Si le droit au partage, consacré par l’article 815 du Code civil, confère à tout indivisaire une faculté absolue de mettre fin à l’indivision à tout moment, cette prérogative doit parfois céder face à des considérations pratiques ou patrimoniales. En effet, certaines situations rendent le partage inopportun, voire préjudiciable, tant pour l’ensemble des indivisaires que pour certains d’entre eux.
Il peut en être ainsi lorsque le partage conduirait à la vente de biens indivis dans des conditions défavorables, qu’il s’agisse d’une conjoncture économique défavorable ou d’une urgence qui empêcherait une gestion optimale de ces biens. Par exemple, un indivisaire pourrait être contraint de quitter un logement familial ou une exploitation professionnelle essentielle, ou encore de renoncer à un projet d’attribution future d’un bien qu’il espère exploiter ultérieurement. Ces circonstances montrent que le moment du partage peut être mal choisi, imposant une réflexion sur l’opportunité de prolonger l’indivision.
Par ailleurs, l’histoire a montré que, loin des prévisions initiales des codificateurs de 1804, l’indivision peut parfois perdurer par choix des indivisaires eux-mêmes. Il n’est pas rare, notamment, que les héritiers diffèrent le partage d’une succession afin de conserver un bien au sein de la famille, bien que personne ne soit en mesure d’en assumer la charge ou de le racheter. Ces exemples illustrent que la volonté collective peut primer sur la règle générale, rendant le maintien temporaire de l’indivision préférable à un partage immédiat.
C’est dans ce contexte qu’ont été introduits des tempéraments au droit au partage, permettant de maintenir l’indivision dans des conditions bien définies. Ces mécanismes se déclinent en deux formes principales : le maintien conventionnel, reposant sur l’accord des indivisaires, et le maintien judiciaire, imposé par le juge lorsque des circonstances particulières le justifient. Ces solutions, tout en respectant la vocation transitoire de l’indivision, offrent une réponse pragmatique aux situations où un partage précipité pourrait s’avérer nuisible.
Nous nous focaliserons ici sur le maintien conventionnel dans l’indivision.
Contrairement au maintien conventionnel, où la suspension du droit au partage repose sur un consentement unanime des indivisaires, le maintien judiciaire procède d’une toute autre logique. Ici, la suspension est imposée par le juge, souvent à la demande d’un ou plusieurs indivisaires, et ce, même contre la volonté de la majorité.
Cette approche tranche radicalement avec la conception originelle du Code Napoléon de 1804, qui ne reconnaissait pas de maintien judiciaire de l’indivision. À cette époque, l’indivision était perçue comme une situation transitoire, et le droit au partage comme un corollaire absolu de la propriété. Le juge, cantonné dans son rôle d’arbitre, n’avait pas vocation à organiser les rapports entre indivisaires ou à s’immiscer dans la gestion de leurs biens.
Toutefois, au fil du temps, et notamment à partir du début du XXe siècle, une évolution notable s’est dessinée. Face aux nécessités pratiques et aux intérêts divergents des indivisaires, le législateur a progressivement reconnu des cas où le maintien de l’indivision pouvait être imposé par décision judiciaire. Aujourd’hui, ce mécanisme est consacré par deux séries de dispositions distinctes, mais complémentaires :
- D’une part, certaines règles spécifiques permettent de maintenir l’indivision pour des biens particuliers, en raison de leur caractère stratégique ou essentiel ;
- D’autre part, des dispositions plus générales offrent un cadre permettant d’aménager un sursis au partage, répondant à des circonstances économiques, familiales ou patrimoniales exceptionnelles.
Nous nous focaliserons ici sur le second corps de règles.
Le sursis au partage constitue une exception au principe de libre sortie de l’indivision, et permet temporairement de suspendre le partage des biens indivis.
