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Les divorces contentieux

L’article 229 du Code civil institue cinq cas de divorce :

  • Le divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat
  • Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge
  • Le divorce accepté
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Le divorce pour faute

En dehors de ces cinq cas, les époux ne peuvent pas divorcer. Quand bien même ils vivraient séparément, le mariage continue à produire ses effets, entre eux, et, plus dangereux encore, à l’égard des tiers.

S’ils souhaitent ne pas être engagés par une obligation souscrite par l’autre, les époux ont donc tout intérêt à accomplir les formalités requises par la loi aux fins de divorcer.

D’ordinaire, on distingue les divorces qui relèvent d’une procédure gracieuse de ceux qui relèvent d’une procédure contentieuse

  • Les divorces gracieux
    • Le divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat
    • Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge
  • Les divorces contentieux
    • Le divorce accepté
    • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
    • Le divorce pour faute

Nous nous focaliserons ici sur les cas de divorces contentieux.

I) Le divorce accepté

Le divorce accepté, dit également divorce par acceptation du principe de la rupture, est une variante du divorce par consentement mutuel.

En effet, le divorce par consentement mutuel se divise en trois branches :

  • Le divorce par consentement mutuel conventionnel
    • Lorsque les parties sont d’accord pour divorcer, il leur suffit pour divorce de régulariser un acte signé par les deux avocats représentant chacune d’elles et enregistré par le notaire.
    • Ce divorce suppose que les époux s’entendent à la fois sur la rupture du mariage et sur l’ensemble des effets du divorce
    • Ils doivent alors faire constater leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte d’avocat tel que prévu à l’article 1374 du code civil, c’est-à-dire d’un acte sous signature privée, contresigné par l’avocat de chacune des parties.
  • Le divorce par consentement mutuel judiciaire
    • Comme le divorce par consentement mutuel judiciaire, il exige l’accord des époux aussi bien sur le principe du divorce que sur ses conséquences.
    • Les époux doivent établir une convention réglant toutes les conséquences du divorce tant patrimoniales, y compris la liquidation du régime matrimonial, qu’à l’égard des enfants.
    • Cette convention est soumise à l’homologation du juge aux affaires familiales.
    • Le juge s’assure du consentement des époux et vérifie que leur convention préserve suffisamment les intérêts de chacun d’eux et des enfants.
    • Le ministère d’avocat est obligatoire, mais les deux époux peuvent être représentés par le même avocat.
  • Le divorce demandé par un époux et accepté par l’autre
    • À la différence des autres formes de divorce par consentement mutuel, ce cas de divorce implique l’accord des époux sur le principe du divorce, mais pas sur ses conséquences.
    • Ainsi, la grande différence est que les époux ne s’entendent pas sur les effets du divorce.
    • Un désaccord subsiste sur le sort des biens ou le sort des enfants, ce qui dès lors suppose l’intervention d’un juge pour trancher.
    • C’est la raison pour laquelle ce cas de divorce relève d’une procédure contentieuse.
    • Comme le divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal, c’est le juge qui va statuer sur l’état liquidatif des époux, ce qui ne les empêche pas de lui soumettre des accords sur des points particuliers.
    • La demande peut être exprimée à tout moment de la procédure
    • Les conséquences du divorce sont décidées par le juge et la liquidation du régime matrimonial intervient après le prononcé du divorce.

A) Principe

Aux termes de l’article 233 du Code civil « le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat et du divorce par consentement mutuel judiciaire, le divorce accepté suppose que les époux soient d’accord sur le principe de la rupture.

Autrement dit, ils doivent partager le constat objectif de leur décision.

Qualifiée de « divorce résignation » par certains, le divorce accepté vise donc l’accord des époux limité au principe du divorce sans considération de sa cause et à l’exclusion de ses conséquences.

Ici, le Juge ne s’intéressera pas ici aux motifs qui ont présidé à la rupture : il se contentera de l’accord des époux sur le principe de mettre un terme à leur union.

Toutefois, comme pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, le Juge va s’employer à vérifier la réalité du consentement des époux.

Il peut être observé

B) Conditions

1. La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce accepté il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce accepté est fermée.

2. L’acceptation

L’article 233 du Code civil prévoit que le divorce accepté ne peut être envisagé que lorsque les époux acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

Ainsi, l’accord des époux sur le principe de la rupture est au cœur du divorce accepté.

Il en résulte que le juge focalisera son attention en particulier sur l’acceptation exprimée par l’époux qui n’est pas à l’initiative de la demande.

a. L’expression de l’acceptation

==>L’objet de l’acceptation

  • Droit antérieur
    • L’ancien article 233 du Code civil disposait que « l’un des époux peut demander le divorce en faisant état d’un ensemble de faits, procédant de l’un et de l’autre, qui rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
    • Sous l’empire du droit antérieur, il était exigé que le demandeur fasse état de faits qui rendent intolérable le maintien de la vie commune et que l’autre époux reconnaisse ces faits.
    • Les causes du divorce devaient alors être exposées dans un mémoire qui conditionnait la recevabilité de la demande dont était destinataire l’autre époux
    • Il pouvait alors, à son tour, présenter un mémoire « où, sans contester la relation des faits, il en proposait, dans les mêmes formes sa version personnelle ».
    • Les époux étaient ensuite convoqués devant le juge et s’ils confirmaient devant lui leurs positions initiales, le juge rendait une ordonnance aux termes de laquelle il constatait le double aveu de faits.
  • Droit positif
    • La loi du n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a abandonné l’exigence du double aveu.
    • Désormais, le fondement du divorce accepté ne réside plus dans le double aveu de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune – dont était attendue une forme de « libération psychologique » – mais dans l’acceptation commune du principe de la rupture du mariage.
    • L’accent est donc mis sur la volonté et l’accord des époux.
    • Le divorce accepté se fonde donc sur le simple constat par le juge de leur accord sur le principe de la rupture, sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
    • En cohérence avec le nouvel esprit de ce divorce, déconnecté de toute référence aux faits, l’échange des mémoires, qui constituait le support de ces déclarations, est supprimé.
    • L’affirmation de l’absence de prise en considération des faits rompt de la sorte avec l’organisation de l’ancien cas de divorce, qui supposait que l’époux demandeur fasse finalement état des motifs qui ont présidé à la rupture.
    • De même, les dispositions de l’article 234 ancien, assimilant les effets de ce type de divorce à ceux d’un divorce aux torts partagés, sont abrogées.
    • Le seul accord des époux sur le principe de la rupture suffit pour que le divorce puisse être prononcé.

==>Le moment de l’acceptation

L’article 1123 du Code de procédure civile prévoit que « à tout moment de la procédure, les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci ».

Cette règle est reprise par l’article 233 du Code civil, lequel dispose que « le principe de la rupture du mariage peut […] être accepté par les époux à tout moment de la procédure. »

Ainsi, les époux peuvent-ils, quel que soit le cas de divorce contentieux pour lequel ils ont opté (divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal), toujours basculer sur la procédure du divorce accepté.

