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Les formalités attachées aux opérations de partage

Le partage successoral est une opération délicate qui, une fois les lots constitués et attribués, requiert l’accomplissement de formalités matérielles destinées à assurer l’effectivité de la répartition des biens entre les copartageants. Cette phase finale du processus de partage est marquée par la délivrance des biens et des titres, la publicité du partage lorsqu’elle est requise, et la répartition des frais afférents à l’opération.

I) La délivrance des biens

Le partage confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens composant son lot. Cette attribution prend effet dès que les lots sont définitivement constitués et que le partage devient irrévocable, soit par un accord amiable entre les parties, soit par une décision judiciaire ayant acquis force de chose jugée. Dès lors, chaque copartageant devient propriétaire de son lot de manière immédiate et définitive, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir d’autres formalités pour que ce droit de propriété soit pleinement reconnu.

Cette remise, qui doit donc intervenir immédiatement après l’attribution, repose sur le principe ancien posé par l’article 982 du Code de procédure civile, aujourd’hui abrogé mais toujours pertinent dans son esprit.

La remise des biens ne saurait donc être purement théorique : elle doit être à la fois matérielle et effective. L’attributaire est ainsi en droit d’obtenir non seulement la possession du bien lui-même, mais également les accessoires indispensables à son exploitation ou à sa jouissance.

A cet égard, la nature du bien attribué conditionne les modalités de sa délivrance :

  • Pour les biens immobiliers, la remise s’opère généralement par la transmission des clés et, surtout, par l’accomplissement des formalités de publicité foncière.
  • S’agissant des biens meubles corporels, la délivrance se concrétise par la remise matérielle du bien à l’attributaire.
  • Quant aux biens incorporels (parts sociales, créances, droits d’auteur, etc.), la remise nécessite la transmission des documents justificatifs appropriés et, lorsque la loi l’exige, l’accomplissement des formalités d’opposabilité telles que la notification aux débiteurs ou l’inscription sur les registres compétents.

II) La remise des titres

A) La remise des titres privatifs

Les documents et titres relatifs aux biens attribués lors du partage doivent être transmis au copartageant à qui ces biens ont été alloués. En effet, ces titres, considérés comme des accessoires du bien, suivent le sort de la propriété et reviennent donc de plein droit à l’attributaire du lot concerné.

Lorsque le partage conduit à la division d’un bien initialement indivis, la question du sort des titres se pose avec davantage d’acuité. La pratique, bien que l’ancien article 842 du Code civil ait été abrogé, conserve la solution qu’il préconisait : les titres relatifs à un bien divisé doivent être remis au copartageant à qui a été attribuée la portion la plus importante de ce bien. Ce dernier est tenu de les conserver et de les représenter aux autres héritiers sur simple demande. Cette règle, toujours jugée équitable et pratique, vise à éviter la dispersion des titres tout en garantissant leur disponibilité pour l’ensemble des copartageants concernés.

Il est toutefois essentiel de distinguer les remises opérées dans le cadre de l’inventaire préalable au partage. Lors de cet inventaire, certains titres peuvent être provisoirement confiés à un copartageant à des fins conservatoires. Toutefois, une telle remise ne produit aucun effet juridique sur l’attribution définitive des biens concernés. La jurisprudence a d’ailleurs précisé que cette remise provisoire ne confère aucun droit particulier sur le bien en question et ne saurait influencer la répartition finale .

B) Le sort des titres communs

Certains documents, en raison de leur nature ou de leur fonction, ne peuvent être attribués à un seul copartageant lors du partage. Il s’agit principalement des titres présentant un caractère familial ou un intérêt commun pour l’ensemble des héritiers — tels que les livrets de famille, les actes d’état civil, les archives familiales ou encore certains documents fiscaux ou administratifs relatifs à l’ensemble du patrimoine indivis.