Il s’agit d’une mesure particulièrement encadrée, justifiée dans des circonstances où le partage immédiat risquerait de porter atteinte aux intérêts économiques des indivisaires ou à la gestion des biens indivis.
Le sursis au partage est régi par l’article 820 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, qui a renforcé la possibilité de maintenir provisoirement l’indivision dans des cas spécifiques.
Le sursis au partage se distingue ainsi du maintien forcé dans l’indivision, dont l’objectif est d’assurer la protection d’intérêts légitimes sur une plus longue durée.
A) Le domaine du sursis au partage
Le sursis au partage, prévu par l’article 820 du Code civil, est donc une mesure exceptionnelle qui permet de suspendre temporairement le partage des biens indivis lorsqu’un partage immédiat serait inapproprié.
Cette mesure intervient dans deux hypothèses principales :
- D’une part, lorsque le partage pourrait nuire à la valeur des biens
- D’autre part, lorsqu’un indivisaire envisage de reprendre une entreprise dépendant de la succession, mais nécessite un délai pour être prêt à cette reprise.
1. Le risque d’atteinte à la valeur des biens indivis
Le premier cas de sursis concerne le risque d’atteinte à la valeur des biens indivis si le partage intervient à un moment inopportun.
L’objectif est de protéger les intérêts communs des indivisaires en évitant de dévaloriser les biens concernés. Le sursis peut ainsi être demandé lorsque le partage immédiat risquerait de provoquer une vente judiciaire en période de crise immobilière, ou lorsque la valeur des biens est susceptible d’évoluer positivement dans un avenir proche.
Par exemple, si un bien indivis est situé dans une zone sujette à des projets d’urbanisme ou à des modifications du Plan Local d’Urbanisme (PLU), sa valeur pourrait fluctuer en fonction des décisions administratives à venir.
De même, le sursis peut être sollicité si l’un des biens indivis est en cours de rénovation, et que les travaux doivent être terminés pour maximiser la valeur du bien avant tout partage. Ce cas de sursis se fonde sur l’idée que le report du partage préserverait la valeur économique des biens indivis pour le bénéfice de tous les indivisaires.
Il est important de noter que ce sursis ne s’applique pas uniquement en cas de perte immédiate de valeur, mais peut également être invoqué lorsqu’une plus-value est attendue dans un avenir proche.
Par exemple, un indivisaire pourrait solliciter un sursis au partage dans l’attente d’une amélioration des conditions économiques, d’une décision administrative favorable, ou d’une situation plus avantageuse sur le marché immobilier.
2. La reprise d’une entreprise par un indivisaire
Le second cas de sursis concerne spécifiquement les indivisions successorales.
Ici, le sursis au partage permet de différer le partage lorsqu’un des indivisaires souhaite reprendre une entreprise dépendant de la succession, qu’elle soit agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, mais qu’il nécessite un délai pour y parvenir. Ce cas est directement lié à la situation de l’entreprise et à la capacité de l’indivisaire de l’exploiter.
Cette hypothèse suppose que l’indivisaire demandeur du sursis puisse, dans un avenir proche, être en mesure de reprendre l’entreprise en répondant aux exigences professionnelles et financières nécessaires.
Le sursis permet donc de lui laisser le temps d’acquérir les qualifications ou financements requis pour exploiter l’entreprise de manière indépendante. Toutefois, si la reprise par l’indivisaire concerné est jugée improbable ou irréalisable, le sursis peut être refusé par le tribunal.
Cette faculté est ouverte pour protéger l’exploitation d’entreprises agricoles, mais s’est depuis étendue à toute entreprise commerciale ou libérale dépendant d’une indivision successorale.
B) Les conditions de la demande de sursis au partage
Pour que la demande de sursis au partage soit recevable, plusieurs conditions doivent être réunies.
Ces conditions permettent de garantir que le sursis ne soit accordé que dans des situations véritablement justifiées, où il est dans l’intérêt de préserver l’indivision pour éviter des conséquences défavorables pour les biens ou les indivisaires.
