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Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle: le membre participant

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

Nous nous focaliserons ici sur la première catégorie de membre.

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

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