Exclus du partage en raison de leur caractère indivisible, ces titres doivent être conservés dans un lieu sûr, au bénéfice de tous les copartageants. Le choix du dépositaire peut être fait selon deux modalités :

  • Le dépôt entre les mains d’un copartageant : les héritiers peuvent, d’un commun accord, désigner l’un d’entre eux pour assurer la conservation des titres communs. Ce copartageant agit alors en qualité de dépositaire, avec l’obligation de conserver les documents dans l’intérêt collectif et de les tenir à disposition des autres héritiers lorsqu’ils en font la demande.
  • Le dépôt auprès d’un tiers : lorsque les héritiers ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’un dépositaire ou souhaitent confier cette responsabilité à un professionnel neutre, les titres peuvent être déposés entre les mains d’un notaire, d’un avocat ou tout autre tiers de confiance. Cette solution offre l’avantage de garantir une conservation impartiale et sécurisée.

Afin d’assurer la transparence et de prévenir tout litige ultérieur, il est d’usage de dresser un inventaire précis des titres communs à la fin de l’acte de partage. Cet inventaire mentionne la nature, la date et le contenu des documents concernés. Le copartageant désigné comme dépositaire — ou le tiers choisi — signe alors un reçu qui atteste de la remise des titres et formalise son engagement à les conserver dans des conditions adéquates.

Cette précaution vise à garantir l’intégrité des documents et à maintenir l’accès aux informations qu’ils contiennent pour tous les héritiers. En cas de besoin, chacun des copartageants peut solliciter la communication ou la reproduction de ces titres, notamment dans le cadre de démarches administratives ou juridiques.

III) Copies et extraits de l’acte de partage

L’acte de partage est un document juridique de première importance dont la conservation et la délivrance sont strictement encadrées par la loi. Afin de garantir la transparence des opérations et de permettre aux parties d’exercer pleinement leurs droits, le Code de procédure civile, en son article 1435, prévoit que les personnes concernées peuvent obtenir, sur demande, des copies ou extraits de l’acte de partage.

Cette faculté est reconnue aux copartageants eux-mêmes, mais également à leurs héritiers ou ayants droit, qui peuvent justifier d’un intérêt légitime à se voir remettre ces documents, que ce soit dans le cadre d’une opération patrimoniale ou pour accomplir diverses formalités administratives.

La délivrance de ces copies est assurée par deux officiers publics distincts, selon la nature de l’acte :

  • Le notaire, lorsqu’il est intervenu dans le cadre d’un partage amiable, conserve l’acte authentique parmi ses minutes. En cette qualité, il est tenu de fournir aux parties qui en font la demande des copies certifiées conformes ou des extraits de l’acte, garantissant ainsi la valeur probante des documents remis. Ces copies peuvent être utilisées notamment pour des formalités de publicité foncière ou pour toute opération nécessitant la preuve de la propriété des biens attribués.
  • Le greffier du tribunal judiciaire, lorsque le partage a été effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire et a donné lieu à une homologation, conserve l’expédition homologuée de l’acte de partage. Il est également compétent pour délivrer des copies ou extraits aux parties intéressées, dans le respect des règles de confidentialité et des formalités en vigueur.

La délivrance des copies ou extraits ne peut être refusée aux héritiers ou ayants droit qui en justifient la nécessité. Toutefois, pour préserver la confidentialité des informations patrimoniales et protéger les droits des copartageants, les tiers étrangers au partage ne peuvent obtenir ces documents qu’en vertu d’une autorisation judiciaire ou lorsqu’ils justifient d’un intérêt légitime et direct.

Les copies délivrées, qu’elles proviennent du notaire ou du greffe, possèdent une valeur juridique identique à l’acte original et peuvent être utilisées pour toute démarche nécessitant la preuve du partage. En cas de perte ou de destruction de l’original, ces copies jouent un rôle fondamental en permettant la reconstitution des droits des copartageants et en garantissant la continuité des opérations juridiques.