1. Le demandeur : seul un indivisaire peut solliciter le sursis
La demande de sursis au partage ne peut être formulée que par un indivisaire. Il incombe à cet indivisaire de démontrer que le report du partage est justifié par l’un des motifs prévus par l’article 820 du Code civil, à savoir :
- Préserver la valeur des biens : l’indivisaire doit prouver que le partage immédiat pourrait entraîner une perte de valeur des biens indivis, en raison par exemple de conditions économiques défavorables ou de travaux non achevés.
- Faciliter la reprise d’une entreprise : dans le cadre d’une indivision successorale, un indivisaire qui souhaite reprendre une entreprise (qu’elle soit agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou libérale) peut solliciter un sursis pour obtenir le temps nécessaire à l’acquisition des compétences, des financements, ou d’autres ressources indispensables pour assurer la continuité de l’activité.
Ce droit de solliciter le sursis est exclusivement réservé aux indivisaires. En principe, les créanciers des indivisaires ou des tiers ne peuvent pas formuler une telle demande, même s’ils ont un intérêt financier dans l’issue du partage. Par exemple, un créancier ne pourrait pas invoquer la nécessité de reporter le partage pour garantir le remboursement de ses créances.
Cependant, une nuance s’impose lorsqu’un créancier agit dans le cadre de l’action oblique, en se substituant à son débiteur indivisaire pour provoquer le partage.
Dans ce cas, la Cour de cassation a affirmé que la demande de sursis au partage reste recevable, même lorsque le partage est demandé par un créancier agissant sur le fondement de l’action oblique.
En effet, dans un arrêt du 6 février 1996, la Cour a jugé que les indivisaires peuvent, en réponse à une demande de partage formulée par un créancier de l’un d’eux, solliciter un sursis au partage (Cass. 1ère civ., 6 février 1996, n°93-21.320).
Le créancier, agissant par l’action oblique, exerce les droits de son débiteur et se voit opposer les mêmes exceptions que ce dernier, notamment celle du sursis.
Ainsi, même lorsque le partage est initié par un créancier dans le cadre de l’action oblique, le sursis au partage peut être demandé par les indivisaires concernés.
Dans ce contexte, ils doivent démontrer que l’une des conditions prévues par l’article 820 du Code civil est remplie, telles que la préservation de la valeur des biens ou la reprise d’une entreprise.
2. Temporalité de la demande
La demande de sursis au partage est encadrée par un cadre temporel précis et doit être introduite en réponse à une demande de partage.
En pratique, cela signifie qu’elle intervient généralement sous la forme d’une demande reconventionnelle, c’est-à-dire qu’un indivisaire sollicite le sursis lorsque l’autre partie a initié une procédure de partage des biens indivis.
Cette demande de sursis peut être présentée à tout stade de la procédure de partage, tant que le partage n’a pas été définitivement prononcé par une décision irrévocable.
En effet, la jurisprudence a reconnu qu’il est possible de formuler une demande de sursis pour la première fois en cause d’appel.
Ainsi, même après une décision de première instance ordonnant le partage, un indivisaire peut introduire une demande de sursis en appel, tant que cette décision n’est pas devenue irrévocable. La Cour de cassation a réaffirmé ce principe dans un arrêt du 3 octobre 2019 (Cass. 1re civ., 3 oct. 2019, n° 18-21.200), validant ainsi la possibilité pour un indivisaire d’introduire une telle demande à n’importe quel moment de la procédure, dès lors que le partage n’a pas encore été ordonné de manière définitive.
Toutefois, une fois qu’un jugement de partage a été rendu et qu’il est devenu définitif, aucune demande de sursis ne sera recevable.
Cette interdiction découle du principe de l’autorité de la chose jugée.