En raison de l’irrévocabilité de l’accord sur le principe de la rupture, le chemin inverse n’est toutefois pas possible.

==>Formalisation de l’acceptation

Depuis l’adoption de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, il y a lieu de distinguer selon que l’acceptation du principe de la rupture est exprimée avant l’introduction de l’instance en divorce ou après.

  • L’acception du principe de la rupture intervient antérieurement à l’introduction de l’instance en divorce
    • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a ouvert la possibilité aux époux d’exprimer leur acceptation au divorce au moyen de l’acte sous seing privé d’avocat.
    • En ayant recours à cet acte, les époux pourront formaliser leur accord avant l’introduction de l’instance.
    • L’article 233, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « il peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance. »
    • Ainsi, est-il dorénavant admis que l’acceptation du principe de la rupture du mariage puisse intervenir en amont de la demande introductive d’instance et donc en dehors de tout contrôle du juge.
    • Dans cette hypothèse, l’acte sous seing privé d’avocat constatant l’acceptation permettra au époux d’introduire l’instance en divorce en précisant le motif de la demande conformément à l’article 251 du Code civil.
    • Il peut être observé que l’article 1123-1 du Code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, impose que cet acte :
      • D’une part, soit annexé à la requête introductive d’instance formée conjointement par les parties
      • D’autre part, soit contresigné par avocats dans les six mois précédant la demande en divorce
      • Enfin, comporte, à peine de nullité, les mentions du quatrième alinéa de l’article 233 du code civil, lequel prévoit que « l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel. »
  • L’acception du principe de la rupture intervient postérieurement à l’introduction de l’instance en divorce
    • Dans cette hypothèse, l’accord des époux pourra être formalisé de trois manières différentes :
      • Première manière : par déclaration d’acceptation
        • Les époux peuvent déclarer leur acceptation du principe de la rupture :
          • D’une part, au stade de l’introduction de l’instance, ce qui suppose qu’ils mentionnent le fondement de leur demande en divorce dans l’acte introductif d’instance, conformément à l’article 233, al. 1er du Code civil
          • D’autre part, en cours de procédure ce qui implique que « chaque époux annexe à ses conclusions une déclaration d’acceptation du principe de la rupture du mariage, signée de sa main » (art. 1123, al. 3e CPC).
        • En tout état de cause, à peine de nullité, le procès-verbal ou la déclaration écrite rappelle les mentions du quatrième alinéa de l’article 233 du code civil.
      • Deuxième manière : par procès-verbal du juge
        • L’article 1123, al. 2e du Code de procédure civil prévoit que l’acceptation du principe de la rupture peut être constatée dans un procès-verbal dressé par le juge et signé par les époux et leurs avocats respectifs lors de toute audience sur les mesures provisoires.
        • Ici, c’est donc le juge qui va recueillir, personnellement, l’accord des époux via l’établissement d’un procès-verbal.
      • Troisième manière : par acte sous seing privé d’avocat
        • L’article 1123-1 du Code de procédure civile prévoit que « l’acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci peut aussi résulter d’un acte sous signature privée des parties et contresigné par avocats […] pendant la procédure ».
        • Le texte précise que, en cours d’instance, l’acte doit être transmis au juge de la mise en état.
        • Par ailleurs, à peine de nullité, il doit rappeler les mentions du quatrième alinéa de l’article 233 du code civil.

==>La vérification de l’accord par le juge

L’article 234 du Code civil prévoit que s’il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences.

Le juge va ainsi s’intéresser à la réalité du consentement des époux et notamment s’assurer qu’aucune forme de contrainte ou pression n’a été exercée sur celui qui n’est pas à l’initiative de la demande.

Le contrôle judiciaire porte donc sur la vérification de la qualité de l’accord des parties sur le principe de la rupture du mariage et non plus sur le « double aveu » qu’il était autrefois tenu de constater par ordonnance.

Ainsi, sur le plan procédural, le formalisme particulièrement rigoureux attaché à ce cas, souvent interprété comme la cause principale de son échec, a disparu.

Toutefois, parce qu’il est au cœur de cette procédure et qu’il n’est pas rétractable, l’accord doit être examiné avec une vigilance particulière par le juge.

Enfin, c’est au juge qu’il revient de statuer sur les conséquences du divorce.

Toutefois, il n’est plus indiqué, comme c’était le cas avant, que ce divorce suit les règles du divorce aux torts partagés, évitant un emprunt à un autre cas de divorce et marquant bien la spécificité du divorce accepté.

De même, le juge n’a plus à statuer sur la répartition des torts, dès lors que ne sont plus pris en considération les faits à l’origine de la rupture du mariage.

b. L’irrévocabilité de l’acceptation

==>Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence considérait que, une fois rendue, l’ordonnance dans laquelle le juge constatait le double aveu des faits rendant intolérable le maintien de la vie commune, l’époux conservait la faculté de revenir sur son aveu tant que l’ordonnance n’était pas devenue définitive (Cass. 2e civ. 26 janv. 1984)

Cette solution permettait ainsi à un époux de rétracter librement son aveu par la voie de l’appel.

Or la rétractation est lourde de conséquences :

  • Privant de fondement la demande en divorce de son conjoint, elle a pour effet de rendre caduques l’ordonnance et les mesures provisoires qui ont pu être prises
  • La rétractation n’entraînant pas le rejet définitif de la demande, l’article 258 du code civil, qui permet de statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, ne trouve pas à s’appliquer.
  • Les époux n’ont donc d’autre solution que de présenter une nouvelle demande en divorce.

Source d’insécurité, voire de manœuvres dilatoires, venant s’ajouter au fait que le demandeur ignore si son conjoint va accepter cette procédure et s’expose en cas de rejet à devoir recommencer toute la procédure sur un autre fondement, cette faculté de rétractation a fait donc perdre beaucoup de crédit à ce cas de divorce.

C’est pourquoi, le législateur a entendu revenir sur cette faculté ouverte par la jurisprudence aux époux.

