La gestion des biens indivis constitue un exercice délicat, particulièrement lorsqu’elle implique des décisions concernant les actes d’administration et de disposition. Ces actes, essentiels à la préservation, à l’exploitation et parfois à la transmission du patrimoine indivis, occupent une place centrale dans les relations entre indivisaires.
Historiquement, le principe de l’unanimité prévalait pour toute décision engageant les biens indivis. Cette règle, qui reflète l’idée d’une égalité de droits entre indivisaires, visait à protéger chacun d’eux contre des décisions prises unilatéralement par les autres.
Toutefois, cette exigence d’unanimité s’est rapidement heurtée à des difficultés pratiques, entravant parfois gravement la gestion de l’indivision et pouvant conduire à des situations de blocage.
Conscient de ces limites, le législateur a introduit des ajustements, notamment par les réformes des 23 juin 2006 et 12 mai 2009. Ces évolutions ont permis d’assouplir le régime applicable en instaurant, dans certains cas, une prise de décision à la majorité qualifiée.
Le régime actuel repose donc sur une dualité de principes :
- D’une part, la règle de l’unanimité, prévue par l’alinéa 3 de l’article 815-3 du Code civil, demeure applicable aux actes les plus graves, tels que les ventes, donations ou hypothèques, ou encore à certains actes d’administration excédant l’exploitation normale des biens indivis.
- D’autre part, la règle de la majorité, énoncée à l’alinéa 1er du même article, permet aux indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis de prendre des décisions concernant les actes relevant de l’exploitation normale des biens indivis.
Cette articulation vise à concilier deux objectifs fondamentaux :
- Faciliter la gestion des biens indivis en évitant les blocages liés à la règle d’unanimité.
- Garantir une protection efficace des indivisaires, notamment pour les décisions susceptibles d’affecter significativement leurs droits sur le patrimoine indivis.
Toutefois, la distinction entre actes soumis à l’unanimité et actes relevant de la majorité, ainsi que les critères permettant de les classifier, soulèvent encore des questions complexes, alimentées par la jurisprudence et les débats doctrinaux.
Afin d’éclairer ces enjeux, il convient, dans un premier temps, d’examiner les actes soumis à la règle de l’unanimité. Dans un second temps, seront analysés les actes soumis à la règle de la majorité.
Nous nous focaliserons ici sur les actes soumis à la règle de l’unanimité.
1. Principe de la règle de l’unanimité
En matière d’indivision, la règle de l’unanimité occupe une place centrale. Cette règle, énoncée par l’article 815-3, alinéa 3 du Code civil, impose que certaines décisions soient prises avec le consentement de tous les indivisaires. Si cette règle vise à protéger les droits de chacun, elle n’est pas sans poser des difficultés pratiques, notamment en cas de mésentente ou d’éloignement des indivisaires. La présente analyse se propose d’exposer les contours de ce principe, ses applications, ses tempéraments ainsi que ses sanctions, tout en mettant en lumière son évolution à travers la doctrine et la jurisprudence.
a. Le champ d’application du principe
En application de l’article 815-3, al. 3, la règle de l’unanimité ne s’applique qu’à deux types d’actes bien précis :
- Les actes qui ne ressortissent pas à l’exploitation normale des biens indivis
- Les actes de disposition autres que la vente de meubles indivis destinée à régler les dettes ou charges de l’indivision
i. S’agissant des actes qui ne ressortissent pas à l’exploitation normale des biens indivis
L’expression « exploitation normale des biens indivis » n’est pas définie par le Code civil. Son interprétation relève donc de l’appréciation des circonstances propres à chaque situation.
Elle a toutefois pour vocation à distinguer les actes qui s’inscrivent dans le cadre d’une gestion courante et ordinaire des biens indivis, des actes qui, en raison de leur importance ou de leurs conséquences, nécessitent l’aval de tous les indivisaires.
Ainsi, des actes comme la gestion des récoltes dans le cadre d’une exploitation agricole indivise ou l’entretien régulier d’un immeuble indivis peuvent relever de l’exploitation normale.
En revanche, des actes affectant profondément la structure ou la destination des biens indivis, tels que la vente d’un bien immobilier indivis, ne sauraient être considérés comme « normaux » au sens de cette disposition.
Plusieurs éléments peuvent être pris en compte pour déterminer si un acte ressortit ou non à l’exploitation normale des biens indivis :
- L’importance des sommes engagées : les actes impliquant des dépenses conséquentes ou susceptibles d’affecter significativement la valeur du patrimoine indivis nécessitent généralement l’unanimité.
- L’utilité objective de l’acte : un acte est qualifié de normal lorsqu’il est manifestement dans l’intérêt de la gestion ordinaire du bien indivis.
- La nature de l’acte (administration ou disposition) : si certains actes de disposition peuvent s’intégrer dans une exploitation normale (par exemple, la vente de récoltes agricoles), la plupart d’entre eux, comme une donation ou une vente d’immeuble, échappent à cette qualification en raison de leur incidence sur le patrimoine indivis.
En tout état de cause, la notion d’« exploitation normale » doit faire l’objet d’une interprétation stricte afin de garantir que les indivisaires minoritaires ne soient pas lésés par des décisions prises à la majorité.
En effet, le droit de propriété de chaque indivisaire sur une quote-part indivise impose que seules les décisions relevant d’une gestion courante puissent être prises sans leur consentement.
Face à l’imprécision de cette notion, les juges jouent un rôle déterminant pour apprécier, au cas par cas, si un acte relève ou non de l’exploitation normale.
À ce titre, la jurisprudence tend à restreindre les situations où des actes peuvent être considérés comme normaux, afin de ne pas dénaturer la règle d’unanimité prévue à l’article 815-3, alinéa 3 du Code civil.
ii. S’agissant des actes de disposition autres que la vente de meubles indivis destinée à régler les dettes ou charges de l’indivision
==>Principe
Les actes de disposition se définissent comme ceux qui, par leur nature et leur portée, engagent le patrimoine d’une personne ou d’un groupement, que ce soit pour le présent ou l’avenir.
Ces actes se caractérisent par :
- Une modification importante du contenu du patrimoine : ils peuvent affecter de manière substantielle la consistance ou la structure des biens.
- Une dépréciation significative de la valeur en capital : ils peuvent entraîner une diminution durable de la valeur patrimoniale des biens.
- Une altération durable des prérogatives du titulaire : ils modifient ou réduisent les droits et pouvoirs exercés sur le bien concerné.
Cette définition, tirée du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes protégées, peut parfaitement être transposée aux actes accomplis dans le cadre d’une indivision.
Par leur nature même, ces actes, qui engagent durablement les droits des indivisaires, se distinguent des actes d’administration, lesquels s’inscrivent dans la gestion courante du patrimoine indivis.
A cet égard, la frontière entre actes d’administration et actes de disposition repose sur des critères précis, élaborés par la jurisprudence et la doctrine.
- La gravité des conséquences patrimoniales
- Un acte qui modifie significativement le patrimoine indivis, comme une aliénation ou une constitution de droits réels, est qualifié d’acte de disposition.
- L’atteinte durable aux prérogatives des indivisaires
- Tout acte qui altère les droits des indivisaires sur le bien, qu’il s’agisse de la propriété ou de l’usage, entre dans la catégorie des actes de disposition.
- La nature de l’opération
- Les actes qui sortent de la gestion courante des biens indivis ou qui affectent la propriété elle-même, même indirectement, sont soumis à l’unanimité.
- Par exemple, l’acceptation de la notification mettant en œuvre une condition résolutoire dans une vente immobilière constitue un acte de disposition (Cass. 3e civ., 23 mai 1995, n°93-10.617)
==>Exception
En principe, tous les actes de disposition, compte tenu de leur gravité et de leur impact durable sur le patrimoine indivis, sont soumis à la règle de l’unanimité.
Cependant, une exception est prévue par l’article 815-3, alinéa 1er, 3° du Code civil : la vente de meubles indivis destinée à régler les dettes ou charges de l’indivision peut être décidée à la majorité des deux tiers des droits indivis.
Cette dérogation à la règle de l’unanimité trouve sa justification dans la nécessité de garantir la bonne gestion de l’indivision, en évitant que celle-ci ne se trouve paralysée par l’opposition d’un ou plusieurs indivisaires.
Les dettes ou charges de l’indivision – telles que les frais de conservation, les taxes foncières ou les emprunts souscrits pour financer des travaux – constituent des obligations financières incontournables. Leur non-paiement risquerait non seulement de compromettre la conservation des biens indivis, mais aussi d’exposer l’ensemble des indivisaires à des risques juridiques et financiers, comme des poursuites ou des saisies.
Ainsi, permettre la vente de meubles indivis pour s’acquitter de ces obligations répond à un impératif pratique : assurer la continuité de la gestion de l’indivision sans que l’unanimité, parfois difficile à obtenir, ne bloque les décisions urgentes et nécessaires.
Toutefois, cette exception est strictement encadrée pour préserver l’équilibre des droits des indivisaires et éviter les abus. En particulier, la vente ne peut être décidée à la majorité que si les conditions suivantes sont réunies :
- Destination des fonds : les fonds issus de la vente doivent être exclusivement affectés au règlement des dettes ou charges de l’indivision. Cette affectation garantit que l’opération est réalisée dans l’intérêt commun des indivisaires.
- Absence de liquidités suffisantes : la vente ne peut être envisagée que s’il n’existe pas, parmi les biens indivis, des liquidités suffisantes pour couvrir les dettes ou charges. Il convient dès lors d’explorer d’abord des solutions moins intrusives avant de procéder à une aliénation.
- Caractère immédiat des dettes : les dettes doivent être immédiatement exigibles, justifiant ainsi une intervention rapide pour éviter des conséquences préjudiciables à l’ensemble de l’indivision.
b. La mise en œuvre du principe
La règle de l’unanimité dans l’indivision protège les coïndivisaires contre les décisions unilatérales pouvant affecter leurs droits indivis.
A l’analyse, cette règle s’applique à une grande variété d’actes au nombre desquels figurent notamment, les actes de disposition, certains actes de gestion locative, les actes constitutifs de sûreté, les actes d’affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle ou encore les actions en justice.
i. Les actes de disposition
Les actes de disposition, en raison de leur gravité, nécessitent unanimité, qu’ils soient à titre onéreux ou gratuit.
==>Les actes de disposition à titre onéreux
En vertu de l’article 815-3 du Code civil, l’accomplissement d’actes de disposition à titre onéreux concernant un bien indivis exige le consentement unanime de tous les indivisaires.
Ces actes, par leur nature, impliquent une modification durable ou définitive des droits sur le bien indivis, ce qui justifie l’application stricte de la règle.
Parmi les actes concernés, on peut notamment citer :
- La vente d’un bien indivis
- Acte de disposition par excellence, la vente entraîne la transmission de la propriété du bien ou d’une partie de celui-ci.
- En l’absence d’accord de tous les indivisaires, la vente ne peut produire d’effets à leur égard.
- L’échange
- L’échange d’un bien indivis, consistant à céder le bien ou une partie de celui-ci en contrepartie d’un autre bien, modifie également les droits des indivisaires.
- Cet acte nécessite donc l’unanimité.
- La constitution de servitudes
- La constitution d’une servitude, qu’elle soit active ou passive, affecte durablement l’usage et la valeur du bien indivis.
- Par conséquent, elle ne peut être réalisée qu’avec l’accord unanime des indivisaires.
- La dissolution d’une société propriétaire d’un bien indivis
- Si l’indivision porte sur des parts sociales ou des droits dans une société, une demande de dissolution de cette société, qui équivaut à une disposition des actifs indivis, exige également l’unanimité.
==>Les actes de disposition à titre gratuit
Les actes de disposition à titre gratuit concernant un bien indivis, tels que la donation ou le legs, sont également soumis à la règle de l’unanimité prévue par l’article 815-3 du Code civil.
Ces actes, qui traduisent une intention de transférer sans contrepartie tout ou partie d’un bien indivis, affectent les droits des coïndivisaires et nécessitent par conséquent leur accord unanime.
