantielle pour inscrire la relation contractuelle dans un projet commun d’organisation sociale de la solidarité.

Cette nature duale du lien unissant la mutuelle à ses membres a été consacrée avec force par l’ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017, qui a introduit dans le Code de la mutualité un chapitre préliminaire intitulé « Principes communs aux mutuelles, unions et fédérations ». Ce chapitre affirme explicitement les valeurs fondatrices de la mutualité : non-lucrativité, liberté, démocratie et solidarité. Ces principes ne sont pas de simples proclamations : ils structurent de manière contraignante l’action des mutuelles, en délimitant tant leur champ d’activité que les conditions d’exercice de leurs missions assurantielles.

Le contrat mutualiste s’inscrit ainsi dans une relation d’assurance impliquant des engagements réciproques en matière de prestations et de cotisations, mais également — et indissociablement — dans une relation d’appartenance institutionnelle à une entité poursuivant un objet social collectif. Cette appartenance se traduit notamment par la participation aux décisions collectives, l’exercice du droit de vote, la contribution aux excédents non distribuables, et l’ancrage dans un fonctionnement statutaire transparent, tel que requis à l’article L. 110-1.

En outre, cette spécificité est renforcée par le principe de spécialité, dont le Code de la mutualité tire les conséquences juridiques tant au plan interne (interdiction de pratiquer plusieurs branches d’assurance dans un même organisme) qu’externe (interdiction de cumuler activité assurantielle et gestion de services médico-sociaux, sauf accessoirement : art. L. 111-1, III). La finalité sociale et la cohérence structurelle des mutuelles sont donc juridiquement protégées, au prix d’une limitation volontaire de leur champ d’intervention.

Ainsi, l’identité mutualiste se forge dans l’articulation entre finalité non marchande, appartenance collective et solidarité active, dans un cadre où la technique assurantielle est au service d’une éthique sociale. C’est dans cette logique que s’inscrit le contrat mutualiste, dont les effets ne peuvent être pleinement compris qu’en les replaçant dans l’ordonnancement normatif qui structure les rapports entre la mutuelle et les personnes concernées par son action : membres participants, ayants droit, affiliés, bénéficiaires.

1. Les statuts : socle identitaire et organique de la mutuelle

Dans l’architecture juridique qui régit les relations entre la mutuelle et ses membres, les statuts occupent une place centrale sinon fondamentale. Ils ne sont pas de simples actes constitutifs ; ils constituent l’acte fondateur de la mutuelle, à la fois support de sa personnalité morale, réceptacle de ses finalités sociales, et instrument de régulation interne. Le Code de la mutualité consacre cette fonction structurante à l’article L. 114-4, qui énumère de manière détaillée les mentions devant obligatoirement y figurer.

Les statuts déterminent ainsi :

  • l’objet social de la mutuelle, sa dénomination, son siège, ainsi que, pour les organismes pratiquant des opérations d’assurance, les branches d’activité garanties, y compris en réassurance ou en substitution ;
  • les conditions et modalités d’adhésion, de radiation et d’exclusion des membres, ainsi que les critères d’identification des ayants droit des membres participants ;
  • la composition des organes dirigeants, le mode d’élection et la durée du mandat des administrateurs, la limite d’âge, les règles de représentation en assemblée générale, et les conditions de vacance des sièges en cas de démission ou de décès.

Par-delà ces éléments techniques, les statuts constituent le véritable socle identitaire de la mutuelle. En effet, ils traduisent dans leur contenu les valeurs constitutives du modèle mutualiste, telles qu’elles sont affirmées à l’article L. 110-1 du Code de la mutualité : but non lucratif, gouvernance démocratique, gestion désintéressée, principe de solidarité, participation des membres.

Ils ne se contentent donc pas de fixer les règles de fonctionnement ; ils incarnent un projet collectif, nourri d’un idéal d’entraide et de justice sociale. Le statut de membre ne se réduit pas à une situation contractuelle passive : il emporte participation active à la vie démocratique de l’organisme, dans le respect du principe fondamental « un membre, une voix ». Cette égalité de participation, quel que soit le montant des cotisations versées ou le niveau des prestations perçues, consacre l’adhésion à une logique d’égalité civique mutualiste, à rebours des logiques capitalistiques.