En d’autres termes, lorsqu’une juridiction a définitivement statué sur le partage des biens indivis, la demande de sursis au partage serait en contradiction directe avec la décision rendue. Le maintien des biens dans l’indivision serait incompatible avec un partage déjà ordonné.
Par conséquent, toute demande de sursis introduite après qu’un jugement irrévocable a été rendu serait nécessairement rejetée, comme l’a rappelé la Cour dans plusieurs décisions antérieures (Cass. 1ère civ., 15 mai 1979, 78-10.266).
Ainsi, la temporalité de la demande est un élément crucial à prendre en compte quant à sa recevabilité : tant que le jugement de partage n’a pas acquis un caractère définitif, le sursis peut être demandé, y compris pour la première fois en cause d’appel. Mais une fois le partage devenu irrévocable, la demande de sursis est irrecevable et ne pourra plus être examinée.
C) Les modalités d’exercice de la demande de sursis
La demande de sursis au partage est soumise à un cadre procédural rigoureux, tant en ce qui concerne la juridiction compétente que les conditions de recevabilité.
==>Juridiction compétente
En vertu de l’article 1381 du Code de procédure civile, c’est le tribunal judiciaire qui est, en principe, compétent pour examiner les demandes de sursis au partage.
Cependant, lorsque la demande de partage concerne des biens indivis entre époux, concubins ou partenaires de PACS, la compétence est dévolue au juge aux affaires familiales.
Cette règle, énoncée à l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, vise à simplifier et centraliser les contentieux liés aux relations familiales, en attribuant cette matière à un juge spécialisé dans ce type de conflits.
==>La nature contentieuse de la demande de sursis
La demande de sursis au partage est une demande contentieuse qui intervient nécessairement dans le cadre d’une procédure en partage.
Elle n’existe pas de manière autonome, mais est toujours liée à une instance préalable introduite en vue d’obtenir un partage des biens indivis.
Généralement, cette demande est formulée par un indivisaire en réponse à une demande initiale de partage, souvent sous la forme d’une demande reconventionnelle.
L’objectif est de reporter le partage afin de préserver la valeur des biens indivis ou de permettre la reprise d’une entreprise par l’un des indivisaires.
Il est également important de noter que le sursis au partage doit être motivé par des raisons économiques légitimes ou par la nécessité de permettre à un indivisaire de reprendre une entreprise.
Le tribunal, qui est saisi de la demande, dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour évaluer la pertinence et la légitimité de la demande. Ce pouvoir est essentiel car il permet au juge de s’assurer que la suspension du partage répond à des critères objectifs et qu’elle est dans l’intérêt des indivisaires.
Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation notamment dans un arrêt rendu le 8 janvier 1985 (Cass. 1re civ., 8 janv. 1985, n°83-13.659).
==>Pouvoirs du juge
Le tribunal, saisi de la demande de sursis, dispose d’une marge d’appréciation importante quant aux biens indivis concernés.
En effet, l’article 820 du Code civil précise que le sursis peut s’appliquer à l’ensemble des biens indivis ou uniquement à certains d’entre eux.
Le juge doit dès lors décider si le sursis doit être global, c’est-à-dire concerner tous les biens de l’indivision, ou limité à certains biens spécifiques, en fonction des circonstances de l’affaire.
Par exemple, si le partage d’un bien indivis risque de porter atteinte à la valeur globale de la masse successorale, le juge pourra ordonner un sursis pour ce bien précis, tout en permettant le partage des autres biens.
==>Durée du sursis
L’article 820 du Code civil prévoit que « le tribunal peut surseoir au partage pour deux années au plus ».
Il s’agit là d’un délai maximal que peut accorder le juge lorsqu’il prononce un sursis au partage.
Ce délai a été fixé pour éviter que le maintien de l’indivision ne devienne une situation indéfinie, tout en garantissant une marge de manœuvre suffisante pour surmonter les obstacles économiques ou personnels justifiant la demande.