==>Le droit positif

  • Principe
    • Le nouvel article 233 du Code civil prévoit que l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel.
    • Ainsi, le texte met un terme à une jurisprudence qui avait conduit à des possibilités inattendues de remise en cause des aveux, du fait du caractère suspensif de l’appel.
    • L’objectif recherché est donc de favoriser une plus grande sécurité juridique en évitant la remise en cause dilatoire de l’acceptation du divorce.
  • Exception
    • Il a été fait valoir lors des débats parlementaires portant sur l’adoption de la loi du 26 mai 2004 que l’acceptation pourrait toujours être remise en cause sur le fondement des vices du consentement lesquels peuvent être invoqués selon les règles du droit commun.
    • Cette possibilité a été confirmée par la Cour de cassation qui, dans un avis rendu en date du 9 juin 2008, a considéré que « l’appel général d’un jugement prononçant un divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, même si l’acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause, sauf vice du consentement, ne met pas fin au devoir de secours, la décision n’acquérant force de chose jugée qu’après épuisement des voies de recours. » (Cass. Avis, n°08-00.004).
    • Il ressort de cet avis que la rétractation de l’acceptation pour vice du consentement peut intervenir indifféremment à deux moments
      • Entre le moment de l’acceptation et le prononcé du divorce
      • Après le prononcé du divorce, dans le cadre d’un appel général
    • L’avocat général près la Cour de cassation, Monsieur Domingo, a justifié cette solution en avançant plusieurs arguments :
      • Aucune disposition n’exclut cette catégorie de décision de la possibilité d’en interjeter appel. Comme pour tout divorce contentieux (et le divorce accepté en est un) l’appel est donc possible contre un tel jugement.
      • Cet appel ne doit pas nécessairement être limité aux conséquences du jugement de divorce. Quoique l’époux appelant ne puisse rétracter par cette voie l’acceptation qu’il a irrévocablement donnée, il doit pouvoir être en mesure de contester s’être exprimé “librement”. On ne saurait donc lui dénier a priori le droit d’interjeter un appel général contre la décision qu’il conteste puisqu’aussi bien à ce stade de la procédure nul ne peut savoir si l’objet de la contestation portera ou non sur l’intégrité du consentement.
      • Rendre recevable un appel général en ce domaine permet, comme sous l’empire de la législation antérieure de retarder le moment où le divorce devient irrévocable et de perpétuer le devoir de secours dont l’époux le plus démuni est créancier jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur la prestation compensatoire (lorsque son versement n’a pas été assorti de l’exécution provisoire).
    • La Cour de cassation a manifestement été convaincue par les arguments avancés par l’avocat général.
    • Ainsi, admet-elle que
      • D’une part, que l’appel général du jugement prononçant le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du Code civil est possible, même si l’acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause
      • D’autre part, que ladite acception puisse être remise en cause en cas de vices du consentement

II) Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Constituant l’une des innovations majeures du projet de loi, le divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à l’ancien divorce pour rupture de la vie commune.

Aux termes de l’article 238 du code civil tel qu’il résulte de l’article 4 du projet de loi, ce divorce est prononcé dans deux hypothèses :

  • Soit en cas de cessation de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux durant les deux années précédant l’assignation en divorce
  • Soit lorsque la demande en divorce introduite sur le fondement de la faute a été rejetée et que le défendeur a présenté une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’impossibilité de maintenir le lien conjugal étant, dans cette hypothèse, pleinement caractérisée.

Comme l’a indiqué le Garde des Sceaux lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce « cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l’existence d’une violation grave et avérée des obligations du mariage ».

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue ainsi la seule solution dont dispose un époux pour divorcer d’un conjoint non fautif qui ne le souhaite pas.

Il permet de demander le divorce de manière unilatérale après un délai de séparation de fait d’un an.

==>Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le divorce pour rupture de la vie commune était assorti de très lourdes conséquences pour le demandeur.

Tout d’abord, le juge pouvait refuser le divorce si l’autre époux établit que le divorce aurait pour lui ou pour les enfants des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté.

Comme l’a indiqué le Conseil Constitutionnel dans un rapport publié en novembre 1998 (La jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté confessionnelle et le régime juridique des cultes et de la liberté confessionnelle en France) : « théoriquement, le droit français de la famille ne prend pas en compte les données religieuses. Toutefois, l’étude de diverses questions du droit de la famille conduit à nuancer cette affirmation ».

Illustrant l’existence de telles « nuances », ce rapport cite notamment l’article 240 du code civil, qui donc prévoyait, en cas de demande de divorce pour rupture de la vie commune que « si l’autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande ».

Peu appliquée en pratique, en dépit d’un contentieux assez abondant, cette clause dite « d’exceptionnelle dureté » est supprimée par le présent projet de loi au titre de « l’adaptation de notre droit aux évolutions sociologiques de la société française ».

La jurisprudence avait eu l’occasion de préciser que « les convictions religieuses de l’épouse sont à elles seules insuffisantes pour refuser le prononcé du divorce » (Cass. 1ère civ., 12 octobre 2000).

De toute évidence, la suppression de la clause d’exceptionnelle dureté fondée sur sa caducité de fait, marqua la disparition d’une prise en compte implicite de la notion d’indissolubilité du mariage dont la symbolique continue néanmoins d’imprégner fortement un certain nombre d’unions.

Ensuite, outre le fait qu’il a les conséquences d’un divorce aux torts exclusifs, ce type de divorce était très pénalisant pour le demandeur :

  • Le devoir de secours était maintenu, ce qui se traduisait par l’octroi du défendeur d’une pension alimentaire révisable à la baisse, mais aussi à la hausse.
  • il devait assumer toutes les charges du divorce
  • le juge pouvait concéder à l’autre époux le bail forcé du logement appartenant au demandeur même en l’absence d’enfants mineurs
  • s’agissant d’un demandeur homme, il ne pouvait pas s’opposer à ce que sa femme conserve l’usage de son nom

==>Le droit positif

Alors que la durée de séparation de fait de six ans a contribué à marginaliser le divorce pour rupture de la vie commune, la durée de séparation est désormais ramenée à deux ans, ce qui paraît un délai raisonnable, notamment si le conjoint qui souhaite divorcer veut ensuite refaire sa vie.

L’idée était de permettre aux personnes qui souhaitent obtenir le divorce malgré le désaccord de leur conjoint d’avoir à engager une procédure de divorce pour faute artificielle.

L’article 238, al.1 du Code civil dispose désormais que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce. »

Il résulte de cette disposition que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé s’il est démontré

  • D’une part, l’existence d’une cessation de la communauté de vie entre les époux
  • D’autre part, que les époux vivent séparés depuis un an lors de l’assignation en divorce.

A) L’existence d’une cessation de la communauté de vie

Bien que l’article 238 indique que l’altération du lien conjugal résulte de la séparation des époux, il ne dit pas ce que l’on doit entendre par « cessation de la vie commune ».

Ce qui est certain c’est que désormais l’office du juge est encadré : il n’a pas à apprécier si la séparation des époux a entraîné ou non une altération définitive du lien conjugal

Plus précisément, à la différence de l’ancien divorce pour rupture de la vie commune, il n’a plus à s’intéresser aux « conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté » pour déterminer s’il convient ou non de rejeter la demande en divorce.

Il a l’obligation de prononcer le divorce dès lors qu’il a vérifié la réalité de la cessation de communauté de vie.

La notion de cessation de la vie commune, bien que non définie par la loi, n’est pas sans faire écho à la définition de la séparation de fait telle que dégagée par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 30 janvier 1980, la Cour de cassation avait ainsi considéré que la séparation de fait était caractérisée lorsque « la communauté de vie, tant matérielle qu’affective, a cessé entre les conjoints » (Cass. 2e civ. 30 janv. 1980, n°79-12.470).