La portée normative des statuts est d’autant plus importante qu’ils sont opposables aux membres (art. L. 114-1, al. 1), sous réserve qu’ils leur aient été communiqués au moment de l’adhésion. Toute modification doit également leur être notifiée pour être applicable. Cette exigence participe de la transparence statutaire, garante d’une adhésion pleinement informée et librement consentie, fondement de la qualité de membre.

En définitive, les statuts forment le noyau normatif autour duquel s’articule toute la vie de la mutuelle. Ils garantissent la cohérence interne du groupement, tout en assurant le respect des principes d’organisation démocratique et de solidarité qui fondent la spécificité mutualiste. En cela, ils ne sont pas seulement un instrument de régulation institutionnelle: ils sont le réceptacle vivant de l’engagement collectif, porteur de l’identité, de la légitimité et de la pérennité de l’action mutualiste.

2. Les règlements mutualistes : fondement de la relation assurantielle

Si les statuts expriment le projet institutionnel et organique de la mutuelle, les règlements mutualistes en constituent le prolongement fonctionnel, en ce qu’ils organisent, de manière précise et normative, la relation d’assurance entre la mutuelle et ses membres. Codifiés à l’article L. 114-1, II du Code de la mutualité, ces règlements définissent « le contenu des engagements contractuels existant entre chaque membre participant ou honoraire et la mutuelle […] en ce qui concerne les prestations et les cotisations ».

Ils constituent ainsi, dans les opérations d’assurance individuelles ou collectives à adhésion facultative, le support juridique direct de la garantie assurantielle. L’adhésion du membre — constatée par la signature d’un bulletin — emporte acceptation expresse du règlement mutualiste applicable, lequel tient lieu de contrat au sens fonctionnel du terme. La force obligatoire de ce règlement repose sur son intégration dans un ensemble normatif cohérent, qui articule engagement personnel et appartenance collective.

L’importance de ce document tient également à la densité normative de son contenu, encadrée tant par le législateur que par le pouvoir réglementaire. Le décret n° 2022-388 du 17 mars 2022 est ainsi venu renforcer le formalisme de l’article R. 114-0-1, en imposant la présence de clauses précises, rédigées en caractères très apparents, notamment :

  • les conditions d’entrée en vigueur des garanties,
  • les exclusions, nullités et déchéances,
  • les délais de prescription,
  • les modalités de résiliation, de reconduction, ou de prorogation du contrat ou de l’adhésion,
  • les délai de versement des prestations et la nature de l’indemnisation.

Ces exigences visent à garantir un haut niveau de lisibilité juridique, en phase avec le double objectif de protection de l’adhérent et de transparence contractuelle, qui irrigue l’ensemble du régime mutualiste.

Le contenu des règlements mutualistes est, par ailleurs, subordonné aux principes généraux énoncés à l’article L. 110-2 du Code de la mutualité, en particulier ceux de non-discrimination, d’égalité de traitement, et de modulation équitable des cotisations et prestations. Conformément à ce texte, et sauf exception liée aux opérations collectives obligatoires, la modulation des droits et obligations des membres ne peut intervenir que sur la base de critères objectifs, strictement encadrés, tels que :

  • le revenu,
  • la durée d’appartenance à la mutuelle,
  • le régime de sécurité sociale d’affiliation,
  • le lieu de résidence,
  • le nombre d’ayants droit,
  • ou l’âge du membre participant.

Il est en revanche formellement interdit, dans le cadre des opérations individuelles ou collectives à adhésion facultative, de fonder une modulation sur l’état de santé ou sur le sexe du membre ou du bénéficiaire. Cette interdiction est renforcée par les dispositions de l’article L. 110-3, issues de la transposition de la directive 2004/113/CE relative à l’égalité d’accès aux biens et services.

La rédaction du règlement mutualiste devient ainsi le lieu de cristallisation d’une relation contractuelle encadrée par des impératifs éthiques : il ne saurait être l’instrument d’une sélection des risques, mais doit être au service d’une couverture solidaire et inclusive. Le contrat mutualiste, tel que formalisé par le règlement, se distingue ainsi d’un contrat d’assurance de marché, en ce qu’il incorpore une logique redistributive, dans laquelle les plus faibles ne sont pas exclus mais protégés par la force du collectif.