- La donation portant sur un bien indivis
- La donation d’un bien indivis, acte de disposition à titre gratuit, est soumise à la règle de l’unanimité prévue par l’article 815-3 du Code civil.
- Cette exigence vise à protéger les droits des coïndivisaires en empêchant un indivisaire de disposer unilatéralement d’un bien commun.
- En l’absence d’accord unanime, la donation n’est pas nulle, mais son efficacité est limitée : elle ne produit d’effet qu’à hauteur de la quote-part appartenant au donateur.
- Ainsi, un indivisaire peut valablement donner ses droits indivis, et le donataire devient alors titulaire d’une quote-part dans l’indivision.
- Cependant, la donation ne peut affecter les droits des autres coïndivisaires sans leur consentement.
- Cette règle, confirmée par la jurisprudence (Cass. 1ère civ., 4 juill. 1984, n°83-10.020), garantit l’équilibre et la stabilité de l’indivision.
- En effet, un acte unilatéral pourrait compromettre l’intégrité du bien indivis ou introduire un tiers non souhaité au sein de l’indivision, créant des tensions ou des déséquilibres.
- En pratique, le sort du bien donné dépendra du partage : si le bien est attribué au donateur lors des opérations de partage, la donation produira ses pleins effets en faveur du donataire.
- À défaut, la donation sera inopposable pour la partie excédant les droits du donateur.
- Le legs d’un bien indivis
- Le legs, autre acte de disposition à titre gratuit, obéit également à des règles spécifiques lorsqu’il concerne un bien indivis.
- Un indivisaire peut léguer ses droits indivis à un tiers, mais la validité et l’efficacité de ce legs dépendent en grande partie du partage.
- Si, lors du partage, le bien légué est attribué au testateur ou à sa succession, le legs pourra s’exécuter en nature.
- Dans un arrêt du 2 juin 1987, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le legs par un indivisaire d’un bien indivis peut s’exécuter en nature si par l’événement du partage le bien légué tombe au lot de cet indivisaire ou de sa succession » (Cass. 1re civ., 2 juin 1987, n°85-16.269).
- En revanche, si le bien indivis est attribué à un autre coïndivisaire, le legs est considéré comme portant sur la chose d’autrui, et le légataire ne pourra pas en bénéficier directement.
- Ce principe découle de l’idée selon laquelle le testateur ne peut léguer que ce qu’il possède effectivement.
- A l’analyse, trois situations sont susceptibles de se rencontrer :
- Le legs portant sur un bien indivis isolé
- Cette hypothèse concerne les cas où le testateur est propriétaire d’une fraction indivise d’un bien spécifique.
- Le legs est pleinement valable pour la quote-part détenue par le testateur.
- Si, lors du partage, le bien est attribué au légataire, celui-ci devra généralement indemniser les coïndivisaires pour la partie excédant les droits du testateur.
- Le legs comportant un bien indivis au sein d’une universalité
- Dans ce cas, le bien légué fait partie d’une masse indivise intégrée dans une universalité (par exemple, un patrimoine successoral global).
- L’incertitude réside dans la possibilité pour le légataire d’obtenir le bien légué en nature.
- Si le bien n’est pas attribué à la succession du testateur, la jurisprudence admet que le légataire puisse demander une compensation en valeur (Cass. 1ère civ., 28 mars 2006, n°04-10.596).
- Le legs portant sur la fraction revenant au testateur dans un bien indivis isolé ou dans un ensemble présentant un caractère d’universalité
- Dans cette hypothèse, le testateur lègue uniquement la quote-part lui revenant dans l’indivision, que ce soit sur un bien spécifique ou dans un ensemble patrimonial ayant un caractère d’universalité.
- Ce type de legs est valable par nature et s’exécute en fonction des résultats du partage.
- Si le bien ou l’ensemble légué est attribué à la succession du testateur, le légataire reçoit alors sa quote-part en nature ou en équivalent, selon les clauses testamentaires.
- À défaut, le légataire peut demander à obtenir une compensation financière ou matérielle équivalente, sous réserve de l’existence d’une volonté explicite du testateur.
- Le legs portant sur un bien indivis isolé
- Dans le cadre d’une indivision post-communautaire, la situation se complexifie encore.
- Si un époux dispose de droits indivis issus de la communauté dissoute, le legs portant sur un bien indivis ne peut produire d’effets qu’à hauteur de ces droits.
- Toute disposition excédant cette quote-part risque d’être requalifiée en legs de la chose d’autrui, sauf à prévoir des clauses spécifiques dans le testament.
- Lorsque le bien légué est attribué à la succession du testateur, le legs s’exécute en nature.
- Si tel n’est pas le cas, le légataire peut demander une compensation, que ce soit par la valeur du bien ou par une attribution équivalente dans la masse successorale.
- La jurisprudence reconnaît également que le testateur peut imposer à ses héritiers la charge de fournir au légataire la propriété du bien légué ou une compensation équivalente, sous réserve que cette intention soit clairement exprimée dans le testament (Cass. 1ère civ., 8 oct. 2014, n°13-19.399).
- Le régime juridique du legs dans l’indivision vise à protéger les coïndivisaires contre toute atteinte à leurs droits.
- En permettant au légataire de remplacer le testateur dans l’indivision, tout en limitant les effets du legs à la quote-part du testateur, ce régime garantit l’équilibre de l’indivision. Il évite notamment l’introduction d’un tiers non souhaité sans l’accord des coïndivisaires.
- Lorsque les actes de disposition à titre gratuit sont réalisés sans l’accord des coïndivisaires, ils sont inopposables pour la partie excédant les droits de l’indivisaire disposant.
- Cette inopposabilité limite les effets de l’acte, protégeant ainsi les droits des autres indivisaires.
- En d’autres termes, le donataire ou le légataire ne peut se prévaloir d’un droit sur la totalité du bien indivis, mais uniquement sur la quote-part appartenant au disposant.
ii. La constitution de sûretés
La constitution de sûretés sur un bien indivis (nantissement, gage, hypothèque) est soumise à des règles strictes en raison des implications qu’elle peut avoir sur les droits de tous les coïndivisaires. La règle de l’unanimité, prévue par l’article 815-3 du Code civil, joue ici un rôle central pour garantir la protection des intérêts des indivisaires non constituants.
==>Nantissement
Le nantissement, en tant que sûreté réelle portant sur un bien incorporel (tel qu’un fonds de commerce, des droits d’exploitation, ou des créances), peut être constitué sur un bien indivis.
Toutefois, pour être valable et pleinement opposable, tous les coïndivisaires doivent y consentir.
En effet, le nantissement est un acte de disposition. Or, en indivision, tout acte de disposition nécessite l’accord unanime des indivisaires afin de protéger leurs droits indivis et éviter tout déséquilibre patrimonial.
Lorsque tous les coïndivisaires consentent à la constitution d’un nantissement, celui-ci produit ses effets indépendamment des résultats du partage.
Ainsi, le créancier titulaire de la sûreté pourra exercer ses droits, y compris par voie d’exécution forcée, sans attendre le partage.
Lorsque le nantissement est constitué par un seul indivisaire, sans l’accord des autres, sa validité est limitée et conditionnée au résultat du partage.
En effet, en l’absence de consentement unanime, le nantissement n’oblige que le constituant et est inopposable aux autres coïndivisaires.
Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’un nantissement sur un fonds de commerce indivis, constitué par un seul indivisaire sans l’accord des autres, était dépourvu d’efficacité (Cass. 1ère civ., 26 avril 2000, n°97-10.616).
Cette solution protège les indivisaires non parties à l’acte de constitution du nantissement.
Si, néanmoins, le bien indivis grevé par le nantissement est attribué au constituant lors du partage, la sûreté est rétroactivement consolidée.
En revanche, si le bien est attribué à un autre indivisaire, la sûreté devient caduque, car le constituant n’a jamais eu la pleine propriété de l’objet grevé.
==>Gage
Pour constituer un gage valable sur un bien indivis, l’accord unanime des coïndivisaires est requis.
A l’instar du nantissement, le gage est un acte de disposition, car il vient grever une charge sur le bien indivis et expose potentiellement celui-ci à une exécution forcée en cas de défaillance du débiteur.
Lorsque tous les indivisaires consentent à la constitution du gage, celui-ci est pleinement opposable aux tiers et aux coïndivisaires.
Le créancier gagiste pourra alors saisir le bien grevé en cas de non-paiement de la créance garantie, sans attendre le partage.
Lorsque, en revanche, le gage est constitué par un seul indivisaire, sans l’accord des autres, sa portée est limitée et il devient inopposable aux coïndivisaires non consentants.
Dans cette hypothèse, le gage ne joue que pour la part indivise du constituant.
En d’autres termes, le créancier gagiste ne pourra exiger l’exécution forcée de la sûreté que sur la fraction indivise détenue par l’indivisaire constituant.
Enfin, il peut être observé que l’efficacité complète du gage dépend directement de l’attribution du bien grevé lors du partage.
Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire ayant consenti le gage lors des opérations de partage, la sûreté est consolidée rétroactivement.
Dans ce cas, le créancier pourra exercer ses droits sur le bien grevé, conformément au principe de l’effet déclaratif du partage.
Si toutefois le bien est attribué à un autre indivisaire, le gage devient inopposable.
Le créancier ne pourra alors se prévaloir de la sûreté, le constituant n’ayant jamais été le propriétaire exclusif du bien.
==>Hypothèque
Lorsqu’une hypothèque est constituée sur un bien indivis, trois situations peuvent se présenter :
- Hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour une dette commune
- Constitution et validité
- En application de l’article 2412 du Code civil, une hypothèque peut être constituée sur un bien indivis par tous les indivisaires aux fins de garantir une dette commune.
- Pour ce faire, chaque indivisaire doit consentir à l’hypothèque mais également reconnaître la dette commune à garantir.
- A cet effet, les indivisaires doivent disposer de leur pleine capacité juridique et du pouvoir de consentir, notamment lorsqu’ils agissent dans le cadre d’une représentation.
- Effets avant et après le partage
- L’article 2412 du Code civil prévoit que « l’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. »
- Il en résulte que le créancier peut faire valoir son droit sur le bien grevé, y compris avant le partage (Cass. com., 28 juin 2005, n°02-20.452).
- En cas de défaillance du débiteur, le créancier peut saisir le bien sans attendre la fin de l’indivision.
- Contrairement à l’ancien privilège du copartageant, remplacé par l’hypothèque légale spéciale (art. 2402, 4° C. civ.), l’hypothèque ne rétroagit pas à la date de création de l’indivision. Elle prend rang à compter de son inscription.
- Constitution et validité
- Hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour la dette d’un indivisaire
- Principe
- Il est permis aux coïndivisaires de consentir à une hypothèque grevant l’ensemble d’un bien indivis afin de garantir la dette personnelle de l’un d’entre eux.
- Une telle hypothèque se rencontrera, le plus souvent, dans le cadre d’acquisitions immobilières indivises.
- Par exemple, lorsqu’un indivisaire contracte un emprunt pour financer une acquisition, les autres coïndivisaires peuvent autoriser la constitution d’une hypothèque sur l’ensemble du bien indivis aux fins de garantir la dette souscrite.
- A l’analyse, les coïndivisaires non débiteurs, en autorisant l’acte, jouent le rôle de cautions réelles, engageant leurs droits indivis sans s’obliger personnellement au remboursement de la dette garantie.
- Reste que ces derniers doivent expressément consentir à l’hypothèque.
- Par leur accord, ils autorisent l’affectation du bien indivis en garantie, mais ils ne s’engagent pas personnellement au paiement de la dette.
- Leur obligation est limitée à leur part dans l’indivision.
- Aussi, l’hypothèque engage les droits des coïndivisaires proportionnellement à leur quote-part dans le bien indivis.
- En cas de défaillance du débiteur, l’immeuble peut être saisi et vendu, affectant alors les droits de tous les indivisaires.
- Effets
- L’hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour garantir la dette personnelle de l’un d’entre eux produit des effets similaires à ceux d’une hypothèque constituée pour une dette commune.
- Conformément à l’article 2412 du Code civil, cette hypothèque conserve son plein effet, quel que soit le résultat du partage.