Ainsi, pour être établie, la cessation de la vie commune supposerait la réunion de deux éléments :

  • Un élément matériel : l’absence de cohabitation
  • Un élément intentionnel : la volonté de rupture

Lors de l’adoption de la loi du 26 mai 2004, le gouvernement avait insisté sur l’importance de faire porter le constat sur le double aspect de la séparation.

Au soutien de cette appréhension de la notion de cessation de la vie commune, il a été fait valoir qu’il fallait écarter le risque que soient introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l’existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu’il a pu y avoir par ailleurs continuation d’une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément.

==>L’élément matériel

L’exigence de cessation de la vie commune suppose pour les époux d’établir qu’ils ne cohabitent plus ensemble.

Pour apprécier la réalité de la séparation, le juge vérifiera en particulier l’absence de cohabitation matérielle

  • L’absence de cohabitation matérielle
    • En l’état de la jurisprudence l’absence de cohabitation doit être matérielle, en ce sens que les époux ne doivent plus vivre sous le même toit.
    • Si dès lors les époux continuent à cohabiter dans le domicile familial, la cessation de la vie commune ne pourra pas être établie
  • L’indifférence de la séparation de fait ou de droit
    • À la différence de l’ancien article 237 du Code civil, l’article 238 ne fait plus référence à la « séparation de fait » des époux.
    • Ainsi, la loi n’impose aucune formalité particulière pour matérialiser le point de départ de cette séparation, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen.
    • Cela signifie qu’il est indifférent que la séparation des époux résulte ou non d’une décision de justice.

==>L’élément intentionnel

Bien que l’absence de cohabitation matérielle soit une condition nécessaire pour établir la cessation de la communauté de vie, elle n’est pas suffisante.

La séparation doit également être affective, en ce sens que les époux doivent être animés de l’intention de ne plus partager une vie commune.

Cet élément intentionnel se déduira le plus souvent, en pratique, du défaut de cohabitation des époux pendant deux ans.

Toutefois, certaines situations d’éloignement, liées à des motifs purement objectifs, tels que professionnels, peuvent être équivoques.

Dans ces hypothèses, s’agissant d’un élément relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, les circonstances de l’espèce, l’attitude des époux ou de celui qui a pris l’initiative de la rupture, seront déterminantes.

Dans un arrêt du 11 juillet 1979, la Cour de cassation a par exemple considéré que si un époux postérieurement à son départ « conservé avec son épouse de bonnes relations, celles-ci n’ont comporte ni cohabitation, ni intimité d’existence et n’ont pas impliqué chez le mari l’intention de vivre autrement que séparé de sa femme ».

Elle en déduit que la séparation de fait était bien caractérisée en l’espèce (Cass. 2e civ. 11 juill. 1979).

B) La durée de la cessation de la communauté de vie

1. Principe

Aux termes de l’article 238 du Code civil « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de l’assignation en divorce. »

Pour être éligible à la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, il est donc nécessaire que la séparation entre les époux ait duré au moins un an.

  • Un délai d’un an
    • Initialement, c’est un délai de trois ans qui avait été envisagé par les parlementaires.
    • Finalement ils ont préféré prévoir un délai de deux ans lors de l’adoption de la loi du 26 mai 2004.
    • Puis ce délai a été ramené à un an par la loi du 23 mars 2019
    • La raison qui justifie la réduction du délai (qui était de 6 ans sous l’empire du droit antérieur à la loi du 26 mai 2004) est qu’un délai trop long limiterait sans doute d’autant l’intérêt de ce cas de divorce et continuerait de donner au divorce pour faute un avantage alors que l’objet du projet de loi est précisément d’en réduire l’audience.
  • Le point de départ du délai
    • Il convient de distinguer selon que le fondement de la demande en divorce est mentionné ou non dans l’acte introductif d’instance
      • Le fondement de la demande en divorce est mentionné dans l’assignation en divorce
        • Dans cette hypothèse, le délai d’un an doit être acquis au jour où la demande en divorce est formulée.
        • L’article 238, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce ».
      • Le fondement de la demande en divorce est mentionné dans l’assignation en divorce
        • L’article 238, al. 2e du Code civil prévoit que « si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce. »
        • Dans le même sens, l’article 1126-1 du Code de procédure civile prévoit « lorsque la demande en divorce est fondée sur l’altération définitive du lien conjugal dans les conditions prévues à l’article 238, alinéa 2, du code civil, la décision statuant sur le principe du divorce ne peut intervenir avant l’expiration du délai d’un an et sous réserve du dernier alinéa de l’article 238 ».
        • Si dès lors, le délai d’un an n’est pas encore écoulé au jour de l’assignation en divorce, il y a lieu de ne pas mentionner le fondement de la demande en divorce étant précisé que, conformément à l’article 251 du Code civil, cette mention n’est pas obligatoire s’agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal.
  • La suspension ou l’interruption du délai
    • La séparation des époux doit avoir été continue pendant au moins deux ans pour que puisse être envisagé le divorce pour altération du lien conjugal.
    • Quid dans l’hypothèse d’une reprise de la vie commune ?
    • A-t-elle pour effet de suspendre le délai de deux ou de l’interrompre
      • En cas de suspension du délai, les époux conserveraient le bénéfice du délai déjà écoulé
      • En cas d’interruption du délai, le délai de deux serait remis à zéro de sorte qu’une nouvelle séparation de deux ans devra être comptabilisée
    • La lecture des travaux parlementaires laisse à penser que, en cas de reprise de la vie commune, il y a interruption du délai.
    • Que doit-on entendre par reprise de la vie commune ?
    • Pour le déterminer, il convient de se référer à l’article 244 du Code civil qui définit la notion de réconciliation en matière de divorce pour faute.
    • Par analogie, cette notion peut sans doute être appliquée au divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • L’article 244 prévoit que « le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants »
  • Office du juge
    • L’article 1126 du Code de procédure civile prévoit que « sous réserve des dispositions de l’article 472, le juge ne peut relever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai d’un an prévu au premier alinéa de l’article 238 du code civil. »
    • Cela signifie que si une partie introduit une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an de cessation de la vie commune ne soit écoulé, il appartient à l’autre partie de le soulever.
    • Le juge ne peut pas le faire d’office, sauf dans les conditions prévues par l’article 472 du CPC.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit des cas où le juge peut statuer sans débat contradictoire, notamment en cas de défaut de comparution d’une partie. Dans ce cadre, le juge pourrait être amené à examiner d’office certains éléments du dossier, y compris le respect du délai d’un an.

2. Exception

==>Cas général

Par dérogation au principe posé à l’alinéa 1er de l’article 238 du Code civil, l’alinéa 3 prévoit que « sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé. »

Ainsi, en cas de concours de la demande en divorce sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal avec un autre cas de divorce, l’exigence d’observation d’un délai d’un an de cessation de la communauté de vie est écartée.