À ce titre, les règlements mutualistes incarnent la transposition technique des principes mutualistes dans l’univers des garanties assurantielles. Ils permettent d’opérationnaliser, au sein d’un dispositif normatif accessible et encadré, les engagements réciproques entre la mutuelle et ses membres, dans le respect de l’esprit de solidarité qui fonde l’institution.

3. Le contrat collectif : support spécifique des opérations assurantielles groupées

Lorsque la couverture assurantielle est organisée dans un cadre collectif, la relation juridique ne repose plus principalement sur l’acte d’adhésion individuel du membre, mais sur un contrat écrit conclu entre la mutuelle et une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association, ou un groupement professionnel. Cette modalité particulière est expressément prévue à l’article L. 114-1, III du Code de la mutualité, selon lequel « les droits et obligations résultant d’opérations collectives font l’objet d’un contrat écrit entre la personne morale souscriptrice et la mutuelle ».

Ce contrat collectif constitue le cadre juridique commun aux personnes physiques affiliées dans le cadre de l’opération. Il précise notamment les garanties offertes, les modalités d’affiliation, la répartition des cotisations, les exclusions éventuelles, les règles de reconduction et de cessation, ainsi que les mécanismes de gestion. Il organise donc une relation triangulaire, dans laquelle la mutuelle s’engage envers un groupe déterminé de bénéficiaires par l’intermédiaire d’un tiers contractant, lui-même engagé pour le compte des membres affiliés.

Toutefois, ce modèle collectif ne supprime pas nécessairement la logique d’adhésion individuelle. En effet, l’article L. 221-2 du Code de la mutualité prévoit que, dans certaines hypothèses, notamment dans le cadre d’opérations collectives à adhésion facultative, la signature d’un bulletin d’adhésion individuel demeure exigée. Cette coexistence entre un contrat collectif conclu avec un souscripteur et un règlement mutualiste collectif accepté individuellement soulève des difficultés d’articulation juridique, particulièrement en matière de détermination du support contractuel applicable et du régime contentieux afférent.

L’ambiguïté réside notamment dans le fait que le dernier alinéa de l’article L. 114-1 impose le recours à un contrat collectif écrit pour toutes les opérations collectives, alors que l’article L. 221-2, qui n’a pas été abrogé, continue de reconnaître la validité d’une adhésion par bulletin dans certains cas. Cette dualité non résolue peut entraîner une insécurité juridique, tant pour les mutuelles que pour les adhérents, quant à la source exacte des engagements réciproques, à leur opposabilité, et aux modalités de preuve en cas de litige.

Au-delà de ces enjeux techniques, le recours au contrat collectif soulève également des questions de représentativité et de consentement. Dans les régimes collectifs obligatoires, l’affiliation résulte parfois d’une décision unilatérale de l’employeur ou d’un accord collectif, sans que le salarié ait exprimé un consentement formel. Le droit de la mutualité tente d’encadrer cette réalité en imposant, par exemple, la remise d’une notice d’information (art. L. 221-6 C. mutualité), ou encore en régissant strictement les clauses de résiliation et de reconduction.

Malgré ces contraintes, le contrat collectif joue un rôle structurant essentiel dans le déploiement de la protection mutualiste à l’échelle des collectifs de travail, des institutions et des groupements. Il permet de mutualiser les risques à grande échelle, d’étendre la couverture à des personnes qui n’auraient pas nécessairement adhéré à titre individuel, et de faire vivre concrètement le principe de solidarité dans une logique professionnelle ou territoriale.