Le législateur a choisi cette durée pour permettre aux indivisaires de préparer sereinement un partage ou une reprise, sans pour autant immobiliser indéfiniment les biens de l’indivision, ce qui pourrait porter atteinte aux droits des autres coïndivisaires.
==>Appréciation de la durée du sursis
S’agissant de la fixation du délai, il peut être observé que le juge, lorsqu’il statue, dispose d’un pouvoir souverain pour ajuster la durée du sursis en fonction des circonstances propres à chaque affaire.
Il n’est pas obligé de toujours accorder la durée maximale de deux ans, mais peut, au contraire, fixer une durée inférieure si les éléments du dossier ne justifient pas une suspension aussi longue.
Par exemple, si les conditions économiques doivent s’améliorer dans un laps de temps plus court ou si les travaux sur un bien indivis sont sur le point d’être achevés, le juge pourra estimer qu’une période de sursis plus brève suffira pour atteindre l’objectif poursuivi.
A cet égard, dans un arrêt du 8 janvier 1985 la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond disposaient d’une liberté totale pour fixer la durée du sursis en tenant compte des particularités de chaque situation, notamment des éléments économiques ou des projets de reprise d’entreprise (Cass. 1ère civ., 8 janv. 1985, n°83-13.659). Ce pouvoir discrétionnaire leur permet de s’adapter aux circonstances et de garantir que le sursis reste proportionné aux enjeux en cause.
De plus, si un indivisaire tente de prolonger de facto la durée du sursis en multipliant les recours ou en ralentissant la procédure, les juges peuvent tenir compte des délais procéduraux accumulés lors de l’examen de la demande initiale.
En effet, le temps passé en procédure peut déjà constituer une forme de sursis, comme l’a relevé la jurisprudence, et justifier un rejet de la demande si celle-ci apparaît abusive ou si elle prolonge indûment l’indivision.
==>Non-renouvellement du sursis
L’article 820 du Code civil dispose que la durée du sursis ne peut excéder deux ans, et ce délai est non renouvelable.
En conséquence, une fois le sursis octroyé pour une période de deux ans, aucun nouveau sursis ne pourra être sollicité pour les mêmes biens, contrairement à ce qui est permis dans le cadre du maintien conventionnel de l’indivision.
Toutefois, s’il a été initialement accordé pour une durée inférieure à deux ans, il est admis qu’une prorogation puisse être demandée, tant que la durée totale du sursis ne dépasse pas les deux ans. Cela permet une certaine flexibilité dans l’application de cette mesure, en fonction des circonstances spécifiques à chaque affaire.
En revanche, si les biens concernés par le sursis ont changé, il est possible de demander un nouveau sursis pour ces autres biens, sans que cela entre en conflit avec le principe de non-renouvellement. Cette faculté vise à protéger les intérêts des indivisaires tout en respectant le cadre temporel strict imposé par la loi.
==>Disparition du fondement du sursis
Le sursis au partage repose sur des motifs économiques ou des raisons liées à la reprise d’une entreprise indivise. Toutefois, il est possible que ces motifs disparaissent avant l’expiration du délai de sursis.
Par exemple, si un projet de rénovation d’un immeuble indivis est finalisé plus tôt que prévu, ou si des droits litigieux sur un bien indivis sont tranchés par une décision de justice avant l’expiration du sursis, les raisons initiales justifiant la suspension du partage disparaissent, permettant ainsi de relancer le processus de partage.
Dans ces cas, il est possible de revenir devant le tribunal judiciaire pour demander la levée anticipée du sursis, permettant ainsi de relancer la procédure de partage.
La jurisprudence et la doctrine sont favorables à une telle demande, car le sursis doit être justifié par une nécessité objective. Si cette nécessité disparaît, il est logique de permettre aux indivisaires de reprendre la procédure de partage sans attendre l’expiration du délai initialement fixé.