Sous l’empire du droit antérieur, le texte prévoyait que ce délai (deux ans à l’époque) ne pouvait être écarté qu’un cas de concours entre une demande reconventionnelle de divorce pour altération définitive du lien conjugal et une demande principale de divorce pour faute rejetée par le juge.

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a élargi la suppression du délai d’un an aux autres situations de concours.

Il en résulte que l’altération définitive du lien conjugal n’est pas seulement acquise en cas de cessation de la communauté de vie pendant le délai d’un an, elle peut également résulter de l’existence de deux demandes en divorces concurrentes des époux, peu importe qu’il s’agisse de demandes formées à titre principal ou à titre reconventionnel eu peu importe le fondement des demandes.

==>Cas particulier du concours entre une demande en divorce pour altération du lien conjugale et une demande en divorce pour faute

Il peut être observé que lorsque lorsqu’une demande en divorce pour altération du lien conjugale est en concours avec une demande en divorce pour faute, il y a lieu de combiner l’article 238 à l’article 246 du Code civil.

  • Le dispositif de l’article 246
    • Cette disposition prévoit que « si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. »
    • Est ainsi institué un principe de primauté du fondement du divorce pour faute sur le fondement du divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • Dans un arrêt du 16 décembre 2015, la Cour de cassation a précisé que « si une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute et s’il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande pour altération définitive du lien conjugal ; qu’il en va ainsi même si la demande reconventionnelle en divorce pour faute est présentée à titre subsidiaire » (Cass. 1ère civ. 16 déc. 2015, n°14-29.322).
    • Ce n’est donc que si la demande de divorce pour faute est rejetée, que le juge pourra se prononcer sur le divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • Dans cette hypothèse, il devra alors se reporter à l’article 238 du Code civil.
  • Le renvoi au 2e alinéa de l’article 238
    • Lorsque le juge se prononce sur une demande de divorce pour altération du lien conjugal après avoir rejeté une demande de divorce pour faute, il doit se reporter, non pas à l’alinéa 1er de l’article 238, mais à l’alinéa 3
    • Or cet alinéa, dispose que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal NONOBSTANT l’alinéa 1, soit nonobstant :
      • La cessation de la vie commune
      • La durée de séparation d’un
    • L’idée qui a présidé à cette exception est que face à deux demandes tendant au même résultat mais que la faute de l’autre n’est pas prouvée, il apparaît clairement que le lien conjugal ne peut plus être maintenu.
    • Aussi, cette règle a-t-elle vocation à éviter que ne soient prononcés des divorces aux torts partagés qui ne reflètent pas la réalité conjugale et éviter que l’époux contre lequel est demandé le divorce pour faute ne réplique nécessairement sur ce même terrain, envenimant ainsi les procédures.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’articulation des articles 246 et 238 du Code civil (dans leur rédaction antérieure) dans un arrêt du 5 janvier 2012 (Cass.1ère civ. 5 janv. 2012, n°10-16.359).

  • Faits
    • Une épouse a assigné son conjoint en divorce pour faute.
    • Ce dernier réplique en formant une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
  • Procédure
    • Le Tribunal de grande instance de Beauvais déboute l’épouse de sa demande en divorce pour faute par un jugement du 21 décembre 2007.
    • Par un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 1er avril 2009, les juges du fond accèdent à la demande reconventionnelle du mari en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • Au soutien de leur décision, les juges du fond se réfèrent à l’article 238 pris dans son alinéa 2 du Code civil, lequel prévoit que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé, sans qu’il soit besoin que la cessation de la vie commune ait duré deux ans.
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 janvier 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse.
    • La première chambre civile considère « en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde »
    • Ainsi, quand bien même il n’y avait pas eu, en l’espèce, de cessation de vie commune pendant deux ans, dès lors que la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal fait suite à une demande principale en divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée, il appartient au juge d’accéder à la demande formée reconventionnellement et de prononcer le divorce

 

Cass. 1ère civ. 5 janv. 2012

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 1er avril 2009 ), que M. Y… et Mme X… se sont mariés le 19 mai 2001 ; qu’autorisée par ordonnance de non-conciliation du 30 juin 2006, l’épouse a assigné, le 30 octobre 2006, son conjoint en divorce pour faute sur le fondement de l’article 242 du code civil ; que M. Y… a, reconventionnellement, formé une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil ; que par jugement du 21 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Beauvais a notamment rejeté la demande en divorce pour faute de l’épouse et prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de prononcer son divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal sans constater que les époux vivent séparés depuis au moins deux ans lors de l’assignation en divorce ; qu’en l’espèce, par motifs expressément adoptés du premier juge, la cour d’appel s’est bornée à recueillir une déclaration de M. Y… selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans même procéder par elle-même à aucune constatation de nature à établir que les époux étaient séparés depuis plus de deux ans à compter de l’assignation ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéas 1er et 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

2°/ qu’en présence d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le juge ne saurait faire droit à la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, en se fondant sur une simple déclaration du demandeur reconventionnel sans constater par lui-même une séparation significative, en précisant à quel moment a cessé la cohabitation ; qu’en l’espèce, il ressort des mentions du jugement de première instance que les deux époux étaient encore domiciliés, à la date du jugement, soit le 21 décembre 1997, à la même adresse, rue […] à Meru ; qu’à la date à laquelle la cour d’appel a statué, soit le 1er avril 2009, il n’existait même pas de séparation des époux égale à deux ans ; qu’en se bornant à faire état d’une simple déclaration du demandeur reconventionnel selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans constater par elle-même une séparation significative, en précisant à quel moment avait cessé la cohabitation, la cour d’appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéa 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

Mais attendu qu’en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

 

III) Le divorce pour faute

Le divorce pour faute est l’archétype du divorce sanction : il vise à punir l’époux qui a manqué à ses obligations conjugales.

Pendant longtemps, le divorce pour faute était le seul moyen pour les époux de sortir des liens du mariage. Il demeurait néanmoins limité à des causes déterminées.

En 1804, le Code civil limitait ainsi le divorce pour faute à quatre cas :

  • Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme (art. 229 C. civ.)
  • La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune (art. 230 C. civ.)
  • Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre (art. 231 C. civ.)
  • La condamnation de l’un des époux à une peine infamante, sera pour l’autre époux une cause de divorce (art. 232 C. civ.)

Alors que le divorce est interdit en 1816 en raison du principe de l’indissolubilité du mariage, il est réintroduit dans le code civil en 1884, mais uniquement pour faute.

Ce n’est qu’en 1975 que le divorce par consentement mutuel soit réhabilité.

Ainsi le divorce pour faute a-t-il été la seule et unique cause de divorce pendant près d’un siècle.

==>La suppression du divorce pour faute : le sens de l’histoire ?