B) Les règles encadrant le statut des personnes concernées par un contrat d’assurance soumis au droit de la mutualité

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

1. Les personnes adhérentes membres de la mutuelle

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

1.1. Les membres participants

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

1.2. Les membres honoraires

Aux côtés des membres participants, le Code de la mutualité prévoit une catégorie distincte d’adhérents : les membres honoraires. Prévue à l’article L. 114-1, alinéa 4, cette qualité est ouverte aux personnes qui ne bénéficient d’aucune garantie assurantielle, mais qui souhaitent néanmoins contribuer à la vie de la mutuelle par leur engagement financier ou institutionnel.

a. Conditions d’admission

La qualité de membre honoraire peut être attribuée, selon les conditions fixées par les statuts de la mutuelle, aux catégories suivantes :

  • Les personnes physiques qui versent à la mutuelle des cotisations, contributions ou dons, ou qui lui ont rendu des services équivalents, sans bénéficier en retour de prestations. Cette situation vise notamment les anciens membres désireux de soutenir l’organisme, ou les personnalités impliquées dans son rayonnement social ou territorial.
  • Les personnes morales souscriptrices de contrats collectifs, en particulier les employeurs ayant conclu un contrat avec la mutuelle pour couvrir leurs salariés (art. L. 114-1, al. 5). Cette faculté est réservée aux mutuelles régies par le livre II du Code de la mutualité. Elle permet une implication institutionnelle des partenaires collectifs sans lien assurantiel propre.
  • Les représentants des salariés de ces personnes morales souscriptrices, lorsque les statuts de la mutuelle l’autorisent. Il s’agit ici d’une catégorie indirecte de membres honoraires, qui permet une représentation élargie des salariés dans la gouvernance mutualiste.

La qualité de membre honoraire ne s’acquiert pas de plein droit : elle est soumise à l’agrément du conseil d’administration de la mutuelle. L’article 11 des statuts-types de la Fédération Nationale de la Mutualité Française prévoit que cette admission peut résulter :

  • soit d’une demande expresse de la personne concernée ;
  • soit d’une proposition émanant du conseil d’administration lui-même.

Le conseil peut fixer des critères spécifiques, tenir compte de la contribution effective de la personne à la mutuelle, et, le cas échéant, déléguer cette prérogative à un comité ou à un dirigeant désigné. Cette procédure d’admission encadre rigoureusement l’accès à un statut qui, bien que sans contrepartie assurantielle, ouvre des droits politiques au sein de l’organisme.

En application de l’article L. 114-1, al. 6, les règlements mutualistes définissent les droits et obligations des membres honoraires, au même titre que ceux des membres participants, en ce qui concerne les cotisations (éventuelles) et la participation à la vie institutionnelle. Ces règlements, adoptés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration, constituent le cadre de référence pour apprécier l’implication attendue des membres honoraires et leur position dans l’organisation.

b. Statut et rôle au sein de la gouvernance mutualiste

Bien qu’ils ne soient ni bénéficiaires de garanties, ni liés par les règlements mutualistes définissant les engagements assurantiels, les membres honoraires peuvent exercer des droits politiques au sein de la mutuelle, dès lors que les statuts le prévoient.

À ce titre, ils peuvent :

  • participer à l’assemblée générale et y exercer un droit de vote, au même titre que les membres participants ;
  • être éligibles aux fonctions d’administrateur, s’ils sont des personnes physiques, ou s’ils représentent une personne morale elle-même membre honoraire.

Ce rôle institutionnel contribue à élargir la gouvernance mutualiste à des acteurs extérieurs au cercle des assurés, mais qui partagent les valeurs, les orientations ou les enjeux de la mutuelle. Il permet également d’impliquer durablement les partenaires collectifs — notamment les employeurs souscripteurs — dans la stratégie de l’organisme, sans leur reconnaître pour autant de droits à prestations.

2. Les personnes non adhérentes mais intéressées par l’opération d’assurance

Le contrat d’assurance mutualiste produit des effets qui débordent la seule relation entre la mutuelle et ses membres. En effet, certaines personnes, bien que n’ayant pas la qualité de membre, peuvent bénéficier des prestations assurantielles mises en œuvre par l’organisme. Ces bénéficiaires extérieurs à la mutuelle ne sont ni parties à l’acte d’adhésion, ni ne forment le corps électoral, ni ne participent à la gouvernance mutualiste. Néanmoins, leur intérêt à l’opération d’assurance résulte :

  • soit d’un lien dérivé, par l’intermédiaire d’un membre participant ;
  • soit d’un engagement contractuel spécifique, fondé sur une stipulation pour autrui.

a. Les ayants droit des membres participants

Les ayants droit sont les personnes désignées par les statuts ou les règlements mutualistes comme pouvant bénéficier des garanties souscrites par un membre participant. Leur droit est donc accessoire et dépendant de celui du membre dont ils dépendent (C. mutualité, art. L. 114-1, al. 2).

i. Une qualité accessoire, sans statut de membre

Contrairement au membre participant, l’ayant droit n’est pas adhérent à la mutuelle :

  • il ne signe aucun bulletin d’adhésion,
  • ne participe pas à la gouvernance de l’organisme,
  • et ne peut ni voter ni être élu dans les instances statutaires.

