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Instruction de la demande en partage: la procédure applicable en présence d’opérations de partage simples

Le partage des biens indivis repose sur une distinction établie par le Code de procédure civile, qui prévoit deux cadres procéduraux adaptés à la nature des opérations à réaliser.

D’une part, la procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, se déploie dans les cas où les opérations de liquidation ne présentent aucune difficulté majeure. Dans ce cadre, le tribunal demeure l’unique acteur des opérations de partage. L’ensemble des démarches est centralisé sous son autorité exclusive, permettant une exécution rapide et directe des opérations.

Cette procédure allégée se distingue également par l’absence d’intervention d’un notaire ou d’un juge commis. Le jugement prononcé par le tribunal ne se limite pas à ordonner le partage, mais tient lui-même lieu d’acte de partage.

D’autre part, la procédure longue, organisée par les articles 1364 à 1376, s’impose dans les hypothèses où la complexité des opérations justifie une analyse approfondie des droits en présence ou la résolution de désaccords persistants.

Contrairement à la procédure simplifiée, cette voie implique l’intervention coordonnée de trois acteurs : le tribunal, un notaire et un juge commis.

  • Le tribunal, autorité juridictionnelle, ordonne le partage et assure le contrôle de la régularité des opérations, notamment par l’homologation de l’état liquidatif établi au terme des travaux.
  • Le notaire commis, désigné par le tribunal, est chargé de conduire les opérations de liquidation et de dresser l’état liquidatif, véritable clé de voûte du partage. Ce document, élaboré avec soin, établit les comptes entre les indivisaires, précise la masse partageable et définit la composition des lots.
  • Le juge commis, quant à lui, intervient pour surveiller le bon déroulement des opérations et veiller au respect des délais impartis. Il peut également, en cas de désaccord persistant, tenter une conciliation ou statuer sur les incidents procéduraux, tout en transmettant les différends non résolus au tribunal pour décision.

Dans ce cadre, à la différence de la procédure simplifiée, le partage prend corps non pas dans le jugement, mais dans un acte distinct : l’état liquidatif. Ce dernier, établi par le notaire, fait l’objet d’une homologation par le tribunal, qui en garantit la régularité et la conformité au droit. Ce processus, bien que plus long et complexe, répond aux exigences d’une gestion rigoureuse des situations litigieuses ou techniquement délicates.

Instaurée par la réforme de 2006, cette dualité procédurale traduit une volonté d’adaptation aux spécificités de chaque situation. Tandis que la procédure simplifiée répond au besoin d’une exécution rapide et efficace dans les cas simples, la procédure longue offre un cadre structuré et collaboratif, mobilisant les compétences conjuguées du tribunal, du notaire et du juge commis, pour résoudre les situations les plus complexes.

Nous nous focaliserons ici sur la procédure applicable aux opérations de partage simples, régie par les articles 1361 à 1363 du Code de procédure civile. Cette procédure se caractérise par sa souplesse et son efficacité, adaptées aux situations où les opérations de liquidation et de répartition ne présentent pas de complexité particulière.

I) Orientation

L’article 1361 du Code de procédure civile prévoit que « le tribunal ordonne le partage, s’il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies. » Il s’infère de cette disposition que c’est au juge qu’il appartient de déterminer, en fonction des circonstances de l’affaire, si les conditions sont réunies pour procéder à un partage des biens indivis ou, à défaut, de décider la vente par licitation. Cette appréciation suppose une analyse des droits en présence, de la composition des biens à partager, ainsi que des éventuelles oppositions entre les indivisaires, afin de choisir la voie procédurale la plus appropriée pour parvenir à une liquidation équitable de l’indivision.

Ainsi, lorsque les conditions sont réunies, c’est-à-dire que la masse partageable ne comporte pas d’éléments complexes à partager et que les droits des indivisaires sont clairement établis, le tribunal peut ordonner le partage des biens. Ce mécanisme suppose que les biens puissent être attribués ou répartis sans nécessiter une instruction approfondie. Le partage peut alors s’opérer par l’établissement de lots ou par la conclusion d’accords entre les indivisaires.

Dans l’hypothèse où les biens indivis ne peuvent pas être facilement partagés ou attribués à raison, soit de leur nature, soit de leur indivisibilité matérielle ou encore de l’existence de divergences persistantes entre les indivisaires, le tribunal peut opter pour la vente des biens par licitation, conformément à l’article 1378 du Code de procédure civile. La vente par licitation est cependant subordonnée à l’observation de conditions strictes. Tous les indivisaires doivent être capables juridiquement, présents ou dûment représentés. Si cette condition est remplie, ils peuvent, à l’unanimité, décider que l’adjudication se limite aux seuls membres de l’indivision. À défaut d’unanimité, la vente est ouverte à des tiers,

En outre, le second alinéa de l’article 1361 du Code de procédure civile confère au tribunal la faculté de désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, cette désignation peut s’avérer particulièrement opportune, notamment lorsque le partage porte sur des biens immobiliers nécessitant des formalités de publicité foncière. Le recours à un notaire dans ce contexte assure une formalisation adéquate des opérations, renforçant la sécurité juridique des actes établis et facilitant leur opposabilité aux tiers.