Enfin, lorsque le partage porte sur des biens immobiliers, les extraits nécessaires aux formalités de publicité foncière sont souvent requis pour assurer l’opposabilité du partage aux tiers. Ces extraits permettent notamment de régulariser la situation cadastrale des biens et d’assurer la pleine effectivité des droits attribués à chaque copartageant.

IV) La publicité du partage

La publicité du partage constitue une formalité essentielle lorsqu’il porte sur des biens immobiliers ou plus généralement sur des droits réels immobiliers, conformément aux règles applicables en matière de publicité foncière. Cette exigence vise à garantir l’opposabilité du partage aux tiers et à assurer la sécurité juridique des attributions réalisées.

En effet, le partage, bien qu’il ait un effet déclaratif des droits entre les copartageants, ne produit pleinement ses effets à l’égard des tiers qu’après avoir été publié au fichier immobilier. Cette publicité permet de rendre les attributions opposables aux créanciers, aux acquéreurs potentiels ainsi qu’à toute personne souhaitant vérifier la situation juridique des biens concernés.

A) Domaine

Pour être éligible à la publicité foncière, l’acte de partage doit être établi sous forme authentique, c’est-à-dire dressé par un notaire. Cette exigence découle du fait que seul un acte authentique peut être inscrit au fichier immobilier, garantissant ainsi sa force probante et sa date certaine.

Le notaire, en qualité d’officier public, est alors tenu d’accomplir les formalités de publicité auprès du service de la publicité foncière compétent. Cette formalité est primordiale pour que le transfert de propriété opéré par le partage devienne opposable aux tiers.

B) Les délais applicables à la publicité du partage

Les règles applicables en matière de publicité foncière prévoient des délais spécifiques selon les circonstances entourant le partage :

  • Lorsque le partage porte sur la totalité des biens immobiliers d’une succession, il peut être publié directement dans les dix mois suivant le décès, sans qu’il soit nécessaire de procéder préalablement à une attestation notariée de transmission (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 29, al. 4). Cette règle facilite la transmission du patrimoine en évitant des formalités successives et allège la procédure.
  • Si ce délai de dix mois est dépassé, et que l’acte de partage n’a pas été dressé et publié, il devient impératif de procéder à la publication dans les deux mois suivant la signature de l’acte de partage (Décret de 1955, art. 33, C, al. 2). Ce second délai garantit que la situation juridique des biens immobiliers soit rapidement actualisée dans les registres fonciers.
  • Lorsque des attestations notariées de propriété ont déjà été publiées, la publication de l’acte de partage reste nécessaire afin de préciser les attributions immobilières entre les copartageants et d’assurer leur opposabilité.

C) Les effets de la publicité

La publication de l’acte de partage emporte plusieurs conséquences juridiques:

  • Elle rend le partage opposable aux tiers, permettant notamment aux créanciers de connaître la répartition des biens entre les copartageants et d’exercer leurs recours en conséquence.
  • Elle assure la sécurité des transactions immobilières ultérieures. En effet, tout acte de cession, hypothèque ou nantissement portant sur un bien issu du partage ne pourra être régularisé que si le transfert de propriété est préalablement inscrit.
  • Elle permet de clarifier la situation foncière en rectifiant les registres pour refléter les nouvelles attributions issues du partage. Cela prévient les litiges liés à la propriété des biens et garantit aux acquéreurs et créanciers une information fiable sur les droits existants.

L’omission de la publicité du partage peut entraîner des conséquences préjudiciables pour les copartageants. En l’absence d’inscription au fichier immobilier, les attributions immobilières ne sont pas opposables aux tiers, exposant ainsi les copartageants à des risques juridiques et financiers. Par exemple, un créancier pourrait valablement poursuivre la vente d’un immeuble indivis s’il n’est pas informé du transfert de propriété issu du partage.

De plus, en matière fiscale, la publication permet d’actualiser les informations relatives aux propriétaires et d’assurer une correcte imposition des biens transmis.

V) Les frais du partage

Les opérations de partage engendrent inévitablement des frais dont la nature et la répartition sont strictement encadrées.

