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Créanciers de l’indivision: les incidences des procédures collectives

Les interactions entre les procédures collectives et les règles de l’indivision prévues à l’article 815-17 du Code civil dépendent principalement du moment où la procédure collective a été ouverte par rapport à la constitution de l’indivision.

Deux cas de figure doivent être distinguées : lorsque la procédure collective est ouverte avant la constitution de l’indivision et lorsqu’elle est ouverte après.

1. La procédure collective ouverte avant la constitution de l’indivision

Lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’un indivisaire avant la constitution de l’indivision, la prééminence des règles applicables aux procédures collectives s’impose.

Dans cette configuration, les créanciers, représentés par le liquidateur, conservent un droit de gage spécifique sur les biens indivis, et ce droit ne saurait être remis en cause par l’apparition postérieure de l’indivision. Le bien indivis reste alors pleinement soumis aux prérogatives des créanciers et échappe au régime de protection institué par l’indivision.

La Cour de cassation a énoncé ce principe dans un arrêt du 18 février 2003. Aux termes de cette décision, elle a admis qu’un liquidateur puisse poursuivre la vente forcée d’un immeuble indivis dès lors que la procédure collective est antérieure au décès ayant donné naissance à l’indivision successorale (Cass. com., 18 févr. 2003, n°00-13.100).

Cette approche repose sur le postulat selon lequel les créanciers, ayant constitué leurs droits avant la naissance de l’indivision, doivent pouvoir en jouir pleinement et sans entrave, indépendamment de l’évolution juridique ultérieure du patrimoine concerné.

Dès lors, l’indivision, bien qu’elle transforme la structure juridique des droits des indivisaires, ne saurait limiter l’exercice du gage préalablement acquis par les créanciers.

A cet égard, dans le cas d’une indivision successorale issue d’un décès intervenu après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur, en représentation des créanciers, conserve la faculté de procéder à la licitation d’un immeuble appartenant à la succession.

L’indivision n’étant pas constituée à la date d’ouverture de la procédure collective elle ne saurait entraver le droit des créanciers de poursuivre la saisie et la vente du bien indivis. Les droits de ces derniers priment en raison de leur antériorité.

Ce raisonnement peut également être transposée pour les indivisions post-communautaires.

Par exemple, dans un arrêt du 21 mai 1997, la Cour de cassation a validé l’action d’un liquidateur qui, dans le cadre d’une liquidation judiciaire ouverte avant la transcription d’un jugement de divorce, avait procédé à la vente forcée des biens indivis avant leur partage (Cass. 1ère civ., 21 mai 1997, n°95-14.102).

La Haute juridiction a considéré, au cas particulier, que l’indivision post-communautaire n’était pas un obstacle à l’exercice des droits de saisie des créanciers, dès lors que ces derniers ont constitué leurs droits avant la création de l’indivision.

Au total, lorsque l’indivision est constituée avant l’ouverture d’une procédure collective, elle apparaît comme un état juridique secondaire, qui ne saurait primer sur les prérogatives conférées aux créanciers par les règles des procédures collectives.

L’intégration des biens indivis dans la masse de la procédure collective permet ainsi de préserver les droits des créanciers, en neutralisant les effets restrictifs potentiels de l’indivision.

2. La procédure collective ouverte après la constitution de l’indivision

Lorsqu’une procédure collective est ouverte après la constitution d’une indivision, la confrontation entre le régime de l’indivision et les principes directeurs des procédures collectives soulève une problématique essentielle : la préservation des droits des créanciers de l’indivision face aux impératifs de la suspension des poursuites individuelles.

À cet égard, l’article 815-17 du Code civil confère une protection spécifique aux créanciers de l’indivision, leur permettant d’exercer leurs droits de manière prioritaire sur les biens indivis.

==>Maintien du droit de poursuite des créanciers de l’indivision

La jurisprudence a clairement établi que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un indivisaire n’affecte pas les prérogatives des créanciers de l’indivision.

Ces derniers conservent leur droit de gage particulier sur les biens indivis, lequel prime sur le principe de l’interdiction des poursuites individuelles.

Ainsi, a-t-il été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 février 2003, que le créancier de l’indivision peut poursuivre la saisie et la vente des biens indivis avant tout partage, indépendamment de la procédure collective en cours (Cass. Com., 18 févr. 2003, n° 00-11.008).

Cette solution repose sur l’idée que les créances liées à l’indivision se rapportent à un patrimoine distinct, qui demeure étranger aux effets directs de la procédure collective.

Par conséquent, la suspension des poursuites individuelles prévue à l’article L. 622-21 du Code de commerce ne s’applique pas aux créanciers de l’indivision, qui exercent un droit autonome sur la masse indivise.

==>Absence d’obligation de déclaration des créances

Une spécificité du régime applicable réside dans la dispense de déclaration des créances par les créanciers de l’indivision.

La Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 26 juin 2019 que ces créanciers peuvent poursuivre la réalisation de leur droit de gage sans être tenus de déclarer leur créance dans la procédure collective (Cass. 1ère civ. 26 juin 2019, n°17-26.154).

Cette dispense est justifiée par le fait que leur droit s’exerce directement sur les biens indivis, sans immixtion dans le patrimoine personnel de l’indivisaire concerné par la procédure collective.

==>Autonomie du droit des créanciers sur les biens indivis

L’autonomie reconnue au droit des créanciers de l’indivision reflète une volonté jurisprudentielle de préserver l’intégrité des garanties conférées par l’article 815-17 du Code civil.

Cette disposition confère aux créanciers de l’indivision une prérogative spécifique, leur permettant de se faire payer en priorité sur le produit de la vente des biens indivis, indépendamment de la procédure collective.

Ainsi, même en présence d’une procédure collective, les créanciers de l’indivision disposent d’un droit propre qui ne peut être entravé par les mécanismes de cette procédure, comme l’intervention du juge-commissaire ou l’adoption d’un plan de continuation.

En pratique, cette autonomie procédurale garantit aux créanciers de l’indivision une sécurité juridique renforcée. Ils peuvent saisir les biens indivis et obtenir paiement avant tout partage, sans être soumis aux contraintes de la procédure collective.

Cette logique, qui favorise une approche pragmatique, est essentielle pour préserver les droits des créanciers de l’indivision dans des situations où l’un des indivisaires fait l’objet d’une procédure collective (Cass. 2e civ., 16 mai 2013, n°12-16.216).

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