D) Les effets de la demande de sursis
==>Suspension du partage
L’effet principal du sursis est de reporter le partage des biens indivis pendant la durée fixée par le juge, qui ne peut excéder deux ans.
Durant cette période, l’indivision est maintenue dans sa forme actuelle, et aucun acte de partage ne peut être entrepris, même si l’une des parties en exprime la volonté.
Le sursis permet ainsi de geler la situation juridique des biens indivis afin d’éviter une vente ou un partage dans des conditions défavorables, notamment sur le plan économique ou organisationnel (par exemple, en cas de reprise différée d’une entreprise).
Cependant, le sursis n’a pas pour vocation de transformer l’indivision en situation définitive.
À l’expiration du délai fixé par le juge, le partage devra obligatoirement intervenir, à moins que les indivisaires ne décident de maintenir volontairement l’indivision par le biais d’une convention.
Dans ce cas, les parties peuvent se prévaloir des dispositions des articles 1873-1 et suivants du Code civil, qui permettent de conclure des conventions d’indivision afin de prolonger celle-ci au-delà du délai imposé par le juge. Ce maintien conventionnel est donc distinct du sursis judiciaire, qui, lui, reste strictement temporaire.
==>Absence d’incidence sur les droits des indivisaires
Bien que le partage soit suspendu pendant la durée du sursis, cette suspension n’a pas d’incidence sur les droits des indivisaires quant à la jouissance ou la gestion des biens indivis.
Les indivisaires continuent de disposer de leurs droits ordinaires, notamment en ce qui concerne l’utilisation des biens indivis. Par exemple, si un bien immobilier est loué, les revenus locatifs continueront d’être répartis entre les indivisaires, conformément aux règles normales de l’indivision.
En matière de gestion, les règles prévues par le Code civil pour l’indivision demeurent applicables.
Ainsi, toute décision relative à la gestion courante des biens indivis peut être prise à la majorité des deux tiers, comme le prévoit l’article 815-3 du Code civil.
Les actes de disposition (vente d’un bien, par exemple) nécessitent, quant à eux, l’unanimité des indivisaires. Le sursis n’a donc pas pour effet de restreindre les prérogatives de gestion des indivisaires, mais il interdit simplement de procéder au partage pendant la période concernée.
Il est important de souligner que le sursis, bien qu’il suspende le partage, n’est pas une période d’inertie. Les indivisaires peuvent continuer à valoriser et exploiter les biens indivis, à condition que ces actes soient conformes à l’intérêt commun et respectent les règles de gestion applicables.
==>Absence d’incidence sur les droits des créanciers
Le sursis au partage n’affecte pas directement les droits des créanciers des indivisaires.
En effet, les créanciers conservent la faculté de poursuivre leurs actions sur la part indivise de l’indivisaire débiteur, conformément aux dispositions de l’article 815-17 du Code civil, qui leur permet de saisir la part indivise d’un débiteur en difficulté.
Néanmoins, si un créancier engage une procédure pour obtenir la saisie de la part indivise d’un indivisaire, la suspension du partage peut être invoquée pour différer la liquidation de cette part dans l’intérêt de tous les indivisaires.
Dans cette hypothèse, le créancier n’est pas privé de son droit, mais la réalisation effective du partage pourrait être reportée jusqu’à l’expiration du délai du sursis. Cela permet d’éviter que le partage soit précipité à un moment défavorable pour l’ensemble des indivisaires, ce qui pourrait entraîner une vente forcée des biens à une valeur inférieure à leur potentiel économique.
La jurisprudence a souligné l’importance de cet équilibre entre les droits des créanciers et la préservation de l’intérêt collectif des indivisaires.
Ainsi, les juges peuvent, en fonction des circonstances, accepter ou refuser d’accélérer une liquidation si cela porte atteinte à la valeur des biens indivis ou compromet une reprise d’entreprise par un indivisaire.
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Ph. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions, 9? éd., Defrénois, 2020, n° 708 ?