A) Nature et répartition des frais

Les frais du partage recouvrent l’ensemble des dépenses engagées pour permettre la réalisation effective du partage et constituent une charge grevant la masse successorale. Ils incluent notamment :

  • La rémunération des experts sollicités pour estimer les biens (experts immobiliers, commissaires-priseurs, etc.).
  • Les émoluments des officiers ministériels, au premier rang desquels figurent les honoraires du notaire commis pour dresser l’acte de partage.
  • Les frais liés aux formalités de licitation, dans les cas où la vente aux enchères est nécessaire pour procéder à la répartition.
  • Les dépenses accessoires indispensables au bon déroulement du partage (frais d’inventaire, de déplacement des experts, droits d’enregistrement, etc.).

Ces frais s’inscrivent dans le cadre des charges de l’indivision et doivent, selon le principe d’égalité entre copartageants, être supportés par l’ensemble de ces derniers proportionnellement à leurs droits dans l’indivision.

B) Modes de règlement des frais

Le règlement des frais du partage suit un principe simple : ils sont, en priorité, prélevés sur la masse partageable avant la répartition des biens entre les copartageants. Cette règle évite que les copartageants aient à avancer personnellement les fonds nécessaires à la réalisation des opérations.

Toutefois, des situations plus complexes peuvent nécessiter des ajustements. Par exemple, lorsque la succession est liquidée en même temps qu’une communauté conjugale, les frais communs aux deux régimes patrimoniaux doivent être répartis entre la masse successorale et la masse communautaire au prorata de leur valeur respective.

Si un copartageant avance personnellement les frais pour accélérer les opérations, il bénéficie d’un droit de recours contre les autres pour en obtenir remboursement, proportionnellement à leurs parts respectives. En parallèle, le créancier des frais (notaire, expert, etc.) conserve la possibilité d’exiger directement le paiement de la part due par le copartageant ayant engagé la dépense.

C) Les frais causés par la faute d’un copartageant

Le principe d’égalité dans la répartition des frais connaît toutefois des limites lorsque le comportement fautif d’un copartageant entraîne des coûts supplémentaires injustifiés. En vertu des règles de responsabilité civile, un héritier qui, par sa conduite, occasionne des frais inutiles en assume seul la charge.

Cette solution s’applique notamment lorsque :

  • Un copartageant soulève des contestations infondées ou multiplie les recours dilatoires (Cass. 1ère civ., 27 avr. 1963, Bull. civ. I, n° 226).
  • Il provoque des frais supplémentaires par sa négligence ou son refus injustifié de collaborer aux opérations de partage.

Les juridictions appliquent ici les principes généraux du droit de la responsabilité pour garantir que les autres héritiers ne soient pas pénalisés par le comportement d’un seul.

Toutefois, les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation leur permettant, dans certaines hypothèses, de répartir les frais entre les copartageants lorsque les fautes sont partagées ou que les prétentions de chacun ont été partiellement accueillies.

D) Le privilège des frais du partage

Les frais du partage bénéficient, sous certaines conditions, du statut de frais privilégiés, leur conférant une priorité de paiement similaire à celle des frais de justice. Ce privilège est reconnu lorsqu’il est démontré que ces frais ont été utiles aux créanciers ou nécessaires à la préservation des droits des parties.

Cependant, ce privilège connaît des limites importantes. Il ne peut être invoqué contre :

  • Les créanciers de la masse successorale qui ne sont pas directement intéressés par les opérations de partage (Civ. 5 avr. 1865, S. 1865. 1. 375).
  • Les créanciers personnels des copartageants qui n’ont pas été appelés à l’instance et n’en ont donc tiré aucun bénéfice (Civ. 24 juin 1867, DP 1867. 1. 374).

En revanche, lorsque les frais ont permis d’assurer la conservation ou la valorisation du patrimoine indivis, ils conservent leur caractère de frais privilégiés et peuvent être réglés par prélèvement sur la masse successorale avant tout paiement aux créanciers ordinaires.

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