- Le créancier hypothécaire peut exercer son droit de préférence et saisir le bien grevé avant que l’indivision ne soit liquidée (Cass. com., 28 juin 2005, n°02-20.452).
- Les coïndivisaires non débiteurs ne sont toutefois pas tenus personnellement de rembourser la dette.
- Leur part dans le bien indivis constitue la seule garantie accordée au créancier.
- A cet égard, si la vente forcée du bien grevé est réalisée, le produit de la vente est réparti entre le créancier hypothécaire et les coïndivisaires en fonction de leurs droits respectifs.
- Principe
- Hypothèque consentie par un indivisaire agissant seul
- Constitution par un seul indivisaire
- Un indivisaire peut, sous certaines conditions, constituer une hypothèque portant sur sa seule quote-part dans un bien indivis.
- Cette hypothèque, bien que permise, est juridiquement limitée et subordonnée à l’issue du partage, conformément à l’article 2412 du Code civil.
- L’hypothèque constituée par un indivisaire agissant seul ne peut grever que ses droits indivis dans le bien.
- Elle est inopposable aux autres indivisaires et n’a aucun effet sur la totalité du bien indivis.
- Aussi, l’efficacité finale de cette hypothèque est conditionnée au résultat des opérations de partage.
- Tant que le partage n’a pas attribué le bien au constituant, les effets de l’hypothèque demeurent aléatoire et suspendus.
- Cette hypothèque, bien que valable entre le créancier et le constituant, est donc tributaire du devenir du bien dans l’indivision.
- Effets du partage sur l’hypothèque
- Le sort de l’hypothèque constituée par un seul indivisaire est déterminé par l’effet déclaratif du partage, qui rétroagit à la date d’ouverture de l’indivision.
- Si le bien hypothéqué est attribué à l’indivisaire constituant au terme du partage, l’hypothèque est consolidée rétroactivement.
- Cette rétroactivité confère au créancier un droit de préférence sur le bien, le plaçant en position de force pour recouvrer sa créance.
- Dans un arrêt du 1er octobre 2020, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces immeubles indivis ou, lorsque l’immeuble est licité à un tiers, si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation. » (Cass. 3e civ. 1er oct. 2020, n°19-20.007).
- Il se déduit de cette décision que, si, à l’inverse, le bien est attribué à un autre indivisaire, l’hypothèque devient caduque.
- Le créancier ne dispose alors d’aucun moyen juridique pour exiger le paiement sur ce bien.
- Cette situation s’explique par l’effet déclaratif du partage en ce sens que l’indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire du bien attribué à autrui.
- Constitution par un seul indivisaire
==>La fiducie
La fiducie, mécanisme juridique introduit en droit français par la loi n°2007-211 du 19 février 2007, est un acte de disposition qui consiste à transférer temporairement un bien à un fiduciaire, à charge pour ce dernier de le gérer dans un but déterminé.
Lorsqu’elle concerne un bien indivis, la constitution d’une fiducie est strictement encadrée.
Tout d’abord, l’accord de tous les coïndivisaires est indispensable pour transférer le bien indivis dans le patrimoine fiduciaire.
À défaut de cet accord, l’acte de fiducie sera inopposable aux indivisaires non consentants.
Ensuite, la fiducie, en tant qu’acte de disposition, suit le même régime que les autres actes de cette nature.
Ainsi, si un seul indivisaire tente de constituer une fiducie sur l’intégralité d’un bien indivis, cette dernière ne produira d’effet que pour sa quote-part.
S’agissant des effets de la fiducie sur un bien indivis, ils dépendent du sort du bien lors du partage.
Si le bien mis en fiducie est attribué au constituant lors du partage, la fiducie est rétroactivement consolidée et produit tous ses effets.
Dans l’hypothèse, en revanche, où le bien indivis est attribué à un autre indivisaire, la fiducie devient inefficace, car le constituant n’a jamais été pleinement propriétaire du bien transféré.
Le fiduciaire devra alors restituer le bien à l’indivisaire auquel il est attribué.
iii. Gestion Locative
La gestion locative d’un bien indivis soulève des questions complexes, notamment en raison de l’application stricte de la règle de l’unanimité prévue par l’article 815-3 du Code civil.
Cette règle s’applique aussi bien lorsque les indivisaires sont propriétaires du bien donné à bail que lorsqu’ils sont locataires indivis d’un bien.
α: Les indivisaires sont propriétaires du bien indivis loué
==>Conclusion du Bail
La conclusion d’un bail portant sur un bien indivis requiert généralement l’unanimité des indivisaires, sauf pour certains baux soumis à des régimes spécifiques.
- Principe de l’unanimité
- Les baux portant sur des immeubles à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal sont considérés comme des actes de disposition en raison de l’importance des droits conférés au preneur.
- Aussi, conformément à l’article 815-3 du Code civil, la décision de conclure un tel bail nécessite l’accord unanime des coïndivisaires.
- À défaut, le bail est inopposable aux indivisaires non signataires.
- La Cour de cassation a jugé en ce sens, dans un arrêt du 27 octobre 1992, que « le bail d’un bien indivis consenti par un seul des indivisaires n’est pas nul ; il est seulement inopposable aux autres indivisaires et son efficacité est subordonnée aux résultats du partage » (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).
- Exception
- En application de l’article 815-3 « les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal » peuvent être conclus par un ou des indivisaires représentant au moins deux tiers des droits indivis, sous réserve d’information préalable des autres indivisaires.
==>Actes intervenant en cours de bail
Pendant la durée du bail, différentes demandes émanant du locataire peuvent intervenir.
Ces demandes sont soumises à des règles de majorité ou d’unanimité selon leur nature et leurs conséquences sur l’indivision.
- Demandes de travaux ou d’aménagements
- Les demandes de travaux ou d’aménagements par le locataire sont soumises à des règles qui diffèrent selon leur impact sur le bien indivis.
- En application de l’article 815-3, alinéa 2 du Code civil, les actes de gestion courante, tels que des travaux mineurs ou nécessaires à l’entretien du bien, peuvent être décidés par une majorité des indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis.
- Lorsque, en revanche, les travaux proposés touchent à la structure même du bien (modifications substantielles) ou entraînent un changement de destination, ils ne relèvent pas de l’exploitation normale des biens indivis et nécessitent dès lors le consentement unanime des indivisaires, conformément à l’article 815-3 du Code civil.
- Demande de sous-location ou de cession du bail
- Une sous-location ou une cession de bail confère des nouveaux droits au locataire.
- A ce titre, cette opération constitue un acte sortant de l’exploitation normale du bien indivis.
- Pour cette raison, il est admis qu’elle nécessite une décision unanime des indivisaires.
- Demande de révision du loyer
- La révision du loyer est traditionnellement considérée comme un acte d’administration.
- Aussi, conformément à l’article 815-3, alinéa 2 du Code civil, une telle demande peut être traitée par les indivisaires représentant deux tiers des droits indivis.
==>Fin du bail
La fin du bail peut donner lieu à deux issues différentes : la poursuivre des rapports locatifs ou leur cessation.
- La poursuite des rapports locatifs
- Renouvellement du bail
- Le renouvellement explicite d’un bail obéit aux mêmes règles que celles encadrant sa conclusion :
- Lorsque le renouvellement du bail intéresse un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal, alors il s’analyse en un acte de disposition.
- L’acte de renouvellement requiert dès lors une décision prise à l’unanimité des indivisaires (V. en ce sens Cass. 3e civ. 18 avr. 1985, n°84-10.083).
- Dans l’hypothèse, en revanche, où il s’agit de renouveler un bail ne portant pas sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal, alors l’acte de renouvellement peut être accompli par le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis
- Prorogation du bail
- La prorogation du bail se définit comme le report volontaire du terme du contrat, convenu entre les parties, permettant de prolonger les relations locatives au-delà de l’échéance initialement fixée.
- Cette prorogation peut intervenir à la demande explicite des parties ou découler de l’absence de résiliation au terme du bail.
- La prorogation explicite
- Il est admis, en application de l’article 815-3 du Code civil, que la prorogation du bail s’analyse en un acte d’administration.
- Il en résulte qu’elle peut être décidée, en principe, par une majorité représentant au moins deux tiers des droits indivis.
- Toutefois, dans l’hypothèse où la prorogation consentie conduirait à un report de longue durée ou à une modification significative des conditions du bail, alors elle pourrait être considérée comme constituant un acte étranger à l’exploitation normal du bien indivis.
- Dans ce cas, l’unanimité des indivisaires serait alors requise, sauf à obtenir une autorisation judiciaire sur le fondement de l’article 815-5 du Code civil.
- Il peut être observé qu’une prorogation qui aurait été décidée unilatéralement par un indivisaire pourrait être ratifiée a posteriori sur le fondement de la gestion d’affaires (article 1301 et suivants du Code civil), à condition qu’elle soit démontrée utile à tous les indivisaires (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 mai 1999, n°97-17.570).
- La tacite reconduction ou prorogation implicite
- La tacite reconduction, bien que distincte de la prorogation, peut s’analyser en une prolongation implicite du bail lorsque les parties poursuivent leurs relations locatives sans opposition à l’échéance du contrat.
- Aussi, elle obéit aux mêmes règles que la prorogation explicite :
- En principe, la tacite reconduction s’analyse en un acte d’administration, de sorte qu’elle n’est pas soumise à la règle de l’unanimité (V. en ce sens Cass. com. 22 mai 1973, n°71-12.731).
- En revanche, si elle donne lieu à la prolongation du bail pour une durée qui dépasse le cadre de l’exploitation normale du bien indivis, alors elle ne peut être accordée qu’à la condition que tous les indivisaires y aient consenti.
- La prorogation explicite
- Renouvellement du bail
- La Cessation des rapports locatifs
- Résiliation par le locataire
- Le locataire doit notifier son congé à tous les indivisaires pour qu’il soit valide.
- Dans un arrêt du 11 juillet 2007, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « lorsqu’un bail commercial a été consenti par des propriétaires indivis et hormis le cas où l’un de ceux-ci a reçu mandat du ou des autres indivisaires, le congé donné par le preneur doit, pour être valable, avoir été délivré à chacun des propriétaires indivis » (Cass. 3e civ. 11 juill. 2007, n°06-12.210).
- Cette exigence découle du principe selon lequel tous les coïndivisaires ont des droits égaux sur le bien indivis et doivent être informés des actes pouvant affecter ces droits.
- Congé donné par les indivisaires
- La résiliation d’un bail par les indivisaires nécessite une analyse au cas par cas pour déterminer s’il s’agit d’un acte d’administration ou de disposition.
- Actes d’administration
- Il est admis que le congé relève de la catégorie des actes d’administration, lorsqu’il n’affecte pas de façon substantielle les droits des indivisaires.
- Il en va ainsi pour un congé donné avec offre de renouvellement pour un bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989.
- Tel est encore le cas pour un congé donné avec refus de renouvellement d’un bail professionnel, sans indemnité d’éviction.
- La jurisprudence a admis que ces situations s’inscrivaient dans le cadre d’une gestion normale des biens indivis, ne nécessitant pas l’unanimité dès lors que l’acte n’entraîne pas de conséquences préjudiciables pour l’indivision.
- Actes de disposition
- Un congé peut être regardé comme constituant un acte de disposition, lorsqu’il affecte de manière significative la valeur ou l’usage du bien indivis.
- En pareil hypothèse, le congé requiert l’adoption d’une décision à l’unanimité des indivisaires.
- Tel sera le cas, par exemple, pour un congé portant sur un bail commercial, agricole, industriel ou artisanal, particulièrement en cas de paiement d’une indemnité d’éviction.
- Il en va également ainsi en cas de délivrance d’un congé assorti d’une offre de vente du bien indivis.
- Actes d’administration
- La résiliation d’un bail par les indivisaires nécessite une analyse au cas par cas pour déterminer s’il s’agit d’un acte d’administration ou de disposition.
- Résiliation par le locataire
- Dans un arrêt du 9 juin 2011, la Cour de cassation a précisé que, dans la mesure où l’indivision est dépourvue de la personnalité juridique, l’acte doit être délivré au nom de chacun des indivisaires (Cass. 2e civ. 9 juin 2011, n°10-19.241).