Si la loi du 11 juillet 1975 a maintenu le divorce pour faute, lors des travaux parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la loi du 26 mai 2004, la question de sa conservation s’est posée.

La raison en est que, bien que la loi de 1975 ait introduit le divorce par consentement mutuel, le divorce pour faute a fait l’objet de graves détournements de procédures, engageant les couples dans de pénibles conflits préjudiciables non seulement aux époux, mais aussi à l’entourage et aux enfants.

En 2001, le député François COLCOMBET avait déjà déposé une proposition de loi visant à supprimer le divorce pour faute.

Plusieurs arguments ont été avancés par ce dernier :

  • Le divorce pour faute mobilise l’énergie des parties et du juge sur la recherche des responsabilités passées, au détriment de l’organisation de l’avenir – en particulier de celui des enfants. Cette recherche effrénée se termine le plus souvent par un match nul par double KO : une demande reconventionnelle est le plus souvent formée et le divorce prononcé aux torts partagés, mais sans faire l’économie des ravages personnels induits par la procédure elle-même.
  • Mensonges, humiliations, rien n’est épargné aux parties. La production de journaux intimes, de correspondances privées, de certificats médicaux, de documents concernant la sexualité des époux ont des effets destructeurs. Il est ensuite bien difficile de reprendre le dialogue indispensable pour exercer correctement en commun l’autorité parentale.
  • Tout l’entourage est sollicité : famille, amis, employés, etc. Le divorce étend ses ravages bien au-delà du couple. Malgré l’interdiction légale de faire témoigner les enfants, ceux-ci sont mêlés au conflit.
  • Les justiciables ont l’illusion que le juge peut faire la lumière sur la réalité de l’intimité du couple – ce qui entraîne un sentiment d’injustice profonde lorsque le juge tranche au vu des éléments nécessairement partiels et partiaux dont il dispose.
  • La loi attache aux torts dans le prononcé du divorce des effets juridiques disproportionnés : dommages et intérêts, perte de prestation compensatoire ou des donations – ce qui incite les époux à poursuivre le combat jusqu’au bout.
  • Comble de l’absurde : il arrive que des procédures de divorce pour faute, mettant fin à des unions de courte durée, s’éternisent plus longtemps que la durée de vie commune. Une procédure avec appel et pourvoi en cassation peut durer de cinq à dix ans. N’oublions pas que les ressources de la procédure sont infinies (avec un coût en conséquence…). Au demeurant, à la fin du procès, le divorce n’est pas forcément prononcé alors que les deux conjoints sont au moins d’accord sur l’échec du mariage.

François Colombet en conclut que, en définitive – et c’est le plus grave -, le divorce pour faute rend pratiquement impossible l’organisation sereine de l’avenir de chacun des conjoints et surtout des enfants.

A l’échec du couple, s’ajoutent des ravages souvent irrémédiables et ce divorce devient ainsi une cause de profond désordre. Cette situation est bien connue des praticiens du droit. Elle a pris, du fait de l’augmentation du nombre de divorces, l’allure d’un véritable fléau social.

Aussi, la suppression du divorce pour faute aurait, selon ce député, pour première conséquence de ne pas envenimer inutilement le climat de la séparation dans l’intérêt des enfants et de consacrer la durée de la procédure à la recherche de la solution la meilleure.

La liquidation pourra se dérouler dans un contexte totalement différent puisqu’elle n’aura pas été précédée par la recherche et la démonstration de fautes vraies ou supposées.

Bien que, audacieuse, cette proposition n’a pas été reprise par le législateur en 2004.

==>Le maintien du divorce pour faute

La loi du 26 mai 2004 a finalement maintenu le divorce pour faute dans une rédaction identique à celle qui figurait déjà dans la loi du 11 juillet 1975.

Ce choix se justifie, selon le rapporteur du projet de loi Patrick Delnatte par le fait que, comme le faisait observer le doyen Carbonnier, « les fautes qui font le divorce dessinent en creux les devoirs qui font le mariage ».

Pour ce député, il est indéniable que, ne serait-ce qu’à titre symbolique, ne plus faire de la violation des devoirs et obligations du mariage un cas de divorce aurait des répercussions sur le sens de l’engagement matrimonial.

En outre, si les causes de la rupture résident souvent dans une mésentente durable entre les époux, il est aussi des divorces dans lesquels c’est bien la faute de l’un des conjoints qui justifie la rupture de l’union.

Comme le notait Mme Irène Théry « si le droit doit veiller à ne pas attiser les conflits, il ne doit pas non plus ériger des modèles de « bon divorce ». La négociation ne vaut pas dans tous les cas, et il est aussi des conflits légitimes que la justice se doit de traiter, et non de disqualifier de façon moralisante ».

Ainsi en est-il particulièrement des cas de violences conjugales : réalisée en 2000, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes a montré que, parmi les diverses violences subies, les violences conjugales sont les plus fréquentes, puisqu’elles concernent environ une femme sur dix.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en 2001 n’avait d’ailleurs pas totalement écarté la prise en compte de la faute dans les procédures de divorce, puisqu’elle permettait au juge de constater dans le jugement de divorce, à la demande d’un conjoint, que des faits d’une particulière gravité, telles que des violences physiques ou morales, commis durant le mariage, pouvaient être imputés à son conjoint et qu’elle lui permettait par ailleurs de statuer sur l’action en dommages-intérêts exercée sur le fondement de l’article 1382 du code civil par l’une des parties.

Enfin, alors que près de 38 % des divorces demeurent prononcés sur le fondement de la faute et que près de 42 % d’entre eux le sont aux torts exclusifs de l’un des époux, on peut se demander s’il n’est pas inutilement risqué de supprimer ce cas de divorce et s’il n’est pas à craindre que les époux, privés la possibilité de plaider les griefs, ne fassent de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ou, plus grave, de l’organisation de la garde des enfants, le nouvel exutoire à leur conflit conjugal.

Si, en 2004, le législateur a entendu maintenir le divorce pour faute, il s’est s’efforcé toutefois, dans un souci de pacification des procédures, d’en réduire l’audience en aménageant les autres cas de divorce, afin que les couples ne se reportent plus sur celui-ci à défaut de pouvoir obtenir le divorce sur un autre fondement.

Le siège du divorce pour faute réside à l’article 242 du Code civil qui « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Il ressort de cette disposition que pour être prononcé sur le fondement de la faute, le demandeur doit établir l’existence d’une faute, laquelle faute doit posséder un certain nombre de caractère.

Par ailleurs, la faute ne doit pas être neutralisée, soit par une réconciliation, soit par des torts partagés

A) Les éléments constitutifs de la faute

En droit commun, la faute est définie comme « un manquement à une obligation préexistante ».

Ainsi, la faute s’apparente-t-elle, à une erreur de conduite, une défaillance. Selon cette approche, le comportement de l’agent est fautif :

  • soit parce qu’il a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
  • soit parce qu’il n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire.