Il convient toutefois de souligner que la mission confiée ici au notaire diffère de celle qui lui est attribuée dans le cadre des opérations de partage complexes. En procédure simplifiée, le rôle du notaire se limite essentiellement à une mission d’instrumentation : il est chargé d’établir l’acte constatant le partage, sans pour autant intervenir dans la phase préalable de liquidation ou de réalisation des opérations. En revanche, dans le cadre des partages complexes régis par les articles 1364 et suivants du Code de procédure civile, le notaire se voit confier une mission de liquidation beaucoup plus vaste, incluant l’évaluation des biens, la composition des lots et, le cas échéant, la résolution des différends sous la supervision d’un juge commis.

II) Désignation d’un expert

L’article 1362 du Code de procédure civile prévoit la faculté pour le tribunal de désigner un expert en cours d’instance afin de résoudre les divergences entre indivisaires concernant l’évaluation des biens ou la composition des lots. Cette mesure, bien qu’entièrement facultative, revêt une importance pratique non négligeable, en particulier lorsque les patrimoines à partager présentent une complexité qui dépasse les compétences ordinaires du tribunal ou des parties.

L’intervention d’un expert trouve son utilité dans des contextes où les biens indivis requièrent une expertise technique approfondie pour être correctement évalués ou organisés en lots. Par exemple, des actifs immobiliers de grande valeur, des œuvres d’art, ou des entreprises intégrées dans l’indivision peuvent nécessiter des connaissances spécialisées pour en déterminer la juste valeur. Dans ces cas, l’expert agit sous l’autorité du tribunal, apportant un éclairage technique indispensable pour assurer un partage équitable.

Cette possibilité offerte au tribunal ne constitue pas une obligation, mais elle s’inscrit dans une logique d’efficacité procédurale. En effet, trancher à l’audience des contestations complexes sur la seule base des écritures des parties risquerait d’être insuffisant, voire inadapté, face à la technicité des enjeux en présence. L’expertise ainsi ordonnée vise à prévenir des erreurs d’évaluation susceptibles de compromettre la justice du partage.

En outre, la désignation d’un expert en application de l’article 1362 ne prive pas le tribunal de recourir à une expertise avant même l’introduction de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Cette faculté, qui permet d’obtenir des éléments probatoires en amont du contentieux, est particulièrement utile lorsque les parties pressentent des difficultés d’évaluation susceptibles de bloquer les négociations amiables ou de rallonger les débats judiciaires.

Enfin, l’expert désigné dans le cadre de cette procédure ne se substitue pas au notaire commis pour dresser l’acte constatant le partage, tel que prévu par l’article 1361 du Code de procédure civile. Les rôles de ces deux intervenants demeurent distincts. Alors que le notaire se limite à l’aspect formel des opérations, l’expert, quant à lui, apporte une solution technique à des différends spécifiques, consolidant ainsi le processus décisionnel du tribunal.

III) Modalités de réalisation du partage

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord sur la répartition des biens, il est procédé à un tirage au sort des lots. Conformément au premier alinéa de l’article 1363, ce tirage doit se dérouler devant le notaire désigné par le tribunal, conformément aux termes de l’article 1361. Si aucun notaire n’a été commis, ou en cas d’impossibilité, le tirage au sort peut être réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué.

Ce mécanisme vise à garantir l’objectivité dans l’attribution des lots, en éliminant tout risque de favoritisme ou de partialité. En outre, la présence d’un notaire ou d’une autorité judiciaire lors du tirage confère aux opérations une sécurité juridique renforcée, essentielle pour prévenir d’éventuelles contestations ultérieures.

Pour éviter tout retard dans les opérations de partage, l’article 1363 prévoit également une mesure expéditive en cas de défaillance d’un indivisaire. En vertu du second alinéa de cet article, si un héritier est absent ou refuse de participer, le président du tribunal judiciaire ou son délégué peut, d’office, désigner un représentant chargé d’agir en son nom. Cette désignation peut intervenir soit directement lors du tirage au sort devant le juge, soit à la suite de la transmission d’un procès-verbal dressé par le notaire.

Cette procédure déroge aux règles ordinaires, qui exigeraient normalement la mise en demeure préalable de l’héritier défaillant, suivie d’un délai pouvant aller jusqu’à trois mois avant toute intervention judiciaire (C. civ., art. 841-1). En réduisant considérablement les formalités et délais, cette disposition vise à empêcher des manœuvres dilatoires susceptibles de paralyser les opérations de partage.

Enfin, il convient de souligner que, quelle que soit la procédure suivie, une fois le jugement ordonnant le partage devenu irrévocable, il n’est plus possible de contester les opérations ou de demander un nouveau partage, même en présence de circonstances nouvelles. Cette règle découle du principe de l’autorité de la chose jugée (V. en ce sens notamment Cass. 1ère civ., 10 févr. 1964).

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