- Il peut toutefois être observé que, en l’absence de mention des noms de tous les indivisaires, l’irrégularité peut être couverte par la saisie de la juridiction par chaque indivisaire pris individuellement (Cass. 3e civ., 5 déc. 2001, n°00-10.731).
- De façon générale, l’irrégularité résultant de la délivrance d’un congé qui aurait été pris en violation de la règle de l’unanimité ou de la majorité peut être couverte par la ratification a posteriori des indivisaires non consentants.
- Cette ratification peut être tout autant expresse (V. en ce sens Cass. 3e civ. 11 juin 1970, n°67-13.761) que tacite (Cass. soc. 6 mai 1965).
- Dans un arrêt du 12 mars 1970, la Cour de cassation a précisé que « le congé donné par un coindivisaire sans l’accord des autres est nul, s’il n’a pas été ratifié ou confirmé ; que cette confirmation doit être certaine et ne peut se présumer » (Cass. 3e civ. 12 mars 1970, n°69-10.161).
- Expulsion et mesures conservatoires
- L’expulsion d’un locataire d’un bien indivis est un acte dont la nature juridique dépend des circonstances entourant la demande.
- Elle peut constituer un acte d’administration, nécessitant l’accord de plusieurs indivisaires, ou une mesure conservatoire, justifiant une initiative unilatérale dans des situations spécifiques.
- L’expulsion comme acte d’administration
- Conformément à l’article 815-3, alinéa 2 du Code civil, il est admis que l’acte d’expulsion relève du cadre de l’exploitation normal du bien indivis.
- A ce titre, l’expulsion d’un locataire, s’analyse en un acte d’administration qui, dès lors, peut être pris à la majorité des indivisaires représentant au moins deux tiers des droits indivis.
- A cet égard dans un arrêt du 16 novembre 2017, la Cour de cassation a jugé que « la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, signifié en exécution d’un titre d’expulsion, constitue une mesure nécessaire à la conservation du bien indivis qui n’implique donc pas le consentement d’indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis » (Cass. 2e civ. 16 nov. 2017, n°16-23.173).
- L’expulsion comme mesure conservatoire
- Lorsque la situation présente un caractère urgent ou une menace immédiate pour les droits collectifs des indivisaires, elle justifie qu’un indivisaire seul puisse prendre une mesure conservatoire.
- Dans un arrêt du 4 juillet 2012, la Cour de cassation a admis que l’acte d’expulsion pris par un indivisaire agissant seul puisse être qualifié de mesure conservatoire.
- Aux termes de cette décision, elle a affirmé que « ‘action engagée par le mandataire-liquidateur tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre et au paiement d’une indemnité d’occupation, qui avait pour objet la conservation des droits des coïndivisaires, entrait dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d’un péril imminent » (Cass. 1ère civ. 4 juill. 2012, n°10-21.967).
- L’expulsion comme acte d’administration
β: Les Indivisaires sont titulaires d’un droit au bail en indivision
Il est des cas où le droit au bail sera détenu en indivision. Cette situation peut résulter notamment du décès du locataire. La question qui alors se pose est de savoir comment s’opère la répartition des obligations pesant sur les coindivisaires, mais également comment il peut être mis fin au bail.
==>Les obligations des locataires indivis
Les locataires indivis sont tenus par une obligation conjointe, ce qui signifie que chaque indivisaire est débiteur à proportion de sa quote-part dans l’indivision, sauf disposition contractuelle contraire.
Cette règle limite la responsabilité de chacun à la fraction des droits qu’il détient dans le bien loué.
Ainsi, un indivisaire possédant un quart des droits indivis n’est tenu que pour 25 % des loyers ou des frais de réparations locatives.
Toutefois, certaines obligations inhérentes à la nature même de la location, en raison de leur caractère indivisible, s’imposent à tous les indivisaires, sans distinction de leurs parts respectives.
En effet, certaines obligations revêtent un caractère indivisible et engagent tous les indivisaires en tant qu’unité :
- L’entretien des parties communes, essentiel à la conservation de l’immeuble, incombe à l’ensemble des locataires indivis, qui doivent agir collectivement pour garantir la pérennité des lieux ;
- La destination des lieux, dont la modification requiert l’accord unanime des indivisaires, constitue une obligation commune, en ce qu’elle préserve l’usage du bien conformément aux stipulations contractuelles.
Lorsqu’une clause de solidarité est stipulée dans le contrat de bail, les indivisaires locataires deviennent débiteurs solidaires.
Cette clause permet au bailleur de réclamer la totalité des loyers ou des frais de réparations à un seul indivisaire, lequel dispose ensuite d’un droit de recours contre ses co-locataires pour obtenir le remboursement des sommes versées au-delà de sa quote-part.
==>Le renouvellement et la résiliation du bail
- Résiliation par un indivisaire
- Un indivisaire, agissant seul, ne peut valablement mettre fin au bail indivis.
- Cette restriction découle de l’article 815-3 du Code civil, qui impose l’unanimité pour tout acte qui ne relève pas de l’exploitation normale du bien indivis.
- Parce que la résiliation d’un bail affecte de façon significative les droits de tous les indivisaires, elle s’analyse en un acte de disposition qui requiert l’unanimité.
- Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens « qu’à défaut d’autorisation de justice, chacun des coïndivisaires ne pouvait mettre fin au bail qu’avec l’accord de tous » (Cass. 3e civ. 23 mars 1994, n°92-10.360).
- Est-ce à dire que, en cas de désaccord, l’indivisaire souhaitant mettre fin au bail reste prisonnier ?
- Il n’en est rien. Il est admis que le congé donné par un indivisaire produira ses effets pour lui-même sans mettre fin au bail.
- La Cour de cassation en a tiré la conséquence que ce dernier ne sera plus tenu au paiement des loyers dus postérieurement à la date de prise d’effet du congé (Cass. 3e civ. 21 nov. 1990, 89-14.827), sauf à ce que le bail comporte une clause de solidarité.
- Renouvellement du bail
- S’agissant du renouvellement d’un bail qui donne lieu à la naissance d’un nouveau contrat, il y a lieu de distinguer selon que le bail concerné porte ou non sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
- Le bail porte sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal
- Dans cette hypothèse, l’acte de renouvellement du bail est soumis à la règle de l’unanimité ; tous les indivisaires doivent consentir à l’opération.
- Le bail ne porte pas sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal
- Dans cette hypothèse, l’acte de renouvellement peut être accompli par des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis.
- Le bail porte sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal
- En cas de violation de la règle de l’unanimité ou de la majorité, l’acte de renouvellement est réputé inopposable aux indivisaires non consentants.
- S’agissant du renouvellement d’un bail qui donne lieu à la naissance d’un nouveau contrat, il y a lieu de distinguer selon que le bail concerné porte ou non sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
iv. Construction sur un bien indivis
Toute transformation affectant la substance d’un bien indivis s’analyse en un acte de disposition, dépassant ainsi le simple cadre d’un acte de gestion courante.
Tel est notamment le cas de l’édification d’une construction sur le bien indivis, qui constitue une modification substantielle de son état. Une telle action requiert dès lors le consentement unanime des indivisaires, faute de quoi elle peut être regardée comme une atteinte portée au bien d’autrui.
Cette règle est ancienne ; elle a été affirmée par la Cour de cassation dès la fin du XIXe siècle (Cass. civ., 28 févr. 1894, S. 1896. 1. 209, note C. Lyon-Caen). Elle a, par suite, été réaffirmée par la Troisième chambre civile dans un arrêt du 22 février.1984 (Cass. 3e civ. 22 févr. 1984).
L’unanimité des coïndivisaires est donc un préalable indispensable à toute construction affectant le bien indivis, sous peine de nullité.
Lorsqu’une construction est édifiée sur un terrain indivis sans l’accord unanime des coïndivisaires, plusieurs questions juridiques se posent, tant sur la propriété des constructions que sur leur sort futur.
==>Propriété des constructions
Il est de jurisprudence constante que, en l’absence d’une convention contraire, les constructions édifiées sur un terrain indivis deviennent elles-mêmes indivises dans les mêmes proportions que celles du terrain (V. en ce sens Cass. 3e civ., 9 mars 1994, n°92-12.971).
Ainsi, l’indivisaire ayant réalisé seul la construction ne peut revendiquer de droit exclusif sur celle-ci. Ce principe repose sur la théorie de l’accession prévue par l’article 551 du Code civil.
Aussi, la propriété indivise s’étend aux constructions, sans distinction entre le terrain et les édifications qu’il supporte.
Il peut être observé que les règles générales applicables aux constructions sur un bien indivis ne trouvent pas à s’appliquer dans le cadre spécifique d’un régime matrimonial de communauté.
En effet, l’article 1406, alinéa 1er, du Code civil, introduit par la loi du 13 juillet 1965, énonce une règle dérogatoire aux termes de laquelle les biens édifiés sur un terrain propre à l’un des époux sont considérés comme des biens propres.
La jurisprudence a fait application de cette règle à plusieurs reprises, notamment en jugeant que le principe d’accession prévu à l’article 552 du Code civil s’applique en faveur de l’époux propriétaire du terrain.
Ainsi, les constructions réalisées sur un bien propre ne tombent pas en communauté. Dans un arrêt du 6 juin 1990, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’immeuble bâti sur le terrain propre à l’un des époux pendant la durée du mariage et à l’aide de fonds provenant de la communauté constitue lui-même un bien propre » (Cass. 1ère civ. 6 juin 1990, n°88-10.532).
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence plus ancienne, qui reconnaissait déjà le caractère propre des constructions érigées sur un terrain propre (Cass. 1re civ., 24 oct. 1960).
Plus récemment, la Cour de cassation a réaffirmé cette règle, laquelle s’applique y compris dans le cas où le bien est utilisé conjointement par les époux (Cass. com. 24 juin 2003, n°00-14.645).
==>Sort des constructions
Le sort des constructions édifiées sans l’accord des coïndivisaires dépend des circonstances dans lesquelles elles ont été réalisées.
Deux options s’offrent aux coindivisaires non consentants : la démolition ou la conservation.
- La démolition de la construction
- Les coïndivisaires peuvent solliciter la démolition des constructions non autorisées.
- A cet égard, la démolition est souvent considérée comme une mesure conservatoire nécessaire pour mettre fin à un trouble illicite (Cass. 3e, 24 oct. 1990, n°88-18.233).
- Par ailleurs, il peut être observé que, dans une affaire emblématique, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’exigence de démolition d’une construction édifiée sans autorisation ne constituait pas une violation du droit de propriété, mais servait un « intérêt général légitime » en préservant le bon fonctionnement de l’indivision (CEDH, 24 juin 2003, A. c/ S., req. n° 35179/97).
- La conservation de la construction
- À défaut de demande de démolition, les constructions deviennent automatiquement des biens indivis.
- Dans un arrêt du 9 mars 1994n la Cour de cassation a ainsi affirmé que « les constructions élevées sur un immeuble indivis par l’un des propriétaires deviennent propriété commune des coïndivisaires si leur démolition n’est pas demandée » (Cass. 3e civ. 9 mars 1994, n°92-12.971).
- Cette intégration de la construction dans l’indivision repose sur le principe de l’accession (art. 551 C. civ.), qui confère à la communauté indivise la propriété des édifications.
- Toutefois, l’indivisaire constructeur peut, sous certaines conditions, demander une indemnisation au titre des impenses utiles ou nécessaires, en application de l’article 815-13 du Code civil.
- Cette indemnité est calculée en fonction de l’enrichissement de l’indivision ou de la valeur des dépenses engagées.
v. Affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle
==>Principe général : l’accord unanime des coïndivisaires
L’affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle constitue un acte dépassant le cadre d’un acte de gestion courante.
En vertu de l’article 815-3 du Code civil, de tels actes relèvent de la catégorie des actes de disposition et nécessitent l’accord unanime de tous les indivisaires. À défaut, une telle affectation est inopposable aux coïndivisaires non consentants.
L’application de la règle de l’unanimité trouve sa justification dans la transformation significative de la destination initiale du bien indivis qu’implique son affectation à une activité professionnelle.