À l’examen, la définition de la faute énoncée à l’article 242 du Code civil n’est pas très éloignée de celle admise du droit commun.

Selon cette disposition, la faute consiste en « des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».

Le texte précise que ces faits doivent être « imputables » à l’époux fautif.

Il ressort de cette définition de la faute qu’elle est constituée de trois éléments :

  • Un élément légal
  • Un élément matériel
  • Un élément moral

==>L’élément légal

Pour être fautif, encore faut-il que le comportement que l’on reproche à l’époux assigné en divorce consiste en un fait illicite.

L’article 242 prévoit que ce fait illicite doit consister en un manquement aux « devoirs et obligations du mariage ».

Pour déterminer si la faute commise par un époux est susceptible de fonder une demande en divorce pour faute, il convient d’identifier l’obligation ou le devoir qui a été violé.

Au nombre des devoirs et obligations qui doivent être observés par les époux figurent notamment :

  • L’obligation de vie commune (art. 215 al. 1 C. civ.)
  • Le devoir de respect (art. 212 C. civ.)
  • Le devoir de fidélité (art. 212 C. civ.)
  • Le devoir de secours (art. 212 C. civ.)
  • Le devoir d’assistance (art. 212 C. civ.)
  • Le devoir conjugal (art. 215, al. 1 C .civ.)
  • L’obligation de contribuer aux charges du mariage (art. 214 C. civ.)

==>L’élément matériel

Pour obtenir réparation du préjudice subi, cela suppose, pour la victime, de démontrer en quoi le comportement de l’auteur du dommage est répréhensible.

Aussi, ce comportement peut-il consister :

  • Soit en un acte positif : le défendeur a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
  • Soit en un acte négatif : le défendeur n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire

La question s’est alors posée de savoir à quel moment devait intervenir la faute pour fonder une demande en divorce.

Trois hypothèses peuvent être envisagées :

  • La faute est commise avant le mariage
    • Dans cette situation, la faute n’est pas une cause de divorce, pour la raison simple que, par définition, aucun devoir, ni aucune obligation du mariage ne peut avoir été violé
    • Cependant, des faits illicites commis antérieurement au mariage peuvent avoir été dissimulés par un époux à l’autre, telle une condamnation pénale
    • Dans cette hypothèse, l’époux victime de cette dissimulation pourra se prévaloir d’une erreur sur les qualités essentielles de son conjoint et solliciter, sur le fondement du vice du consentement, la nullité du mariage
  • La faute est commise au cours du mariage
    • C’est, par nature, le terrain d’élection de la faute visée à l’article 242 du Code civil
    • La faute ne peut être une cause de divorce, qu’à la condition exclusive qu’elle ait été commise au cours du mariage
  • La faute est commise au cours de la procédure de divorce
    • Cette situation est plus problématique, car en pareille hypothèse, la rupture est d’ores et déjà consommée
    • Il est de fortes chances que les époux ne cohabitent plus, ce qui en soi constitue une violation de l’obligation de communauté de vie, sauf à ce qu’une séparation de corps ait été prononcée.
    • Aussi, la question s’est posée de savoir si un manquement aux devoirs et obligations du mariage au cours de la procédure du divorce pouvait justifier que celui-ci soit prononcé aux torts exclusifs de l’époux fautif
    • En particulier, quid du non-respect de l’obligation de fidélité ?
    • De toute évidence, ni la requête initiale en divorce, ni l’ordonnance de non-conciliation ne confère aux époux une immunité.
    • Dans un arrêt du 5 mars 2008, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « l’introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués » (Cass. 1ère civ. 5 mars 2008).
    • Tant que le divorce n’est pas prononcé, les époux sont encore mariés et doivent, à ce titre, observer les devoirs et obligation qui découlent du mariage.
    • Cette règle est toutefois tempérée par les juridictions, notamment en ce qu’elles considèrent généralement que, lorsqu’une faute a été commise au cours de la procédure de divorce, elle ne satisfait plus l’exigence de gravité exigée à l’article 242 du Code civil.
    • Or sans cette gravité, la faute ne constitue pas une cause de divorce
    • Les juges seront, en particulier, relativement indulgents quant à la violation de l’obligation de fidélité, ne serait-ce que parce que les procédures de divorce sont particulièrement longues.
    • Dans un arrêt du 29 avril 1994, la Cour de cassation a ainsi considéré que « le constat d’adultère établi plus de 2 années après l’ordonnance ayant autorisé les époux à résider séparément et alors que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, ne saurait constituer une violation grave des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune » (Cass. 2e civ., 29 avr. 1994).

==>L’élément moral

L’article 242 du Code civil prévoit que pour être constitutif d’une faute, le manquement aux devoirs et obligations du mariage doit être imputable à l’époux fautif.

L’imputabilité implique que l’époux contre qui la faute est invoquée soit doué de discernement.

Autrement dit, il doit avoir conscience de ses actes, soit être capable de savoir s’il a manqué aux devoirs et obligations nés du mariage.

Pour que la faute soit caractérisée, il n’est toutefois pas nécessaire d’établir l’intention de nuire de l’époux.

Il est seulement nécessaire de démontrer que celui-ci n’était pas privé de sa faculté de discernement lorsque la faute a été commise.

B) Les caractères de la faute

La faute doit présenter deux caractères pour constituer une cause de divorce :

  • D’une part, elle doit être grave ou renouvelée
  • D’autre part, elle doit rendre intolérable le maintien de la vie commune

==>Une violation grave et renouvelée

L’article 242 du Code civil exige que la faute présente

  • Soit un certain degré de gravité
  • Soit une certaine répétition

Autrement dit, la simple faute isolée, ne saurait suffire à justifier une demande en divorce pour faute. Il est nécessaire que les circonstances qui entourent la faute soient caractérisées.

Dans un arrêt du 18 mai 2011, la Cour de cassation a rappelé que les caractères de gravité et de répétition, sont, aux termes de l’article 242, alternatifs (Cass. 1ère civ., 18 mai 2011)

==>Une violation rendant intolérable le maintien de la vie commune

L’époux en demande doit démontrer que l’atteinte dont il est victime fait obstacle à la poursuite de la vie commune.

La faute doit ainsi être tellement grave, qu’elle justifie la dissolution du mariage.

Toute la difficulté sera alors de déterminer, pour le juge, à partir de quand une faute rend intolérable le maintien de la vie commune.

Il ressort d’un arrêt du 30 novembre 2000 que la Cour de cassation admet que les juges du fond puissent déduire la satisfaction de cette exigence de la gravité de la faute dont se prévaut le demandeur (Cass. 2e civ. 30 nov. 2000, n°99-12.458).

