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Gestion de l’indivision: la construction sur un bien indivis

La règle de l’unanimité dans l’indivision protège les coïndivisaires contre les décisions unilatérales pouvant affecter leurs droits indivis.

A l’analyse, cette règle s’applique à une grande variété d’actes au nombre desquels figurent notamment, les actes de disposition, certains actes de gestion locative, les actes constitutifs de sûreté, les actes d’affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle ou encore les actions en justice.

Nous nous focaliserons ici sur les actes de construction sur un bien indivis.

Toute transformation affectant la substance d’un bien indivis s’analyse en un acte de disposition, dépassant ainsi le simple cadre d’un acte de gestion courante.

Tel est notamment le cas de l’édification d’une construction sur le bien indivis, qui constitue une modification substantielle de son état. Une telle action requiert dès lors le consentement unanime des indivisaires, faute de quoi elle peut être regardée comme une atteinte portée au bien d’autrui.

Cette règle est ancienne ; elle a été affirmée par la Cour de cassation dès la fin du XIXe siècle (Cass. civ., 28 févr. 1894, S. 1896. 1. 209, note C. Lyon-Caen). Elle a, par suite, été réaffirmée par la Troisième chambre civile dans un arrêt du 22 février.1984 (Cass. 3e civ. 22 févr. 1984).

L’unanimité des coïndivisaires est donc un préalable indispensable à toute construction affectant le bien indivis, sous peine de nullité.

Lorsqu’une construction est édifiée sur un terrain indivis sans l’accord unanime des coïndivisaires, plusieurs questions juridiques se posent, tant sur la propriété des constructions que sur leur sort futur.

==>Propriété des constructions

Il est de jurisprudence constante que, en l’absence d’une convention contraire, les constructions édifiées sur un terrain indivis deviennent elles-mêmes indivises dans les mêmes proportions que celles du terrain (V. en ce sens Cass. 3e civ., 9 mars 1994, n°92-12.971).

Ainsi, l’indivisaire ayant réalisé seul la construction ne peut revendiquer de droit exclusif sur celle-ci. Ce principe repose sur la théorie de l’accession prévue par l’article 551 du Code civil.

Aussi, la propriété indivise s’étend aux constructions, sans distinction entre le terrain et les édifications qu’il supporte.

Il peut être observé que les règles générales applicables aux constructions sur un bien indivis ne trouvent pas à s’appliquer dans le cadre spécifique d’un régime matrimonial de communauté.

En effet, l’article 1406, alinéa 1er, du Code civil, introduit par la loi du 13 juillet 1965, énonce une règle dérogatoire aux termes de laquelle les biens édifiés sur un terrain propre à l’un des époux sont considérés comme des biens propres.

La jurisprudence a fait application de cette règle à plusieurs reprises, notamment en jugeant que le principe d’accession prévu à l’article 552 du Code civil s’applique en faveur de l’époux propriétaire du terrain.

Ainsi, les constructions réalisées sur un bien propre ne tombent pas en communauté. Dans un arrêt du 6 juin 1990, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’immeuble bâti sur le terrain propre à l’un des époux pendant la durée du mariage et à l’aide de fonds provenant de la communauté constitue lui-même un bien propre » (Cass. 1ère civ. 6 juin 1990, n°88-10.532).

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence plus ancienne, qui reconnaissait déjà le caractère propre des constructions érigées sur un terrain propre (Cass. 1re civ., 24 oct. 1960).

Plus récemment, la Cour de cassation a réaffirmé cette règle, laquelle s’applique y compris dans le cas où le bien est utilisé conjointement par les époux (Cass. com. 24 juin 2003, n°00-14.645).

==>Sort des constructions

Le sort des constructions édifiées sans l’accord des coïndivisaires dépend des circonstances dans lesquelles elles ont été réalisées.

Deux options s’offrent aux coindivisaires non consentants : la démolition ou la conservation.

  • La démolition de la construction
    • Les coïndivisaires peuvent solliciter la démolition des constructions non autorisées.
    • A cet égard, la démolition est souvent considérée comme une mesure conservatoire nécessaire pour mettre fin à un trouble illicite (Cass. 3e, 24 oct. 1990, n°88-18.233).
    • Par ailleurs, il peut être observé que, dans une affaire emblématique, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’exigence de démolition d’une construction édifiée sans autorisation ne constituait pas une violation du droit de propriété, mais servait un « intérêt général légitime » en préservant le bon fonctionnement de l’indivision (CEDH, 24 juin 2003, A. c/ S., req. n° 35179/97).
  • La conservation de la construction
    • À défaut de demande de démolition, les constructions deviennent automatiquement des biens indivis.
    • Dans un arrêt du 9 mars 1994n la Cour de cassation a ainsi affirmé que « les constructions élevées sur un immeuble indivis par l’un des propriétaires deviennent propriété commune des coïndivisaires si leur démolition n’est pas demandée » (Cass. 3e civ. 9 mars 1994, n°92-12.971).
    • Cette intégration de la construction dans l’indivision repose sur le principe de l’accession (art. 551 C. civ.), qui confère à la communauté indivise la propriété des édifications.
    • Toutefois, l’indivisaire constructeur peut, sous certaines conditions, demander une indemnisation au titre des impenses utiles ou nécessaires, en application de l’article 815-13 du Code civil.
    • Cette indemnité est calculée en fonction de l’enrichissement de l’indivision ou de la valeur des dépenses engagées.
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