Ce changement peut exposer l’ensemble des indivisaires aux risques inhérents à l’activité, y compris les poursuites des créanciers professionnels de l’indivisaire entrepreneur.
==>Le cadre spécifique de l’EIRL (avant sa suppression en 2022)
La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 avait introduit le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), permettant à un entrepreneur d’affecter certains biens à son patrimoine professionnel tout en protégeant ses biens personnels.
Pour les biens indivis, l’article L. 526-11 du Code de commerce exigeait expressément l’accord unanime des coïndivisaires pour une telle affectation.
Toutefois, l’EIRL souffrait de plusieurs limites :
- Formalités contraignantes : la déclaration d’affectation devait être réalisée auprès d’un registre professionnel, avec un modèle type d’accord des coïndivisaires.
- Risques pour les coïndivisaires : bien que le bien indivis restât juridiquement partagé, l’affectation conférait aux créanciers professionnels de l’EIRL un droit de poursuite exclusif sur le bien affecté.
En cas d’absence d’accord des coïndivisaires ou de non-respect des formalités, l’affectation était sanctionnée par une inopposabilité, rendant l’acte inefficace à l’égard des autres indivisaires.
==>La réforme de 2022 : suppression de l’EIRL et instauration d’un nouveau cadre pour l’entrepreneur individuel
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022, entrée en vigueur le 15 mai 2022, a supprimé le régime de l’EIRL.
Désormais, le régime unifié de l’entrepreneur individuel, prévu à l’article L. 526-22 du Code de commerce, consacre une séparation automatique entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur, sans nécessiter les formalités auparavant imposées.
Points notables de la réforme :
- Séparation patrimoniale automatique : les créanciers professionnels ne peuvent agir que sur le patrimoine professionnel, tandis que les créanciers personnels sont limités au patrimoine personnel.
- Absence de dispositions spécifiques sur les biens indivis : contrairement au régime de l’EIRL, le nouveau cadre ne prévoit pas expressément les modalités d’affectation des biens indivis. Dès lors, le droit commun de l’indivision retrouve son application, impliquant l’exigence d’un accord unanime pour affecter un bien indivis à une activité professionnelle.
Sans l’accord unanime des coïndivisaires, l’affectation d’un bien indivis est inopposable. Cela protège les droits des indivisaires non consentants et empêche les créanciers professionnels d’exercer des poursuites sur ce bien.
Par ailleurs, l’affectation ne modifie pas le statut indivis du bien. En cas de partage ultérieur, le bien reste soumis aux règles de l’indivision, à moins que l’entrepreneur n’en devienne le propriétaire exclusif par effet déclaratif du partage.
Si l’affectation est déclarée inopposable, les créanciers professionnels de l’entrepreneur ne peuvent exercer leur droit de poursuite sur le bien indivis. Ils devront alors se limiter au patrimoine personnel de l’entrepreneur ou au reste de son patrimoine professionnel.
vi. Actions en justice
==>Le principe d’unanimité
L’action en justice impliquant un bien indivis relève, en principe, de la catégorie des actes nécessitant l’accord unanime de tous les coïndivisaires.
Ce principe découle de la nécessité de protéger les intérêts collectifs de l’indivision et de préserver les droits de chaque indivisaire (art. 815-3 C. civ.).
Ainsi, toute procédure affectant substantiellement l’indivision, telle qu’une action en suppression d’ouvrages irrégulièrement édifiés ou une demande d’annulation de bail, requiert la participation ou l’accord explicite de l’ensemble des indivisaires.
Toutefois, cette règle connaît des tempéraments, notamment dans les hypothèses où l’action exercée ne compromet pas les droits de l’ensemble des indivisaires ou vise à sauvegarder des intérêts particuliers.
==>Les exceptions au principe d’unanimité
- Les actions conservatoires
- Un indivisaire peut agir seul pour accomplir des actes conservatoires, c’est-à-dire ceux destinés à prévenir un péril imminent ou à préserver le bien indivis.
- Ces actions, par nature urgentes, ne nécessitent pas l’unanimité dès lors qu’elles visent à protéger le patrimoine commun sans altérer de manière significative les droits des autres indivisaires.
- Par exemple, un indivisaire peut mettre en demeure un locataire de régler un loyer impayé ou agir en réparation pour préserver l’intégrité du bien indivis (art. 815-2 C. civ.).
- Les actions en défense d’un intérêt personnel
- Lorsqu’un indivisaire agit pour protéger un intérêt personnel, il peut le faire sans avoir à obtenir l’accord des autres coïndivisaires.
- Ce principe est régulièrement affirmé par la jurisprudence.
- Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a ainsi jugé que « tout indivisaire, pour assurer la protection de ses droits indivis, peut agir seul en justice à l’encontre d’un autre coïndivisaire ayant passé un acte sans son consentement et au mépris des dispositions de l’article 815-3 du Code civil » (Cass. 3e civ. 15 juin 1994, n°92-15.608).
- Dans ce cas, l’action vise à faire respecter les droits individuels de l’indivisaire sans engager directement l’indivision dans son ensemble.
- Les actions ayant pour objet le respect des règles d’ordre public
- Lorsqu’un indivisaire agit pour garantir le respect d’une disposition d’ordre public, il ne s’agit pas d’un acte affectant directement l’indivision mais d’une démarche visant à prévenir une atteinte grave à un principe essentiel.
- En ce sens, ces actions transcendent les considérations propres à l’indivision.
- C’est la raison pour laquelle, la jurisprudence a admis que la protection des règles d’ordre public justifie que tout indivisaire puisse intervenir seul en justice.
- Par exemple, dans un arrêt du 17 mars 1992, la Cour de cassation a affirmé qu’un indivisaire pouvait agir seul pour obtenir l’annulation d’un acte entaché de fraude, au motif que « la fraude corrompt tout » et que le respect de ce principe constitue une exigence d’ordre public (Cass. 1ère civ. 17 mars 1992, n°90-14.547).
- Il est également admis qu’un indivisaire peut agir seul pour exiger l’application de sanctions prévues par la loi.
- Par exemple, si un tiers occupe illégalement un bien indivis, un indivisaire peut demander en justice l’expulsion de ce dernier, même sans l’accord des autres coïndivisaires, dès lors que l’occupation illégale constitue un trouble à l’ordre public.
- Les actions visant à garantir le respect de règles impératives, telles que les règles d’urbanisme, relèvent également de cette catégorie.
- Un indivisaire pourrait ainsi agir de son propre chef pour contester des travaux réalisés sur le bien indivis en méconnaissance des autorisations administratives nécessaires.
- Bien que ces actions puissent être engagées par un seul indivisaire, elles doivent rester compatibles avec l’intérêt commun de l’indivision.
- Toute action manifestement abusive ou contraire à cet intérêt pourrait être contestée par les autres coïndivisaires.
- Cependant, en l’absence de preuve, la nature impérative des règles en question prime sur les exigences procédurales de l’indivision.
- Enfin, il peut être observé que les décisions rendues dans le cadre de ces actions ont vocation à s’imposer non seulement aux coïndivisaires mais également aux tiers concernés. Ainsi, un jugement annulant un acte illicite ou ordonnant une mesure conservatoire protège à la fois les droits de l’indivision et l’intégrité du cadre légal.
==>Aspects procéduraux
L’indivision, bien que regroupant des indivisaires autour d’un patrimoine commun, ne constitue pas une entité juridique distincte.
Contrairement aux sociétés ou aux associations, elle ne bénéficie d’aucune personnalité juridique.
Cette spécificité a des conséquences majeures sur la capacité d’agir en justice pour défendre ou représenter les intérêts attachés au patrimoine indivis.
Il en résulte que ce sont les indivisaires eux-mêmes qui doivent, en leur nom propre, ester en justice, que ce soit en demande ou en défense.
- Les indivisaires en demande
- L’indivision étant dépourvue de personnalité juridique, une action en justice concernant un bien indivis ne saurait être exercée au nom et pour le compte de cette dernière.
- Ce sont donc les indivisaires qui doivent agir, individuellement ou collectivement, en fonction de la nature de l’action envisagée.
- A cet égard, si une action est intentée sans respecter les règles de majorité ou d’unanimité, elle peut être déclarée inopposable aux autres indivisaires.
- La Cour de cassation a jugé, en ce sens, que l’absence de consentement unanime rendait l’action juridiquement inefficace à l’égard des indivisaires non représentés (Cass. 3e civ., 25 avr. 2001, n°99-14.368).
- Les indivisaires en défense
- Une action en justice intentée contre l’indivision doit viser tous les indivisaires.
- L’absence de mise en cause de certains indivisaires rend la décision rendue inopposable à ces derniers
- Dans un arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci » (Cass. 1ère civ. 12 juin 2013, n°11-23.137).
c. Les sanctions en cas de violation du principe
Le principe d’unanimité, édicté à l’article 815-3 alinéa 3 du Code civil, impose que tout acte de disposition ou tout acte étranger à l’exploitation normale des biens indivis soit soumis au consentement de tous les indivisaires.
Toutefois, si le législateur a clairement énoncé ce principe comme une règle cardinale de l’indivision, il n’a pas corrélativement précisé les sanctions applicables en cas de violation.
La question s’est alors rapidement posée de savoir quelle devait être la sanction applicable.
==>L’exclusion de la nullité comme sanction de principe
La nullité, qui constitue traditionnellement la sanction de la méconnaissance des conditions de validité d’un acte juridique, pourrait sembler, au premier abord, la réponse appropriée à la violation du principe d’unanimité énoncé à l’article 815-3, alinéa 3 du Code civil.
Cependant, cette solution radicale a été écartée par la jurisprudence et la doctrine pour mieux s’adapter aux spécificités de l’indivision.
Deux considérations majeures justifient ce choix : d’une part, la nature particulière du droit indivis, et d’autre part, l’effet déclaratif du partage, qui confère une dynamique singulière au régime de l’indivision.
- La nature particulière du droit indivis
- L’indivision repose sur une articulation subtile entre droits individuels et propriété collective.
- Chaque indivisaire est titulaire d’un droit de propriété sur sa quote-part indivise, ce qui lui confère une légitimité à agir, même en l’absence de consentement unanime des autres.
- Il ne peut donc être assimilé à un tiers entièrement dépourvu de droits sur le bien indivis.
- Cette spécificité distingue fondamentalement l’indivisaire de l’auteur d’un acte irrégulier dans un contexte juridique classique.
- Ainsi, l’acte accompli par un indivisaire sans le consentement de ses coïndivisaires ne saurait être considéré comme totalement nul.
- Il conserve une validité restreinte, limitée à la portion indivise de l’auteur de l’acte.
- Cette approche procède du principe selon lequel nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en détient.
- L’acte, bien qu’irrégulier, n’est pas intrinsèquement dépourvu d’effet, mais sa portée est circonscrite.
- L’exclusion de la nullité vise également à protéger les tiers cocontractants, qui, agissant de bonne foi, ne doivent pas voir leurs droits systématiquement anéantis par l’irrespect du principe d’unanimité.
- En conséquence, dans les rapports entre l’auteur de l’acte et le cocontractant, la validité partielle de l’acte préserve une certaine sécurité juridique, tout en laissant aux coïndivisaires la possibilité de contester son opposabilité à leur égard.
- L’effet déclaratif du partage
- Le partage, en tant que mécanisme de dissolution de l’indivision, exerce une influence décisive sur le sort des actes passés pendant la période d’indivision.
- En vertu de son effet déclaratif, tel qu’énoncé à l’article 883 du Code civil, le partage attribue à chaque indivisaire la propriété exclusive des biens compris dans son lot, avec une rétroactivité remontant à l’ouverture de l’indivision.
- Autrement dit, chaque indivisaire est juridiquement réputé avoir toujours été le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués lors du partage.
- Cette rétroactivité ne constitue pas une simple fiction juridique, mais un principe qui redéfinit en profondeur les droits des indivisaires et les actes qu’ils ont pu accomplir.
- Elle confère une singularité aux actes passés par un indivisaire seul, en conditionnant leur validité ou leur efficacité au résultat du partage.