 

Cass. 2e civ. 30 nov. 2000

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt attaqué (Lyon, 18 février 1997) d’avoir prononcé le divorce des époux Y…-X… à ses torts exclusifs, alors, selon le moyen :

1° que les juges du fond ne peuvent rejeter la demande en divorce dont ils sont saisis sans examiner tous les griefs qui leur sont soumis par le demandeur ; qu’en statuant ainsi pour rejeter la demande en divorce de Mme X… par des motifs qui ne s’expliquent pas sur le grief relatif au fait, pour son mari, de l’avoir chassée du domicile conjugal après y avoir installé contre son gré sa belle-fille, la cour d’appel a violé les articles 242 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2° que le divorce ne peut être demandé par un époux pour des faits imputables à l’autre qu’à la double condition que ces faits constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué, qui prononce le divorce aux torts de l’épouse en raison de son abandon du domicile conjugal sans avoir constaté que l’une et l’autre de ces conditions se trouvaient remplies, n’a pas donné de base légale à cette décision, au regard de l’article 242 du Code civil ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des preuves que la cour d’appel énonce, par motifs propres et adoptés, que le comportement de M. Y… à l’égard de son épouse ne justifiait pas la décision de celle-ci de quitter le domicile conjugal et que ce départ constituait ainsi une faute de sa part ;

Et attendu qu’en retenant, par motifs adoptés, que les faits imputés à l’épouse constituaient des causes de divorce au sens de l’article 242 du Code civil, ce dont il résultait que la double condition exigée par ce texte était constatée, la cour d’appel a, par une motivation suffisante, justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

 

C) La neutralisation de la faute

La faute commise par un époux qui pourrait, en soi, constituer un motif de divorce est susceptible d’être neutralisée par deux choses :

  • La réconciliation des époux
  • La faute de l’autre époux

1. La réconciliation

Aux termes de l’article 244 du Code civil « la réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce. »

La réconciliation constitue ainsi une fin de non-recevoir.

==>Une fin de non-recevoir

En procédure, une fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer irrecevable une action en justice, sans examen au fond de la demande.

La fin de non-recevoir peut être invoquée en tout état de cause, soit à n’importe quel moment de l’instance, à la différence de l’exception de procédure qui doit être soulevée in limine litis.

Dans l’hypothèse où la réconciliation intervenue entre les époux est admise par le juge, le divorce ne pourra pas être prononcé, car elle met un terme à l’instance.

L’époux à l’origine de l’instance devra alors introduire une nouvelle demande en divorce.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir en quoi consiste la réconciliation ?

==>Principe

La définition de la réconciliation se déduit d’une lecture a contrario de l’article 244, al. 3 du Code civil :

Cette disposition prévoit que « le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants »

Aussi, la réconciliation suppose-t-elle la réunion de deux éléments cumulatifs :

  • La reprise de la vie commune
  • La volonté de l’époux offensé de pardonner, en pleine connaissance de cause, les griefs qu’il peut avoir contre son conjoint

Il en résulte qu’une brève reprise de la vie commune ou une simple cohabitation des époux ne s’apparentera pas à une réconciliation.

Pour qu’il y ait réconciliation il est donc nécessaire qu’il y ait :

  • une réciprocité de volonté de ne plus tenir compte des griefs antérieurs et connus
  • une volonté d’oubli en même temps que l’intention de reprendre la vie commune.

==>Exception

Si la réconciliation est, par principe, constitutive d’une fin de non-recevoir, l’article 244, al. 2 prévoit que « une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande. »

Autrement dit, la réconciliation n’efface pas les griefs qu’un époux peut avoir contre son conjoint.

Aussi, en cas de réitération ou de découverte de faits nouveaux, l’époux victime peut convoquer les faits antérieurs à la réconciliation aux fins de justifier sa demande en divorce pour faute.

Dans un arrêt du 11 février 2009, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « saisi d’une demande en divorce formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation des époux, le juge doit examiner l’ensemble des griefs allégués, antérieurs et postérieurs à celle-ci » (Cass. 1ère civ. 11 févr. 2009, n°08-14.955).

2. Les torts partagés

==>Principe

Aux termes de l’article 245, al. 1er du Code civil « les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ».

Il s’agit de la situation classique de l’époux qui s’oppose au divorce et contre-attaque en faisant valoir les torts de son conjoint pour tenter d’atténuer ou de justifier les siens.

Quelle que soit la cause de divorce invoquée, la faute invoquée contre un époux au soutien d’une demande en divorce peut se trouver fortement atténuée, voire complètement excusée par l’existence de torts à la charge de l’époux demandeur.

Dès lors, aucune faute ne saurait être retenue contre l’époux qui certes a bien commis une faute, mais qui oppose à son conjoint une autre faute.

La faute du demandeur vient en quelque sorte neutraliser, excuser, la faute du défendeur.

Il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir comme c’est le cas de la réconciliation, mais d’un argument de défense au fond.

Quel est l’enjeu de la distinction ?

Le divorce pourra, malgré tout, être prononcé, alors que s’agissant d’une fin de non-recevoir, elle met un terme à l’instance.

Lorsqu’il existe une réciprocité des torts, cela conduira le juge à prononcer le divorce aux torts partagé conformément à l’article 245, al. 2 du Code civil.

Dans un arrêt du 31 mai 2005, la Cour de cassation a validé la décision rendue par une Cour d’appel, estimant « qu’en prononçant le divorce aux torts partagés, les juges du fond ont nécessairement estimé que les faits retenus à la charge de l’un des conjoints ne se trouvaient pas dépouillés de leur caractère fautif par le comportement de l’autre » (Cass. 1ère civ., 31 mai 2005, n°04-11.373).

==>Procédure

Le prononcé du divorce aux torts partagés peut résulter de deux voies procédurales distinctes :

  • En présence d’une demande reconventionnelle
    • L’article 245, al. 2 prévoit que les fautes opposées à l’époux qui demande un divorce pour faute « peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande reconventionnelle en divorce. »
    • Le juge sera ainsi tenu d’examiner la demande reconventionnelle
    • Il disposera alors de trois options :
      • Soit il prononcera le divorce aux torts partagés
      • Soit il prononcera le divorce aux torts exclusifs de l’un ou l’autre époux
  • En l’absence de demande reconventionnelle
    • Nouveauté de la loi du 11 juillet 1975, l’article 245, al. 3 prévoit que « même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre. »
    • Si dès lors les débats révèlent l’existence d’une faute imputable à l’auteur de la demande principale, le juge pourra prononcer le divorce aux torts partagés, alors même qu’aucune reconventionnelle n’a été formulée
    • Il s’agit cependant d’une simple faculté pour le juge
    • La seule limite de son pouvoir résidera dans l’impossibilité pour lui de prononcer le divorce aux torts exclusifs du demandeur
    • La Cour de cassation rappelle, par ailleurs, régulièrement que « les juges qui se proposent de prononcer le divorce aux torts partagés des époux sur la seule demande de l’un d’eux doivent inviter les parties à présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles d’un tel divorce » (Cass. 2e civ. 12 déc. 2002).

 

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