Il tire l’intégralité de ses droits des dispositions statutaires ou règlementaires applicables au membre participant dont il dépend. Par conséquent, la cessation d’adhésion du membre principal (résiliation, radiation, décès non couvert) emporte disparition du droit à prestations de l’ayant droit, sauf stipulation contraire.

ii. Définition du statut

Depuis l’abrogation de l’ancien article L. 313-3 du Code de la sécurité sociale, le législateur n’offre plus de définition de la notion d’ayant droit dans le cadre des contrats mutualistes. En conséquence, il revient désormais à chaque mutuelle de définir, dans ses statuts ou ses règlements mutualistes, les personnes qui peuvent être reconnues comme ayants droit d’un membre participant.

Cette définition est laissée à l’appréciation des mutuelles, sous réserve du respect des principes généraux du droit de la mutualité, en particulier le principe de non-discrimination (C. mutualité, art. L. 110-1 et L. 110-2). Les statuts peuvent ainsi prévoir que sont considérés comme ayants droit :

  • le conjoint marié du membre ;
  • le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;
  • le concubin notoire ;
  • les enfants mineurs ou à charge ;
  • voire, selon les cas, certains ascendants ou autres membres de la famille vivant au foyer.

Cette autonomie permet aux mutuelles d’adapter leur politique de couverture aux réalités sociales et familiales contemporaines, en intégrant, par exemple, les nouveaux modèles familiaux ou les situations de dépendance économique.

b. Les bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui

Outre les ayants droit, une autre catégorie de personnes peut bénéficier des effets du contrat d’assurance mutualiste sans pour autant être membre de la mutuelle : il s’agit des bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui, conformément au régime prévu aux articles 1205 et suivants du Code civil.

Ce mécanisme permet à l’adhérent — dit le stipulant — de prévoir, dans le contrat mutualiste, qu’un tiers bénéficiera d’une prestation déterminée, sans être lui-même partie à la convention. Ce schéma est courant dans les garanties de prévoyance, notamment pour les prestations en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, où le capital ou la rente est directement versé à un tiers désigné.

i. Un droit propre, né de la volonté du stipulant

Contrairement à l’ayant droit, dont la qualité est statutairement défini et juridiquement dérivé de l’adhésion du membre participant, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui dispose d’un droit propre, né de l’acte du stipulant.

Ce droit :

  • n’est pas subordonné à la qualité de membre du bénéficiaire ;
  • devient directement opposable à la mutuelle dès lors qu’il a été accepté ;
  • et ouvre la voie à une action personnelle en exécution de la prestation, selon les modalités prévues dans le contrat.

La stipulation produit donc un effet direct et immédiat au profit du tiers, qui peut valablement réclamer le versement des sommes ou l’exécution de l’engagement prévu, indépendamment de tout lien juridique avec la mutuelle.

ii. L’absence de qualité de membre

Malgré l’existence d’un droit sur la prestation, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui ne devient pas pour autant membre de la mutuelle. Il reste extérieur à la structure mutualiste, et n’est investi d’aucune des prérogatives attachées à la qualité d’adhérent.

Concrètement :

  • il ne participe pas à l’assemblée générale et ne dispose d’aucun droit de vote ;
  • il ne peut être éligible à aucune fonction au sein des instances dirigeantes ;
  • il n’est tenu par aucune obligation de cotisation ou de contribution ;
  • et il n’est pas soumis aux statuts ou règlements mutualistes, sauf en cas d’adhésion dûment formalisée.

Ce n’est que s’il accomplit les formalités d’adhésion — notamment la signature du bulletin et l’acceptation des statuts et règlements mutualistes — qu’il pourra acquérir la qualité de membre participant.

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