- En effet, ces actes, bien qu’irréguliers au regard du principe d’unanimité, ne sont pas définitivement remis en cause : leur sort dépend de l’attribution des biens dans le cadre du partage.
- Si le bien objet de l’acte est attribué à l’auteur lors du partage, l’acte irrégulier est rétroactivement consolidé.
- Ce mécanisme couvre alors l’irrégularité initiale en attribuant à l’auteur une propriété exclusive sur le bien concerné, validant ainsi l’acte dès son origine.
- En revanche, si le bien est attribué à un autre indivisaire, l’acte est anéanti rétroactivement, comme s’il n’avait jamais existé.
- Ce mécanisme permet de préserver les droits des indivisaires tout en assurant la sécurité des tiers cocontractants, qui bénéficient ainsi d’une stabilisation juridique de l’acte dans les cas où l’attribution rétroactive vient en confirmer la légitimité.
==>L’inopposabilité comme sanction adaptée
Dans le cadre de l’indivision, la violation de la règle de l’unanimité n’emporte pas la nullité de l’acte accompli par un seul indivisaire.
La jurisprudence privilégie la sanction de l’inopposabilité, distinguant ainsi les effets de l’acte selon les parties concernées.
- Entre l’auteur de l’acte et son cocontractant
- Dans les relations entre l’indivisaire auteur d’un acte irrégulier et son cocontractant, l’acte demeure valable, mais sa portée est limitée à la quote-part détenue par l’auteur sur le bien indivis.
- Ce principe découle de la nature du droit indivis, qui confère à chaque indivisaire une propriété partielle sur la chose commune.
- Aussi, cela permet à l’indivisaire d’accomplir des actes juridiques valables à hauteur de ses droits, même en l’absence de consentement unanime des autres indivisaires.
- Validité partielle de l’acte : une application du principe nemo plus juris
- Lorsqu’un indivisaire agit seul pour conclure un acte de disposition, comme une vente, ou un acte d’administration, comme un bail, l’acte conserve une existence juridique dans les limites des droits que l’auteur peut légitimement transférer.
- Ce principe, inspiré de la règle nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet (nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en détient), garantit la validité partielle de l’acte pour la quote-part indivise de l’auteur.
- Ainsi, le tiers cocontractant, agissant de bonne foi, bénéficie d’une sécurité juridique relative, à condition que l’acte ne dépasse pas les droits que l’indivisaire pouvait transférer.
- Illustration jurisprudentielle : la cession d’un bien indivis
- La Cour de cassation a confirmé cette approche dans un arrêt du 21 septembre 2016 (Cass. 1ère civ. 21 sept. 2016, n°15-24.023).
- Dans cette décision, elle a jugé que « la cession d’un bien indivis par un seul indivisaire est opposable aux coïndivisaires à concurrence de la quote-part de son auteur ».
- Cet arrêt illustre le fait qu’un acte passé par un indivisaire seul conserve sa validité pour la fraction du bien correspondant à sa part indivise, tout en respectant les droits des autres indivisaires par le biais de l’inopposabilité.
- Application spécifique aux baux conclus par un indivisaire
- Concernant les baux, la Cour de cassation a également confirmé ce principe.
- Dans un arrêt du 12 avril 1995, elle a jugé qu’un bail consenti par un indivisaire seul est valide dans les relations entre le preneur et l’indivisaire bailleur, mais inopposable aux autres indivisaires qui n’ont pas donné leur consentement (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n°92-20.732).
- Cette distinction garantit la stabilité des rapports contractuels entre l’indivisaire et le preneur, tout en protégeant les droits des coïndivisaires.
- Validité partielle de l’acte : une application du principe nemo plus juris
- Entre l’auteur de l’acte et les autres indivisaires
- Dans le régime de l’indivision, un acte accompli par un seul indivisaire sans le consentement des autres coïndivisaires est frappé d’inopposabilité à l’égard de ces derniers.
- Cette sanction spécifique, alternative à la nullité, vise à préserver les droits des indivisaires non consentants tout en laissant l’acte subsister entre l’auteur et son cocontractant.
- L’inopposabilité : une protection des droits des coïndivisaires
- L’inopposabilité a pour effet de neutraliser les effets de l’acte à l’égard des indivisaires non consentants, sans en remettre en cause la validité dans les rapports entre l’auteur de l’acte et le tiers cocontractant.
- Cette distinction permet d’éviter qu’un acte irrégulier ne porte atteinte aux droits indivis des coïndivisaires, tout en assurant une certaine sécurité juridique au tiers ayant contracté avec l’indivisaire.
- La Cour de cassation a illustré ce principe dans un arrêt du 12 avril 1995 aux termes duquel elle a jugé qu’un bail consenti par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, même s’il bénéficie d’une date certaine, est inopposable aux autres indivisaires (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n°92-20.732).
- Cet arrêt souligne que l’absence de consentement unanime rend l’acte inopposable à ceux dont les droits pourraient être affectés, tout en maintenant la validité du bail dans les relations entre le bailleur et le preneur.
- L’effet suspensif de l’inopposabilité jusqu’au partage
- L’inopposabilité neutralise les effets de l’acte jusqu’à l’issue du partage.
- Si, à l’issue du partage, le bien concerné est attribué à l’indivisaire auteur de l’acte, celui-ci est consolidé rétroactivement.
- À l’inverse, si le bien est attribué à un autre indivisaire, l’acte demeure inopposable et ses effets sont définitivement écartés à l’égard des coïndivisaires non consentants.
- La Cour de cassation a confirmé cette approche dans un arrêt du 15 juin 1994 où elle a jugé que la vente d’un bien indivis conclue par un seul indivisaire sans le consentement des autres est inopposable à ces derniers, son efficacité étant subordonnée au résultat du partage (Cass. 1ère civ., 15 juin 1994, n°91-20.633)
- Application pratique aux baux et ventes
- Dans un arrêt du 3 février 2016, la Cour de cassation a jugé qu’un bail consenti par un indivisaire sans le consentement des autres coïndivisaires est inopposable à ces derniers (Cass. 1ère civ. 3 févr. 2016, n°14-26.060).
- Cet arrêt confirme que l’acte, bien que valide dans les rapports entre l’auteur et le preneur, ne peut produire d’effets à l’égard des autres indivisaires.
- De même, en matière de vente, la Première chambre civile a précisé dans un arrêt du 27 octobre 1992, que la cession d’un bien indivis par un seul indivisaire, sans accord unanime, est inopposable aux coïndivisaires, sauf ratification ultérieure (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).
- L’inopposabilité : une protection des droits des coïndivisaires
==>Cas particulier du décès de l’auteur de l’acte irrégulier
Si l’indivisaire auteur de l’acte décède, ses héritiers, en acceptant la succession, sont tenus de garantir les obligations nées de l’acte et ne peuvent en contester la validité.
En tant que successeurs universels, ils assument les engagements pris par le défunt. Dans un arrêt du 15 mai 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « si un indivisaire, après avoir consenti seul des baux sur des biens indivis, décède en laissant pour héritiers ses coïndivisaires, ceux-ci sont tenus, s’ils acceptent purement et simplement la succession, de garantir les conventions passées par leur auteur, peu important qu’ils aient eu la volonté de ratifier cet acte » (Cass. 3e civ. 15 mai 2008, n°07-14.655).
2. Tempéraments à la règle de l’unanimité
La règle de l’unanimité n’est pas de portée absolue, elle souffre de tempéraments au nombre desquels figurent :
- D’une part, la représentation
- D’autre part, la gestion d’affaires
a. La représentation
Le principe de l’unanimité, consacré à l’article 815-3, alinéa 3 du Code civil, constitue une garantie essentielle pour la protection des droits de chaque indivisaire.
Cependant, son application stricte peut engendrer des blocages, notamment en cas de désaccords entre coïndivisaires, rendant parfois difficile, voire impossible, une gestion efficace des biens indivis.
Pour remédier à cet écueil, le législateur a instauré des mécanismes de représentation, permettant de confier la gestion de l’indivision à un mandataire agissant au nom et pour le compte des indivisaires, sans nécessiter leur consentement unanime.
Ces mécanismes, véritables outils d’assouplissement de la règle de l’unanimité, peuvent revêtir deux formes principales : la représentation conventionnelle, qu’elle soit expresse (article 813 du Code civil) ou tacite (article 815-3, alinéa 4 du Code civil).
Par la représentation expresse, les indivisaires peuvent désigner un mandataire pour accomplir des actes de gestion, selon un mandat général ou spécial, offrant ainsi une flexibilité adaptée aux besoins de l’indivision.
Quant à la représentation tacite, elle permet de présumer l’existence d’un mandat lorsque l’un des indivisaires prend en main la gestion des biens indivis avec la connaissance et sans opposition des autres.
En complément, la possibilité d’une représentation judiciaire est prévue par l’article 815-4, alinéa 1er du Code civil, bien que cette option concerne des situations spécifiques et fera l’objet d’un traitement distinct.
Ces divers dispositifs, en conciliant efficacité et préservation des droits des indivisaires, s’inscrivent dans une volonté d’éviter l’immobilisme tout en respectant l’équilibre nécessaire à une gestion équitable de l’indivision.
i. La représentation expresse
==>Le principe du recours à la représentation expresse
Le recours à la représentation expresse constitue une dérogation majeure au principe d’unanimité traditionnellement applicable en matière de gestion des biens indivis.
Ce mécanisme, consacré par l’article 815-3 du Code civil, permet aux indivisaires de déléguer la gestion de l’indivision à l’un d’entre eux ou à un tiers, facilitant ainsi l’accomplissement des actes nécessaires à l’administration des biens.
La représentation expresse repose sur l’idée que l’unanimité peut être contournée, soit par un mandat général d’administration couvrant les actes de gestion courante, soit par un mandat spécial visant des opérations spécifiques.
Ce principe, renforcé par la réforme de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, vise à fluidifier la gestion des indivisions souvent bloquées par des désaccords entre coïndivisaires, tout en préservant les droits fondamentaux des parties concernées.
==>Les conditions du recours à la représentation expresse
- Majorité requise
- Conformément à l’article 815-3, alinéa 1er, 2° du Code civil, « le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité […] donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ».
- Cette règle marque une évolution par rapport à l’exigence d’unanimité antérieurement prévue, sauf en matière d’administration de parts sociales, où l’unanimité reste requise (Cass. 1re civ., 15 déc. 2010, n° 09-10.140).
- En matière successorale, l’article 813 du Code civil impose également un commun accord des héritiers pour la désignation d’un mandataire, ce qui n’est pas sans être en contradiction avec la règle de majorité énoncée à l’article 815-3, al. 1er, 2° du Code civil.
- La doctrine majoritaire considère toutefois que l’unanimité prévue à l’article 813 doit prévaloir, en raison de son caractère plus protecteur des droits des indivisaires minoritaires.
- Typologie de mandat
- Dans le silence des textes, le mandat donné par les indivisaires en vertu de l’article 815-3, alinéa 1er du Code civil peut être général ou spécial, selon l’objet des actes à accomplir et leur portée sur le patrimoine indivis.
- Mandat général
- Le mandat général confère au mandataire le pouvoir d’accomplir tous les actes d’administration courante relatifs aux biens indivis.
- Ces actes, définis comme ceux qui n’altèrent pas de manière significative la structure ou la valeur du patrimoine indivis, incluent notamment :
- La gestion locative, telle que la perception des loyers, la gestion des relations avec les locataires ou encore la délivrance de quittances ;
- Les travaux d’entretien, nécessaires à la conservation des biens et à leur exploitation normale, comme le nettoyage ou les petites réparations.
- Ce mandat présente l’avantage de ne pas nécessiter la régularisation d’un nouveau mandat pour chaque acte à accomplir par le mandataire.
- Un seul mandat général, établi une fois pour toutes, suffit à couvrir l’ensemble des actes d’administration courante, qu’ils soient présents ou futurs, dans les limites fixées par la volonté des indivisaires.
- Mandat spécial
- Les actes de disposition, en raison de leur gravité et de leurs implications patrimoniales, nécessitent un mandat spécial, conformément aux articles 1984 et 1988 du Code civil.
- Ce mandat doit définir avec précision :
- La nature des actes autorisés, tels que la vente d’un bien indivis, l’hypothèque d’un immeuble ou encore la conclusion de baux commerciaux dépassant le cadre d’une gestion normale ;
- L’étendue des pouvoirs conférés au mandataire, incluant les limites éventuelles à l’exercice de ces pouvoirs.
- Les actes de disposition ne peuvent être accomplis qu’avec une autorisation explicite, afin de préserver les droits des indivisaires et d’éviter tout abus.
- La jurisprudence veille également à encadrer ces mandats pour garantir la protection des indivisaires minoritaires.
- Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la vente d’un bien indivis ne peut être valablement réalisée qu’en vertu d’un mandat spécial (Cass. 1re civ., 12 juin 2013, n° 12-17.419).
- À la différence du mandat général, un mandat spécial doit être régularisé chaque fois qu’un acte de disposition est envisagé, ou, à tout le moins, chaque fois que les indivisaires entendent recourir au mécanisme de la représentation expresse pour accomplir un tel acte.
- Mandat général
- Dans le silence des textes, le mandat donné par les indivisaires en vertu de l’article 815-3, alinéa 1er du Code civil peut être général ou spécial, selon l’objet des actes à accomplir et leur portée sur le patrimoine indivis.
- Formalisme et preuve
- Mandat général
- Aucun formalisme spécifique n’est imposé par les textes pour le mandat général.
- Il peut être établi verbalement ou par écrit, mais un écrit est vivement conseillé pour prévenir tout litige, notamment afin de clarifier les intentions des parties et d’éviter les contestations ultérieures.
- La preuve d’un mandat verbal reste néanmoins admise dans certaines circonstances, particulièrement dans un cadre familial ou commercial, comme l’a reconnu la Cour de cassation dans un arrêt du 16 juin 1987 (Cass. 1re civ., 16 juin 1987, n° 84-17.840).
- Mandat spécial
- Contrairement au mandat général, le mandat spécial nécessite un formalisme plus strict.
- Un écrit est indispensable, car il permet de définir précisément la nature des actes autorisés et l’étendue des pouvoirs conférés au mandataire.
- Cette exigence garantit la protection des droits des indivisaires, en particulier pour les actes de disposition qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le patrimoine indivis.
- L’absence d’écrit pourrait exposer le mandat à des contestations, notamment sur l’interprétation des pouvoirs conférés ou sur la validité des actes accomplis.
- Mandat général
- Révocation
- Le mandat, qu’il soit général ou spécial, peut être révoqué par les indivisaires mandants à tout moment.
- Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un mandat d’intérêt commun – notamment lorsque le mandat a été confié à un indivisaire ou à un tiers pour protéger un intérêt partagé par tous les indivisaires – la révocation requiert également le consentement du mandataire (CA Paris, 18 déc. 1998, n° 1996/84624.
- Cette limitation vise à éviter que la révocation unilatérale ne porte atteinte à l’équilibre des intérêts en jeu dans la gestion de l’indivision.
==>Le domaine du recours à la représentation expresse
Le domaine d’application de la représentation expresse s’étend à de nombreux actes juridiques :
- Les actes d’administration
- Le mandat général confère au mandataire la possibilité de réaliser des actes relevant de l’administration ordinaire des biens indivis.
- Cela inclut, par exemple, l’encaissement des loyers, la gestion des relations locatives ou la prise en charge des travaux d’entretien.
- Ces actes sont directement rattachés à l’exploitation normale des biens indivis et ne requièrent pas l’unanimité des indivisaires (article 815-3, alinéa 1er).
- Les actes de disposition
- Les actes qui modifient de manière significative la structure du patrimoine indivis, tels que la vente ou l’hypothèque d’un bien, nécessitent un mandat spécial, en vertu de l’article 1988 du Code civil.
- Ces actes, en raison de leur gravité, doivent répondre à des exigences de forme strictes pour être valables.
- Particularités en indivision successorale
- L’article 813 du Code civil prévoit un cadre spécifique pour la désignation d’un mandataire en indivision successorale.
- Si les héritiers peuvent confier un mandat à l’un d’eux ou à un tiers, la désignation d’un mandataire judiciaire est requise lorsque l’un des héritiers a accepté la succession à concurrence de l’actif net (article 813, alinéa 2).
- Cette exigence vise à garantir une gestion impartiale dans des contextes potentiellement conflictuels.
- Mandat confié à un tiers
- Le recours à un tiers comme mandataire est désormais expressément admis par les articles 813 et 815-3 du Code civil.
- Cette option présente l’avantage de garantir une gestion neutre et impartiale, particulièrement dans les indivisions conflictuelles.
- La jurisprudence avait déjà validé cette possibilité avant la réforme entreprise par la loi du 23 juin 2006 (Cass. 1re civ., 16 juin 1987, n° 84-17.840).
ii. La représentation tacite
==>Reconnaissance légale de la représentation tacite
La représentation tacite, bien qu’ayant donné lieu à des débats doctrinaux au XIXe siècle, est reconnue par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, introduit par la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976.
Cette disposition établit une présomption légale permettant à un indivisaire de représenter les autres sans qu’un mandat exprès soit nécessaire, dès lors que certaines conditions sont réunies.
Le texte prévoit en ce sens que « si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
Cette règle s’inspire des mécanismes déjà présents en matière de régimes matrimoniaux, notamment dans les articles 1432 et 1540 du Code civil, qui prévoient des présomptions similaires entre époux. Elle introduit ainsi une flexibilité dans la gestion des indivisions, permettant de contourner les rigidités inhérentes à la règle de l’unanimité.
==>Notion de représentation tacite
La représentation tacite repose sur une présomption légale, ce qui la distingue du mandat exprès.
Elle se caractérise par l’absence de manifestation formelle de volonté entre les indivisaires, tant pour le mandant que pour le mandataire.
L’article 815-3, alinéa 4, institue une fiction juridique selon laquelle un indivisaire, ayant pris en main la gestion des biens indivis au vu et au su des autres sans opposition de leur part, est réputé avoir reçu un mandat tacite.
==>Les conditions de la représentation tacite
La mise en œuvre de la représentation tacite repose sur deux conditions cumulatives clairement définies par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil : la connaissance des coïndivisaires et l’absence d’opposition.
- La connaissance des autres indivisaires
- L’établissement d’un mandat tacite suppose, en premier lieu, que les coïndivisaires soient informés des actes accomplis par l’indivisaire qui prend en main la gestion des biens indivis.
- Cette condition repose sur une exigence de transparence et d’information, nécessaire pour éviter tout abus de la part du mandataire tacite.
- L’article 815-3, alinéa 4, souligne l’importance que les actes de gestion soient réalisés « au su des autres », c’est-à-dire de manière visible et connue de tous.
- La connaissance peut résulter d’une information directe ou d’une simple constatation des actes posés par l’indivisaire mandataire.
- Il n’est pas nécessaire que les coïndivisaires soient consultés ou qu’ils aient expressément approuvé les actes, mais leur silence doit être fondé sur une prise de conscience de la gestion en cours.
- Par exemple, dans un arrêt du 12 mars 1997, la Cour de cassation a admis l’existence d’un mandat tacite dans une situation où un indivisaire avait représenté les autres lors d’assemblées générales de copropriété, sans opposition explicite de leur part (Cass. 3e civ., 12 mars 1997, n°94-16.766).
- Si les autres indivisaires n’ont pas été informés ou n’ont pas eu la possibilité de prendre connaissance des actes réalisés, la présomption de mandat tacite ne peut être retenue.
- Dans un arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation a ainsi précisé que l’absence de preuve d’une information suffisante empêchait de considérer qu’un mandat tacite avait été conféré (Cass. 1ère civ., 12 juin 2013, n°12-17.419).
- L’absence d’opposition
- La deuxième condition de validité du mandat tacite est l’absence d’opposition des coïndivisaires à la gestion entreprise par l’indivisaire.
- Cette absence d’opposition constitue une forme de consentement tacite, permettant à l’indivisaire gestionnaire d’agir sans formalisation préalable d’un mandat exprès.
- L’opposition doit être claire, non équivoque et portée à la connaissance de l’indivisaire gestionnaire.
- Une opposition implicite ou un simple désaccord non exprimé ne suffisent pas à faire obstacle à la présomption de mandat.
- L’opposition peut intervenir à tout moment et met immédiatement fin à la représentation tacite pour l’avenir.
- Dans un arrêt du 11 octobre 2000 a jugé en ce sens que l’opposition exprimée avant l’exécution des actes éteignait la présomption de mandat tacite (Cass. 3e civ., 11 oct. 2000, n°99-10.216).
- Une fois les actes réalisés, un coïndivisaire ne peut revenir sur son absence d’opposition pour contester rétroactivement la validité des actes.
- A cet égard, il est admis que l’opposition n’a pas à être renouvelée pour chaque acte si elle vise une gestion globale ou un domaine spécifique.
- En revanche, si l’opposition porte uniquement sur un bien indivis déterminé, le mandat tacite peut subsister pour les autres biens (V. en ce sens Cass. 3e civ., 12 avril 1995, n° 92-20.732)
==>Domaine de la représentation tacite
La représentation tacite, prévue par l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, repose donc sur une présomption légale permettant à un indivisaire de gérer les biens indivis pour le compte de tous, sous réserve de certaines conditions.
Ce texte, introduit par la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976, prévoit expressément que le mandat tacite « couvre les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
Aussi, tous les actes ne sont pas couverts par le mandat tacite, l’objectif recherché par le législateur étant de préserver un équilibre entre la souplesse de gestion des biens indivis et la protection des droits des coïndivisaires.
- Actes couverts par le mandat tacite
- Conformément à l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil, seuls les actes d’administration relèvent du domaine du mandat tacite.
- Ces actes, indispensables à la gestion courante, comprennent notamment :
- Travaux de conservation et d’amélioration
- Les travaux visant à maintenir ou améliorer l’état des biens indivis relèvent des actes d’administration.
- Dans un arrêt du 10 octobre 1995, la Cour de cassation a jugé que de tels travaux, entrepris par un indivisaire au su des autres et sans opposition de leur part, étaient valablement couverts par un mandat tacite.
- Les coïndivisaires, en l’espèce, ont été tenus solidairement au paiement des frais engagés (Cass. 1re civ., 10 oct. 1995, n° 93-14.788).
- Perception des loyers et entretien courant
- Les opérations régulières, telles que la perception des revenus issus des biens indivis ou leur entretien, entrent également dans le cadre du mandat tacite.
- Ces actes visent à assurer la continuité de la gestion et à préserver la valeur des biens indivis.
- Paiement des charges et taxes
- Le règlement des dépenses liées à l’entretien ou aux charges fiscales constitue un acte d’administration nécessaire, dès lors qu’il s’inscrit dans l’intérêt commun des coïndivisaires.
- Travaux de conservation et d’amélioration
- Actes exclus par le mandat tacite
- L’article 815-3, alinéa 4 précise que les actes de disposition, ainsi que la conclusion ou le renouvellement des baux, ne peuvent être accomplis sans un mandat exprès.
- Actes de disposition
- Les actes modifiant de manière significative la structure patrimoniale de l’indivision, tels que la vente d’un bien indivis ou la souscription d’une hypothèque, sont exclus du mandat tacite.
- Dans un arrêt du 23 mai 1995 la Cour de cassation a ainsi considéré que l’acceptation d’une notification relative à une condition résolutoire stipulée dans un acte de vente ne relevait pas d’un acte d’administration (Cass. 3e civ., 23 mai 1995, n° 93-10.617).
- Ce type d’acte exige un mandat exprès, garantissant une décision éclairée et concertée des indivisaires.
- Conclusion et renouvellement de baux
- En raison des droits conférés aux preneurs et de leurs conséquences sur la jouissance et la valorisation des biens, la conclusion ou le renouvellement de baux nécessite un mandat spécial exprès.
- La Cour de cassation a fait application de cette règle dans un arrêt du 25 octobre 2005 aux termes duquel elle a rappelé qu’un mandat tacite ne permettait pas de couvrir la conclusion d’un bail rural (Cass. 1ère civ., 25 oct. 2005, n°03-14.320).
- Actes de disposition
- L’article 815-3, alinéa 4 précise que les actes de disposition, ainsi que la conclusion ou le renouvellement des baux, ne peuvent être accomplis sans un mandat exprès.
- Actes soulevant des difficultés de qualification
- L’article 815-3, alinéa 4 du Code civil dispose que le mandat tacite ne couvre que les actes d’administration, à l’exclusion des actes de disposition, ainsi que de la conclusion ou du renouvellement de baux.
- Cette distinction, en apparence claire, peut toutefois poser des difficultés dans certaines situations, en raison de la nature hybride de certains actes, nécessitant une appréciation au cas par cas.
- Cette difficulté de qualification peut être illustrée par un arrêt de la Cour de cassation rendu le 23 mai 1995 (Cass. 3e civ., 23 mai 1995, n°93-10.617).
- Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer si l’acceptation d’une notification mettant en œuvre une condition résolutoire pouvait être couverte par un mandat tacite.
- Deux indivisaires avaient vendu un bien indivis sous condition résolutoire stipulant qu’aucun recours contre le permis de construire ne devait être engagé.
- Un recours ayant été formé, l’acquéreur notifia cette condition à l’un des indivisaires, qui avait pris en charge la gestion de la vente au su de l’autre, sans opposition.
- La Cour d’appel considéra que cet acte était bien couvert par un mandat tacite, car se limitant à porter à la connaissance du vendeur l’existence d’un fait juridique.
- Cependant, la Cour de cassation cassa cette décision considérant que l’acceptation d’une notification mettant en œuvre une condition résolutoire constituait un acte de disposition, lequel ne saurait être couvert par un mandat tacite. Un mandat exprès était donc nécessaire.
- Un autre exemple révélateur des difficultés de qualification concerne l’emprunt contracté dans le cadre d’une indivision.
- La Cour de cassation a eu à connaître de cette question dans un arrêt du 12 novembre 1986 (Cass. 1re civ., 12 nov. 1986, n° 85-12.238).
- Dans cette affaire, deux indivisaires, anciens époux, étaient copropriétaires d’une exploitation agricole acquise durant leur mariage sous le régime de la séparation de biens.
- Pendant la période d’indivision, l’un des indivisaires, le mari, avait emprunté des fonds auprès de ses parents pour régler une partie du passif de l’exploitation agricole.
- Après leur divorce, l’autre indivisaire, l’ex-épouse, fut condamnée à rembourser la moitié de cet emprunt, au titre de sa part dans l’indivision.
- La question posée ici portait sur la qualification juridique d’un emprunt contracté par un indivisaire : cet acte pouvait-il être considéré comme un acte d’administration, susceptible d’être couvert par un mandat tacite, ou devait-il être qualifié d’acte de disposition, nécessitant alors l’établissement préalable d’un mandat exprès ?
- L’hypothèse de l’acte d’administration repose sur la finalité de l’emprunt, qui visait ici à financer les frais indispensables à la gestion courante de l’exploitation agricole indivise. Dans ce cadre, un mandat tacite pourrait être reconnu, l’acte s’inscrivant dans le prolongement des opérations nécessaires à la préservation et à l’administration des biens indivis.
- L’hypothèse de l’acte de disposition, en revanche, trouve appui sur les conséquences financières importantes et durables d’un emprunt, lesquelles justifient traditionnellement qu’il soit qualifié d’acte de disposition, excluant de fait la possibilité de recourir à un mandat tacite.
- Entre ces deux approches, la Cour de cassation a retenu la première, celle adoptée par les juges du fond, qui avaient implicitement retenu l’existence d’un mandat tacite conféré par l’ex-épouse à son coïndivisaire.
- Cette dernière a, en effet, estimé que, bien que l’emprunt soit par nature un acte grave, il pouvait, au regard des circonstances spécifiques, être rattaché à l’administration de l’indivision.
- Cette solution repose sur le constat que l’emprunt avait pour objet de régler le passif de l’exploitation agricole, une opération jugée nécessaire pour assurer la gestion et la pérennité des biens indivis.
- Elle doit toutefois être appréhendée avec prudence.
- La Cour de cassation n’a nullement établi un principe général selon lequel un emprunt pourrait être systématiquement couvert par un mandat tacite.
- La qualification demeure étroitement liée aux circonstances de chaque affaire, et un mandat exprès reste requis dans les cas où l’emprunt dépasse les besoins de la gestion courante de l’indivision.
b. La gestion d’affaires
L’article 815-4, alinéa 2, du Code civil institue un mécanisme subsidiaire permettant de régir les actes accomplis par un indivisaire en l’absence de mandat ou d’habilitation judiciaire.
Ce mécanisme repose sur les règles générales de la gestion d’affaires énoncées aux articles 1301 et suivants du Code civil.
==>Le principe du recours à la gestion d’affaires
L’article 815-4, alinéa 2, du Code civil prévoit que « à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un indivisaire en représentation d’un autre ont effet à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires. »
Cette disposition, introduite par la loi du 31 décembre 1976, confère la faculté à un indivisaire d’agir pour le compte des autres sans autorisation préalable formalisée, en s’appuyant sur les règles générales de la gestion d’affaires, codifiées aux articles 1301 et suivants du Code civil.
Ce mécanisme trouve son fondement dans l’idée qu’il est parfois impératif d’agir rapidement pour préserver les intérêts communs, notamment face à des circonstances urgentes ou imprévues.
Pour mémoire, la gestion d’affaires, définie à l’article 1301 du Code civil, repose sur l’intervention spontanée d’une personne dans les affaires d’autrui, « sans y être tenue », mais en agissant « sciemment et utilement […] à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire ».
Elle se distingue ainsi par trois caractéristiques essentielles :
- Une initiative volontaire : le gérant agit sans y être contraint et sans avoir reçu un mandat.
- Un objectif d’utilité : les actes accomplis doivent répondre à l’intérêt du maître de l’affaire.
- L’absence d’opposition : le maître de l’affaire ne doit pas s’être opposé à l’intervention.
Le mécanisme de la gestion d’affaires combine une logique individualiste – interdisant toute immixtion injustifiée dans les affaires d’autrui – et une logique sociale, qui valorise les interventions désintéressées lorsqu’elles répondent à une nécessité impérieuse.
A cet égard, la gestion d’affaires ne peut intervenir qu’à titre subsidiaire, lorsqu’aucun autre mécanisme légal ou conventionnel n’est disponible.
L’emploi des termes « à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice » souligne cette vocation d’ultime recours, destinée à pallier l’inertie ou la paralysie de l’indivision.
Ainsi, se distingue-t-elle du mandat, qui repose sur un accord de volontés, ou de l’habilitation judiciaire, qui nécessite l’intervention d’un juge.
Ce caractère subsidiaire justifie que la gestion d’affaires soit encadrée par des conditions strictes, visant à prévenir les abus tout en assurant la protection des intérêts collectifs des indivisaires.
==>Les conditions du recours à la gestion d’affaires
Pour que la gestion d’affaires puisse être mise en œuvre, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Absence de pouvoir légal ou conventionnel
- La gestion d’affaires n’intervient qu’à défaut de solutions conventionnelles ou légales.
- L’article 815-4, alinéa 2, du Code civil précise que ce mécanisme n’est mobilisable qu’« à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice ».
- Cette vocation résolument subsidiaire de la gestion d’affaires est destinée à éviter la paralysie de l’administration des biens indivis lorsque les moyens habituels de représentation font défaut.
- Par exemple, en l’absence d’un mandat conféré à l’un des indivisaires ou d’une décision judiciaire habilitant un gérant, un indivisaire peut agir spontanément pour pallier une situation critique.
- Ce caractère supplétif garantit que la gestion d’affaires reste une exception et non un substitut régulier aux dispositifs prévus par la loi ou les conventions.
- Intérêt collectif des indivisaires
- Le gérant d’affaires doit agir exclusivement dans l’intérêt commun de l’indivision et non pour des motifs personnels.
- Les actes accomplis doivent être utiles à l’ensemble des indivisaires et répondre à une nécessité collective
- À titre d’exemple, des travaux de conservation ou d’entretien visant à éviter la dégradation d’un bien indivis sont typiquement couverts par ce mécanisme (V. en ce sens Cass. 1re civ., 15 mai 1974, n°72-11.417).
- Toutefois, si le gérant agit dans son seul intérêt ou détourne son intervention à des fins personnelles, les autres indivisaires peuvent contester la validité de ses actes.
- Nécessité et opportunité des actes
- La gestion d’affaires s’applique uniquement aux actes nécessaires ou opportuns.
- Ces derniers doivent viser à répondre à une urgence ou à préserver les intérêts patrimoniaux de l’indivision.
- Par exemple :
- Actes justifiés
- La réalisation de travaux urgents pour prévenir des dommages, tels que réparer une toiture endommagée, constitue un acte indispensable couvert par la gestion d’affaires.
- Ces actions visent à éviter une perte de valeur ou une détérioration irréversible du bien.
- Actes non justifiés
- En revanche, des actes tels que la conclusion d’un bail à un prix dérisoire avec un proche ou la vente d’un bien indivis sans l’accord des autres indivisaires excèdent le cadre de la gestion d’affaires.
- Ces actes, s’ils sont contraires à l’intérêt collectif ou réalisés dans des conditions préjudiciables à l’indivision, peuvent être contestés et annulés.
- Actes justifiés
- Cette exigence de nécessité et d’opportunité impose également au gérant d’agir avec diligence et prudence, en accomplissant ses actes dans le respect des circonstances et des besoins réels de l’indivision.
==>Les effets de la gestion d’affaires
Les actes réalisés par un indivisaire dans le cadre de la gestion d’affaires, lorsqu’ils respectent les conditions prévues par la loi, produisent des effets obligatoires à l’égard de tous les coïndivisaires.
Ces derniers se trouvent liés par ces actes, dans la mesure où ils ont été accomplis dans l’intérêt commun de l’indivision et en conformité avec les principes de nécessité et d’utilité.
- Obligation de remboursement des dépenses engagées
- Conformément à l’article 1301-2 du Code civil, les coïndivisaires sont tenus de rembourser au gérant d’affaires les dépenses qu’il a engagées pour la conservation ou la gestion des biens indivis, dès lors qu’elles s’avèrent nécessaires ou utiles.
- La jurisprudence a ainsi reconnu que des travaux urgents, tels que la réparation d’une toiture pour éviter des infiltrations ou des dépenses destinées à prévenir la détérioration d’un bien indivis, relèvent de cette catégorie.
- Ces actions, indispensables pour préserver la valeur des biens, imposent une obligation de remboursement aux coïndivisaires.
- Le remboursement couvre non seulement les frais engagés pour les travaux ou les réparations, mais aussi les dépenses accessoires nécessaires à leur réalisation, à condition qu’elles soient proportionnées à l’intérêt commun.
- Limites et possibilité de contestation
- Les coïndivisaires peuvent contester les actes du gérant d’affaires si ceux-ci ne respectent pas l’intérêt collectif ou causent un préjudice à l’indivision.
- La jurisprudence admet, par exemple, qu’un acte manifestement désavantageux pour l’indivision, comme la conclusion d’un bail à un prix inférieur au marché avec un proche du gérant, puisse être annulé.
- Une telle situation constitue un manquement à l’obligation de loyauté et au devoir de préserver l’intérêt commun.
- En cas de préjudice avéré, le gérant d’affaires fautif peut être tenu de réparer le dommage causé.
- Cette responsabilité repose sur le principe selon lequel la gestion doit être exercée de manière prudente et raisonnable.
- Exigence de diligence et responsabilité du gérant
- L’article 1301-1 du Code civil impose au gérant d’affaires d’accomplir sa mission « avec les soins d’une personne raisonnable ».
- Cette exigence implique notamment que les actes réalisés répondent aux nécessités de la situation et ne dépassent pas l’exploitation normale des biens indivis.
- Si le gérant agit de manière imprudente ou excessive, il peut être privé du droit au remboursement des dépenses engagées. De surcroît, sa responsabilité civile peut être engagée s’il a causé un préjudice aux autres indivisaires.